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Dossiers : 2003-3800(EI)

et 2003-3798(EI)

ENTRE :

WILLIAM L. HODDER,

appelant,

et

 

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé;

 

- et -

 

ENTRE :

JOANNE M. HODDER,

appelante,

et

 

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE] 

 

 

 


Appels entendus ensemble sur preuve commune, le 3 août 2005, à Grande Prairie (Alberta)

 

 

Devant : L’honorable juge Judith Woods

 

Comparutions :

 

Avocat des appelants

Me Bruce Logan

 

Avocate de l’intimé :

Me Elena Sacluti

 

 

 

JUGEMENT

        La Cour rejette les appels interjetés en vertu de la Loi sur l’assurance‑emploi et confirme les décisions rendues par le ministre du Revenu national, à savoir que William Hodder et Joanne Hodder n’occupaient pas un emploi assurable.

         

          Signé à Ottawa, Canada, ce 16e jour de septembre 2005.

 

 

« J. Woods »

Juge Woods

Traduction certifiée conforme

ce 9e jour de janvier 2006.

 

 

 

Ingrid Miranda, traductrice

 


 

 

Référence : 2005CCI615

Date : 20050916

Dossiers : 2003-3800(EI)

et 2003-3798(EI)

 

ENTRE :

WILLIAM L. HODDER,

appelant,

et

 

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé;

 

- et -

 

ENTRE :

JOANNE M. HODDER,

appelante,

et

 

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE] 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

Le juge Woods

 

[1]     Les appelants, Joanne et William Hodder, ont interjeté appel à l’encontre des décisions du ministre du Revenu national selon lesquelles ils n’occupaient pas d’emploi assurable, aux termes de la Loi sur l’assurance‑emploi, L.C. 1996, ch. 23, telle que modifiée. Les appels ont été entendus ensemble sur preuve commune et portent sur des périodes qui se sont écoulées en 1997 et en 2000.

 

[2]     Les décisions du ministre se fondent sur la détermination suivante : la société qui employait M. et Mme Hodder n’aurait pas conclu un contrat de travail semblable avec des personnes sans lien de dépendance. Ce critère doit être respecté dans tous les cas où l’employeur et l’employé entretiennent des liens de dépendance, fait qui, en l’espèce, n’est pas contesté.

 

[3]     Les dispositions législatives pertinentes sont l’alinéa 5(2)i)

 et le paragraphe 5(3) de la Loi, lesquels prévoient ainsi :

 

 

(2) N'est pas un emploi assurable :

            […]

i) l'emploi dans le cadre duquel l'employeur et l'employé ont entre eux un lien de dépendance.

 

(3) Pour l'application de l'alinéa (2)i) :

           […]

b) l'employeur et l'employé, lorsqu'ils sont des personnes liées au sens de cette loi, sont réputés ne pas avoir de lien de dépendance si le ministre du Revenu national est convaincu qu'il est raisonnable de conclure, compte tenu de toutes les circonstances, notamment la rétribution versée, les modalités d'emploi ainsi que la durée, la nature et l'importance du travail accompli, qu'ils auraient conclu entre eux un contrat de travail à peu près semblable s'ils n'avaient pas eu de lien de dépendance.

(C’est nous qui soulignons)

 

[4]     Vers le début des années 1990, M. et Mme Hodder ainsi que leurs deux filles, ont constitué la société Bill Hodder Co. Ltd dans le but d’exploiter une petite entreprise de construction à Terre‑Neuve. M. et Mme Hodder sont tous les deux employés auprès de la société en cause, au sein de laquelle ils accomplissent du travail manuel. De plus, M. Hodder se consacrait également à la recherche d’occasions d’affaires et négociait les contrats, alors que Mme Hodder s’occupait de la tenue des livres.

 

[5]     Les périodes en cause dans le présent appel ont eu lieu en 1997 et en 2000. Au cours de l’année 1997, l’entreprise se trouvait à Terre‑Neuve. En 2000, M. et Mme Hodder avaient déménagé à High Level, en Alberta. Dans cette province, la société exploitait l’entreprise de construction d’une façon similaire à la manière dont elle le faisait à Terre‑Neuve, sauf en ce qui concerne le caractère de la construction : à Terre‑Neuve, la société se consacrait beaucoup à la réparation de quais, alors qu’en Alberta elle se consacrait principalement à la rénovation d’immeubles.

 

[6]     Bien que la preuve ne soit pas très claire en ce qui concerne les autres employés de la société, il y a quelques éléments de preuve démontrant que la société a effectivement employé d’autres personnes au cours des périodes en cause dans l’appel. On ne dispose, cependant, pas d’éléments concernant les modalités d’emploi des autres employés. 

 

[7]     Les actions de la société appartenaient aux appelants (35 p. 100), ainsi qu’à leurs deux filles (15 p. 100 chacune). La Couronne a remarqué que le pourcentage de participation des filles permettait aux appelants d’être admissibles aux indemnités d’assurance‑emploi. En effet, aux termes des dispositions législatives pertinentes, une personne n’est pas admissible aux indemnités d’assurance‑emploi si elle détient plus de 40 p. 100 des actions avec droit de vote de son employeur (alinéa 5(2)b) de la Loi).

 

[8]     Bien qu’il ait été suggéré que la répartition des actions en l’espèce donne lieu à une inférence négative, je suis d’avis qu’on ne peut pas faire une telle inférence. Les raisons pour lesquelles les appelants ont choisi une telle répartition ne sont pas pertinentes à la question de savoir si les modalités d’emploi dévoilent la présence d’un lien de dépendance. En outre, il n’est pas irrégulier que des actionnaires constituent une société de manière à ne pas perdre leur admissibilité à l’assurance‑emploi.

 

[9] L’un des principaux arguments des appelants est que les décisions prises par le ministre faisait l’objet de l’appel vont à l’encontre de décisions que le ministre a prises antérieurement au sujet de M. Hodder. Les appelants ont versé au dossier des lettres provenant de la Division des appels de St. John’s, à Terre‑Neuve, et datées du 18 mai 1995, lesquelles informaient M. Hodder qu’il avait été déterminé que son emploi était assurable au cours d’une partie de l’année 1994. Les appelants font valoir que les déterminations du Ministre faisait l’objet de l’appel constituent un bris de la justice naturelle parce qu’elles ne tiennent pas compte de sa décision antérieure.  

 

[10]    Il est malheureux qu’on n’ait pas tenu compte de la décision antérieure. Cependant, elle ne peut être utile aux appelants. Les appels interjetés en l’espère ne font pas l’objet d’un contrôle judiciaire, et la manière dont le ministre a pris les décisions en cause n’est pas pertinente dans le cadre de la question que je dois déterminer[i].  La seule question sur laquelle je dois me pencher est celle de savoir si les modalités d’emploi accordées à M. et à Mme Hodder sont essentiellement semblables à des modalités d’emploi en vigueur dans des situations sans lien de dépendance.  

 

[11]    De plus, la Cour d’appel fédérale a statué que le ministre n’est pas tenu de suivre ses décisions antérieures : Massignani c. M.R.N., 2003 A.C.F. 172 (Cour d’appel fédérale); [2003] A.C.F. no 542 (QuickLaw). Dans cet arrêt, le juge d’appel Létourneau a déclaré ainsi :

 

[…] nous sommes d'avis que le ministre pouvait réviser en avril 1998 sa décision antérieure relative à l'assurabilité de l'emploi du demandeur, soit au terme d'une demande faite par la Commission en vertu de l'article 90 de la Loi sur l'assurance-emploi, L.C. 1996, ch. 23, soit de son propre chef en vertu de l'article 94 de cette dernière.

 

[12]    Bien que les appelants ne puissent pas s’appuyer sur la décision antérieure du ministre ne puisse être utile aux appelants, je suis touché par leur sort. Tout employé et employeur devrait pouvoir raisonnablement se fonder sur les décisions antérieures du ministre avant de prendre la décision de payer ou non des cotisations d’assurance‑emploi en vue de périodes subséquentes. Il est souhaitable que les décisions du ministre soient aussi cohérentes que possible. Cependant, le Ministre n’est pas tenu légalement de faire preuve de cohérence.

         

[13]    Je me penche maintenant sur l’argument de fond qu’avancent les appelants, à savoir que les modalités de leur emploi sont semblables aux modalités accordées dans des situations sans lien de dépendance. Je ne puis admettre cet argument pour la simple raison que la preuve présentée à l’audience n’était pas suffisante pour me convaincre de ce fait.

 

[14]    M. et Mme Hodder ont déposé leurs témoignages en des termes extrêmement généraux. Ils ont déclaré être payés à un taux horaire plutôt bas dans l’échelle de salaires pour ce genre de travail. Ils ont également déclaré que M. Hodder ne facturait pas les heures pendant lesquelles il gérait l’entreprise ou négociait des contrats. Mme Hodder a témoigné qu’en Alberta, elle était rémunérée à un taux allant de 8 $ à 10 $ l’heure. M. Hodder a témoigné qu’il avait gardé des registres des heures de travail, mais qu’il ne les avait pas emmenés au tribunal.

 

[15]    Lorsqu’il faut déterminer la question de savoir si les modalités d’emploi sont à peu près semblables aux modalités de contrats d’emploi conclus sans lien de dépendance, le juge doit disposer d’éléments de preuve suffisants pour être en mesure de comparer les modalités en cause avec des modalités conclues sans lien de dépendance. En l’espèce, il y a très peu d’information sur les modalités d’emploi de M. et de Mme Hodder, et on ne dispose pas d’information sur des situations semblables, mais qui se déroulent sans lien de dépendance. M. Hodder a témoigné qu’il avait essayé de s’informer sur les taux payés dans le domaine de la construction et qu’il avait choisi de rémunérer à un taux plutôt bas dans l’échelle des salaires. Cependant, il n’y a pas d’éléments de preuve précis démontrant le type de recherches qu’il a effectuées et les renseignements qu’il a été en mesure d’obtenir.

 

[16]    Ne disposant pas d’éléments de preuve précis, je ne suis pas en mesure de statuer que les décisions du ministre sont déraisonnables. Les appelants ont le fardeau de démontrer que les modalités de leurs emplois sont à peu près semblables à des modalités conclues sans lien de dépendance. Leurs témoignages brefs et généraux n’ont pas satisfait à ce critère.

 

[17]    Je voudrais aussi remarquer le fait que je ne suis aucunement persuadée de l’argument de M. Hodder, à savoir qu’il s’acquittait des tâches quotidiennes de gestion de l’entreprise en sa qualité d’actionnaire et non pas en qualité d’employé. Je suis d’avis que la gestion quotidienne d’une entreprise ne relève pas de la responsabilité des actionnaires et que tout employé sans lien de dépendance insisterait pour être rémunéré pour ce travail.

 

[18]    Pour les motifs susmentionnés, les appels sont rejetés.

 

 

         


Signé à Ottawa, Canada, ce 16e jour de septembre 2005.

 

 

« J. Woods »

Juge Woods

 

Traduction certifiée conforme

ce 9e jour de janvier 2006.

 

 

 

Ingrid Miranda, traductrice


 



[i] Légaré c. M.R.N., affaires nos A-392-98, A-393-98 (C.A.F.) [1999] A.C.F. no 878 (Q.L.); Pérusse c. M.R.N., affaire no A-722-97 (C.A.F.) [2000] A.C.F. n310 (Q.L.).

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