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Dossier : 2000-2300(EI)

ENTRE :

IRENÉE FERGUSON,

appelant,

et

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé.

____________________________________________________________________

Appel entendu sur preuve commune avec les appels de Samuel Ferguson (2000-2301(EI)) et Steven Ferguson (2000-2302(EI)) le 17 décembre 2002

et le 17 mars 2003 à Bathurst (Nouveau Brunswick)

Devant : L'honorable juge François Angers

Comparutions :

Pour l'appelant :

l'appelant lui-même

Avocate de l'intimé :

Me Stéphanie Côté

____________________________________________________________________

JUGEMENT

L'appel de la détermination du ministre du Revenu national pour les périodes du 3 juillet 1994 au 16 septembre 1994, du 19 juin 1995 au 27 octobre 1995 et du 24 juin 1996 au 4 octobre 1996 est rejeté et la décision du ministre est confirmée, selon les motifs du jugement ci-joints.

Signé à Ottawa, Canada, ce 8e jour de mai 2003.

« François Angers »

J.C.C.I.


Dossier : 2000-2301(EI)

ENTRE :

SAMUEL FERGUSON,

appelant,

et

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé.

____________________________________________________________________

Appel entendu sur preuve commune avec les appels de Irenée Ferguson (2000-2300(EI)) et Steven Ferguson (2000-2302(EI)) le 17 décembre 2002

et le 17 mars 2003 à Bathurst (Nouveau Brunswick)

Devant : L'honorable juge François Angers

Comparutions :

Pour l'appelant :

l'appelant lui-même

Avocate de l'intimé :

Me Stéphanie Côté

____________________________________________________________________

JUGEMENT

L'appel de la détermination du ministre du Revenu national pour les périodes du 8 août 1994 au 21 octobre 1994, du 24 juillet 1995 au 27 octobre 1995 et du 17 juin 1996 au 20 septembre 1996 est rejeté et la décision du ministre est confirmée, selon les motifs du jugement ci-joints.

Signé à Ottawa, Canada, ce 8e jour de mai 2003.

« François Angers »

J.C.C.I.


Dossier : 2000-2302(EI)

ENTRE :

STEVEN FERGUSON,

appelant,

et

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé.

____________________________________________________________________

Appel entendu sur preuve commune avec les appels de Irenée Ferguson (2000-2300(EI)) et Samuel Ferguson (2000-2301(EI)) le 17 décembre 2002

et le 17 mars 2003 à Bathurst (Nouveau Brunswick)

Devant : L'honorable juge François Angers

Comparutions :

Pour l'appelant :

l'appelant lui-même

Avocate de l'intimé :

Me Stéphanie Côté

____________________________________________________________________

JUGEMENT

L'appel de la détermination du ministre du Revenu national pour la période du 9 décembre 1996 au 10 janvier 1997 est rejeté et la décision du ministre est confirmée, selon les motifs du jugement ci-joints.

Signé à Ottawa, Canada, ce 8e jour de mai 2003.

« François Angers »

J.C.C.I.


Référence : 2003CCI305

Date : 20030508

Dossiers : 2000-2300(EI)

2000-2301(EI)

2000-2302(EI)

ENTRE :

IRENÉE FERGUSON,

SAMUEL FERGUSON,

STEVEN FERGUSON,

appelants,

et

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé.

MOTIFS DU JUGEMENT

Le juge Angers, C.C.I.

[1]      Il s'agit d'appels entendus sur preuve commune visant les décisions du ministre du Revenu national (le « Ministre » ) sur l'assurabilité, en vertu de la Loi sur l'assurance-chômage ( « LAC » ) et de la Loi sur l'assurance-emploi ( « LAE » ) des emplois exercés par les appelants auprès de J & S Lumber Co. Ltd. (la « payeuse » ) durant les périodes décrites ci-dessous.

[2]      Les périodes en question dans le dossier de l'appelant Irenée Ferguson vont du 3 juillet au 16 septembre 1994, du 19 juin au 27 octobre 1995 et du 24 juin au 4 octobre 1996. Les faits sur lesquels le Ministre s'est fondé pour prendre sa décision ont été admis ou niés par l'appelant, selon le cas. Ils sont libellés comme suit dans la réponse à l'avis d'appel :

a)          la payeuse est une personne morale dûment enregistrée dans la province du Nouveau Brunswick depuis 1982 et dont l'entreprise consiste en la coupe et la vente de bois; (admis)

b)          le travail de l'appelant consistait à bûcher dans un lot qui lui était assigné par la payeuse; (nié)

c)          l'appelant travaillait avec son fils, Samuel, sous le même numéro de bûcheron; (admis)

d)          en 1996, Steven, un autre fils de l'appelant a aussi travaillé sous le même numéro de bûcheron; (nié)

e)          les périodes en litige ne coïncident pas totalement avec les périodes de travail de ses fils; (admis)

f)           le bois coupé par l'appelant n'était pas séparé du bois coupé par ses fils et tous les rapports de production pour leur numéro de coupe sont au nom de l'appelant; (nié)

g)          la payeuse n'avait pas de mécanisme en place pour savoir si l'appelant et ses fils travaillaient ensemble, avec de l'aide ou seuls; (nié)

h)          l'appelant commençait à travailler avant le début de chacune des périodes en litige; (admis)

i)           pendant la période en litige de 1994, l'appelant payait son fils de 15 ans, Kevin, pour l'aider à bûcher et à empiler le bois coupé; (nié)

j)           la payeuse ne tenait pas compte du travail de Kevin dans les rapports de production; (admis)

k)          l'appelant décidait quand il voulait être inscrit sur le registre de paye et en avisait la payeuse; (admis)

l)           l'appelant décidait quand sa paye serait inscrite sur le registre de paye et en avisait la payeuse; (admis)

m)         l'appelant décidait du montant inscrit sur le registre de paye et en avisait la payeuse; (admis)

n)          les revenus rapportés sur le registre de paye, les relevés d'emploi et les T4s ne sont pas les mêmes que les revenus indiqués sur les rapports de production de la payeuse, tel que démontré à l'annexe A; (nié)

o)          les gains assurables tels que rapportés ne reflètent pas le bois actuellement bûché par l'appelant; (nié)

p)          les gains assurables rapportés sur les registres de paye, les relevés d'emploi et les T4s émis à l'appelant ne sont pas les mêmes que les montants actuellement payés à l'appelant, tel que démontré à l'annexe B; (nié)

q)          les T4s et les relevés d'emploi émis à l'appelant ne reflètent pas les revenus actuels de l'appelant; (nié)

r)           la payeuse n'avait aucun contrôle sur le travail de l'appelant; (nié)

s)          la payeuse ne savait pas quand l'appelant travaillait; (nié)

t)           l'appelant et ses fils bûchaient pour la payeuse en vertu d'un contrat d'entreprise; (nié)

u)          il n'y avait aucun contrat de louage de services entre l'appelant et la payeuse; (nié)

[3]      Les périodes en question dans le dossier de l'appelant Samuel Ferguson vont du 8 août au 21 octobre 1994, du 24 juillet au 27 octobre 1995 et du 17 juin au 20 septembre 1996. Les faits sur lesquels le Ministre s'est fondé pour prendre sa décision ont été admis ou niés par l'appelant selon le cas. Ils sont libellés comme suit dans la réponse à l'avis d'appel :

a)          la payeuse est une personne morale dûment enregistrée dans la province du Nouveau Brunswick depuis 1982 et dont l'entreprise consiste en la coupe et la vente de bois; (admis)

b)          le travail de l'appelant consistait à bûcher dans un lot qui lui était assigné par la payeuse; (nié)

c)          l'appelant travaillait avec son père, Irenée, sous le même numéro de bûcheron; (admis)

d)          en 1996, Steven, un frère de l'appelant a aussi travaillé sous le même numéro de bûcheron; (nié)

e)          les périodes en litige ne coïncident pas totalement avec les périodes de travail de son père et de son frère; (admis)

f)           le bois coupé par l'appelant n'était pas séparé du bois coupé par son père et par son frère et tous les rapports de production pour leur numéro de coupe sont au nom du père de l'appelant; (nié)

g)          la payeuse n'avait pas de mécanisme en place pour savoir si l'appelant et son père ou son frère travaillaient ensemble, avec de l'aide ou seuls; (nié)

h)          l'appelant commençait à travailler avant le début de chacune des périodes en litige; (admis)

i)           pendant la période en litige de 1994, le père de l'appelant payait son fils de 15 ans, Kevin, un autre frère de l'appelant pour l'aider à bûcher et à empiler le bois coupé; (nié)

j)           la payeuse ne tenait pas compte du travail de Kevin dans les rapports de production; (admis)

k)          en décembre 1996, l'appelant a travaillé avec son frère Steven sans être inscrit sur le registre de paye de la payeuse; (admis)

l)           l'appelant décidait quand il voulait être inscrit sur le registre de paye et en avisait la payeuse; (admis)

m)         l'appelant décidait quand sa paye serait inscrite sur le registre de paye et en avisait la payeuse; (admis)

n)          l'appelant décidait du montant inscrit sur le registre de paye et en avisait la payeuse; (nié)

o)          les revenus rapportés sur le registre de paye, les relevés d'emploi et les T4s ne sont pas les mêmes que les revenus indiqués sur les rapports de production de la payeuse, tel que démontré à l'annexe A; (nié)

p)          les gains assurables tels que rapportés ne reflètent pas le bois actuellement bûché par l'appelant; (nié)

q)          les gains assurables rapportés sur les registres de paye, les relevés d'emploi et les T4s émis à l'appelant ne sont pas les mêmes que les montants actuellement payés à l'appelant, tel que démontré à l'annexe B; (nié)

r)           les T4s et les relevés d'emploi émis à l'appelant ne reflètent pas les revenus actuels de l'appelant; (nié)

s)          la payeuse n'avait aucun contrôle sur le travail de l'appelant; (nié)

t)           la payeuse ne savait pas quand l'appelant travaillait; (nié)

u)          l'appelant et son père bûchaient pour la payeuse en vertu d'un contrat d'entreprise; (nié)

v)          il n'y avait aucun contrat de louage de services entre l'appelant et la payeuse; (nié)

[4]      En ce qui concerne le troisième appelant, soit Steven Ferguson, la période en question va du 9 décembre 1996 au 10 janvier 1997. Les faits sur lesquels le Ministre s'est fondé pour prendre sa décision ont été admis ou niés par l'appelant selon le cas. Ils sont libellés comme suit dans la réponse à l'avis d'appel :

a)          la payeuse est une personne morale dûment enregistrée dans la province du Nouveau Brunswick depuis 1982 et dont l'entreprise consiste en la coupe et la vente de bois; (admis)

b)          le travail de l'appelant consistait à bûcher dans un lot qui lui était assigné par la payeuse; (nié)

c)          l'appelant travaillait sous le même numéro de bûcheron que son père, Irenée; (nié)

d)          Steven, un frère de l'appelant avait aussi travaillé sous le même numéro de bûcheron; (nié)

e)          ni le père, ni le frère de l'appelant ne sont inscrits sur le registre de paye de la payeuse pendant la période en litige; (nié)

f)           tous les rapports de production pour leur numéro de coupe sont au nom du père de l'appelant, ceux de la période en litige inclusivement; (nié)

g)          la payeuse n'avait pas de mécanisme en place pour savoir si l'appelant et son père ou son frère travaillaient ensemble ou seuls; (nié)

h)          pendant la période en litige, le frère de l'appelant, Steven, l'aidait à bûcher, sans être inscrit sur le registre de paye de la payeuse; (admis)

i)           l'appelant avait décidé du montant inscrit sur le registre de paye et en avait avisé la payeuse; (admis)

j)           l'appelant n'a pas reçu de paiement de la payeuse autre que les montants inscrits sur le registre de paye; (admis)

k)          les gains assurables tels que rapportés ne reflètent pas le bois actuellement bûché par l'appelant; (nié)

l)           ni la payeuse, ni l'appelant ne connaissent le montant de bois actuellement bûché par l'appelant, tel que démontré à l'annexe A; (nié)

m)         la payeuse n'avait aucun contrôle sur le travail de l'appelant; (nié)

n)          la payeuse ne savait pas quand l'appelant travaillait; (nié)

o)          l'appelant bûchait pour la payeuse en vertu d'un contrat d'entreprise; (nié)

p)          il n'y avait aucun contrat de louage de services entre l'appelant et la payeuse; (nié)

[5]      Les trois appelants ont témoigné. L'appelant Irenée Ferguson a témoigné avoir travaillé pour la payeuse durant les périodes en question et même avant celles-ci. Il faisait la coupe du bois aux endroits assignés par la payeuse et un représentant se rendait tous les jours à l'endroit où il faisait la coupe. Bien que son fils Kevin l'aidait, l'appelant a déclaré ne pas l'avoir payé. La payeuse lui donnait une avance de 400 $ par semaine, mais il n'a pas fourni plus de détails à ce sujet.

[6]      L'appelant Steven Ferguson a confirmé qu'il recevait de la payeuse une avance de 400 $ par semaine parce qu'il savait qu'il pouvait couper chaque semaine une quantité de bois correspondant à ce montant. Il a déclaré avoir travaillé seul, mais que le bois qu'il coupait était enregistré par la payeuse sous le numéro d'identification de son père, l'appelant Irenée Ferguson. Selon lui, c'est à cause d'une erreur de l'employeur qu'on lui avait attribué le numéro d'identification de son père. La payeuse lui disait où faire la coupe et son représentant le visitait tous les jours.

[7]      Il a avoué ne pas connaître la quantité du bois qu'il a coupé puisqu'il n'a jamais reçu le relevé de pesée et que le tout était enregistré au nom de son père. Il a dit avoir signé un contrat d'emploi avec la payeuse par l'entremise de Walter Mc Laughlin, mais n'a pas déposé de copie en preuve. Il s'agirait de la formule TD1, utilisée par l'employeur.

[8]      L'appelant Samuel Ferguson a soutenu lui aussi qu'il était à l'emploi de la payeuse. Il a dit ne pas savoir pourquoi sa coupe de bois était enregistrée au nom de son père. Il a déclaré que la payeuse désignait l'endroit où effectuer la coupe et qu'un représentant de cette dernière était présent du matin au soir pour y faire des vérifications. Il a reconnu n'avoir jamais eu de règlement final sur la coupe de bois avec la payeuse à la fin de sa période de travail. Il blâme la payeuse pour cet état de chose, car il devait recevoir un T4 additionnel pour le règlement et un relevé d'emploi modifié.

[9]      Les trois appelants ont chacun produit en preuve une lettre du président de la payeuse en date des 7 et 8 octobre 1999 certifiant que les appelants étaient des employés de la payeuse durant les périodes en question.

[10]     L'intimé de son côté a fait témoigner M. Charles Albert, agent d'enquête et de contrôle pour le ministre des Ressources humaines, de même que Mme Joanne Robichaud, agente des appels pour l'Agence des douanes et du revenu du Canada. Leur témoignage est assez révélateur en ce qui concerne la façon que la payeuse exploitait l'entreprise et ses rapports avec les appelants et les autres travailleurs forestiers. Il faut noter que cette payeuse a fait l'objet d'une enquête et qu'au moins une quarantaine de dossiers font l'objet d'appels.

[11]     Leur témoignage, tout comme celui des appelants, a révélé qu'un superviseur du payeur avait la responsabilité d'assigner les appelants aux lieux de coupe. Toutefois, selon Charles Albert, le superviseur ne se rendait sur les lieux que deux à trois fois par semaine pour mener des vérifications et s'assurer que les règles de sécurité étaient observées. Selon le témoignage de Charles Albert, les travailleurs forestiers, y compris les appelants, allaient voir Walter McLaughlin, un représentant de la payeuse, pour solliciter du travail. Une fois embauchés, leur salaire était fixé selon la quantité de bois que chacun pouvait couper et une avance leur était faite en fonction de cette quantité. En l'espèce, l'avance était fixée à 400 $ par semaine pour les appelants. Selon l'enquête menée par monsieur Albert, les appelants, comme la majorité des travailleurs forestiers, ne travaillaient que le nombre de semaines nécessaires pour devenir admissibles à des prestations d'assurance-emploi-chômage, bien que la saison de coupe de bois débutait en mai et se terminait en novembre chaque année.

[12]     Toujours selon le témoin Charles Albert, les superviseurs ne pouvent être présents aussi souvent que ce que prétendent les appelants, car les terrains de coupe de la payeuse étaient immenses et il n'y avait que deux superviseurs. À chaque visite d'un site, le superviseur pouvait mesurer le bois coupé de façon sommaire et ainsi autoriser l'émission d'un chèque de paye au travailleur. Il était donc impossible pour le superviseur de savoir qui coupait effectivement le bois, quand il était coupé et quelle était la quantité exacte de bois coupé. Le bois ne pouvait être mesuré de façon définitive qu'à sa livraison au moulin. Plusieurs travailleurs forestiers coupaient du bois en empruntant le numéro d'identification d'un autre comme c'est le cas en l'espèce pour les appelants Steven et Samuel Ferguson qui coupaient du bois en empruntant le numéro de l'appelant Irenée Ferguson, leur père.

[13]     L'enquête de Charles Albert a révélé que, dans les trois cas en l'espèce, aucun règlement final n'a eu lieu entre les appelants et la payeuse quant aux quantités de bois coupé par rapport à l'argent qui leur a été avancé.

[14]     Le témoin Charles Albert a obtenu de la payeuse les relevés d'emploi, les feuilles de paie, les chèques de paie émis et les rapports de coupe de bois. L'étude de ces documents, qui ont tous été déposés en preuve, lui a permis de constater que les relevés d'emploi ne reflétaient pas la réalité quant aux chiffres indiqués et au bois réellement coupé. La payeuse ne tenait pas compte des heures ou des semaines travaillées par les appelants. Certains documents indiquent que les appelants travaillaient 40 heures par semaine, bien qu'en réalité ils étaient payés selon une évaluation du bois coupé. Les rapports de coupe indiquent que le bois a été mesuré après les périodes en question, ce qui ne permet pas à la Cour de déterminer exactement quand les appelants ont coupé le bois. M. Albert a constaté que les chiffres indiqués sur les relevés d'emploi sont plus élevés que les montants que l'employeur a payés à chacun des appelants. Il a constaté également que chacun des appelants avait besoin d'accumuler un certain nombre de semaines de travail afin de devenir admissible aux prestations d'assurance-emploi et qu'ils ont effectivement travaillé le nombre minimum de semaines requis.

[15]     Joanne Robichaud est agente des appels pour l'Agence des douanes et du revenu du Canada. Elle a examiné les documents en question et a eu des entretiens téléphoniques avec chacun des appelants et avec James Ferguson, le président de la payeuse. Lors de son entrevue avec James Ferguson, ce dernier lui a avoué que la payeuse n'avait pas de contrôle sur les travailleurs forestiers, puisqu'elle n'était pas en mesure de savoir s'ils coupaient du bois et ne pouvait le consigner. Il a avoué que les travailleurs forestiers ne coupaient que la quantité de bois nécessaire à les rendre admissibles aux prestations d'assurance-emploi, car ils cessaient de couper une fois qu'ils avaient accumulé le nombre de semaines nécessaires. Il se pliait aux exigences des travailleurs forestiers, car c'était la seule façon d'avoir du bois. James Ferguson a également expliqué à Mme Robichaud que la présence des superviseurs n'était requise que pour faire respecter les règles de sécurité et pour s'assurer que les travailleurs effectuaient la coupe dans les lieux qui leur avaient été assignés.

[16]     Lors de sa conversation avec l'appelant Irenée Ferguson, Mme Robichaud a appris que ce dernier partageait le numéro d'identité que lui avait assigné la payeuse avec les deux autres appelants et qu'il utilisait son propre équipement pour effectuer le travail. Il a été incapable d'expliquer pourquoi il y avait un écart entre les sommes perçues et les montants déclarés dans les relevés d'emploi. À partir de l'information obtenue lors de cette conversation et de son analyse des documents, madame Robichaud a conclu que, pour les trois périodes en question, il y a eu plusieurs irrégularités dans les méthodes de rémunération des appelants, que le partage du numéro d'identité de l'appelant Irenée Ferguson avec les deux autres appelants ne permettait pas de savoir qui avait coupé le bois et quelle quantité chacun avait coupé, et que les relevés d'emploi sont faux. En outre, l'appelant Irenée Ferguson a admis avoir reçu de l'aide d'un autre fils, soit Kevin, pour effectuer la coupe.

[17]     Dans le cas de l'appelant Steven Ferguson, elle est arrivée aux mêmes conclusions. De plus, elle a conclu qu'il n'a travaillé que cinq semaines, soit le nombre de semaines dont il avait besoin pour avoir droit aux prestations, et qu'il lui a sûrement été impossible de couper seul 25 cordes de bois en moyenne par semaine durant la période, car il a avoué n'avoir jamais travaillé auparavant dans ce domaine.

[18]     On constate les mêmes irrégularités dans le dossier de l'appelant Samuel Ferguson pour les trois périodes en question. Il utilisait le numéro d'identification de l'appelant Irenée Ferguson, de sorte que la payeuse ne savait pas quelle quantité de bois chacun avait coupé, donc ce que chacun a réellement gagné. Il a reconnu avoir commencé avant la période de paie de sorte que le relevé d'emploi ne reflète pas la réalité.

[19]     Il s'agit donc en l'espèce de déterminer si les relations entre les appelants et la payeuse respectent les divers critères qui distinguent un contrat de louage de services d'un contrat d'entreprise. La Cour d'appel fédérale, dans l'arrêt Wiebe Door Services Ltd. c. M.R.N., [1986] 3 C.F. 553, a reconnu quatre critères de base pour faire cette distinction et la Cour suprême du Canada, dans Sagaz Industries Canada Inc. c. 671122 Ontario Ltée., 2001 CSC 59, les a entérinés. Les voici :

1 -       Le degré de contrôle exercé par l'employeur

2 -       La propriété des outils

3 -       Les chances de profit ou les risques de perte

4 -       Le degré d'intégration

[20]     En l'espèce, le contrôle semble le critère le plus important. Le fait d'indiquer aux travailleurs forestiers où couper le bois, de vérifier sommairement la quantité coupée et de s'assurer que les travailleurs forestiers observent les règles de sécurité ne me permet pas de conclure qu'un contrôle est exercé sur les appelants. Les heures et les semaines de travail n'ont pas été consignées. La payeuse ne savait pas quand les appelants travaillaient réellement et elle ne pouvait se fier que sur la quantité de bois coupé, sans savoir qui avait effectivement coupé ce bois. Les relevés d'emploi étaient faux. La payeuse n'était réellement intéressée qu'au bois livré. Dans l'arrêt Charbonneau c. M.R.N., [1996] A.C.F. no 1337 (Q.L.), le juge Décary de la Cour d'appel fédérale a dit que le contrôle des résultats ne doit pas être confondu avec le contrôle du travailleur. Dans l'ensemble des faits en l'espèce, j'en conclus que la payeuse n'exerçait pas de contrôle sur les appelants et, qu'à cet égard, la thèse du contrat d'entreprise l'emporte.

[21]     En l'espèce, les appelants étaient propriétaires de leur scie à chaîne. En soi, ce critère n'empêche pas les appelants d'être considérés comme des employés. Il est donc difficile de tirer une preuve concluante en se fondant sur la propriété des outils. Quant aux chances de profits et aux risques de pertes, il est difficile d'appliquer ce critère aux conditions de travail en l'espèce puisque les appelants n'étaient intéressés qu'à percevoir leur avance de salaire et n'ont jamais demandé une vérification finale. Un tel arrangement rend impossible une telle détermination.

[22]     Pour ce qui est de l'intégration, le travail des appelants n'était pas intégré aux activités de la payeuse. En fait, il n'y avait pas de rapport immédiat entre la présence des appelants sur le lieu de travail, les heures et les semaines travaillées d'une part et les activités de la payeuse d'autre part, car les appelants coupaient le bois à leur gré. Cet état de chose favorise la thèse du contrat d'entreprise plutôt que celle du contrat de louage de services.

[23]     De plus, toutes les irrégularités dans la documentation laissent entendre que c'étaient les appelants et les autres travailleurs forestiers de la payeuse qui décidaient quand travailler et pour combien de temps. Les appelants ne se sont pas acquittés du fardeau de la preuve en l'espèce.

[24]     Pour tous ces motifs, j'en conclus que les appelants, durant toutes les périodes en question, n'étaient pas engagés en vertu d'un contrat de louage de services et n'exerçaient donc pas un emploi assurable en vertu de l'alinéa 3(1)a) de la LAC et l'alinéa 5(1)a) de la LAE. Les appels sont donc rejetés et les décisions du ministre sont confirmées.

Signé à Ottawa, Canada, ce 8e jour de mai 2003.

« François Angers »

J.C.C.I.


RÉFÉRENCE :

2003CCI305

No sDES DOSSIERS DE LA COUR :

2000-2300(EI), 2000-2301(EI) et

2000-2302(EI)

INTITULÉS DES CAUSES :

Irenée Ferguson et MRN

Samuel Ferguson et MRN

Steven Ferguson et MRN

LIEU DE L'AUDIENCE :

Bathurst (Nouveau Brunswick)

DATES DE L'AUDIENCE :

17 décembre 2002

et 17 mars 2003

MOTIFS DE JUGEMENT PAR :

L'hon. juge François Angers

DATE DU JUGEMENT :

8 mai 2003

COMPARUTIONS :

Pour les appelants :

les appelants eux-mêmes

Pour l'intimée :

Me Stéphanie Côté

AVOCAT(E) INSCRIT(E) AU DOSSIER:

Pour les appelants :

Nom :

Étude :

Pour l'intimé(e) :

Morris Rosenberg

Sous-procureur général du Canada

Ottawa, Canada

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