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Dossier : 2004-3109(IT)I

ENTRE :

MICHAEL HEWLETT,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Appels entendus le 22 février 2005 à Toronto (Ontario)

Devant : L'honorable juge R.D. Bell

Comparutions :

Représentant de l'appelant :

Ken Gratton

Avocat de l'intimée :

Me Craig Maw

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

JUGEMENT

Les appels interjetés à l'encontre des nouvelles cotisations établies en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu pour les années d'imposition 2001 et 2002 sont rejetés selon les motifs de jugement ci-joints.


Signé à Ottawa, Canada, ce 13e jour d'avril 2005.

"R.D. Bell"

Le juge Bell

Traduction certifiée conforme

ce 3e jour d'octobre 2005

Joanne Robert, traductrice


Référence : 2005CCI267

Date :20050413

Dossier : 2004-3109(IT)I

ENTRE :

MICHAEL HEWLETT,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

MOTIFS DU JUGEMENT

Le juge Bell

QUESTIONS

[1]      Il s'agit de savoir :

1.        si l'appelant a le droit de déduire des frais de justice au montant de 25 839,53 $ pour son année d'imposition 2001;

2.        si l'appelant a le droit de déduire, pour son année d'imposition 2002 :

a)        des frais de justice au montant de 2 859,77 $ dans son année d'imposition 2002;

b)       la somme de 10 000 $, représentant un paiement au titre du montant convenu dans le règlement à l'amiable d'une poursuite en justice.

FAITS

[2]      Les faits qui suivent sont des allégations faites dans l'avis d'appel, que l'intimée a acceptées :

[TRADUCTION]

1.       Pendant toute la période en question, l'appelant était employé comme vendeur à commission chargé de la vente et de la location de biens immobiliers à usage commercial. Il s'occupe également de projets d'aménagement immobilier à titre d'investisseur.

2.       En 1989, l'appelant a investi 89 500 $ dans la société de personnes en commandite Rosedale Place, un projet d'aménagement immobilier à Edmonton (Alberta).

3.       L'investissement fait par l'appelant dans ce projet était financé par deux prêts qui lui ont été consentis par la Counsel Trust Company (ultérieurement la Compagnie de fiducie Sun Life) et qui venaient tous les deux à échéance le 1er janvier 1995.

4.       L'appelant n'a pas honoré les prêts.

5.       Le bien, Rosedale Place, a été vendu en 1996, et après que le produit de la vente a été crédité, il restait un solde important à payer à la Compagnie de fiducie Sun Life, la société remplaçante de la Counsel Trust. La Sun Life a intenté une poursuite en justice contre l'appelant en décembre 2000 afin de recouvrer la créance exigible. La poursuite contre l'appelant a été réglée en 2002, et l'appelant a été tenu de faire les paiements qui suivent à la Sun Life.

                                    2002                 10 000 $

                                    2003                 10 000 $

                                    2004                 10 000 $

                                    2005                 7 500 $

                       

6.       Pour se défendre contre la poursuite intentée par la Sun Life, l'appelant, M. Hewlett, a engagé des frais d'avocat de 25 839,53 $ en 2001 et de 2 859,77 $ en 2002.

[3]      L'appelant a témoigné qu'il a acquis une participation dans la société de personnes en commandite Rosedale Place en 1989 pour un prix de souscription de 89 500 $ dont paiement par lui a été convenu selon les modalités suivantes :

a)        aucun versement initial;

b)       61 250 $ à la signature au moyen du produit d'un emprunt contracté l'entremise de la société de personnes en commandite;

c)        17 625 $ à la signature au moyen du produit d'un emprunt contracté auprès de prêteurs par l'entremise de la société de personnes en commandite;

d)       10 625 $ sous forme de billet au profit de la société en commandite.

Il détenait aussi des intérêts dans Gateway Square, une société de personnes comptant trois unités distinctes, une unité à Oxford Village, un « IRLM » à Oshawa (Ontario) et un duplex à Toronto. L'appelant a dit qu'il avait acheté la participation dans la société de personnes en commandite Rosedale parce que Edmonton avait le taux d'inoccupation le plus bas au Canada, que la province de l'Alberta investissait dans l'industrie des pâtes et papiers et que l'industrie pétrolière et gazière reprenait du poil de la bête après l'application de la politique nationale sur l'énergie.

[4]      L'appelant a dit qu'il possédait une participation dans une unité de la société de personnes en commandite Rosedale sans donner de précisions sur la façon dont il l'avait acquise. Selon le contrat de société de personnes en commandite Rosedale Place, l'expression « unité attribuée » s'entend :

[TRADUCTION]

... des quatre-vingt-seize (96) unités condominiales du syndicat de copropriétaires et d'une part proportionnelle en copropriété indivise dans les parties communes rattachées aux dites unités, telles qu'elles sont décrites dans la déclaration de condominium enregistrée relativement au projet, y compris le droit exclusif d'utiliser ces autres parts des parties communes rattachées aux unités de la façon précisée dans la déclaration de condominium.

Plus loin, une autre partie du contrat intitulée « Unités attribuées » prévoit ce qui suit :

[TRADUCTION]

Les participations des commanditaires de la société de personnes en commandite sont réparties entre les parts prévues à l'offre et elles s'y limitent. Une unité condominiale précise est par la présente attribuée à chaque participation, comme le prévoit l'annexe A ci-jointe. Aucune participation supplémentaire ne sera émise.

Bien qu'il n'ait pas été déposé en preuve, le numéro 17 de la défense et demande reconventionnelle de l'appelant relativement à une poursuite intentée par la Compagnie de fiducie Sun Life ( « Sun Life » ) indique qu'il avait convenu d'acheter la participation numéro 56 dans la société de personnes en commandite (unité condominiale 405) pour un prix de souscription de 89 500 $.

[5]      L'appelant a affirmé qu'il avait [TRADUCTION] « déclaré forfait pour ce qui est des billets » . Il veut dire par là qu'il a cessé de faire les paiements qui s'y rapportaient. On l'a renvoyé à une disposition du contrat de société de personnes qui porte sur la confiscation sur non-paiement d'un billet garanti. Par cette disposition, chacun des commanditaires convenait que si l'un ou l'autre d'entre eux remédiait au défaut de paiement, par un autre commanditaire, de l'un ou l'autre des billets garantis, ce commanditaire aurait un privilège sur la participation du commanditaire en défaut de paiement. La suite de la disposition est libellée ainsi :

[TRADUCTION]

Sur avis écrit de dix (10) jours donné par un commanditaire au commanditaire en défaut de paiement, les participations du commanditaire en défaut de paiement seront, à compter du 1er janvier de l'année suivante, cédées sans retour et abandonnées par le commanditaire en défaut de paiement aux commanditaires qui soumettront le montant en défaut ...

[6]      L'appelant a ensuite témoigné qu'il avait reçu, de la société qui avait acheté les billets, un avis exigeant leur paiement. Il a affirmé qu'il s'agissait de la Compagnie de fiducie Sun Life et que celle-ci réclamait le montant original moins le produit de la vente, l'unité qui lui avait été attribuée ayant été vendue par son créancier. La poursuite que la Sun Life a ultérieurement intentée contre l'appelant a été réglée par procès-verbal de transaction daté du 17 mai 2002, en vertu duquel l'appelant convenait de payer à la Sun Life la somme de 37 500 $, dont une tranche de 10 000 $ payable cette année-là. Il s'agit de la somme de 10 000 $ mentionnée dans l'exposé des questions. Tous les frais de justice précisés dans l'exposé des questions ont été engagés et payés relativement à cette poursuite.

ALLÉGATIONS DU REPRÉSENTANT DE L'APPELANT

[7]      Le représentant de l'appelant allègue que les frais de justice ont été engagés pour le règlement d'un différend concernant un achat fait aux fins de location. Il prétend que l'appelant continue d'être un commanditaire de la société de personnes en commandite parce qu'il n'a pas été avisé en bonne et due forme conformément à la disposition du contrat de société de personnes en commandite décrite plus haut, qui exige un avis écrit de dix jours. Il soutient que l'appelant a toujours droit au revenu de la société de personnes en commandite en ce sens qu'il jouit toujours du droit légitime d'être un commanditaire de la société de personnes en commandite et qu'il est de fait toujours un commanditaire de la société de personnes en commandite.

[8]      Le représentant allègue en deuxième lieu que si les montants ne sont pas déductibles en tant que frais de justice, ils constituent des « fractions à risques » au sens de l'article 96 de la Loi de l'impôt sur le revenu ( « Loi » ) et sont par conséquent déductibles. Il soutient qu'il en irait de même pour tous les montants que l'appelant a été sommé de verser, notamment les frais de justice et le montant de 37 500 $. Le représentant prétend ensuite que le prix de base rajusté de la participation de l'appelant dans la société de personnes en commandite correspond au total des paiements qu'il a faits. Interrogé à ce sujet, il affirme que cela inclut tous les frais de justice et le montant du règlement de 37 500 $.

[9]      Le représentant allègue enfin que la participation de l'appelant dans la société de personnes en commandite correspond à un projet comportant un risque de caractère commercial et que toute perte est une [TRADUCTION] « perte d'entreprise ordinaire » , qui est déductible.

ALLÉGATIONS DE L'INTIMÉE

[10]     L'avocat de l'intimée a dit que l'unité condominiale a été vendue en 1996, que les déductions dont l'appelant souhaitait bénéficier n'ont pas été demandées avant 2001 et 2002 et qu'à cette époque-là, l'appelant ne détenait aucune participation dans une société de personnes et donc aucune entreprise y afférente. Il ajoute à ce sujet que l'appelant n'avait aucune source de revenu sur laquelle des déductions auraient pu être faites dans ces deux années.

[11]     En ce qui concerne l'argument concernant la « fraction à risques » , l'avocat de l'intimée a affirmé que l'appelant n'était pas un commanditaire dans les années en cause et qu'il ne pourrait pas obtenir cette déduction.

[12]     L'avocat a ensuite dit que les frais de justice n'ont pas été engagés dans le but de gagner ou de produire un revenu, mais pour réduire sa dette et non relativement à une activité productrice de revenus. Enfin, il a dit que les paiements étaient faits au titre du capital pour protéger ou réduire sa dette et qu'ils n'étaient pas, en conséquence, déductibles.

ANALYSE ET CONCLUSION

[13]     La façon dont l'unité condominiale en question a été vendue en 1996 n'a pas été établie. Aucune preuve n'a été soumise au sujet de la participation de l'appelant dans cette unité. À la lecture du contrat de société de personnes en commandite, je conclus, comme il est indiqué ci-dessus, qu'une unité condominiale particulière a été « attribuée à chaque participation » . Toutefois, le fait que l'unité a été, d'une façon ou d'une autre, aliénée en 1996 n'est pas contesté. Les déductions souhaitées par l'appelant ont été demandées dans les années d'imposition 2001 et 2002. Absolument rien ne laisse croire que l'appelant avait une participation dans la société de personnes en commandite et une part dans une unité dans ces deux années-là. Il s'ensuit, comme le soutient l'avocat de l'intimée, que l'appelant n'avait pas d'entreprise relativement à cette unité et qu'il n'avait aucune source de revenus sur laquelle des déductions auraient pu être faites dans ces années-là. Même si le représentant de l'appelant soutient que ce dernier avait toujours une participation dans la société de personnes en commandite au cours de ces années-là, cette prétention est entièrement incompatible avec le fait qu'il s'est départi de sa participation et (ou) du condominium attribué. Une poursuite intentée par la Sun Life pour le paiement du solde dû par l'appelant a été réglée à l'amiable. L'appelant n'aurait donc pas pu avoir gain de cause s'il avait réclamé la propriété du bien même qu'il avait vendu et pour lequel les paiements en défaut ont donné lieu à une poursuite en justice qui a fait l'objet d'un règlement à l'amiable.

[14]     En ce qui a trait à la deuxième allégation du représentant de l'appelant, les montants ne pourraient pas être déductibles à titre de « fractions à risques » au sens de l'article 96 de la Loi étant donné qu'ils ont été établis quelque cinq et six ans avant d'être demandés en déduction dans les années d'imposition à l'étude.

[15]     Pour ce qui est de l'allégation du représentant selon laquelle le prix de base rajusté de la participation de l'appelant dans la société de personnes en commandite correspond au total des paiements qu'il a faits, notamment les frais de justice et le montant du règlement de la poursuite précitée, aucune précision n'est donnée et aucun argument n'est présenté. Il n'y a, de fait, aucun argument auquel l'avocat de l'intimée pourrait logiquement répondre ou que la Cour pourrait prendre en considération. La poursuite intentée par la Sun Life était une action en paiement d'une dette, la Sun Life étant le délégataire du créancier. L'appelant, dans son approche tous azimuts, est passé, sans argument quant au fond, des principes relatifs à la nature du revenu à des principes relatifs à la nature du capital. Il part principalement du principe que ces montants sont déductibles soit à titre de pertes d'entreprise, soit à titre de fractions à risques ou, selon sa dernière allégation, qu'ils constituaient des pertes parce que la participation dans la société de personnes en commandite était un projet comportant un risque de caractère commercial et que toute perte était une « perte d'entreprise ordinaire » qui était déductible. À ce propos, aucune preuve de quelque nature que ce soit n'a été soumise quant à la nature des autres biens achetés et quant au motif d'achat de ces biens. En fait, la preuve révèle que l'appelant avait acheté l'unité dans la société en commandite afin de tirer un revenu du condominium. De plus, l'avis d'appel précise que l'appelant avait « investi » dans la société de personnes Rosedale.

[16]     Je retiens les prétentions de l'avocat de l'intimée, selon lesquelles les frais de justice n'ont pas été engagés dans le but de gagner ou de produire un revenu, mais qu'ils l'ont été pour réduire la dette de l'appelant et non relativement à une activité productrice de revenus. Je fais également droit à la déclaration ultérieure de l'avocat selon laquelle tous les paiements ont été faits au titre du capital pour protéger ou réduire sa dette et, en conséquence, ne sont pas déductibles.


[17]     Pour les motifs susmentionnés, l'appel est rejeté.

Signé à Ottawa, Canada, ce 13e jour d'avril 2005.

"R.D. Bell"

Le juge Bell

Traduction certifiée conforme

ce 3e jour d'octobre 2005

Joanne Robert, traductrice

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