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Dossier : 2004-3543(IT)I

ENTRE :

DANIEL L. BEAUDOIN,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

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Appel entendu à Nanaimo (Colombie-Britannique), le 20 janvier 2005.

Devant : L'honorable juge L.M. Little

Comparutions :

Représentant de l'appelant :

M. Ed R. Heese

Avocate de l'intimée :

Me Nadine Taylor Pickering

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JUGEMENT

          L'appel de la cotisation établie en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu pour l'année d'imposition 2003 est admis avec dépens et la cotisation est déférée au ministre du Revenu national pour nouvel examen et nouvelle cotisation selon les motifs de jugement ci-joints.

Signé à Vancouver (Colombie-Britannique), ce 4e jour de février 2005.

« L.M. Little »

Juge Little

Traduction certifiée conforme

ce 31e jour d'octobre 2005.

Sara Tasset


Référence : 2005CCI94

Date : 20050204

Dossier : 2004-3543(IT)I

ENTRE :

DANIEL L. BEAUDOIN,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

MOTIFS DU JUGEMENT

Le juge Little

A.       LES FAITS

[1]      L'appelant a commencé à travailler pour Dairyland Fluid Division ( « Dairyland » ), à son usine, à Nanaimo (Colombie-Britannique), en 1978.

[2]      Au mois d'octobre 1996, Dairyland a fermé son usine, à Nanaimo, et s'est réinstallée à Courtenay (Colombie-Britannique).

[3]      Pendant l'année d'imposition 1996, l'appelant résidait au 1914, chemin Kelsie, à Nanaimo (la « maison du chemin Kelsie » ).

[4]      Au mois de mai 1997, l'appelant a acheté un terrain non bâti d'une superficie de 1,104 acres, situé au 6671, chemin Elm, à Lantzville (Colombie-Britannique). L'appelant a construit une maison sur la propriété du chemin Elm (la « maison du chemin Elm » )

[5]      En 1999, l'appelant a quitté la maison du chemin Kelsie pour s'installer dans la maison du chemin Elm.

[6]      L'appelant a fait la navette entre la maison du chemin Kelsie ou la maison du chemin Elm et l'usine de Dairyland, à Courtenay, pendant environ sept ans.

[7]      À l'automne 2003, l'appelant a acheté une maison située au 4636, chemin Arran (la « maison du chemin Arran » ), à Courtenay.

[8]      Au mois de novembre 2003, l'appelant a vendu la maison du chemin Elm et s'est installé dans la maison du chemin Arran.

[9]      L'appelant a témoigné avoir engagé des frais nets de déménagement de 23 452,50 $ (ce montant comprend la commission de courtage, d'un montant de 14 252,40 $, que l'appelant a payée lorsqu'il a vendu la maison du chemin Elm).

[10]     En produisant sa déclaration de revenu pour l'année d'imposition 2003, l'appelant a déduit un montant de 6 250 $ (Nota : Le montant de 6 250 $ est le salaire que l'appelant a reçu de Dairyland après s'être installé dans la maison du chemin Arran, à Courtenay, au mois de novembre 2003, jusqu'à la fin de l'année 2003. Le représentant de l'appelant a dit que l'appelant veut déduire la différence entre le montant de 23 452,50 $ et le montant de 6 250 $, soit 17 202,50 $, lorsqu'il produira sa déclaration de revenu pour l'année d'imposition 2004).

B.       POINT LITIGIEUX

[11]     Il s'agit de savoir si l'appelant a le droit de déduire des frais de déménagement d'un montant de 6 250 $ dans le calcul de son revenu pour l'année d'imposition 2003.

C.       ANALYSE

[12]     L'avocate de l'intimée maintient que les frais de déménagement que l'appelant a déduits dans l'année d'imposition 2003 ne sont pas déductibles dans le calcul du revenu de l'appelant pour l'année d'imposition 2003 étant donné que l'appelant n'a pas quitté la maison du chemin Elm pour s'installer dans la maison du chemin Arran afin de pouvoir gagner un revenu d'emploi au sens du paragraphe 248(1) et de l'article 62 de la Loi de l'impôt sur le revenu (la « Loi » ).

[13]     L'avocate de l'intimée a fait remarquer que Dairyland avait fermé son usine, à Nanaimo en 1996 et qu'elle s'était alors réinstallée à Courtenay. Toutefois, l'appelant a fait la navette entre ses maisons, à Nanaimo, et Courtenay, jusqu'en 2003, année où il a acheté une maison à Courtenay et s'est installé dans cette maison. L'avocate de l'intimée a affirmé que la période de sept ans qui s'est écoulée entre le moment où l'usine s'est installée à Courtenay, en 1996, et le moment où l'appelant s'est installé à Courtenay est fort longue.

[14]     L'expression « frais de déménagement » est définie comme suit au paragraphe 62(3) de la Loi :

62. (3) Pour l'application du paragraphe (1), sont comprises dans les frais de déménagement toutes dépenses engagées au titre :

a) des frais de déplacement (y compris les dépenses raisonnables pour repas et logement) engagés pour le déménagement du contribuable et des membres de sa maisonnée qui se transportent de l'ancienne résidence à la nouvelle résidence;

b) des frais de transport et d'entreposage des meubles du contribuable qui doivent être transportés de son ancienne résidence à sa nouvelle résidence;

c) des frais de repas et de logement, près de l'ancienne résidence ou de la nouvelle résidence, engagés par le contribuable et les membres de sa maisonnée pendant une période maximale de 15 jours;

d) des frais de résiliation du bail en vertu duquel il était le locataire de son ancienne résidence;

e) des frais relatifs à la vente de son ancienne résidence;

f) lorsque le contribuable ou son époux ou conjoint de fait vend l'ancienne résidence par suite du déménagement, des frais, pour le contribuable, à l'égard des services juridiques relatifs à l'achat de la nouvelle résidence et des impôts, frais, droits et taxes (sauf toute taxe sur les produits et services ou taxe à la valeur ajoutée) applicables au transfert ou à l'enregistrement du droit de propriété de cette résidence;

g) des intérêts, impôts fonciers, primes d'assurance et coûts du chauffage et des services publics relativement à l'ancienne résidence, jusqu'à concurrence de 5 000 $ ou, s'il est moins élevé, du total des dépenses de cette nature engagées par le contribuable pour la période, à la fois :

(i)          tout au long de laquelle l'ancienne résidence n'est ni ordinairement occupée par le contribuable ou par une autre personne qui y résidait habituellement avec lui immédiatement avant le déménagement, ni louée par le contribuable à une autre personne,

(ii)         au cours de laquelle des efforts sérieux sont faits en vue de vendre l'ancienne résidence;

h) du coût de la révision de documents juridiques pour tenir compte de l'adresse de la nouvelle résidence du contribuable, du remplacement des permis de conduire et des certificats d'immatriculation de véhicules non commerciaux (à l'exclusion du coût de l'assurance-véhicule) et des connexion et déconnexion des services publics;

il est toutefois entendu que le terme ne vise pas les frais (autres que les frais visés à l'alinéa f)) engagés par le contribuable pour l'acquisition de sa nouvelle résidence.

         

[15]     Pendant l'audience, l'appelant a témoigné qu'en 1993 son associé et lui avaient constitué une société appelée J. Star Investments Ltd. ( « J. Star » ). J. Star s'occupait de la construction d'habitations et d'aménagement de terrains.

[16]     L'appelant a affirmé qu'au moment où Dairyland a installé son usine à Courtenay, en 1996, J. Star s'occupait de l'aménagement de terrains à Chemanius (Colombie-Britannique) et que l'aménagement avait suscité certains problèmes qu'il s'était vu obligé de [traduction] « gérer » .

[17]     L'appelant a témoigné que la propriété, à Chemanius, dont J. Star était propriétaire a été vendue et que J. Star a été dissoute en 2003.

[18]     L'appelant a en outre témoigné qu'après que J. Star eut vendu sa propriété, sa femme et lui ont décidé de se réinstaller dans la région de Courtenay afin de se rapprocher de l'usine de Dairyland et qu'ils ont acheté leur maison, chemin Arran, à Courtenay.

[19]     L'appelant a également déclaré que la coopérative de crédit avait fait enregistrer un privilège sur la maison du chemin Elm. L'appelant a affirmé que les représentants de cette coopérative de crédit lui avaient dit qu'ils voulaient que les problèmes d'entreprise de J. Star soient réglés avant de faire radier le privilège. L'appelant a affirmé avoir tardé à quitter Nanaimo pour s'installer à Courtenay à cause des problèmes auxquels faisait face J. Star sur le plan commercial et à cause du privilège que la coopérative de crédit avait fait enregistrer sur la maison du chemin Elm.

[20]     Dans la décision James D. Beyette v. M.N.R., 89 DTC 701, le juge Taylor a examiné la question de la déduction des frais de déménagement. Voici ce qu'il a dit à la page 702 :

   Le procureur de l'intimé soutient que le paragraphe 62(1) de la Loi sous-entend qu'il y a une limite au temps pouvant s'écouler entre le changement du lieu de travail et le déménagement et que les cinq ans effectivement écoulés ne constituent pas un délai raisonnable. Le mot important de la disposition en cause étant le mot « commencé » , il estime qu'il doit y avoir un lien entre le [traduction] « commencement de l'emploi » et le [traduction] « déménagement » .

   Je ne suis d'accord avec ni l'un ni l'autre des arguments avancés par l'intimé. Je suis en l'espèce persuadé, compte tenu de la preuve et des dépositions, que le contribuable a eu de bonnes raisons de retarder son déménagement de Winnipeg à Beausejour; la maladie, la pénurie de logements à Beausejour, la mauvaise conjoncture du marché immobilier à Winnipeg, etc., mais la question n'est vraisemblablement pas là. À mon avis, il appartient au seul contribuable de décider de la date de son déménagement et des frais que cela entraîne étant donné que la Loi ne prévoit aucun délai précis. Il est vrai que cinq ans représente un délai particulièrement long entre le changement du lieu de travail et le déménagement, mais là n'est pas la question et l'intimé n'est pas fondé à conclure (Bulletin I.T. 178R2) à l'existence de certains délais qui sont « raisonnables » et d'autres qui ne le sont pas. D'après moi, le paragraphe 62(1) de la Loi exige que le contribuable ait « commencé » ... à être employé » avant d'effectuer le déménagement dont il demande la déduction. Je ne vois pas comment le mot « commencé » pourrait en vouloir dire plus que cela. Monsieur Beyette a « commencé ... à être employé » , en 1981, à son nouveau lieu de travail et il a « déménagé » en 1986. Il a, par conséquent, le droit de déduire ses frais de déménagement.

Je souscris aux remarques du juge Taylor.

[21]     Je mentionnerai également la décision que le juge Bowman a rendue dans l'affaire Jaggers c. Canada, [1997] A.C.I. no 477. Dans la décision Jaggers, le juge Bowman a statué que les frais de déménagement déduits par l'appelant devaient être admis. Dans ce cas-là, Revenu Canada (tel était alors le nom de l'organisme) avait refusé de permettre à M. Jaggers de déduire ce qu'il lui en avait coûté pour vendre sa maison parce que la maison avait été vendue deux ans après le déménagement. À la page 6 des motifs du jugement, le juge Bowman a dit ce qui suit :

[...] L'article 62 vise la déduction des frais de déménagement lorsqu'un déménagement est attribuable à un changement d'emploi. Adopter une approche trop étroite et technique irait à l'encontre du but de cette disposition. Nous avons devant nous un contribuable qui s'installe dans une autre ville pour exercer un nouvel emploi. Il y achète une maison, mais il conserve son ancienne résidence, comme il est sensé de faire, jusqu'à ce qu'il soit certain de conserver son nouvel emploi. Il loue provisoirement l'ancienne résidence. Étant donné qu'il n'évince pas les locataires dès qu'il le peut pour des raisons d'ordre moral, semble-t-il, plutôt que pour des raisons d'ordre purement financier , il perd, selon le ministère du Revenu national, le droit d'effectuer la déduction prévue à l'article 62. À mon avis, cette interprétation de l'article 62 n'est pas acceptable. Ces dépenses sont précisément du genre envisagé à l'article 62.

[22]     J'ai conclu que l'appelant doit être autorisé à déduire les frais de déménagement d'un montant de 6 250 $ qu'il a engagés lorsqu'il a quitté la maison du chemin Elm pour s'installer dans la maison du chemin Arran, dans le calcul de son revenu pour l'année d'imposition 2003.

[23]     L'appel est accueilli avec dépens.

Signé à Vancouver (Colombie-Britannique), ce 4e jour de février 2005.

« L.M. Little »

Juge Little

Traduction certifiée conforme

ce 31e jour d'octobre 2005.

Sara Tasset

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