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Dossier : 2004-484(EI)

ENTRE :

THE MCDONNELL CONSULTING CORPORATION,

appelante,

et

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

____________________________________________________________________

Appel entendu à Toronto (Ontario), le 24 novembre 2004.

Devant : L'honorable W.E. MacLatchy, juge suppléant

Comparutions :

Avocats de l'appelante :

Me Matthew G. Williams

Me Irina Schnitzer

Avocat de l'intimé :

Me Jeremy Streeter

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JUGEMENT

          L'appel est rejeté et la décision du ministre est confirmée selon les motifs de jugement ci-joints.

Signé à Toronto (Ontario), ce 27e jour de janvier 2005.

« W.E. MacLatchy »

Juge MacLatchy

Traduction certifiée conforme

ce 31e jour d'octobre 2005.

Sara Tasset


Référence : 2005CCI62

Date : 20050127

Dossier : 2004-484(EI)

ENTRE :

THE MCDONNELL CONSULTING CORPORATION,

appelante,

et

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

MOTIFS DU JUGEMENT

Le juge suppléant MacLatchy

[1]      L'appelante a interjeté appel d'une décision du ministre du Revenu national (le « ministre » ) relative à la question de savoir si Michelle A. Lewin (la « travailleuse » ) exerçait auprès d'elle un emploi assurable au sens de la Loi sur l'assurance-emploi (la « Loi » ) pendant la période allant du 6 janvier au 30 juin 2003.

[2]      Par une lettre datée du 19 novembre 2003, le ministre a informé la travailleuse et l'appelante qu'il avait été conclu que la travailleuse n'exerçait pas un emploi assurable pendant la période susmentionnée puisque la travailleuse et l'appelante avaient entre elles un lien de dépendance selon l'alinéa 5(2)i) de la Loi.

[3]      Le ministre s'est fondé sur les hypothèses de fait suivantes pour arriver à sa décision :

[traduction]

a)          l'entreprise de l'appelante consiste à fournir des services de consultation, notamment en matière de rédaction et de révision de documents destinés à être publiés, et à donner des conseils au sujet du démarrage et de l'exploitation de petites entreprises;

b)          Thomas E. McDonnell est l'unique actionnaire de l'appelante;

c)          la travailleuse est liée à l'actionnaire de l'appelante parce qu'elle est sa fille;

d)          la travailleuse a été embauchée, en vertu d'un accord verbal, en vue d'établir un nouveau secteur d'activité;

e)          le poste occupé par la travailleuse n'existait pas avant la période en question;

f)           la travailleuse était la seule personne à travailler pour l'appelante pendant la période en question;

g)          la travailleuse n'a pas été remplacée pendant son congé de maternité;

h)          la travailleuse accomplissait la plupart de ses tâches au lieu d'affaires des clients de l'appelante;

i)           la travailleuse touchait 3 333,33 $ par mois, au moyen d'un chèque établi par l'appelante;

j)           la travailleuse était tenue d'effectuer une semaine de travail de 35 heures;

k)          les heures de travail de la travailleuse n'étaient pas enregistrées par la travailleuse ou par l'appelante;

l)           l'équipement et le matériel étaient fournis par les clients de l'appelante;

m)         la travailleuse était liée à l'actionnaire de l'appelante au sens de la Loi de l'impôt sur le revenu;

n)          la travailleuse avait avec l'appelante un lien de dépendance.

[4]      L'appelante est d'accord pour dire que ces hypothèses de fait sont exactes.

[5]      Le ministre a exercé son pouvoir discrétionnaire en vertu de l'alinéa 5(2)i) de la Loi et il a décidé que le contrat de travail n'était pas réputé avoir été conclu par des personnes sans lien de dépendance.

[6]      La question dont la Cour est saisie a clairement été énoncée comme suit par le juge Marceau dans l'arrêt Légaré c. Canada (Ministre du Revenu national - M.R.N.), [1999] A.C.F. no 878 (C.A.F.) :

[4]         La Loi confie au ministre le soin de faire une détermination à partir de la conviction à laquelle son examen du dossier peut le conduire. L'expression utilisée introduit une sorte d'élément de subjectivité et on a pu parler de pouvoir discrétionnaire du ministre, mais la qualification ne devrait pas faire oublier qu'il s'agit sans doute d'un pouvoir dont l'exercice doit se fonder pleinement et exclusivement sur une appréciation objective des faits connus ou supposés. Et la détermination du ministre n'est pas sans appel. La Loi accorde, en effet, à la Cour canadienne de l'impôt le pouvoir de la réviser sur la base de ce que pourra révéler une enquête conduite, là, en présence de tous les intéressés. La Cour n'est pas chargée de faire la détermination au même titre que le ministre et, en ce sens, elle ne saurait substituer purement et simplement son appréciation à celle du ministre : c'est ce qui relève du pouvoir dit discrétionnaire du ministre. Mais la Cour doit vérifier si les faits supposés ou retenus par le ministre sont réels et ont été appréciés correctement en tenant compte du contexte où ils sont survenus, et après cette vérification, elle doit décider si la conclusion dont le ministre était « convaincu » paraît toujours raisonnable.

[7]      La Cour d'appel fédérale a fait des remarques supplémentaires sur ce point dans l'arrêt Pérusse c. Canada (Ministre du Revenu national), [2000] A.C.F. no 310, où le juge Marceau s'est exprimé en ces termes :

[15]       Le rôle du juge d'appel n'est donc pas simplement de se demander si le ministre était fondé de conclure comme il l'a fait face aux données factuelles que les inspecteurs de la commission avaient pu recueillir et à l'interprétation que lui ou ses officiers pouvaient leur donner. Le rôle du juge est de s'enquérir de tous les faits auprès des parties et des témoins appelés pour la première fois à s'expliquer sous serment et de se demander si la conclusion du ministre, sous l'éclairage nouveau, paraît toujours « raisonnable » (le mot du législateur). La Loi prescrit au juge une certaine déférence à l'égard de l'appréciation initiale du ministre et lui prescrit, comme je disais, de ne pas purement et simplement substituer sa propre opinion à celle du ministre lorsqu'il n'y a pas de faits nouveaux et que rien ne permet de penser que les faits connus ont été mal perçus. Mais parler de discrétion du ministre sans plus porte à faux.

[8]      Le juge suppléant Porter, de la Cour canadienne de l'impôt, a traité à fond et d'une façon habile de la question de la compétence conférée à la Cour canadienne de l'impôt à l'égard de pareille enquête dans la décision Crawford and Company Ltd. et M.R.N., [1999] A.C.I. no 850 (QL); la question a également été examinée par le juge suppléant Rowe, de la Cour canadienne de l'impôt, dans la décision Docherty c. Canada (Ministre du Revenu national - M.R.N.), [2000] A.C.I. no 690; il vaut la peine de citer ce passage :

[58]       Dans le cadre du régime établi par la Loi sur l'a.-e., le Parlement a prévu que certains emplois sont assurables et donnent droit à des prestations s'ils cessent, et que d'autres emplois, qui sont « exclus » , ne donnent droit à aucune prestation s'ils cessent. Lorsque des personnes qui ont un lien de dépendance concluent une convention d'emploi, il s'agit d'un « emploi exclu » . Des conjoints, des parents et leurs enfants, des frères, et des sociétés contrôlées par ces personnes sont réputés avoir entre eux un lien de dépendance suivant le paragraphe 251(1) de la Loi de l'impôt sur le revenu, qui régit cette situation. Cette disposition législative a manifestement pour but d'éviter au régime d'avoir à payer une multitude de prestations fondées sur des conventions d'emploi factices ou fictives; voir les observations de la Cour d'appel fédérale dans l'arrêt Paul c. Le Ministre du Revenu national, [1996] A.C.F. no 682, (A-223-86), où le juge Hugessen a déclaré :

Nous sommes tous disposés à présumer, comme nous y invite l'avocat de l'appelante, que l'alinéa 3(2)c) de la Loi de 1971 sur l'assurance-chômage, et le paragraphe 14a) du Règlement sur l'assurance-chômage visent entre autres à éviter les emplois abusifs de la Caisse d'assurance-chômage par la création de soi-disant rapports « employeurs-employés » entre des personnes dont les rapports sont, de fait, très différents. Cet objectif se révèle tout à fait pertinent et rationnellement justifiable dans le cas des époux qui vivent ensemble maritalement. Mais même si, comme le soutient l'appelante, nous ne sommes en présence que d'époux légalement séparés et qui peuvent traiter entre eux sans lien de dépendance, la nature de leurs rapports en qualité de conjoints est telle qu'elle justifie, à notre avis, d'exclure de l'économie de la Loi l'emploi de l'un par l'autre.

[...]

Nous n'écartons pas la possibilité que les dispositions susmentionnées aient d'autres objectifs, comme par exemple la décision conforme à une politique sociale visant à écarter du champ d'application de la Loi de 1971 sur l'assurance-chômage tous les emplois exercés au sein de l'unité familiale, comme l'a suggéré l'avocat de l'intimé.

[59]       La rigueur de cette disposition a toutefois été atténuée par l'alinéa 5(3)b) de la Loi sur l'a.-e., lequel prévoit qu'un emploi dans un cas où l'employeur et l'employé sont des personnes liées est réputé être exercé sans lien de dépendance et peut donc être considéré comme un emploi assurable, s'il remplit toutes les autres conditions, c'est-à-dire si le ministre est convaincu, compte tenu de toutes les circonstances, notamment la rétribution versée, les modalités d'emploi ainsi que la durée, la nature et l'importance du travail accompli, qu'il est raisonnable de conclure qu'ils auraient conclu entre eux un contrat à peu près semblable s'ils n'avaient pas eu (en fait) un lien de dépendance.

[9]      La Cour d'appel fédérale a précisé l'interprétation qui est actuellement donnée aux diverses dispositions en question dans l'arrêt Légaré, précité, où le juge Marceau a dit ce qui suit :

La Cour est ici saisie de deux demandes de contrôle judiciaire portées à l'encontre de deux jugements d'un juge de la Cour canadienne de l'impôt dans des affaires reliées l'une à l'autre et entendues sur preuve commune où se soulevaient une fois de plus les difficultés d'interprétation et d'application de cette disposition d'exception du sous-alinéa 3(2)c)(ii). Une fois de plus, en effet, car plusieurs décisions de la Cour canadienne de l'impôt et plusieurs arrêts de cette Cour se sont déjà penchés sur le sens pratique à donner à ce sous-alinéa 3(2)c)(ii) depuis son adoption en 1990. On voit tout de suite en lisant le texte les problèmes qu'il pose par delà la pauvreté de son libellé, problèmes qui ont trait principalement à la nature du rôle attribué au ministre, à la portée de sa détermination et, par ricochet, à l'étendue du pouvoir général de révision de la Cour canadienne de l'impôt dans le cadre d'un appel sous l'égide des articles 70 et suivants de la Loi.

Les principes applicables pour la solution de ces problèmes ont été abondamment discutés, encore qu'apparemment, à en juger par le nombre de litiges soulevés et les opinions exprimées, leur exposé n'ait pas toujours été pleinement compris. Pour les fins des demandes qui sont devant nous, nous voulons reprendre, en des termes qui pourront peut-être rendre plus compréhensibles nos conclusions, les principales données que ces multiples décisions passées permettent de dégager.

La Loi confie au ministre le soin de faire une détermination à partir de la conviction à laquelle son examen du dossier peut le conduire. L'expression utilisée introduit une sorte d'élément de subjectivité et on a pu parler de pouvoir discrétionnaire du ministre, mais la qualification ne devrait pas faire oublier qu'il s'agit sans doute d'un pouvoir dont l'exercice doit se fonder pleinement et exclusivement sur une appréciation objective des faits connus ou supposés. Et la détermination du ministre n'est pas sans appel. La Loi accorde, en effet, à la Cour canadienne de l'impôt le pouvoir de la réviser sur la base de ce que pourra révéler une enquête conduite, là, en présence de tous les intéressés. La Cour n'est pas chargée de faire la détermination au même titre que le ministre et, en ce sens, elle ne saurait substituer purement et simplement son appréciation à celle du ministre : c'est ce qui relève du pouvoir dit discrétionnaire du ministre. Mais la Cour doit vérifier si les faits supposés ou retenus par le ministre sont réels et ont été appréciés correctement en tenant compte du contexte où ils sont survenus, et après cette vérification, elle doit décider si la conclusion dont le ministre était « convaincu » paraît toujours raisonnable.

[10]     Il vaut la peine de reproduire les remarques que le juge Pratte, de la Cour d'appel fédérale, a faites dans l'arrêt Adolfo Elia c. M.R.N., [1997] A.C.F. no 316 (QL) :

Contrairement à ce qu'a pensé le juge, il n'est pas nécessaire, pour que le juge puisse exercer ce pouvoir, qu'il soit établi que la décision du Ministre était déraisonnable ou prise de mauvaise foi eu égard à la preuve que le Ministre avait devant lui. Ce qui est nécessaire, c'est que la preuve faite devant le juge établisse que le Ministre a agi de mauvaise foi, ou de façon arbitraire ou illégale, a fondé sa décision sur des faits non pertinents ou n'a pas tenu compte des faits pertinents. Alors, le juge peut substituer sa décision à celle du Ministre.

[11]     La preuve qui a été produite devant la Cour était complète; elle a été exposée d'une façon juste et exacte par les deux témoins de l'appelante, Michelle Ann Lewin et Thomas McDonnell, qui ont témoigné d'une façon sincère et non évasive et sans subterfuge. Il était bon d'avoir des témoins dont la preuve était honnête et digne de foi. Toutefois, je ne puis arriver à la même conclusion que celle que l'appelante a avancée dans son argumentation, en se fondant sur la même preuve.

[12]     Il a été convenu que le ministre n'avait pas agi d'une façon arbitraire ou de mauvaise foi, mais l'appelante croit que la décision a été prise sans que l'on ait procédé à un examen complet de la nature véritable de l'emploi que la travailleuse exerçait auprès de l'appelante. Il a été reconnu que la travailleuse était et aurait été considérée comme étant liée à l'appelante pour l'application de l'alinéa 5(2)i) de la Loi et qu'elle n'exerçait donc pas un emploi assurable, si ce n'était des dispositions d'exception figurant à l'alinéa 5(3)b). L'appelante a soutenu que le ministre s'était fondé sur des hypothèses non pertinentes et qu'il n'était pas au courant de la totalité des dispositions qui avaient été prises avec la travailleuse au sujet de l'emploi.

[13]     Mme Lewin, la travailleuse, est une personne instruite; elle s'y connaît dans le domaine des beaux-arts; elle semblait entretenir des relations étroites avec un segment du milieu des arts, à Toronto. Elle avait travaillé pour certaines galeries d'art jusqu'au milieu de l'année 2002, lorsqu'elle s'est vue obligée de quitter son emploi parce que l'employeur s'attendait à ce qu'elle effectue des heures de travail déraisonnables. La travailleuse a été en chômage jusqu'au début de l'année 2003, et elle a alors été embauchée par la société appelante, appartenant à son père, Thomas McDonnell. Elle a tenté d'obtenir un emploi dans sa profession, mais ses efforts se sont avérés vains, étant donné que, comme elle l'a dit, le milieu des arts est un petit cercle fermé qui offre fort peu de possibilités pour quelqu'un qui a sa formation et ses talents et qui a fait les mêmes études qu'elle.

[14]     Il a été convenu que la société appelante avait été utilisée par Thomas McDonnell afin d'offrir des services de consultation à des clients exploitant de petites entreprises qui avaient besoin de conseils en matière d'impôt, de succession et d'exploitation générale d'une entreprise familiale. Selon le témoignage de Thomas McDonnell, l'appelante s'occupait de quelques clients choisis qui étaient devenus des amis et qui semblaient s'en remettre à M. McDonnell pour obtenir des conseils sur le plan commercial et s'adressaient à celui-ci dans un contexte autre que l'exercice de la profession de fiscaliste qu'il exerçait dans un cabinet d'avocats de Toronto se spécialisant dans les affaires fiscales. M. McDonnell utilisait également la société appelante pour réviser des documents et faire des commentaires aux fins de la publication d'un bulletin d'information s'adressant à des spécialistes et pour collaborer à la rédaction d'un ouvrage portant sur les avantages fiscaux des subventions de recherche et de développement scientifiques.

[15]     Apparemment, M. McDonnell et sa fille ont discuté de la situation telle qu'elle existait à la fin de l'année 2002 et ils sont arrivés à une entente selon laquelle cette dernière travaillerait pour la société appelante dans le domaine des arts, cet emploi devant permettre d'augmenter la gamme de services que la société pouvait fournir. À ce moment-là, la travailleuse était enceinte et M. McDonnell était au courant de la chose. Conformément aux dispositions qui avaient été prises, la travailleuse a travaillé pendant six mois et elle a pris un congé de maternité à la fin du mois de juin 2003. Elle avait l'intention de prendre un congé d'un an, mais elle est retournée travailler à temps partiel neuf mois plus tard.

[16]     Le montant de la rémunération à verser à la travailleuse a été négocié entre les parties et correspondait aux compétences et à l'expertise de la travailleuse dans le domaine des arts; il était également tenu compte du fait qu'elle ne travaillerait que 35 heures par semaine, du lundi au vendredi. Le montant de la rémunération dont il a été convenu était inférieur à celui que la travailleuse gagnait lorsqu'elle était employée ailleurs, mais on estimait qu'il était proportionné à ses études et à sa formation. Lorsqu'elle est retournée travailler après son congé de maternité, la travailleuse résidait à Peterborough et pouvait uniquement travailler de temps en temps en fonction de l'horaire de son enfant. La travailleuse pouvait travailler à domicile au moyen de courriels et elle pouvait au besoin aller rencontrer des clients à Toronto.

[17]     Pendant les six mois où elle a travaillé avant d'avoir son enfant, la travailleuse n'a pas eu beaucoup de succès; elle a repris contact avec trois clients dans le domaine des arts et elle a produit un chiffre d'affaires correspondant environ aux deux tiers de la rémunération qu'elle a touchée pendant cette période. L'appelante était satisfaite du progrès accompli, mais elle n'est pas elle-même restée en contact avec ces clients. Il n'y a pas eu de contacts avec ces clients pendant le congé de maternité de la travailleuse et on n'avait pas l'intention de communiquer avec eux.

[18]     M. McDonnell a fait savoir à la Cour qu'avant d'embaucher sa fille pour travailler pour l'appelante, il n'avait pas l'intention d'embaucher quelqu'un ou d'entrer en contact avec le milieu des arts. Il ne s'attendait pas particulièrement à agrandir la société appelante et il savait peu de choses au sujet des clients que sa fille pourrait attirer chez l'appelante. La travailleuse lui a fait une proposition qui, croyait-il, pourrait être avantageuse pour l'appelante. En outre, il savait que sa fille attendait un enfant et qu'elle ne pouvait travailler que pendant six mois et qu'elle voulait ensuite s'absenter pendant un an. Personne n'a été embauché pendant l'absence de la travailleuse pour s'occuper des clients qui venaient d'être recrutés, ne serait-ce que pour les conserver.

[19]     Aucun contrat écrit n'a été conclu entre l'appelante et la travailleuse. M. McDonnell a déclaré que la chose ne lui était pas venue à l'esprit mais cela est selon moi anormal puisqu'il est expert en fiscalité et que l'on s'attendrait à ce qu'il soit au courant des dispositions d'exclusion qui s'appliquent à l'emploi de la travailleuse et qu'il sache qu'il serait bon qu'il veille méticuleusement à mettre par écrit le contrat de travail et à s'assurer que tous les points soient mis sur les i.

[20]     Le ministre n'avait pas entendu la preuve de ces deux témoins, mais il semble avoir été au courant des circonstances, notamment de la rétribution convenue, des modalités d'emploi ainsi que de la nature et de l'importance du travail accompli. L'appelante a honnêtement fourni tous ces renseignements et les hypothèses sur lesquelles le ministre a fondé sa décision indiquaient cette connaissance.

[21]     Je crois qu'il n'y a pas eu de tentative manifeste de la part de l'appelante ou des témoins en vue de créer un poste pour la travailleuse, mais il n'était pas surprenant que le ministre examine les circonstances entourant l'emploi et, compte tenu des faits convenus, qu'il arrive à la conclusion selon laquelle les parties n'auraient pas conclu un contrat de travail à peu près semblable s'il n'y avait pas eu entre elles de lien de dépendance. L'appelante n'avait pas l'intention de créer le type d'emploi qui était offert à la travailleuse. Personne n'a remplacé la travailleuse lorsqu'elle a quitté son poste, ce qui indique qu'il ne s'agissait pas d'un poste essentiel ou nécessaire qui devait être comblé pendant son absence. Aucune vacance d'emploi n'a été créée et il n'était pas nécessaire de s'occuper des clients qui avaient été trouvés afin de garder contact ou d'établir des relations plus étroites.

[22]     En outre, M. McDonnell a franchement reconnu que si quelqu'un d'autre s'était présenté avec une proposition semblable à celle de sa fille, il ne l'aurait probablement pas prise en considération. M. McDonnell a affirmé qu'il avait un esprit d'entreprise et qu'il étudierait toute proposition sérieuse qui pourrait s'avérer viable, mais qu'il ne l'a jamais fait si ce n'est dans son domaine d'expertise.

[23]     Les faits sur lesquels le ministre s'est fondé sont réels et pertinents et la conclusion tirée, une fois que ces hypothèses ont été appréciées dans le contexte où elles ont été faites, était raisonnable. La preuve étaye cette conclusion et l'appelante n'a pas réussi, selon la prépondérance des probabilités, à convaincre la Cour du contraire.

[24]     Il importe de citer le dernier paragraphe du jugement rendu par le juge Bowie, de la Cour canadienne de l'impôt, dans l'affaire Glacier Raft Co. c. Canada (Ministre du Revenu national), [2003] A.C.I. no 450, 2003 CCI 559 :

            Je dois expliquer clairement que, bien que je doive rejeter les appels, vos témoignages m'ont impressionné, surtout celui de Anne Duquette (tel est son nom maintenant), de Elizabeth Murphy et de James Murphy. Je ne doute absolument pas que Anne et Elizabeth travaillaient tout autant, sinon plus, que les autres guides. Il ne fait également aucun doute que M. Murphy comptait beaucoup sur leur expérience, non seulement lorsqu'il a acquis l'entreprise en 1995, mais plus tard également. Il ne s'agit certainement pas d'une situation ou l'on crée des emplois pour des raisons de commodité, afin d'avantager des membres de la famille qui pourraient ainsi profiter du système d'assurance-emploi sans y être admissibles. Néanmoins, la Loi est raisonnablement claire et, lorsque des parties ayant un lien de dépendance entre elles concluent des contrats de travail, elles doivent veiller scrupuleusement à ce que les modalités ne diffèrent pas de celles utilisées par l'employeur lorsqu'il embauche d'autres travailleurs ou de celles qui inciteraient les travailleurs à trouver du travail ailleurs s'ils désirent que leur emploi soit assurable en vertu de la Loi.

[25]     L'appel est rejeté et la décision du ministre est par les présente confirmée.

Signé à Toronto (Ontario), ce 27e jour de janvier 2005.

« W.E. MacLatchy »

Juge MacLatchy

Traduction certifiée conforme

ce 31e jour d'octobre 2005.

Sara Tasset

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