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Dossier : 2004-4731(GST)I

ENTRE :

1277302 ONTARIO LTD.,

appelante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

____________________________________________________________________

Appel entendu le 20 octobre 2005, à Hamilton (Ontario).

 

Devant : L’honorable Diane Campbell

 

Comparutions :

 

Représentant de l’appelante :

M. Omar S. Khan

 

Avocate de l’intimée :

Me Stacey Sloan

____________________________________________________________________

JUGEMENT

 

          L’appel interjeté à l’égard de la cotisation établie en vertu de la Loi sur la taxe d’accise relativement à la nouvelle cotisation, dont l’avis est daté du 15 janvier 2004 et porte le numéro 08GP0103806, pour la période allant du 1er janvier 1999 au 31 décembre 2001, est accueilli, sans dépens, et la cotisation est renvoyée au ministre du Revenu national pour qu’il l’examine à nouveau et établisse une nouvelle cotisation conformément aux motifs du jugement ci‑joints.

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 24jour de février 2006.

 

« Diane Campbell »

Juge Campbell

 

Traduction certifiée conforme

ce 1er jour de juin 2007

D. Laberge, LL.L.


 

 

 

Référence : 2006CCI118

Date : 20060224

Dossier : 2004-4731(GST)I

ENTRE :

1277302 ONTARIO LTD.,

appelante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

La juge Campbell

 

[1]     Le présent appel vise la période débutant le 1er janvier 1999 et se terminant le 31 décembre 2001. L’appelante offre des services de camionnage et de roulage à titre de contractante ou de sous‑traitante. Le 15 janvier 2004, une nouvelle cotisation a été établie à l’égard de l’appelante relativement à des taxes sur les produits et services (la « TPS ») impayées plus l’intérêt et des pénalités. Par la suite, en septembre 2004, l’appelante a admis qu’elle devait une TPS nette de 6 634,34 $ au titre d’un camion Mack 1999.

 

[2]     Pendant l’audience, l’intimée a convenu que le poste 3 de l’état des redressements après vérification (onglet XYZ du recueil des documents de l’appelante, pièce A‑1), où figure une somme de 890,37 $ pour de la TPS recouvrable au titre de dépôts bancaires, devait être réduit d’une somme de 560,00 $. Les autres postes toujours en litige touchent les crédits de taxe sur les intrants (CTI) refusés relativement à l’automobile Ford Sable (poste 4 de l’état des redressements après vérification susmentionné), la TPS relative à des dépôts bancaires non précisés (poste 7 de l’état), des CTI refusés (postes 5, 8 et 9 de l’état) et les pénalités.

 

La preuve

 

[3]     L’appelante s’est principalement appuyée sur le témoignage de Shabhir Khan, comptable en management accrédité qui a rendu des services comptables à l’appelante. Luciano Miceli, propriétaire de la société, a également témoigné. L’intimée a en outre invoqué le témoignage de Rehan Shahid, vérificateur à l’Agence du revenu du Canada (l’« ARC »).

 

[4]     Dans son témoignage, M. Khan a affirmé qu’un grand nombre des sommes mentionnées dans les déclarations de TPS étaient inexactes et qu’il avait produit les déclarations en connaissance de cause. Il a toutefois soutenu que le document fondamental pour obtenir la source des renseignements est le grand livre général et que les paiements et les remboursements figurant sur les déclarations étaient exacts puisqu’ils correspondent aux sommes inscrites dans ce grand livre général. Pour justifier les calculs qu’il a effectués dans ces déclarations, il a renvoyé à la déclaration de TPS pour la période allant du 1er janvier 2001 au 31 décembre 2001 (onglet F de la pièce A‑1). Il a pour l’essentiel utilisé le montant du remboursement de 1 643,03 $ mentionné au grand livre pour ensuite effectuer « à l’envers » les calculs mathématiques de manière à ce que la déclaration reflète le même montant de remboursement que celui indiqué dans le grand livre général. Selon son témoignage, il a pris un chiffre d’affaires gonflé de 113 527,00 $, l’a multiplié par un taux de TPS de sept pour cent et il a inscrit à la ligne 103 de la déclaration que l’appelante avait perçu de la TPS s’élevant à 7 946,89 $. Comme il savait que les chiffres mentionnés dans le grand livre général donnaient lieu à un remboursement de 1 643,03 $, il a procédé de la façon suivante : [traduction] « [...] J’ai donc inscrit le même chiffre à la ligne 106 (CTI de 9 589,92 $) de façon à obtenir une somme de 1 643,03 $. Ce qui correspondait à mon grand livre général [...] » (transcription, page 124). Il a reconnu que les autres chiffres figurant dans les déclarations avaient été gonflés pour atteindre le montant « exact » du remboursement, à savoir 1 643,03 $, de sorte que la déclaration corresponde au montant du remboursement inscrit dans le grand livre général. De plus, il croyait que le vérificateur avait employé la méthode de la comptabilité de caisse plutôt que celle de la comptabilité d’exercice, que M. Khan a affirmé avoir utilisée, et donc, que ce choix pouvait expliquer certaines des différences observées dans le traitement de ces sommes.

 

[5]     Pendant son interrogatoire principal, M. Khan a examiné de façon distincte les postes en litige (4, 5, 7, 8 et 9) figurant à l’onglet XYZ de la pièce A‑1, soit l’état des redressements après vérification. En ce qui concerne les CTI demandés au titre de l’automobile Ford Sable (poste 4), M. Khan a déclaré que M. Miceli utilisait ce véhicule principalement à des fins professionnelles pour obtenir de nouveaux contrats, vérifier l’état du camion‑benne, recouvrer les comptes débiteurs et effectuer les opérations bancaires. Il a proposé un taux de 90 pour 100 par opposition au taux de dix pour cent accordé par l’ARC. M. Khan était d’avis qu’il était inutile de tenir un journal du kilométrage puisque M. Miceli était la seule personne à utiliser ce véhicule. Il a ajouté qu’à son avis, il aurait été déraisonnable pour M. Miceli d’utiliser le camion‑benne de la société pour effectuer les courses liées à l’entreprise.

 

[6]     Dans le cadre des explications qu’il a données au sujet du poste 5 de l’état des redressements après vérification, soit les CTI refusés pour la période se terminant le 31 décembre 2000, M. Khan a renvoyé aux onglets D et E de la pièce A‑1. L’onglet E renferme un extrait tiré du grand livre général établi par M. Khan qui montre un solde de 1 001,34 $ au compte de la TPS à payer à la fin de l’exercice puis un crédit du même montant dans un compte appelé TPS exigible. M. Khan a déclaré que, conformément à la méthode de la comptabilité d’exercice, au cours de l’année suivante, soit 2001, cette entrée à la fin de 2000 a été transférée du compte de « TPS à payer » au compte de « TPS exigible » pour compenser la TPS comptabilisée au cours de l’année civile suivante, soit 2001. M. Khan a affirmé que, comme le vérificateur a fondé sa vérification sur les chiffres inexacts inscrits dans les déclarations et qu’il n’a pas pris en compte les sommes « exactes » inscrites dans le grand livre général, les chiffres donnés dans les documents de travail du vérificateur à l’onglet D sont donc incompatibles avec les chiffres dits « exacts » qui figurent dans le grand livre. Selon M. Khan, la plupart de ces problèmes découlent du fait que le vérificateur a refusé de vérifier ou d’utiliser le grand livre général pour établir ses documents de travail. Ces documents, produits sous l’onglet D, avaient pour objet de rapprocher les CTI mentionnés dans les documents de l’appelante avec les CTI réclamés dans la déclaration de TPS pour 2000. Le vérificateur a calculé que les CTI se chiffraient à 3 043,18 $ selon le sommaire des documents, comparativement aux CTI de 6 015,21 $ demandés dans la déclaration, ce qui donne une différence de 2 972,03 $. Selon M. Khan, cette approche suivie par le vérificateur est à l’origine du montant inexact des CTI (2 972,03 $) parce que le vérificateur a fondé ses calculs sur le chiffre gonflé des CTI mentionné dans la déclaration. M. Khan a signalé que le montant de 6 015,21 $ au titre des CTI était surévalué dans la déclaration d’une somme de 2 817,60 $. D’après lui, le total des CTI à la lumière des documents de l’appelante devrait en réalité s’élever à 4 134,26 $ et non à 6 015,21 $, ce qui donne une différence de 1 880,95 $. Il estime que la somme de 2 972,03 $ calculée par le vérificateur devrait être remplacée par la somme qu’il a lui‑même obtenue, soit 1 880,95 $. Il a ensuite laissé entendre que la somme de 1 880,95 $ devrait être défalquée du montant de 2 817,20 $ payé en trop, lequel, à son avis, devrait « s’approcher » du montant de 1 001,34 $ inscrit dans le grand livre général au titre des sommes de TPS exigibles. M. Khan considérait que les problèmes observés dans les documents de travail du vérificateur découlent du fait que ce dernier n’a pas traité la somme 2 817,60 $ (soit la somme correspondant à la surévaluation des CTI réclamés dans la déclaration) de la même façon que lui. Le vérificateur s’est à tort appuyé sur le chiffre dit inexact de 6 015,00 $ inscrit dans la déclaration pour calculer les sommes qu’il a utilisées dans l’état des redressements après vérification (poste 5).

 

[7]     Lorsqu’il a témoigné au sujet du poste 7 de l’état des redressements après vérification, soit le crédit de 1 956,53 $, M. Khan a soutenu que le montant de TPS à payer au titre de dépôts bancaires non précisés était surévalué et que le crédit pouvant être utilisé par l’appelante relativement à la TPS reportée pour 2001 devait faire l’objet d’un redressement. M. Khan a renvoyé aux documents de travail du vérificateur datés du 7 mai 2003 (onglet J de la pièce A‑1) pour la période se terminant le 31 décembre 2001. Dans ces documents, on examine l’ensemble des dépôts bancaires de l’appelante afin de comparer ces sommes avec les ventes déclarées. M. Khan a examiné les factures et les bordereaux de dépôts qui se trouvaient aussi à l’onglet J. Ces documents montraient des sommes correspondant aux sommes refusées par le vérificateur pour absence de pièces justificatives. M. Khan a donné des précisions relativement à une série de factures et de dépôts bancaires, dont un dépôt bancaire de 1 300,00 $ effectué par M. Miceli (pour compenser un compte à découvert), lesquels, selon ses dires, avaient tous à tort été assujettis à la TPS.

 

[8]     Quant au poste 8 de l’état des redressements après vérification, M. Khan a renvoyé à des extraits tirés de son grand livre général qui concernaient des montants de TPS perçus (onglet F de la pièce A‑1) pour la période se terminant le 31 décembre 2001. Suivant les calculs de M. Khan, le montant de 4 949,43 $ de TPS perçu en 2001 et inscrit au grand livre général devrait remplacer la somme artificiellement gonflée de 7 946,89 $ qui figure à titre de TPS perçue dans la déclaration de TPS. De plus, la somme réclamée comme CTI à la ligne 106 de la déclaration constituait elle aussi une somme artificielle et inexacte dont M. Khan s’est servi pour faire correspondre ce qu’il appelle ses chiffres « exacts » inscrits au grand livre général à la somme mentionnée dans la déclaration. Selon le grand livre général de M. Khan, le montant exact des CTI s’élevait à 5 591,12 $ et non à 9 589,92 $, comme il est inscrit dans la déclaration. À la lumière des sommes inscrites dans son grand livre général, la différence de 641,69 $ au titre de la TPS totale perçue [4 949,43 $ et CTI de 5 591,12 $] ajoutée au remboursement antérieur de 1 001,34 $ inscrit au grand livre équivaut au montant du remboursement applicable (1 643,03 $) tel qu’il est présenté dans la déclaration de 2001. Selon M. Khan, les difficultés soulevées dans le présent appel découlent également du fait que le vérificateur n’a pas tenu compte des entrées « exactes » figurant dans le grand livre et qu’il s’est plutôt fondé sur les chiffres inexacts que M. Khan a fournis dans les déclarations.

 

[9]     Pour expliquer le poste 9 de l’état des redressements après vérification, M. Khan a renvoyé aux documents de travail du vérificateur relatifs aux redressements effectués en date du 30 juillet 2003 à l’égard des CTI (onglet G) et aux documents de travail datés du 26 juin 2003 concernant le rapprochement au titre des CTI (onglets H et I). M. Khan a comparé à nouveau les sommes mentionnées dans les déclarations, les documents de travail et le grand livre général afin d’expliquer comment il avait inscrit des sommes inexactes dans la déclaration de TPS pour tenter d’arriver aux mêmes chiffres que ceux figurant dans son grand livre général. Il a présumé que les sommes auxquelles on renvoyait dans les documents de travail à l’onglet I comprenant les CTI totaux refusés de 627,68 $ visaient des frais engagés au titre du véhicule Ford Sable (251,73 $) et que le solde (375,95 $) visait des frais divers pour lesquels il ne pouvait présenter des reçus ou d’autres pièces justificatives. M. Khan a également examiné les chiffres à l’aide des documents de travail se trouvant à l’onglet G pour montrer que la somme de 2 280,21 $ établie par le vérificateur en ce qui a trait à la taxe nette rajustée mentionnée au poste 9 de l’état des redressements après vérification est inexacte. Il soutient que les chiffres utilisés pour calculer cette somme – à commencer par les CTI totaux réclamés dans la déclaration de 2001 (9 589,92 $) – sont erronés puisqu’il s’est servi de sommes inexactes lorsqu’il a rempli les déclarations de TPS.

 

[10]    Pendant son contre‑interrogatoire, M. Khan a admis que le montant total des ventes et les montants de TPS figurant dans les déclarations de TPS étaient inexacts. Il a reconnu qu’il lui incombait de faire en sorte que les déclarations soient exactes. M. Khan a de nouveau expliqué comment il était arrivé aux chiffres inexacts qu’il a utilisés, à savoir qu’il a multiplié un montant des ventes inexact par sept pour cent et qu’il a ensuite effectué les calculs « à l’envers » à partir des montants de remboursement tirés de son propre grand livre général afin d’obtenir le montant de CTI « fictif » qui a été inscrit dans chaque déclaration. Il a en outre reconnu qu’il n’existait aucune pièce justificative susceptible d’étayer les différences entre les CTI réels et les CTI déclarés. Dans son témoignage, il a affirmé qu’au bout du compte, sa méthode se révélerait fondée parce que les chiffres inscrits dans la déclaration de TPS ont été calculés pour correspondre aux sommes « exactes » figurant dans son grand livre général. Il a également reconnu que sa méthode permettrait d’assumer le coût lié au risque d’une éventuelle vérification. Il a admis que la déclaration de TPS comportait des chiffres inexacts, mais que le résultat final correspondait aux sommes « exactes » mentionnées dans le grand livre général et que le vérificateur connaissait la méthode dont il s’était servi.

 

[11]    Le deuxième témoin, Luciano Miceli, est propriétaire de la société. Comme il éprouvait de la difficulté à s’exprimer en anglais et qu’il ne connaissait pas les processus de tenue de la comptabilité suivis par M. Khan, son témoignage n’a porté que sur le véhicule Ford Sable. Il ne savait plus au juste si la société avait acheté l’automobile en 2000 ou en 2001. Au cours de son contre‑interrogatoire, il a mentionné qu’il avait, à titre personnel, remplacé une fourgonnette Ford Aerostar par l’automobile Ford Sable, qu’il a louée en 1996 ou 1998. Le contrat de location a par la suite été cédé à la société, mais aucun document étayant l’existence de cette location n’a été produit. Il a ajouté qu’il utilisait l’automobile Ford Sable presque entièrement à des fins professionnelles, notamment pour aller chercher des pièces de camions, pour se faire payer par les clients et pour trouver de nouveaux clients. Il conduit un camion‑benne et fait de très longues journées de travail, de cinq heures le matin à vingt heures le soir, cinq ou six jours par semaine. Il disposait de l’automobile Ford Sable à sa résidence pour des fins personnelles. Son épouse ne conduit pas et il utilisait à l’occasion ce véhicule avec elle pour faire des courses. Cependant, il a déclaré dans son témoignage que cette automobile servait principalement pour aller acheter les provisions. Ces occasions mises à part, il n’utilisait pas le véhicule à des fins personnelles puisqu’il passait son temps libre à la maison, à jardiner et à regarder la télévision. M. Miceli a reconnu plusieurs sommes inscrites sur les documents de travail datés du 15 juillet 2003 (onglet D – rapprochement CTI pour 2000) et sur les documents de travail datés du 26 juin 2003 (onglet H – rapprochement CTI pour 2001) comme des CTI réclamés au titre de la TPS relative à la location de l’automobile Ford Sable. Pour expliquer la différence constatée au mois d’octobre 2001, il s’est contenté d’alléguer que c’était peut‑être pendant ce mois‑ là que la société avait acheté ce véhicule. Toutefois, aucune entrée en août ou en septembre 2001 ne reflète une telle acquisition.

 

[12]    Le troisième témoin est un vérificateur de l’ARC, Rehan Shahid. Selon son témoignage, sa vérification a entre autres consisté à examiner des factures de vente, des bordereaux de dépôt, des relevés bancaires, des chèques payés, des prêts personnels, des lignes de crédit, des remboursements de TPS et des relevés de dépenses. Même si M. Khan, lorsqu’il a signalé qu’il n’était pas fait mention du grand livre général dans la méthode suivie par le vérificateur, a nié que ce dernier se soit servi du grand livre, M. Shahid a affirmé qu’il avait bel et bien examiné ce document. M. Shahid s’est également intéressé aux questions liées au mode de vie et il a comparé les états de revenus au regard des normes de l’industrie. Dans son témoignage, il a mentionné que les documents de travail relatifs au rapprochement des CTI se trouvant à l’onglet D comportaient des sommes tirées des documents de travail établis par M. Khan et que ces chiffres avaient, semble‑t‑il, par la suite été consignés dans le grand livre général. À la page 14 des documents de travail, le chiffre correspondant aux CTI demandés provenait de la déclaration de TPS de l’appelante pour l’année visée.

 

[13]    M. Shahid a conclu que la plus grande partie des reçus et des factures touchant les CTI réclamés au titre des dépenses paraissaient légitimes. Il avait toutefois des doutes quant aux CTI demandés relativement au véhicule Ford Sable, lesquels étaient réclamés à 100 pour 100 de la TPS payée. On lui a dit que le contrat de location était au nom de M. Miceli, mais aucun contrat de location ni registre du kilométrage ne lui a été remis. À la lumière de son examen, il a refusé 90 pour 100 des CTI relatifs à ce véhicule.

 

[14]    M. Shahid a utilisé ses documents de travail datés du 26 juin 2003 (onglet H) pour faciliter le rapprochement des CTI demandés dans la déclaration de 2001, mais il a affirmé que, comme il était impossible de déterminer le montant approprié de TPS payée à l’aide du seul grand livre général, il a fondé ses calculs sur les documents de vente dont il disposait. Il a donc établi ses calculs à partir des montants de CTI réclamés dans les déclarations de TPS produites par l’expert‑comptable de l’appelante.

 

[15]    M. Shahid a mentionné qu’il était difficile d’utiliser le grand livre général pour décider du caractère raisonnable des reçus et des factures pour 2001. En effet, la méthode adoptée par M. Khan, laquelle résume les dépenses par catégories mensuelles, rend le suivi d’une facture dans le grand livre malaisé. Il a ajouté que M. Khan lui avait dit qu’il utilisait la méthode de la comptabilité de caisse pour établir le montant des ventes et de la TPS.

 

[16]    Au cours de son contre‑interrogatoire, M. Shahid a convenu avec l’avocate qu’il s’était rendu compte pendant la vérification du fait que les déclarations de TPS pour 2000 et pour 2001 étaient en réalité remplies avec des chiffres inexacts, comme il l’a signalé dans ses documents de travail se trouvant à l’onglet G. Il a en outre reconnu que ses redressements ont été effectués sur le fondement des déclarations inexactes de TPS alors qu’il avait déjà conclu que ces chiffres étaient inexacts. Ses redressements visaient donc à corriger la situation. Il a ajouté que, même s’il n’était pas précisé dans ses documents de travail qu’il avait examiné le grand livre général, c’était néanmoins le cas. Il a signalé que le grand livre général n’était pas entièrement digne de foi puisque, selon ce que lui avait affirmé M. Khan, les déclarations produites se fondaient sur la méthode de la comptabilité de caisse. Or, M. Khan a affirmé dans son témoignage qu’il avait utilisé la méthode de la comptabilité d’exercice.

 

Thèse de l’appelante

 

[17]    L’appelante a soutenu que la crédibilité de l’expert‑comptable et du vérificateur constituait une question en litige importante, en particulier quant à la méthode de comptabilité réellement employée. Elle a laissé entendre que ce problème est peut-être à l’origine de certaines des différences observées dans les calculs. Bien que M. Khan ait reconnu qu’il a « inventé » certains des chiffres figurant sur les déclarations de TPS de sorte qu’ils correspondent à ceux inscrits dans le grand livre général, il affirme que le vérificateur a commis une erreur lorsqu’il a ajouté foi aux sommes inexactes mentionnées dans les déclarations. Pour des raisons pratiques, le vérificateur a soit omis de tenir compte du grand livre général, soit estimé que celui‑ci n’était pas nécessaire pour effectuer la vérification.

 

[18]    Outre les questions liées à la crédibilité et aux sommes inexactes inscrites dans les déclarations de TPS, l’appelante a soulevé deux autres points en litige : le véhicule Ford Sable et les pénalités. Elle s’est appuyée sur le témoignage de M. Miceli selon lequel elle louait le véhicule Ford Sable et celui‑ci était utilisé à 90 pour 100 pour des activités liées à l’entreprise. Quant aux pénalités, elle a soutenu que le vérificateur n’avait pas réussi à montrer que le grand livre général était inexact, mais simplement qu’il y avait « quelque chose » d’incomplet. Les erreurs de l’appelante ont été commises de bonne foi. Les pénalités seraient donc excessives et contraires aux politiques qui sous‑tendent la Loi.

 

Thèse de l’intimée

 

[19]    L’intimée ne souscrivait pas à la façon dont l’appelante a présenté les questions en litige. En ce qui touche le grand livre général et les déclarations de TPS, elle avance que, comme l’expert‑comptable a reconnu que les déclarations étaient inexactes, il serait absurde de reprocher au vérificateur de s’être fié aux chiffres qui y étaient inscrits. L’expert‑comptable a sciemment rempli les déclarations comme il l’a fait afin d’éviter une vérification. Aucun examen n’a eu lieu pour déterminer exactement combien de TPS a été perçue ou payée. L’intimée a examiné la disposition d’imputation – le paragraphe 169(1) – et elle a avancé que les sommes mentionnées dans les déclarations n’avaient pas été réellement payées. Même si on allègue dans les actes de procédure que les pièces justificatives sont insuffisantes pour étayer les CTI, les CTI refusés ne peuvent par ailleurs être accordés puisque, en réalité, les fournitures ne faisaient pas l’objet d’une taxe exigible s’élevant aux sommes énumérées dans les déclarations produites par l’appelante.

 

[20]    L’intimée a soutenu que le vérificateur a pour rôle d’examiner tous les documents pertinents fournis par le contribuable. L’appelante reconnaît que, même si les déclarations sont inexactes, le grand livre général constitue la source de renseignements principale. Selon l’intimée, un grand livre général reflète un historique comptable et il peut être erroné ou incomplet. En revanche, les déclarations intéressent les taxes et le vérificateur s’est appuyé sur ces déclarations pour établir les nouvelles cotisations. Même si certaines des sommes figurant dans la déclaration sont inexactes, c’est à l’égard de ces sommes que le vérificateur pouvait procéder à des redressements. La preuve présentée pour discréditer les conclusions du vérificateur ne libère pas l’appelante de son obligation à ce chapitre. L’appelante ne peut s’acquitter de son obligation simplement en renvoyant au grand livre général pour étayer l’exactitude du montant des CTI; elle devait produire des documents de base à l’appui de ses prétentions.

 

[21]    Au sujet du véhicule Ford Sable, l’intimée a soutenu que l’appelante ne s’est pas acquittée de son fardeau de la preuve à cet égard. En effet, il y a des éléments de preuve contradictoires quant à l’identité de la personne qui a loué cette automobile et quant au moment de cette location. De plus, aucun document n’a été produit et aucun renseignement précis n’a été fourni relativement à la location du camion‑benne et aux distances parcourues pour se rendre à la banque ou pour faire les courses personnelles.

 

[22]    En ce qui concerne les pénalités, l’intimée a affirmé qu’il s’agit d’une infraction de responsabilité stricte à laquelle on peut opposer un moyen de défense fondé sur la diligence raisonnable. Ce moyen ne peut réussir que s’il est possible d’établir, à l’aide d’une preuve affirmative, qu’on a fait preuve de diligence raisonnable pour veiller à ce qu’aucune erreur ne soit commise. L’intimée a avancé que des erreurs intentionnelles ont été faites lorsque les déclarations de TPS ont été remplies et produites. Le vérificateur a, comme il se doit, examiné tous les documents et chiffres présentés, comparé ceux‑ci aux sommes mentionnées dans les déclarations, puis effectué les redressements.

 

[23]    L’intimée a en outre signalé que le fait que les chiffres comptables nets soient équilibrés ou pas n’avait aucune pertinence puisque la taxe pour les fins comptables est différente de la taxe calculée pour les besoins de la production. La question est plus fondamentale que celle envisagée au paragraphe 169(4) parce que la différence, entre les CTI réels et ceux réclamés, n’a aucune incidence sur le montant de TPS réellement payé. Aucun document à l’appui n’a été fourni parce qu’aucune TPS n’a jamais été payée relativement aux CTI demandés. Par conséquent, comme le paragraphe 169(1) fait obstacle à une demande de CTI, il est inutile d’examiner le paragraphe 169(4).

 

Questions en litige

 

[24]    Lorsque je me penche sur la façon dont l’appelante a qualifié les questions en litige et sur les arguments qu’elle a présentés dans ses observations, il semble à première vue que ces points soulèvent les questions complexes de savoir si le vérificateur pouvait s’appuyer sur une déclaration de TPS qu’il savait inexacte, si le grand livre général constituait à lui seul une preuve offrant un fondement suffisant et si le vérificateur a employé la mauvaise méthode de comptabilité. Or, j’estime que les questions en litige sont beaucoup plus fondamentales que cela parce que je ne crois pas que l’appelante a présenté une preuve suffisamment convaincante pour me saisir des points susmentionnés. À mon sens, les questions en litige sont simplement les suivantes :

 

(1)     Y a-t-il lieu d’accorder les CTI – et, dans l’affirmative, dans quelle mesure – relativement au véhicule Ford Sable pour la période en cause?

 

(2)     L’appelante a-t-elle réussi à infirmer la nouvelle cotisation établie par l’intimée en ce qui concerne les postes 5, 7, 8 et 9, tels qu’ils sont énumérés dans l’état des redressements après vérification (onglet XYZ de la pièce A‑1)?

 

(3)     Les pénalités imposées sont‑elles justifiées?

 

Analyse

 

[25]    L’intimée a énoncé un certain nombre d’hypothèses dans la réponse à l’avis d’appel et il est bien établi en droit qu’il incombe à l’appelante (sauf en ce qui touche les pénalités) de démolir ou de réfuter ces hypothèses (Hickman Motors Ltd. c. Canada, [1997] 2 R.C.S. 336). Quant aux appels relatifs à la TPS, l’appelante assume le même fardeau (Molenaar v. The Queen, 2005 DTC 897). Dans cette optique, je vais donc me pencher sur chacun des éléments mentionnés dans les questions en litige en commençant par le seul auquel je fais droit.

 

- Poste 7

 

[26]    Concernant le poste 7, lequel porte sur la taxe perçue au titre de dépôts bancaires non précisés, je suis arrivée à la conclusion que les doubles des documents à l’appui, sous forme de dépôts bancaires et de factures, présentés par M. Khan et les explications données par ce dernier suffisent à me permettre de trancher cette question en faveur de l’appelante. Cette dernière ne s’est toutefois pas acquittée de ce fardeau à l’égard des autres éléments en cause.

 

- Véhicule Ford Sable

 

[27]    La preuve relative aux CTI réclamés au titre de ce véhicule est tout simplement insuffisante pour permettre à l’appelante de s’acquitter de son obligation à cet égard. Je suis convaincue que cette automobile servait à la fois à des activités commerciales et à des activités personnelles, mais on a omis de me fournir les éléments de preuve nécessaires pour modifier d’une quelconque façon les conclusions tirées par le vérificateur. Je ne crois pas qu’il soit dans tous les cas essentiel de produire un registre du kilométrage, mais lorsqu’un tel registre ne peut être fourni, l’appelant doit alors présenter des éléments de preuve détaillés sur la fréquence à laquelle le véhicule était utilisé à des fins professionnelles par opposition à des fins personnelles, y compris la distance parcourue et les dates des déplacements liés à des activités commerciales, comme les opérations bancaires, les visites aux clients, la recherche de nouveaux contrats et ainsi de suite. Il doit aussi présenter des éléments de preuve de même nature concernant les activités d’ordre personnel. Sur ce point, je ne dispose que de vagues mentions du fait que le véhicule servait pour aller acheter les provisions, et presque rien d’autre. Il m’est tout simplement impossible d’accepter que l’utilisation personnelle de cette automobile était aussi restreinte que M. Miceli l’a laissé entendre. Le véhicule était sans aucun doute utilisé dans une certaine mesure pour les rendez‑vous chez le médecin ou le dentiste, pour les opérations bancaires personnelles, pour rendre visite aux amis et aux membres de la famille ou pour les vacances. Il est raisonnable de conclure que ce véhicule servait plus régulièrement à des fins familiales que pour les seules activités occasionnelles liées à l’achat des provisions. De surcroît, aucun document de location ni aucun autre élément de preuve susceptible d’étayer l’existence d’un tel document ne m’a été présenté. En l’absence d’une preuve de ce genre, il m’est tout simplement impossible de vérifier à qui l’automobile a été louée, quand elle a été louée ou à quel moment, le cas échéant, la société appelante est entrée en scène. En définitive, je ne disposais que du témoignage contradictoire de M. Miceli en ce qui concerne les détails de la location et même l’année de l’achat initial de l’automobile. M. Khan, l’expert‑comptable, s’est simplement fié à ce que M. Miceli lui a dit au sujet du véhicule. Or, sans information précise, verbale ou écrite, quant à la fréquence avec laquelle l’automobile était utilisée à des fins professionnelles et la distance alors parcourue par opposition à son utilisation à des fins personnelles, il est impossible de décider si les CTI réclamés ont été correctement répartis par l’appelante, ou s’ils se situent à un point quelconque entre les répartitions effectuées respectivement par l’appelante et l’intimée. Pour être justifiée de modifier la nouvelle cotisation établie par le vérificateur, je dois disposer d’un témoignage de vive voix ou de documents suffisants, ou d’une combinaison des deux. À défaut de tels éléments, l’appelante ne peut tout simplement pas s’acquitter du fardeau de la preuve qui lui incombe.

 

- Poste 5

 

[28]    Le poste 5 constitue un volet des redressements touchant la taxe exigible au titre de l’année 2000 et les CTI de 2 972,03 $ refusés en raison de l’absence de documents à l’appui. Selon ses documents de travail (page 14 de l’onglet D), le vérificateur s’est appuyé sur les CTI de 6 015,21 $ demandés en 2000, tels qu’ils figurent dans la déclaration de TPS. Le vérificateur disposait de documents permettant de justifier des CTI de 3 043,00 $; les CTI non étayés s’élevaient donc à 2 972,03 $.

 

[29]    M. Khan a déclaré pendant son témoignage que l’un des problèmes soulevés par les calculs du vérificateur tenait au fait qu’il avait employé la méthode de la « comptabilité de caisse » plutôt que la méthode de la « comptabilité d’exercice », soit celle qu’il a lui‑même utilisée. Outre l’assertion de M. Khan, aucun élément de preuve indépendant à cet effet ne se trouvait dans les pièces produites. Pendant le contre‑interrogatoire, le vérificateur pouvait uniquement affirmer qu’il était possible qu’une telle différence soit attribuable aux méthodes de comptabilité employées, mais qu’il serait impossible de vérifier ce fait avec certitude. M. Khan a comparé les chiffres figurant dans les documents de travail de l’onglet D à certaines des sommes mentionnées dans le grand livre général de l’onglet E, mais cet exemple n’était pas concluant puisqu’il ne fournissait aucun renseignement véritable sur la méthode de comptabilité employée. En outre, je signale que M. Khan, lorsqu’il a témoigné sur la question de savoir si les problèmes en cause pouvaient découler de l’emploi, par le vérificateur, de la méthode de la comptabilité de caisse, a affirmé qu’il [traduction] « ne savait pas quel principe il [le vérificateur] applique » (page 44 de la transcription).

 

[30]    Les explications données par M. Khan au sujet du poste 5 se fondaient sur une méthode compliquée. Il a d’abord calculé la différence entre le montant inexact de CTI qu’il a réclamé (6 015,21 $) dans la déclaration de 2000 et la somme correspondante inscrite dans son grand livre général (6 015,21 $ − 4 134,26 $ = 1 880,95 $), puis il a soustrait cette différence (1 880,95 $) du montant de 2 817,60 $ payé en trop, ce qui, selon lui, devait donner une somme proche du montant des comptes débiteurs de TPS s’élevant à 1 001,34 $ qui figure dans le grand livre général (résultat qui, en réalité, présente une différence d’environ 64,00 $) (page 61 de la transcription). Pour l’essentiel, M. Khan a laissé entendre qu’il ressortait des entrées correspondantes de débit et de crédit de 1 001,34 $ que le grand livre général révélait une [traduction] « cohérence interne » et, par conséquent, que ces sommes mentionnées au grand livre étaient pour lui parole d’évangile. Or, son raisonnement demeure nébuleux pour moi puisqu’il repose sur le résultat final d’une colonne de chiffres, soit 1 001,34 $, et sur l’entrée opposée, qui est simplement le miroir de cette somme.

 

[31]    Le témoignage de M. Khan est source de confusion, c’est le moins qu’on puisse dire, et cette confusion ressort d’une autre prétention selon laquelle il n’y avait aucune différence importante entre la méthode du vérificateur et sa propre façon de traiter le montant de 2 817,60 $ payé en trop. J’ai l’impression que son argument est le suivant : le montant des CTI non étayé de 2 972,03 $ établi par le vérificateur est compensé par le crédit d’environ 2 800,00 $ sur lequel débouchent les calculs présentés à l’onglet XYZ de sorte que la différence engendrée par le traitement du 2 817,60 $ est négligeable (pages 61 à 63 de la transcription). Cependant, au poste 8, le montant de 1 001,00 $ apparaît à nouveau comme un élément du remboursement refusé en 2001. Le témoignage de M. Khan se fondait sur les chiffres auxquels on aurait dû ou devrait parvenir suivant sa méthode de comptabilité et les sommes figurant dans son grand livre général. Malheureusement, son analyse n’est toujours pas étayée par des documents de base. Évidemment, si le montant total des CTI pour 2000 est, comme il l’avance, réellement gonflé ou « fictif », il s’ensuit qu’il n’existerait pas de documents à l’appui.

 

[32]    M. Khan a en outre affirmé que, comme le vérificateur n’a pas tenu compte des chiffres mentionnés dans le grand livre général, lesquels sont les chiffres « exacts », ses documents de travail étaient eux‑mêmes inexacts. M. Khan n’a toutefois pas étayé cette opinion puisqu’il a omis de présenter une quelconque pièce ou un quelconque document de base à l’appui.

 

- Poste 8

 

[33]    Le vérificateur a conclu que le poste 8 (1 643,03 $) constituait un remboursement excédentaire à l’appelante et il a établi un lien entre ce poste et le problème de la déclaration inexacte de TPS en 2001. Selon M. Khan, le montant de TPS perçu inscrit dans la déclaration de TPS de 2001 était lui aussi inexact. Il a mentionné que cette somme aurait dû se chiffrer à 4 949,43 $ et non à 7 946,89 $ comme il est indiqué dans la déclaration. De plus, les CTI de 9 589,92 $ figurant dans la déclaration devraient plutôt s’élever à 5 591,12 $. Encore une fois, aucune preuve documentaire n’a été produite à l’appui de l’assertion de M. Khan voulant que ces chiffres, qu’il a sciemment gonflés et inscrits dans les déclarations de TPS, doivent être remplacés par les sommes « exactes » figurant dans le grand livre général. Renvoyer à des extraits du grand livre sans présenter aucun autre élément de preuve n’est tout simplement pas suffisant. Si M. Khan m’avait remis une série d’entrées étayées par des documents de base sous‑jacents montrant sans équivoque la TPS réellement perçue pour chaque année ainsi que les CTI, je crois que cela aurait pu me convaincre que l’appelante s’était acquittée de son fardeau. Même si je décidais de donner le bénéfice du doute à l’appelante et de permettre que les chiffres « inexacts » inscrits dans les déclarations soient remplacés par les sommes mentionnées dans le grand livre général, il me faudrait disposer d’une preuve convaincante pour justifier le remplacement des sommes inscrites dans les déclarations initialement produites. Or, je ne suis saisie d’aucune preuve de cette nature en l’espèce.

 

- Poste 9

 

[34]    Le poste 9 (2 280,21 $) concerne des CTI qui ont également été refusés pour absence de documents à l’appui. Le problème est analogue à celui examiné au poste 5.

 

[35]    Pour obtenir ce chiffre, le vérificateur a utilisé le montant total des CTI (6 294,36 $) mentionné dans le résumé et les dossiers de l’expert‑comptable, duquel il a soustrait les CTI refusés (627,68 $) tirés de l’analyse du résumé, ce qui donne le montant des CTI admissibles (5 666,68 $). Le vérificateur a ensuite soustrait le montant total des CTI (9 589,92 $) suivant la déclaration – montant que l’expert‑comptable a falsifié dans cette déclaration – pour arriver à la somme de 3 923,24 $ pour les CTI non étayés. Le remboursement de TPS de 1 643,03 $ a été soustrait du montant non étayé des CTI de 3 923,24 $, ce qui donne une taxe nette rajustée exigible de 2 280,21 $ (onglet G).

 

[36]    Dans son témoignage, M. Khan a donné les raisons pour lesquelles il avait inscrit des entrées fictives dans les déclarations et il a affirmé que le vérificateur savait pendant sa vérification qu’il avait fourni ces sommes fictives. L’appelante allègue que le vérificateur n’aurait jamais dû utiliser ces chiffres pour établir sa nouvelle cotisation. Sur ce point également le témoignage de M. Khan comporte des incohérences. Contrairement à ce qu’il a soutenu pendant son interrogatoire principal, il a déclaré au cours de son contre‑interrogatoire qu’il ne s’était rendu compte du fait que les sommes inscrites dans les déclarations étaient inexactes que lorsque le vérificateur l’a informé de la situation (page 113 de la transcription). Il est des plus douteux que M. Khan ait tiré des chiffres de nulle part pour que les déclarations de l’appelante puissent « résister à une vérification » tout en ignorant que les sommes déclarées étaient inexactes. Je crois la version plus vraisemblable, qu’il a énoncée ailleurs dans son témoignage, selon laquelle il savait en réalité que les chiffres étaient inexacts, mais qu’il a simplement gonflé certaines des sommes pour éviter une vérification et veiller à ce que ces chiffres correspondent à ceux figurant dans son grand livre général, lesquels ne sont étayés d’aucun document de base.

 

[37]    Dans son témoignage, le vérificateur a affirmé qu’il a pris de nombreux facteurs en compte pour effectuer sa vérification, dont le grand livre général. Il a soutenu qu’il y avait de nombreuses incohérences inexpliquées dans les documents de l’appelante et qu’il a procédé à sa vérification à la lumière des renseignements dont il disposait, y compris les déclarations de TPS. Même s’il n’est pas essentiel, au regard de mes conclusions relatives aux points susmentionnés, d’examiner ce que l’appelante estime être les questions les plus complexes, celles‑ci appellent néanmoins certaines observations. Je crois que le vérificateur, lorsqu’il a établi une nouvelle cotisation à l’égard de l’appelante, pouvait se fonder sur les déclarations de TPS de cette dernière, telles qu’elles avaient été produites. L’étendue de l’examen effectué par le ministre dans le cadre d’une nouvelle cotisation relève de son pouvoir discrétionnaire et il peut ou non se contenter des renseignements fournis dans une déclaration, selon ce qu’il estime approprié. Il ne faut pas oublier que, dans le cadre d’appels en matière d’impôts, la cotisation établie par le ministre est présumée valide et qu’il incombe à l’appelant de produire des éléments de preuve suffisants pour montrer que la cotisation est inexacte. Comme le ministre peut se fonder sur la déclaration, il s’ensuit que le contribuable a le fardeau d’établir, à la satisfaction de la Cour, que la déclaration est erronée et qu’on ne peut s’y fier. L’assertion d’un expert‑comptable selon laquelle les déclarations sont inexactes n’est pas suffisante pour permettre à l’appelante de s’acquitter de cette obligation, à moins que ces assertions ne soient étayées d’une preuve documentaire acceptable. Dans le cas contraire, il ne s’agit que d’assertions intéressées. L’appelante n’a pas réussi à s’acquitter de ce fardeau relativement aux postes 5, 8 et 9 et elle ne peut donc se plaindre du fait qu’elle est maintenant liée par les renseignements inexacts figurant dans les déclarations, renseignements qui ont été élaborés et produits par son expert‑comptable.

 

[38]    L’argument de l’appelante repose principalement sur le fait que les déclarations de TPS pour 2000 et 2001 étaient en grande partie fausses, mais qu’elles se fondaient intentionnellement sur des chiffres erronés. Il s’agit là d’un moyen fort inhabituel pour tenter de se soustraire à l’obligation de payer des taxes. Il aurait plutôt fallu présenter une preuve documentaire réelle ainsi qu’un autre témoignage digne de foi de manière à étayer les allégations faites au sujet des sommes figurant au grand livre général et à prouver que la nouvelle cotisation était inexacte. L’appelante n’a pas fait cela. L’insistance de l’expert‑comptable à affirmer que la méthode de comptabilité de caisse avait à tort été utilisée par le vérificateur ne trouvait pas de fondement dans la preuve. L’argument de l’expert‑comptable voulant que le grand livre général soit une « bible » pour les comptables de même que la principale source de renseignements financiers documentés pour la société appelante est non seulement inacceptable, mais inexact. Le grand livre général est élaboré par les comptables et les aides‑comptables et c’est la raison pour laquelle les entrées qui y sont consignées doivent être étayées par des documents de base sous‑jacents. Dans le cadre du présent appel, si ces documents de base avaient été produits pour étayer les entrées du grand livre général de sorte qu’il ressorte clairement que la TPS réellement perçue et que les CTI réclamés étaient exacts, l’appelante aurait peut‑être réussi à s’acquitter du fardeau qui lui incombait. Cela ne revient pas à dire qu’un grand livre général n’est pas un document digne de foi; mais en définitive il s’agit simplement de la transcription, par le comptable, de détails provenant de documents de base sous‑jacents. Cette situation peut donner lieu à des erreurs susceptibles d’être corrigées. Cependant, il se peut qu’il n’y ait aucun document de base pour étayer d’autres entrées. Selon la méthode adoptée par le comptable, les livres et documents peuvent présenter une image très différente de la réalité commerciale qu’ils sont censés exposer. Compte tenu de mes observations, je ne crois donc pas qu’il soit utile pour l’appelante de soutenir que le vérificateur n’a pas renvoyé aux chiffres inscrits dans le grand livre général. En l’absence de documents de base appropriés, je ne puis me fonder sur le grand livre général [traduction] « beaucoup plus exact » élaboré par l’expert‑comptable, alors même qu’il affirme volontiers avoir également préparé des déclarations fausses année après année. Exception faite des garanties de l’expert‑comptable, je ne suis saisie d’aucun élément de preuve indépendant établissant que les déclarations de TPS étaient réellement inexactes.

 

- Pénalités

 

[39]    Les faits jouent manifestement en faveur de l’imposition de pénalités en l’espèce. L’imposition de pénalités peut être contestée à l’aide d’un moyen de défense fondé sur la diligence raisonnable, mais aucun élément de preuve justifiant la suspension des pénalités ne m’a été présenté. Je n’ai pas besoin de reproduire des extraits tirés de la jurisprudence. Tant l’intimée que l’appelante m’ont renvoyée aux arrêts de principe applicables, y compris l’arrêt Pillar Oilfield Projects Ltd. c. Canada, [1993] A.C.I. no 764, et l’arrêt Canada (Attorney General) v. Consolidated Canadian Contractors Inc., 165 D.L.R. (4th) 433.

 

[40]    L’appelante a laissé entendre que, même si des erreurs comptables se sont produites, elle ne peut être jugée fautive puisque M. Miceli était un camionneur dépourvu de compétence en matière de comptabilité. Toutefois, dans la décision Roberts c. Canada, [1997] A.C.I. no 771, le juge en chef Bowman, saisi d’un moyen de défense fondé sur la diligence raisonnable relativement à la façon dont le contribuable utilisait les services de comptables, a conclu que les erreurs faites par les comptables agissant à titre de représentants du contribuable n’ont pas pour effet de soustraire ce dernier aux pénalités. Dans la décision Prévot c. Canada, [2000] A.C.I. no 931, le juge Dussault a mentionné ce qui suit au paragraphe 8 :

 

[...] Il faut se souvenir qu’un comptable, c’est un mandataire avant tout, que le mandant est toujours responsable du mandataire, des actes du mandataire de telle sorte qu’aussitôt qu’on se rend compte qu’il y a quelque chose qui ne va pas, bien il faut changer, puis changer vite parce que cela peut avoir des conséquences assez désastreuses.

 

[41]    L’appelante a également soulevé un argument relatif à l’interprétation téléologique et à l’interprétation mécanique. L’appelante m’a demandé de me pencher sur l’objet réel de la Loi et de considérer pourquoi les pénalités prévues par ce texte de loi sont automatiques. Le représentant de l’appelante n’a toutefois pas expliqué en détail cet argument et il n’a offert aucune réponse possible à la question qu’il a soulevée. En l’absence d’autres arguments de la part du représentant, je dois rejeter ce point. Je crois que les pénalités ont réellement pour objet d’inciter les contribuables à produire des déclarations qui renferment des renseignements exacts et à les dissuader de se comporter d’une manière négligente ou frauduleuse; ce qui n’est probablement pas l’argument que le représentant avait l’intention d’avancer s’il avait approfondi son analyse concernant l’interprétation téléologique.

 

[42]    Il est extrêmement difficile d’invoquer le moyen de défense fondé sur la diligence raisonnable et d’admettre parallèlement que son comptable a produit des déclarations qu’il savait inexactes parce qu’il était occupé et souhaitait éviter une vérification. Reconnaître que les chiffres ont été falsifiés afin d’éviter d’attirer l’attention de l’ARC pour ensuite tenter de faire valoir le moyen de défense fondé sur la diligence raisonnable pour éviter des pénalités constitue un acte intéressé. L’admission relative à la production de déclarations volontairement erronées a eu lieu après le fait pour tenter de montrer que la nouvelle cotisation était trop élevée. L’admission de la faute n’a pas été spontanée; elle visait simplement à réduire le montant des taxes à payer. L’appelante a coopéré à la vérification et a fait ces admissions touchant la production de déclarations de TPS falsifiées afin de corriger ses propres erreurs et de réduire le montant des taxes à payer. Le critère relatif à la diligence raisonnable auquel il faut satisfaire pour éviter les pénalités selon la disposition applicable n’a pas été respecté en l’espèce. Les actes accomplis dans la présente affaire ne peuvent, selon les termes employés par le juge en chef Bowman dans la décision 620247 Ontario Ltd. c. Canada, [1995] A.C.I. no 340, au paragraphe 13, être qualifiés de :

 

[...] tentative sincère et démontrable que l’on peut s’attendre qu’une personne raisonnable fasse dans des circonstances semblables pour se conformer aux exigences de la loi.

 

[43]    L’appel est accueilli, sans dépens, relativement au poste 7 de l’état des redressements après vérification, soit la TPS exigible au titre de dépôts bancaires non précisés s’élevant à 1 956,93 $, et relativement au poste 3 de l’état des redressements après vérification pour réduire cette somme de 560,00 $. À tous les autres égards, l’appel est rejeté.

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 24jour de février 2006.

 

« Diane Campbell »

Juge Campbell

 

Traduction certifiée conforme

ce 1er jour de juin 2007

 

D. Laberge, LL.L.


 

 

RÉFÉRENCE :

2006CCI118

 

NO DE DOSSIER DE LA COUR :

2004-4731(GST)I

 

INTITULÉ :

1277302 Ontario Ltd. et

Sa Majesté la Reine

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Hamilton (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 20 octobre 2005

 

MOTIFS DU JUGEMENT :

L’honorable juge Diane Campbell

 

DATE DU JUGEMENT :

Le 24 février 2006

 

COMPARUTIONS :

 

Représentant de l’appelante :

M. Omar S. Khan

 

Avocate de l’intimée :

Me Stacey Sloan

 

AVOCAT INSCRIT AU DOSSIER :

 

Pour l’appelante :

 

Nom :

 

 

 

Pour l’intimée :

Me John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

Ottawa, Canada

 

 

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