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Dossier : 2004-541(IT)G

ENTRE :

TRANSPORT BAIE-COMEAU INC.,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

_____________________________________________________________

Appel entendu le 29 août 2005, à Baie-Comeau (Québec).

Devant : L'honorable juge Alain Tardif

Comparutions :

Avocat de l'appelante :

Me Jean Nadeau

Avocate de l'intimée :

Me Nadine Dupuis

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JUGEMENT

          L'appel des cotisations établies en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu pour les années d'imposition 1999 et 2000 est admis avec dépens en faveur de l'appelante et l'affaire est déférée au ministre du Revenu national pour nouvel examen et nouvelles cotisations en prenant pour acquis que l'allocation de trois et quatre cents le kilomètre que l'appelante a versée à ses chauffeurs de camion est une allocation d'hébergement, selon les motifs du jugement ci-joints.

Signé à Ottawa, Canada, ce 6e jour d'avril 2006.

« Alain Tardif »    

Juge Tardif


Référence : 2006CCI108

Date : 20060406

Dossier : 2004-541(IT)G

ENTRE :

TRANSPORT BAIE-COMEAU INC.,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

MOTIFS DU JUGEMENT

Le juge Tardif

[1]      Il s'agit d'un appel relatif aux années d'imposition 1999 et 2000. La question en litige consiste à déterminer si les dépenses de 103 632,63 $ en 1999 et de 121 395,14 $ en 2000 réclamées au titre d'allocation d'hébergement constituent ou non des montants versés pour hébergement.

[2]      Les cotisations dont il est fait appel ont été établies à la suite d'un changement administratif mis en place, dont un des volets importants concernait la façon de rémunérer certains chauffeurs de camions, soit ceux responsables du transport sur des distances moyennes et longues.

[3]      Dans un premier temps, c'est-à-dire jusqu'au milieu de l'année 1999, les chauffeurs de l'appelante étaient rémunérés selon une formule horaire. Les frais tels que ceux pour les repas et les couchers étaient remboursés sur présentation de factures. Les remboursements portaient alors principalement sur les repas.

[4]      En 1999, à la suite d'un resserrement de la réglementation en matière de transport dans le but d'imposer un meilleur contrôle pour améliorer la sécurité routière, l'appelante, de concert avec les représentants des employés, a initié différentes mesures, d'une part pour pouvoir présenter le meilleur dossier possible aux autorités en cette matière et, d'autre part, pour réduire les prohibitifs coûts de gestion nécessaires pour les remboursements des dépenses aux chauffeurs de camion.

[5]      Ainsi, en plus d'apporter certains correctifs relatifs à la mécanique des camions, en particulier relativement aux freins et à la vitesse de conduite, l'appelante, après consultation et négociation avec ses chauffeurs, a abandonné la formule de rémunération à l'heure et a retenu celle de la rémunération selon le nombre de kilomètres parcourus.

[6]      En même temps, il fut décidé et accepté par les chauffeurs que l'appelante ne rembourserait plus les frais de repas et de logement. Au lieu de l'ancien système, l'appelante a commencé à payer une allocation de logement de quatre cents le kilomètre pour ceux qui effectuaient les longs trajets et de trois cents, pour les trajets à moyenne distance.

[7]      À compter de la mise en vigueur du nouveau mode de paiement, les chauffeurs, outre leur rémunération calculée selon les kilomètres parcourus, ne recevaient que ce quatre cents le kilomètre à titre d'allocation de logement; dès lors, l'appelante a cessé de rembourser les frais engagés par les chauffeurs pour les repas, les chambres d'hôtel, les douches et ainsi de suite.

[8]      Les prétentions de l'intimée sont qu'il s'agit là d'une description inadéquate, voire mensongère, dont le seul but était d'éviter que l'allocation soit décrite comme allocation de repas, dont le traitement fiscal est moins avantageux.

[9]      De son côté, l'appelante a affirmé avoir mis en place la nouvelle façon de faire essentiellement pour simplifier la gestion et réduire les coûts excessifs de vérification et de contrôle de l'ancienne façon de faire, à savoir le remboursement sur présentation de pièces justificatives.

[10]     L'appelante a aussi expliqué avoir consulté les chauffeurs et en être arrivée à cette conclusion avec leur assentiment dans le but de leur donner de meilleures conditions de travail en leur permettant de se coucher et de profiter d'un sommeil réparateur, essentiel en matière de sécurité routière.

[11]     La preuve a été constituée du témoignage de plusieurs chauffeurs, soit celui de messieurs Yvan Bouchard, Nelson Ouellet et Jocelyn Barrière pour la partie appelante, et de deux ex-chauffeurs de l'appelante, messieurs Yvan Aubert et Sylvain Couturier, pour l'intimée. Tous étaient ou avaient été des chauffeurs pour des distances longues et avaient généralement conduit des camions dotés d'une couchette.

[12]     Tous ont reconnu qu'avant 1999, le coût de leurs repas leur était remboursé sur présentation de pièces justificatives. À l'exception d'un chauffeur, ceux qui ont témoigné ont indiqué avoir utilisé une glacière pour le transport de leur nourriture : les repas au restaurant étaient l'exception, la règle étant de manger la nourriture qu'ils transportaient dans leur glacière.

[13]     Les trois chauffeurs ayant témoigné à la demande de l'appelante ont tous indiqué que leur camion, doté d'une couchette, était peu, voire pas confortable; selon eux, il s'agissait d'un endroit peu confortable du fait que l'espace était très limité d'où ils l'utilisaient essentiellement comme dépanneur pour de très courtes périodes.

[14]     Messieurs Aubert et Couturier quant à eux, ont soutenu que les couchers des chauffeurs se faisaient principalement dans les couchettes en question, les nuits dans les motels ou hôtels étant selon eux l'exception, lors de pannes, par exemple. L'un d'eux a cependant indiqué qu'il couchait à Québec à une époque où son amie y demeurait.

[15]     De son côté, l'intimée a fait témoigner monsieur Daniel Riverain, le responsable de la vérification du dossier de l'appelant. Lors de sa vérification, il a constaté que l'appelante remboursait les frais de repas des chauffeurs voyageant de longues et moyennes distances avant la venue de divers changements précédemment décrits.

[16]     Les dépenses pour les repas étaient remboursées sur production de pièces justificatives. Selon monsieur Riverain, les frais d'hôtel ou de motel étaient également remboursés sur production de pièces justificatives.

[17]     Ayant constaté que les remboursements relatifs aux nuits à l'hôtel étaient peu fréquents, il a conclu que l'allocation versée aux chauffeurs à titre d'allocation de logement était en fait une allocation de repas déguisée en allocation de logement parce qu'une telle allocation bénéficiait d'un traitement fiscal plus généreux, son interprétation étant à la base de la cotisation à l'origine de l'appel.

[18]     L'appelante, de son côté, a soutenu qu'il s'agissait principalement d'une allocation de logement utilisée par les chauffeurs pour le logement, ceux-ci contrôlant seuls la façon de la dépenser.

[19]     Les deux ex-chauffeurs de l'appelante qui ont témoigné à la demande de l'intimée ont affirmé qu'ils utilisaient l'allocation versée par l'appelante dans le cadre de l'exécution de leur travail. L'un d'eux a indiqué qu'il utilisait l'allocation notamment pour prendre des douches, dont le coût variait selon les endroits, allant de gratuit à 10 $.

[20]     Les questions qui se posent sont les suivantes :

·         Que signifie une allocation de logement?

·         À quelles dépenses s'applique une allocation de logement?

·         Le montant de l'allocation de logement doit-il être raisonnable?

·         Est-il essentiel que l'allocation soit dépensée à une fin précise? Le bénéficiaire d'une allocation de logement peut-il en disposer comme bon lui semble?

·         Existe-t-il des critères pour allouer une allocation de logement?

[21]     D'entrée de jeu, je crois que le montant de l'allocation, soit trois et quatre cents le kilomètre, n'est pas exagéré; bien plus, il est tout à fait raisonnable.

[22]     La raisonnabilité ressort d'une façon assez éloquente de l'exemple concret suivant :

                « Un chauffeur de camion conduisant son véhicule à 100 kilomètres/heure sur une période de 12 heures a droit à une allocation de 48,00 $ pour avoir franchi 1 200 kilomètres. Dans l'hypothèse d'un parcours de 800 kilomètres justifiée par un multiple d'aléa, il aurait droit à 32 $. »

Comme les chauffeurs n'avaient droit à aucun autre remboursement pour leurs dépenses, le montant de 48 $ était, suivant l'entente, la seule allocation payée dans le cadre de leur travail à titre de chauffeur.

[23]     Mon premier réflexe a été de vérifier ce qu'il fallait entendre par « allocation de logement » . En d'autres termes, est-ce qu'une allocation de logement vise exclusivement les frais de location de chambre dans un hôtel ou un motel?

[24]     Malheureusement, le terme « allocation de logement » n'est pas clairement défini, ni dans la loi, ni dans la jurisprudence. Nous devons donc consulter différents dictionnaires pour obtenir une première indication de ce qu'est une allocation de logement.

[25]     Étant donné que la question en litige est de déterminer si l'allocation peut servir aux repas, au logement ou aux deux, il est nécessaire de se demander si nous devons, de prime abord, faire une distinction entre une allocation de logement et une allocation de repas.

[26]     Le Grand dictionnaire terminologique de l'Office québécois de la langue française[1] indique, dans son édition en ligne, que le terme « allocation de repas » équivaut à « allowance for board » et que le terme « allocation d'hébergement » , synonyme d' « allocation de logement » , se traduit par « allowance for room » .

[27]     Le Petit Robert[2], quant à lui, définit le terme « hébergement » comme l'action de loger. Dans Words and Phrases - Legal Maxims[3], on indique que les termes « board and lodging » signifient « food and shelter » respectivement.

[28]     À la lumière des ouvrages consultés, le terme « logement » vise et concerne essentiellement le fait d'être logé ou de se loger, excluant ainsi toute la question des repas.

[29]     Quant au terme « allocation » , la jurisprudence, notamment dans l'affaire Gagnon c. La Reine, [1986] 1 R.C.S. 264, énumère les critères permettant de la définir. Ces critères sont les suivants :

·         La somme doit être limitée et déterminée à l'avance.

·         La somme doit être versée afin de permettre à celui qui la reçoit de faire face à un certain type de dépenses.

·         Cette somme doit être à l'entière disposition de celui qui la touche sans qu'il ait de comptes à rendre à personne.

[30]     Outre ces différents éléments permettant de définir la portée ou l'étendue d'une allocation de logement, il m'apparaît important de rappeler qu'il existe plusieurs types d'allocations. Cette variété offre ainsi la possibilité de préciser ou nuancer la nature de l'allocation. En d'autres termes, le vocabulaire existant permet une description très précise et ne laissant aucune équivoque quant à son contenu, et cela, à partir du sens courant. Il devient donc téméraire, ou certainement très audacieux, de prétendre qu'une allocation regroupe plusieurs dépenses étant donné qu'il existe en principe une allocation pour chaque genre de dépense possible dans le cadre de l'exécution d'un travail.

[31]     Pour illustrer cette réalité, je réfère à certains jugements identifiant différents types d'allocations. Ainsi, il y aura une allocation pour les repas, une pour les frais d'essence et une pour les frais d'hébergement[4]. Dans d'autres causes, il y aura une allocation pour le transport ( « travel » ), l'hébergement ( « room » ) et les repas ( « board » )[5].

[32]     Une analyse similaire est effectuée dans Caron c. La Reine, no 96-3687(IT)I, 27 novembre 1997, [1998] 3 C.T.C. 2720 (C.C.I.). Dans cette affaire, un employé recevait une allocation pour le transport, mais aucune pour les repas ou pour le logement. Il a donc demandé une déduction pour les repas et le logement.

[33]     En effectuant une distinction entre les frais de transport, de repas et de logement, le juge dira, au paragraphe 27 : « Les frais de logement ne sont pas définis comme tels dans la Loi sinon par le truchement de la définition de « frais de déplacement » prévue à l'alinéa 8(1)h) et qui exclut les frais afférents à un véhicule-moteur » .

[34]     Après avoir refusé les frais de repas, le juge Tremblay acceptera ceux pour le logement en citant, au paragraphe 31, l'affaire John-Mansville Inc. c. Sa Majesté La Reine, [1985] 2 R.C.S. 46, le juge Estey à la page 67 affirmait ce qui suit :

D'autre part, si l'interprétation d'une loi fiscale n'est pas claire et qu'une interprétation raisonnable entraîne une déduction au profit du contribuable alors qu'une autre interprétation laisse le contribuable sans allégement pour les dépenses réelles faites dans le cours de ses opérations commerciales, selon les règles générales d'interprétation des lois fiscales, le tribunal devrait choisir la première interprétation.

[35]     À la lumière de toutes ces indications, il appert que l'allocation pour logement est très précise et n'inclut pas les repas ou les autres dépenses.

[36]     Enfin, dans une note de service de l'Agence des douanes et du revenu du Canada ( « l'ADRC » ) de 1998 (no 9802137) publiée dans Tax Window Files de mai 1998, l'Agence indique :

Comme vous l'avez signalé, nous avons déjà indiqué que le caractère raisonnable d'une allocation est une question de fait. Le montant de l'allocation doit dépendre des frais réels qu'une personne est susceptible d'engager relativement à la dépense pour laquelle l'allocation est accordée plutôt que de dépendre d'autres facteurs, par exemple le montant du salaire.

À notre avis, si toutes les exigences du sous-alinéa 6(6)a)(i) sont en fait réunies, une allocation fondée sur une estimation des frais de pension et de logement dans la région avoisinante sera considérée comme raisonnable et ne sera donc pas imposable, indépendamment du montant réel déboursé par l'employé.

[37]     À cet égard, tous ont affirmé ne pas profiter ou tirer avantage de cette allocation. Daniel Riverain a constaté que des frais d'hôtel ou de motel avaient été remboursés. Constatant que de tels débours étaient moins fréquents que les frais de repas, il a totalement occulté le volet hébergement pour conclure qu'il s'agissait essentiellement d'une allocation de repas, en ajoutant que l'appelante avait tendance à prendre des raccourcis en matière de fiscalité.

[38]     La preuve soumise par l'intimée repose essentiellement sur une interprétation d'une façon de faire existant avec la venue des nombreux changements. Certes, l'appelante aurait pu faire témoigner tous ses chauffeurs pour les distances longues et leur demander comment était utilisée l'allocation de logement qui leur était versée par opposition au montant déboursé ou utilisé pour les repas, reproche soulevé par l'intimée.

[39]     À défaut de pièces justificatives fiables tels les reçus officiels, l'exercice n'aurait sans doute pas permis de résultat concluant.

[40]     De son côté, l'intimée aurait pu établir quels étaient les frais de repas et de logement et quelle était la proportion de chacun. Encore là, une telle donnée aurait été plus ou moins fiable, puisque la façon de faire de l'entreprise a complètement changé.

[41]     Sachant que les frais de repas étaient remboursés sur présentation de factures, il est évident que les chauffeurs en profitaient plutôt que de manger des sandwiches et des repas surgelés qu'ils pouvaient emmener avec eux dans leur glacière.

[42]     En d'autres termes, l'être humain a tendance à profiter de ce qui est gratuit. Ainsi, à partir du moment où le coût des repas a cessé d'être remboursé, les chauffeurs, ont, de toute évidence, eu recours à la glacière. Cette façon de faire était avantageuse tant financièrement que pour économiser du temps, d'autant plus qu'ils étaient, à la suite des changements, rémunérés au kilomètre parcouru et, non plus, selon la formule du salaire horaire.

[43]     Pour disposer de l'appel, je dois prendre en considération les faits existant lors de la période visée par la cotisation. Ce qui a pu se faire avant n'est pas un élément déterminant d'autant plus que certains changements ont pu avoir des effets sur plusieurs facettes. Or, ces faits sont que la formule de remboursement des dépenses a été modifiée en profondeur par la création d'une formule « allocation » pour remplacer la formule « remboursement sur production de pièces justificatives » .

[44]     Une autre réalité incontournable est que les chauffeurs concernés par l'allocation étaient ceux responsables du transport sur de longues et moyennes distances. La preuve a établi que les camions utilisés pour ce genre de transport étaient munis de couchettes de dimension restreinte offrant peu ou pas de confort.

[45]     La durée et la distance des trajets parcourus pour avoir droit à l'allocation étaient telles qu'il n'y a aucun doute que les chauffeurs devaient absolument coucher à l'extérieur de l'endroit où ils résidaient, soit les environs de Baie-Comeau.

[46]     Comme les chauffeurs étaient forcés ou obligés de coucher à l'extérieur, il est tout aussi évident qu'ils devaient prendre des repas à l'extérieur. S'agissait-il de repas surgelés ou préparés à partir de la nourriture transportée dans une glacière ou de repas pris dans les restaurants? La seule certitude est que les chauffeurs concernés devaient manger et dormir ailleurs que chez eux.

[47]     Couchaient-ils toujours, peu, ou pas du tout dans la couchette dont étaient munis les camions qu'ils conduisaient? Il est important de rappeler que la question concerne une allocation et que, par définition, une allocation est un montant défini à l'avance mis à la disposition du bénéficiaire sans qu'il ait l'obligation de rendre compte.

[48]     Le législateur a prévu qu'une entreprise pouvait accorder, selon certaines modalités, une allocation à ses employés, le tout, évidemment, dans le but de simplifier ou de faciliter la gestion des débours assumés par lesdits employés dans le cadre de leurs fonctions.

[49]     Dans le cas d'abus manifestes, ces allocations peuvent être mises en question par l'ADRC et le sont effectivement, avec raison. En l'espèce, je ne crois pas qu'il y ait eu d'abus ou même d'exagération. L'hypothèse ou l'exemple dont il a été question dans les pages précédentes a démontré qu'il s'agissait d'une allocation tout à fait raisonnable.

[50]     Certes une allocation de logement ne peut englober ou inclure le coût des repas, et cela, tant en raison du sens courant qu'en raison de la définition donnée dans les différents dictionnaires. De plus, il existe plusieurs types d'allocation permettant ainsi aux intéressés d'avoir recours à une qualification correspondant à la réalité factuelle.

[51]     Par contre, par définition, une allocation est un montant sur lequel le bénéficiaire dispose d'une discrétion en ce qu'il n'a pas de compte à rendre. Le législateur a prévu spécifiquement deux types d'allocations qui s'appliquent à deux genres de dépenses, évitant ainsi toute confusion.

[52]     En l'espèce, l'appelante avait le fardeau de la preuve. Dans le cadre des nombreux et importants changements mis en place pour une meilleure gestion, elle a notamment attribué une allocation de logement à certains de ses chauffeurs.

[53]     Le tribunal n'a aucune raison de ne pas retenir les explications justifiant l'allocation litigieuse. Les anciennes pratiques quant à la façon de faire avant la venue des changements ne sont pas un élément déterminant; toute personne peut apporter en tout temps des changements quant à sa façon de gérer son entreprise.

[54]     La prépondérance de la preuve est à l'effet que l'appelante a effectué des changements tout à fait légitimes. Les chauffeurs ont alors cessé d'avoir droit au remboursement de leur dépenses de repas sur production de facture, l'appelante ayant décidé, avec leur assentiment, de leur verser une allocation de logement tout à fait justifiée et justifiable eu égard aux circonstances. Conséquemment à cette réalité, les chauffeurs ayant droit à l'allocation disposaient d'une relative liberté quant à la façon de le dépenser et n'avait aucune pièce justificative à produire. Le fait que certains chauffeurs mangeaient à l'occasion ou même en tout temps au restaurant n'a rien à voir. Il s'agit là de dépenses non remboursées faites au moyen de leurs propres devises.

[55]     Il n'est pas important de savoir si l'argent utilisé pour les repas vient de l'allocation d'hébergement ou de leur salaire gagné à raison de tant du kilomètre parcouru ou même de leurs économies. Un des buts de l'allocation est justement de ne pas avoir à rendre compte.

[56]     En conséquence, je conclus que l'allocation versée par l'appelante à certaines catégories de ses chauffeurs de camion rencontrait les exigences pour être qualifiée d'allocation d'hébergement.

[57]     L'appel est donc admis avec dépens en faveur de l'appelante; les cotisations du 23 avril 2002 sont annulées et le dossier sera déféré au ministre du Revenu national pour nouvel examen et nouvelles cotisations en prenant pour acquis que l'allocation de trois et quatre cents le kilomètre constitue des montants versés à titre d'allocation d'hébergement.

Signé à Ottawa, Canada, ce 6e jour d'avril 2006

« Alain Tardif »

Juge Tardif


RÉFÉRENCE :                                   2006CCI108

N º DU DOSSIER DE LA COUR :       2004-541(IT)G

INTITULÉ DE LA CAUSE :               Transport Baie-Comeau Inc.

                                                          c. Sa Majesté la Reine

LIEU DE L'AUDIENCE :                    Baie-Comeau (Québec)

DATE DE L'AUDIENCE :                  le 29 août 2005

MOTIFS DU JUGEMENT PAR :        L'honorable juge Alain Tardif

DATE DU JUGEMENT :                    le 6 avril 2006

COMPARUTIONS :

Avocat de l'appelante :

Me Jean Nadeau

Avocate de l'intimée :

Me Nadine Dupuis

AVOCAT INSCRIT AU DOSSIER :

Pour l'appelante :

Avocat :

Étude :

Ville :

Me Jean Nadeau

Savard Nadeau

Baie-Comeau (Québec)

       Pour l'intimée :                             John H. Sims, c.r.

                                                          Sous-procureur général du Canada

                                                          Ottawa, Canada



[1]http://www.oglf.gouv.qc.ca/ressources/gdt.html. l.asp , consulté le 20 septembre 2005.

[2] Le Nouveau Petit Robert, 1991, s.v. « hébergement » .

[3] GARDNER, J. D. & K. M. GARDNER, Words and Phrases - Legal Maxims, 49th Cumulative Supplement, Vol. 1, A to C, Scarborough, Carswell, 2004, p. B-43.

[4] 9098-5326 Québec inc. c. Canada, no 2003-1476(EI), 1er juin 2004, 2004 CCI 228, par. 3.

[5] Skylink Aviation Inc. c. Canada, no 2000-2935(EI), 4 avril 2001, [2001] A.C.I. no 223 (QL), au par. 8, Munroe c. M.R.N., no 92-360(IT), 28 avril 1992, [1992] A.C.I. no 281 (QL).

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