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Dossier : 2004-2557(IT)G

ENTRE :

SUPERCOM CANADA LIMITED,

appelante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

___________________________________________________________________

 

Appel entendu les 27 et 28 juin 2005 à Toronto (Ontario).

 

Devant : L’honorable juge J. E. Hershfield

 

Comparutions :

 

 

Avocats de l’appelante :

Me Roger Taylor,

Me L. Michele Anderson

 

 

Avocats de l’intimée :

Me Ernest Wheeler,

Me Ifeanyichukwu Nwachukwu

____________________________________________________________________

 

JUGEMENT

 

          L’appel interjeté à l’encontre de la cotisation établie en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu pour l’année d’imposition 1998 est accueilli avec dépens, conformément et pour les motifs du jugement ci‑joints.

 


Signé à Ottawa, Canada, ce 16e jour de septembre 2005.

 

 

« J. E. Hershfield »

Juge Hershfield

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 10e jour de janvier 2006.

 

 

 

Ingrid Miranda, traductrice               


 

 

 

Référence : 2005CCI589

Date : 20050916

Dossier : 2004-2557(IT)G

ENTRE :

SUPERCOM CANADA LIMITED,

appelante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

Le juge Hershfield

 

[1]     Le 2 août 2001, le ministre du Revenu national (le « Ministre ») a établi une cotisation a l’égard de Supercom Canada Limited (l’« appelante » ou « Supercom Canada ») relativement aux années d’imposition 1996 à 1998. Le 24 avril 2004, le Ministre a, de nouveau, cotisé l’appelante relativement à son année d’imposition 1999.

         

[2]     Dans la cotisation établie pour l’année d’imposition 1998, on a rejeté la déduction d’une dépense pour créance irrécouvrable que l’appelante avait réclamée relativement à cette année d’imposition. Le montant en litige convenu par les parties, relativement à cette dépense, est de 3 467 794 $[1]. Dans la cotisation correspondant à l’année d’imposition 1998, ainsi que dans celles des années d’imposition 1996, 1997 et 1999, on a également rejeté les déductions respectives suivantes, réclamées pour intérêts payables : 210 000 $, 75 000 $, 75 369 $ et 210 000 $. Ces cotisations indiquent que l’appelante a omis de retenir et de remettre un montant d’impôt total de 142 592 $ au cours de ces années, relativement à des intérêts versés à un créancier non‑résident.

 

 

[3]     Avant le début de l’audience, les avocats ont informé la Cour que les questions concernant la dépense découlant des intérêts et la retenue d’impôt, devraient être réglées d’un commun accord, en vertu du paragraphe 169(3) de la Loi de l’impôt sur le revenu (la « Loi »).

 

[4]     La question principale que la Cour doit trancher est celle de savoir si la somme réclamée pour la créance irrécouvrable doit être considérée comme un prêt ou comme une avance de capital donnant lieu à une perte en capital, c.‑à‑d. comme des créances clients dépensées adéquatement, aux termes du sous‑alinéa 20(1)p)(i) de la Loi[2]. La détermination de cette question dépend de la caractérisation de certains transferts de biens effectués par Supercom Canada, en faveur de Supercom U.K. Limited (« Supercom U.K. »), une société qui avait, avec l’appelante, un lien de dépendance tout au long des périodes pertinentes[3].

 

[5]     Supercom Canada exploite une entreprise de distribution d’ordinateurs, de pièces d’ordinateur et d’accessoires d’ordinateur (désignés collectivement comme « pièces d’ordinateur ») à des distributeurs de produits modifiés du Canada et des États-Unis. Supercom U.K. exploite une entreprise semblable au Royaume‑Uni. La dette en cause découle du transfert d’inventaires de pièces d’ordinateurs de Supercom Canada à Supercom U.K.

 

[6]     Voici les hypothèses que l’intimée a présentées, relativement à cette question, au paragraphe 14 de sa réponse :

 

[TRADUCTION]

 

[…]

 

h)         Supercom Canada a été constituée au cours de l’année d’imposition 1994, dans le but d’entreprendre une entreprise de distribution de matériel informatique au Royaume‑Uni;

 

i)          au cours de toutes les périodes pertinentes, l’intimée livrait et entendait vendre à Supercom U.K., du matériel informatique, afin que cette dernière le distribue, à son tour, au Royaume‑Uni.

 

j)          la plus grande partie du matériel informatique que l’appelante livrait à Supercom U.K. était vendue à cette dernière à une marge brute variant entre 1 et 2 p. 100, alors que l’appelante vendait le matériel informatique à des tiers à une marge brute supérieure au 5 ou 6 p. 100;

 

k)         l’appelante a effectué un certain nombre de ventes à Supercom U.K. en échange de montants inférieurs aux prix versés par l’appelante;

 

l)        au cours de toutes les périodes pertinentes, l’appelante n’a reçu aucun paiement pour les prétendues ventes à Supercom U.K., mais elle a continué de livrer du matériel informatique à Supercom U.K.;

 

m)    au cours de toutes les périodes pertinentes l’appelante n’a pris aucune mesure en vue de recouvrer les montants des prétendues ventes;

 

n)      les livraisons de matériel informatique de l’appelante, au bénéfice de Supercom U.K., n’ont pas été effectuées dans le but de générer des profits au sein de l’entreprise de l’appelante.

 

o)      les prétendues ventes de l’appelante à Supercom U.K. représentaient des avances en capital.

 

Les éléments de preuve

 

[7]     Au cours de l’audience, l’appelante a cité deux témoins à témoigner, lesquels ont décrit les opérations de Supercom Canada et de Supercom U.K., ainsi que les circonstances qui ont provoqué la créance irrécouvrable.

 

[8]     M. Jon Maxim, l’administrateur délégué de Supercom U.K. a témoigné quant à, l’établissement et aux opérations de Supercom U.K.

 

[9]     En juin 1994, l’actionnaire dominant de Supercom Canada, M. Frank Luk et M. Maxim (qui travaillait alors auprès d’IBM) ont décidé de constituer une société au Royaume-Uni, consacrée aux mêmes activités que Supercom Canada[4] – plus précisément, à la vente de pièces d’ordinateur à des distributeurs (plutôt qu’à des utilisateurs) du Royaume-Uni. À la suite de quoi, M. Maxim a quitté son emploi chez IBM, où il avait travaillé environ 20 années, dans la section des ventes et de la commercialisation, pour devenir co‑administrateur de la nouvelle société. M. Luk et M. Maxim ont chacun acquis 50 p. 100 du capital social et M. Maxim est devenu l’administrateur délégué de Supercom U.K., ce qui – semble‑t‑il – au Royaume‑Uni, est l’équivalent de président‑directeur général.

 

 

[10]    M. Maxim a déménagé au Royaume‑Uni pour démarrer et administrer la nouvelle société. Supercom Canada a accepté de verser à Supercom U.K. une avance de 200 000 £, pour financer les frais de lancement. Ces frais couvraient le mobilier, les améliorations locatives, l’inventaire et les frais de déménagement de M. Maxim. L’inventaire était constitué de pièces d’ordinateur, y compris des cartes‑mères, des lecteurs de disque dur, des cartes mémoire et de l’équipement périphérique en provenance de distributeurs du monde entier. Dans les états financiers, l’avance de 200 000 £ est considérée comme une créance à long terme. Cette avance ne fait pas partie de la créance irrécouvrable en cause, bien que je la mentionnerai de nouveau dans les présents motifs.

 

[11]    M. Maxim a témoigné qu’en janvier ou en février 1995, l’entreprise fonctionnait pleinement et comptait six employés (y compris lui‑même et son épouse). À partir de ce moment, jusqu’à la fin de l’année 1998, selon le témoignage de M. Maxim, il était chargé de la responsabilité de toutes les décisions commerciales. Il a pris la décision d’acquérir une quantité considérable d’inventaire auprès de Supercom Canada.

 

[12]    M. Maxim a témoigné que les pièces qu’il avait achetées auprès de Supercom Canada étaient souvent plus onéreuses, parce que cette dernière demandait généralement des prix plus élevés qui ne comprenaient pas les frais de transport. Les délais étaient également plus longs, lorsqu’il faisait l’acquisition de produits provenant du Canada, comparativement aux produits provenant d’autres distributeurs situés, notamment, aux États‑Unis et en Extrême‑Orient. En dépit des coûts et des délais additionnels, M. Maxim faisait l’acquisition de l’inventaire de l’appelante en raison des conditions de commerce favorables qu’il pouvait obtenir.

 

[13]    M. Maxim a témoigné qu’il avait planifié d’acheter, à l’avenir, tout son inventaire de pièces d’ordinateurs, directement auprès de tierces parties (comme Fujitsu Canada et Maxtor Corporation) parce que leurs prix étaient inférieurs, les produits arriveraient plus rapidement et que les frais de transport étaient compris dans le prix. Cependant, les conditions de commerce qu’il avait obtenues auprès de Supercom Canada lui permettraient pratiquement de racheter la société. Plus particulièrement, il avait l’intention de vendre l’inventaire acquis auprès de Supercom Canada et d’utiliser les produits réalisés pour acheter plus de pièces auprès d’autres distributeurs des États‑Unis et de l’Extrême‑Orient.

 

[14]    M. Maxim obtenait facilement des conditions de commerce de 180 jours et souvent les conditions dépassaient ce délai. M. Maxim décrit Supercom Canada comme un créancier indulgent qui lui donnait souvent des extensions pour le paiement des comptes d’inventaire. M. Maxim a déclaré qu’[TRADUCTION] « il essayait toujours de retenir le plus d’argent possible. »

 

[15]    M. Maxim a décrit le cycle de vie de Supercom U.K. en se fondant sur les rapports de vérification des exercices financiers allant de 1995 à 1998[5]. Au cours de l’exercice 1995, Supercom U.K. a acheté 1 960 895 £ de marchandises auprès de ses distributeurs, y compris 1 132 055 US $ auprès de Supercom Canada. La première année, Supercom U.K. a souffert un déficit de 182 904 £ mais M. Maxim était convaincu que la société serait un jour rentable. Le vérificateur a fait des observations sur les conditions de commerce de Supercom Canada dans les notes afférentes aux états financiers :

 

[TRADUCTION]

 Les comptes ont été préparés selon la valeur d’exploitation. Pour élaborer les comptes de cette façon, les administrateurs se sont fondés sur l’appui continu d’un fournisseur canadien, Supercom Inc.

 

[16]    Le vérificateur a remarqué également les projections de M. Maxim pour l’avenir de la société : [TRADUCTION] « les administrateurs sont confiants du fait que la société deviendra rentable dans un avenir très prochain. » M. Maxim a expliqué qu’il était l’administrateur auquel le vérificateur avait fait référence dans les états. M. Maxim a aussi déposé qu’il a informé le vérificateur des conditions de commerce favorables qu’il avait réussi à obtenir auprès de Supercom Canada.

 

[17]    En 1996, Supercom U.K. a engagé environ six employés supplémentaires et ses ventes ont dépassé le double de ses ventes antérieures, s’élevant ainsi à 3 727 304 £. Parmi le matériel qu’il a vendu, seulement une valeur de 1 175 375 US $ de produits avaient été achetés auprès de l’appelante. En dépit de l’augmentation de ses ventes, Supercom U.K. poursuivait ses opérations à perte (274 320 £). Le rapport du vérificateur de 1996 contenait des commentaires semblables à ceux de 1995, y compris le suivant : [TRADUCTION] « les administrateurs sont confiants du fait que la société deviendra rentable dans un avenir prochain. »

 

[18]    Au cours de l’exercice 1997, les ventes de Supercom U.K. ont augmenté drastiquement, à la suite de la modification du plan d’affaires. Les circonstances étaient telles qu’il il était très difficile de réaliser des profits alors que Supercom U.K. poursuivait ses activités, réaliser des profits. Le temps était venu de faire l’acquisition d’un nouvel associé. Au début de l’année 1997, M. Stern, un commerçant expert en marketing, a proposé à Supercom U.K. d’entreprendre, avec lui, un projet conjoint. Il a proposé de constituer une nouvelle société, Maple Computer Corporation (« Maple »), laquelle vendrait des ordinateurs assemblés directement aux membres du public. M. Stern est devenu responsable des opérations de Maple. Ces modifications du plan d’affaires étaient accompagnées de modifications de la participation financière des actionnaires de Supercom U.K.[6].

 

[19]    M. Maxim a expliqué que la création de Maple Computers a provoqué, initialement, une hausse considérable des ventes de Supercom U.K. et que Maple Computers est devenue son meilleur acheteur. Cette année, la croissance de ces sociétés était si considérable que les deux comptaient ensemble avec environ 65 employés. M. Maxim a remarqué que, même si Supercom U.K. et Maple Computers étaient deux sociétés distinctes, il y avait beaucoup de transferts d’employés entre les deux sociétés. De plus, Supercom U.K. fournissait à Maple Computers, des services de gestion.

 

[20]    Au cours de l’année en question (exercice 1997), les ventes de Supercom U.K. se sont élevées à une valeur de 10 936 530 £ de produits. Maple Computers avait vendu 6 462 347 £ et ils n’avaient acheté que des produits s’élevant à une valeur de 1 159 092 US $ auprès de Supercom Canada. Bien que les ventes aient augmenté drastiquement et que Maple Computers était très efficace dans la vente de ses produits, les deux sociétés poursuivaient leurs opérations à perte. M. Maxim a témoigné que M. Stern avait dépassé les budgets en mettant en place trop de promotions et de mesures de commercialisation. Il a également attribué ces difficultés à des problèmes inattendus de garanties et témoigné qu’ils n’avaient pas bien évalué le marché des ordinateurs au Royaume‑Uni, lequel était le marché le plus saturé du monde. Par conséquent, Maple Computers a fermé ses portes au cours de l’exercice 1998 et les ventes de Supercom U.K. ont subi une forte baisse, s’élevant à une valeur de 334 479 £, même si les achats de cette société auprès de Supercom Canada ont augmenté jusqu’à 1 745 753 US $. Supercom Canada a continué d’envoyer de l’inventaire à Supercom U.K., jusqu’en août 1998, moment où M. Luk a déterminé que Supercom U.K. avait échoué et ne serait pas en mesure de payer ses comptes créditeurs à Supercom Canada[7]. Comme nous le ferons remarquer, le dernier paiement que Supercom U.K. a versé à Supercom Canada pour des pièces d’ordinateur, a eu lieu le 20 août 1997.

 

[21]    Une fois Supercom U.K. liquidée, en octobre 1998, le capital résiduel a été utilisé pour payer ses dettes en souffrance envers Supercom Canada – y compris l’avance initiale à long terme de 200 000 £. La modeste somme de 53 705,97 $ a été utilisée pour diminuer la dette commerciale. Puis, on a emballé dans des boîtes, cinq milles kilogrammes de mobilier, équipement, inventaire et diverses fournitures appartenant à Supercom U.K. et on les a envoyées à Supercom Canada. La dette de Supercom U.K. à l’égard de Supercom Canada n’a pas été réduite à la suite de ces transferts.

 

[22]    À ce moment, je remarque que les éléments de preuve des paiements relatifs à l’acquisition des pièces d’ordinateur, sont plutôt insuffisantes. La déposition écrite de l’appelante déclare que, vers la fin de l’exercice 1996, Supercom U.K. avait versé environ 1 280 000 CAN $ à Supercom Canada, ce qui représentait une grande partie de la totalité des achats que Supercom U.K. a effectués auprès de Supercom Canada en 1995 et 1996. Je n’ai pas été en mesure de reconstituer paiements, cependant les états financiers (dont la fin des années fiscales ont un écart d’un mois) démontrent qu’à la fin de son exercice 1996, Supercom U.K. avait acheté plus de 3 000 000 CAN $ de marchandise auprès de Supercom Canada et lui devait encore 563 000 £. Dans cette mesure, comme il a été antérieurement mentionné, les états financiers laissent entendre que plus de la moitié des achats d’inventaire avaient été payés après deux années d’exploitation. En août 1998, Supercom Canada avait vendu à Supercom U.K. une valeur de 4 000 000 CAN $ de marchandise supplémentaire, mais la dette finale était de l’ordre de 3 500 000 CAN $. Il est clair qu’on a effectué des paiements, cependant il est impossible de déterminer le montant des paiements en raison du manque des registres de comptes et de la fluctuation des devises[8].

 

[23]    Je vais maintenant examiner le témoignage de M. Ho qui est l’autre témoin cité par l’appelante. M. Ho a fourni plus de détails sur les affaires de Supercom Canada, sur sa relation avec Supercom U.K., ainsi que sur la façon dont on établissait la valeur des ventes.

 

[24]    M. Ho a travaillé comme contrôleur de gestion auprès de Supercom Canada depuis octobre 1996 et, en cette qualité, il était responsable du département de comptabilité de Supercom Canada. Il était chargé de préparer les états financiers, ainsi que d’examiner et de gérer le crédit et les procédures internes. C’est en qualité de contrôleur qu’il a eu affaire avec Supercom U.K. jusqu’à son éventuelle liquidation en octobre 1998. 

 

[25]    M. Ho a témoigné que Supercom Canada se consacrait à l’achat et à la distribution de pièces d’ordinateurs à des revendeurs. La société faisait l’acquisition des pièces de son inventaire auprès d’un certain nombre de fournisseurs situés partout dans le monde, y compris quelques fournisseurs communs.

 

[26]    M. Ho a témoigné que, aussi longtemps que Supercom U.K. était en affaires, elle achetait des produits à Supercom Canada. Il a examiné plusieurs factures qui faisaient état de la quantité et des prix de base auxquels Supercom Canada vendait les pièces d’ordinateur à Supercom U.S. Il semble qu’il n’était pas au courant des plans de M. Maxim pour l’avenir, c.‑à‑dire d’acheter uniquement auprès de tiers.

 

[27]    M. Ho a expliqué que, lorsque les comptes étaient en souffrance, le personnel envoyait des avis ou des factures à Supercom U.K. pour les informer que les comptes étaient en souffrance. Lorsque les paiements accusaient trop de retard, le personnel informait M. Ho qui appelait M. Maxim directement. M. Ho a déposé que le personnel comptable régulier n’était pas autorisé à placer des appels téléphoniques de longue distance et qu’il n’avait pas de contact direct avec Supercom U.K.

 

[28]    On n’a produit à l’audience aucun registre pour démontrer que des appels téléphoniques avaient été effectués et qu’on avait envoyé, à M. Maxim ou à Supercom U.K., des avis sur l’état des comptes et les montants en souffrance. Lorsqu’on a demandé à M. Ho s’il y avait des rapports internes indiquant l’âge de la dette de Supercom U.K., il a expliqué que cela n’était pas nécessaire dans ce cas, puisqu’il était personnellement responsable du recouvrement auprès de cette société. Il a déclaré qu’en général, on ne consigne des rapports et des documents internes concernant l’âge d’une dette que pour aider l’administration à obtenir l’information nécessaire. Cela n’était pas nécessaire dans ce cas, puisqu’il était personnellement en contact avec Supercom U.K. Cette attitude informelle était exceptionnelle, si l’on tient compte du fait que Supercom Canada a effectivement préparé des registres d’âge dans le cas d’une autre société avec laquelle elle semblait aussi avoir des liens de dépendance[9].

 

[29]    M. Ho a reconnu qu’il était au courant du fait que M. Luk était généralement plus indulgent avec Supercom U.K. et que M. Maxim s’adressait directement à M. Luk lorsque ce dernier ne lui accordait pas ce qu’il voulait. Il a également ajouté que M. Luk avait établi des directives générales sur la façon dont ils devraient faire affaire avec Supercom U.K. lesquelles exigeaient des conditions de commerces plus indulgentes.

 

[30]    M. Ho se souvenait que, jusqu’au milieu de l’année 1998, M. Maxim avait affirmé qu’il pensait que son entreprise serait rentable. M. Ho devait, presque toujours, se fier aux déclarations de M. Maxim parce qu’ils n’ont terminé ni envoyé leurs états financiers que vers le milieu de l’année 1998. Ce n’est qu’à ce moment qu’il a pris connaissance du fait que les vérificateurs externes de Supercom Canada avaient inscrit 1 400 000 CAN $ dans les comptes débiteurs de 1997. Cet état de choses a inquiété M. Ho.

 

[31]    Et effectivement, une fois les états financiers terminés, M. Maxim a demandé à M. Ho de se rendre au Royaume-Uni pour évaluer avec exactitude le potentiel de Supercom U.K. et lui donner une contre‑expertise impartiale.

 

[32]    M. Ho a visité Supercom U.K. en juillet 1998 et a préparé un rapport qu’il a fait parvenir à M. Luk. Le rapport portait sur la rentabilité de Supercom U.K. et des répercussions financières que subirait Supercom Canada. M. Ho était d’avis que Supercom U.K. devait fermer immédiatement. Il a constaté que les affaires étaient inefficaces et les attentes trop grandes. Il a remarqué également qu’il y avait un certain nombre de systèmes de mauvaise qualité qui avaient entraîné des problèmes de garantie. Dans l’ensemble, les problèmes étaient plus sérieux que prévu et M. Maxim avait fait preuve d’un optimisme excessif.

 

[33]    M. Ho a témoigné qu’en dépit de son rapport, M. Luk continuait d’éprouver des préoccupations à l’égard de la fermeture immédiate de Supercom U.K. M. Luk estimait qu’il existait toujours une possibilité que cette dernière rembourse sa dette à Supercom Canada. Supercom U.K. tentait de réduire les dépenses : elle avait mis en disponibilité presque tous ses employés et avait mis sur pied une nouvelle stratégie, notamment, de ne vendre qu’à des acheteurs sûrs. Il semble que M. Luk voulait donner à Supercom U.K. un peu plus de temps pour générer des profits financiers.

 

[34]    Vers la fin d’août 1998, M. Luk a visité Supercom U.K. pour évaluer personnellement la situation. Lorsqu’il est rentré de son voyage, il était d’accord pour dire que la société avait échoué et qu’elle n’aurait pas la capacité de continuer ses opérations, ni de rembourser les comptes payables. C’est à ce moment que Supercom Canada a mis fin aux livraisons d’inventaire à Supercom U.K. et, en octobre 1998, Supercom U.K. a été liquidée. Comme il a été mentionné antérieurement, tout le reste du mobilier et des autres biens ont été renvoyés à Supercom Canada. Selon M. Ho, ces articles n’avaient aucune valeur.

 

[35]    Je souhaite maintenant aborder une autre question de fait que je n’ai pas traitée plus haut. Les paragraphes k) et j) de la réponse de l’intimée soulèvent des questions au sujet de la marge des prix que Supercom Canada chargeait à Supercom U.K.

 

[36]    Comme il a été mentionné plus haut, M. Ho a déposé que, pendant toute la période d’exploitation de Supercom U.K., les directives de M. Luk en ce qui concerne Supercom U.K. dictaient un traitement indulgent et préférentiel à l’égard de cette société. Une de ces directives était de lui vendre des biens avec des marges très faibles.

 

[37]    La directive qui vise l’emploi de « marges faibles » bien qu’imposée par M. Luk, était appliquée par l’équipe de vente et l’équipe de gestion de produit, lesquelles disposaient d’une grande discrétion sur la manière d’appliquer la directive. M. Ho a expliqué que, pour établir les prix exacts, c.‑à‑d. les prix auxquels les biens ont été vendus à Supercom U.K., on ne peut se fier aux factures.

 

[38]    Le cycle de vie des pièces d’ordinateurs est court, ce qui signifie que les nouveaux produits sont moins chers que les produits désuets qu’il est plus difficile d’écouler. Comme il s’agit d’un phénomène assez répandu dans le domaine, il existe, dans cette industrie, plusieurs dispositifs de protection des prix. Lorsque les nouveaux prix et produits sont mis sur le marché, les entreprises ont encore l’ancien inventaire. Normalement, le vendeur (fabriquant) émet alors des notes de crédit et diverses ristournes relativement à l’ancien inventaire.

[39]    Le logiciel comptable de Supercom Canada n’ajustait pas les prix de base (d’après les registres comptables) de chaque article, lorsque la société accordait une ristourne pour l’inventaire. Au lieu d’effectuer une déduction pour chaque article, Supercom Canada déduisait simplement les crédits et les ristournes du coût total des ventes. Cela rendait difficile, sinon impossible, le calcul exact des marges de profit.

 

[40]    Malgré cela, M. Ho a examiné quand même de nombreux registres qui illustrent la manière dont les abattements et les ristournes permettaient d'ajuster le coût des biens chez Supercom Canada. Comme leur système comptable ne prépare pas de tels registres, à la demande de l’Agence du revenu Canada, M. Ho et ses employés ont passé plus de 40 heures à examiner des factures et préparer ces registres. À l’onglet 57 du Recueil de documents de l’appelante, se trouve un rapport détaillé qui contient les ristournes résiduelles du vendeur, accompagnées de leur date et leur somme totale. On n’a émis des factures que dans le cadre de remises quantitatives, de fonds de développement de la commercialisation et d’achats d’articles particuliers au cours d’une période définie. M. Ho a expliqué qu’il ne s’agissait pas d’une liste complète, mais ils avaient réussi de recueillir le plus de renseignements possibles. Cette preuve réfutait l’hypothèse de l’intimée que les marges de profit des inventaires que Supercom Canada avait vendus à Supercom U.K. étaient seulement de l’ordre de 1 ou 2 p. 100. Les marges de l’échantillon étaient supérieures.

 

Analyse

 

[41]    Le Ministre a rejeté la déduction que l’appelante a réclamée pour la créance irrécouvrable découlant de l’inventaire de Supercom U.K. lequel n’a pas été payé avant la liquidation de cette dernière.

 

[42]    La disposition applicable est le sous‑alinéa 20(1)p)(i) qui dit ainsi :

 

 

20. (1) Malgré les alinéas 18(1)a), b) et h), sont déductibles dans le calcul du revenu tiré par un contribuable d'une entreprise ou d'un bien pour une année d'imposition celles des sommes suivantes qui se rapportent entièrement à cette source de revenus ou la partie des sommes suivantes qu'il est raisonnable de considérer comme s'y rapportant : 

 

            […]

 

p) le total des montants suivants :

 

(i) les créances du contribuable qu'il a établies comme étant devenues irrécouvrables au cours de l'année et qui sont incluses dans le calcul de son revenu pour l'année ou pour une année d'imposition antérieure, […]

 

[43]    L’alinéa 20(1)p) constitue une exception aux limites établies par les dispositions de l’alinéa 18(1)a) qui proscrivent la déduction de toute dépense, sauf de celles engagées par le contribuable en vue de tirer un revenu. En vertu de l’alinéa 20(1)p) le contribuable est autorisé à déduire toute dette irrécouvrable s’il a été établi que la dette est effectivement irrécouvrable et si elle a été ajoutée au revenu du contribuable de l’année en cause ou de l’année la précédant.

 

[44]    L’intimée n’a pas examiné sérieusement la question de fait soulevées au cours de l’audience, plus précisément la question de savoir si l’appelante avait ajouté le revenu de ces ventes au calcul de son revenu. L’intimée n’a effectivement pas fait d’affirmations ni d’hypothèses en la matière. En outre, j’accepte le témoignage de M. Luk selon lequel toutes les ventes en cause, effectuées au cours de la période pertinente, ont été ajoutées au revenu de l’appelante en tant que produit de ventes. Conformément, une des deux exigences de la disposition pertinente est satisfaite. Également, comme mentionné auparavant, il est incontestable que la dette en cause était devenue irrécouvrable lors de l’exercice dans le cadre duquel la déduction à été réclamée.

 

[45]    Compte tenu de ces circonstances, de la clarté des critères figurant à l’alinéa 18(1)p) et du fait qu’il s’agit d’une exception à l’application de l’alinéa 18(1)a), la position de l’intimée semble un peu insolite. L’intimée a affirmé, dans sa contestation principale, comme cela appert dans la réponse à l’avis d’appel, que [TRADUCTION] « les prétendues ventes effectuées de l’appelante à Supercom U.K. n’étaient pas vraiment des ventes, mais des avances de capital, ce qui signifie qu’il ne s’agissait pas de dépenses engagées par l’appelante en vue de tirer un revenu, aux termes des alinéas 18(1)a) et 18(1)b) de la Loi. »

 

 

[46]    Il est, bien sûr, possible de faire valoir que les « ventes » effectuées à des parties ayant des liens de dépendance ne devraient pas être considérées comme des « ventes », dans le domaine de la fiscalité, afin d’éviter que les ventes associées à des « marges faibles » (qui ont été faites sur la base d’un crédit à long terme qui n’est pas comptabilisé comme clients créance, ni ne peut entraîner de procédures de recouvrement ne reçoivent le même traitement que les « pertes d’entreprise » normales (mais plutôt celui accordé aux pertes en capital). Cependant, un tel argument favorise la confusion selon laquelle la substance a prépondérance sur la forme, et je suis de l’avis que la disposition applicable n’autorise pas une telle approche. En effet, il est généralement admis que la reconnaissance des transactions opposables en droit (forme) a prépondérance dans le domaine de la fiscalité et, en l’espèce, il semble que ce principe soit tout à fait applicable. La disposition en question, lorsqu’elle fait référence à l'inclusion de revenu par le prêteur, définit le caractère de l’avance : la dette provient d’un échange effectué dans le cours des opérations du fournisseur. Il s’agit du prix impayé d’une livraison ayant été effectuée, lequel a effectivement été inclus dans le calcul des profits du fournisseur. La disposition n’établit pas un traitement différent pour les transactions effectuées à des parties sans liens de dépendance et, en même temps, interdit l’application des alinéas 18(1)a) et b) lesquels reconnaissent que, dans de tels cas, la dette est complètement secondaire aux opérations de l’entreprise et est surgie dans le cadre de ces mêmes opérations. Il ne s’agit pas d’une dette en capital. En dépit de cela, l’intimée a fait valoir que les fonds avancés constituaient du capital et que le critère prévu à l’alinéa 18(1)a), à savoir que les avances effectuées dans le but de réaliser des revenus, n’avait pas été satisfait.

 

[47]    Voici les faits proposés par l’intimée qui indiquaient que l’appelante ne considérait pas le prix de l’inventaire comme un compte de vente en souffrance, mais plutôt comme une avance de capital :

 

     [TRADUCTION]

 

(1)   ils ne semblaient pas se préoccuper de l’âge de la dette, ni de son recouvrement;

 

(2)   il n’y avait ni registre, ni document pouvant démontrer qu’il y a eu des demandes de recouvrement ou des avis de comptes en souffrance;

 

(3)   on a continuellement envoyé de nouveaux inventaires à Supercom U.K. jusqu’en juillet 1998;

 

(4)  lorsque M. Maxim était incertain de la rentabilité de son entreprise, il a appelé le contrôleur de son créancier, M. Ho, pour évaluer la situation;

 

(5)  une fois Supercom U.K. liquidée, on a emballé et envoyé au Canada, cinq tonnes de mobilier et d’équipement de bureau.

 

[48]    L’intimée prétend, dans sa soumission, que la caractérisation de la transaction effectuée par les parties n’est pas nécessairement déterminante et, comme mentionné auparavant, elle a exhorté la Cour à examiner la substance de la transaction, plutôt que sa forme.

 

[49]    Le principal arrêt qu’invoque l’intimée est Flexi-Coil Ltd. v. The Queen[10]. Dans cet arrêt, le juge Archambault a statué que le prix de l’inventaire que l’appelante n’avait pas payé à la société mère (« Flexi ») ne devait pas être considéré comme une dette irrécouvrable. L’intimée se fonde sur les similarités qui existent entre cette affaire et le cas en l’espèce. Les ventes effectuées à la filiale comportaient modalités indulgentes et des prolongations d’échéances, y compris la comptabilisation des dettes de vente et d’achat à titre de « prêts non payables avant un délai d’un an ». Après avoir examiné les notes accompagnant les états financiers de l’appelante et les registres comptables de la filiale, le juge Archambault a déterminé que l’intention de la société­‑mère était d’accorder à la filiale un capital supplémentaire afin de prolonger sa présence au Royaume‑Uni par l’intermédiaire de sa subsidiaire. Les facteurs dont il a tenu compte pour prendre cette détermination sont le fait que Flexi‑Coil U.K., qui semble s’être consacrée à la vente de produits manufacturés par elle‑même et par la société‑mère, disposait d’un capital plutôt mince; elle fonctionnait avec une marge de crédit très insuffisante et était presque entièrement dépendante de la société‑mère en ce qui concerne ses besoins financiers. Je suis d’accord pour dire que cette affaire a beaucoup de points communs avec le cas en l’espèce[11].

 

[50]    L’appelant a fait valoir que les facteurs soulevés par l’intimée manquaient de pertinence et que le seul facteur pertinent était l’intention des parties. L’appelante a fait valoir que les deux témoins et les ventes inscrites dans les registres présentées comme éléments de preuve, expriment clairement l’intention en question. Supercom U.K. a conclu un contrat avec Supercom Canada afin d’acheter de l’inventaire auprès de cette société. Ledit inventaire a été effectivement livré à Supercom U.K.  qui l’a revendu à d’autres revendeurs et à Maple Computers.  

 

[51]    L’appelante a également présenté à la Cour un grand nombre de décisions dans lesquelles on examine le caractère des créances clients. Ces décisions établissent le fait que les créances clients conservent leur caractérisation, à moins qu’on ne prenne des mesures précises pour modifier leur caractère. Ni le simple passage du temps[12], ni la simple réduction de la dette, ne peuvent transformer une créance client en un prêt de capital[13].

 

[52]    Je suis d’accord avec l’appelante sur ce sujet. Les transferts d’inventaire de Supercom Canada constituent des ventes. Les factures révèlent que les contrats conclus par Supercom Canada et Supercom U.K. prévoyaient la vente de pièces d’ordinateur à Supercom U.K. Cette dernière a reçu des factures pour les pièces en question et, bien qu’elle ait joui de modalités indulgentes et de prolongations d’échéances, elle a payé une grande partie des biens acquis. De prime abord, cela démontre l’intention de vendre des biens. Comme le fait valoir l’appelante, le contrat de vente reflète les intentions du vendeur et de l’acheteur[14]. En outre, les témoins ont déposé que les transactions concernant l’inventaire étaient considérées comme étant à la source de dettes et de créances relatives à l’achat et à la vente dudit inventaire. Le fait que la prolongation des termes ait établi une base qui facilitait l’exploitation par l’acheteur n’est pas déterminant pour la caractérisation de la vente, s’il a la moindre pertinence.

 

[53]    En outre, je conclus que, de toute façon, les critères précis prévus à l’alinéa 20(1)p) ont été respectés et cela suffit pour accueillir l’appel. Je suis d’avis que l’invocation de Flexi‑Coil par l’intimée est tout à fait déplacée. Cet arrêt ne constitue pas une source qui permet de rejeter une réclamation de dette irrécouvrable en vertu de l’alinéa 20(1)p) dans le cadre duquel les comptes débiteurs résultent de modalités de financement généreuses concernant de biens vendus dans le cadre normal des activités commerciales. L’arrêt Flexi‑Coil porte entièrement sur la recouvrabilité des dettes et souligne l’importance de faire preuve d’une grande vigilance et de s’assurer que tout créancier ayant des liens de dépendance a pris toutes les mesures adéquates pour décider qu’une dette est effectivement irrécouvrable. La décision du juge Archambault (accueillie par la C.A.F.) déclare que, sur le fondement de la preuve qui se trouve devant lui, Flexi-Coil n’a pas déterminé raisonnablement que ses comptes débiteurs étaient devenus irrécouvrables au cours des années d’imposition en cause. Elle ne s’est pas acquittée du fardeau de la preuve et n’a pas établi le fait que les dettes étaient irrécouvrables au cours des années en cause, au-delà des montants permis par le Ministre. Pour tirer cette conclusion, le juge Archambault a tenu compte du manque de mesures de recouvrement et du fait que, dans certains registres comptables, les créances clients avaient été inscrites à titre de créances à long‑terme et, dans certains exposés récapitulatifs, à titre de « placements ». Cela ne laisse pas entendre, cependant, que l’application de l’alinéa 20(1)p) n’aurait pas été pertinente et adéquate dans le cadre des années au cours desquelles les dettes étaient irrécouvrables. En effet, dans l’affaire en question, les dettes dont on a démontré le caractère irrécouvrable ont effectivement été acceptées par le Ministre, en vertu de cette disposition. Cela ne signifie pas que ces mêmes dettes n’auraient pu devenir déductibles dans l’avenir, en vertu de la même disposition, lorsqu’elles seront devenues irrécouvrables.

 

[54]    Je remarque, également, que le fait de demander à cette Cour d’appliquer les principes de Flexi-Coil, sur une base autre que celle de la vigilance supplémentaire requise pour déterminer si une dette est irrécouvrable dans le cas de parties sans liens de dépendance, équivaudrait à lui demander d’exercer un rôle législatif. Essentiellement, l’intimée fait valoir que, dans l’ensemble, l’appelante aurait vendu ses inventaires au prix du marché, aurait payé des impôts sur le revenu provenant de ces ventes, et aurait ensuite avancé le produit de ces ventes en tant que prêt à sa société affiliée, à titre d’avance de fonds de placement de capital. Le scénario présenté par l’intimée ne reflète pas la transaction conclue par les parties. Il est bien établi en droit, qu’en l’absence de fraude, toute transaction valide légalement conclue par des contribuables doit être respectée[15].

 

[55]    On a déterminé que les ventes d’inventaire en cause constituaient effectivement des « ventes » donnant lieu à des comptes créditeurs, lesquels ont été incorporés aux revenus. Il reste donc à régler la question de savoir si le caractère de la dette a changé. Cela signifie qu’il faut se demander s’il est approprié de considérer les faits comme si la dette commerciale avait été entièrement payée et que ce paiement avait été versé de nouveau à l’acheteur à titre d’avance de capital. Cette position n’est pas celle de l’intimée, mais elle a plutôt été proposée par l’appelante, dans le but de s’assurer, sans doute, que je ne suive pas cette approche. Quoi qu’il en soit, il y a lieu de noter que les arrêts invoqués par l’appelante déclarent que des créances commerciales ne peuvent devenir des dettes de capital que si l’intention des parties en convient ainsi[16]. Dans le cas en l’espèce, les parties ne font pas preuve d’une telle intention. Je suis d’accord avec l’intimée pour dire que, le fait que Supercom Canada ait accordé des prolongations d’échéances extraordinairement généreuses et le fait qu’elle ait continué de livrer des inventaires à crédit, en dépit du fait que ses comptes débiteurs aient été considérables et que quelques‑uns d’entre eux aient été âgés de plus d’un an, souligne effectivement que les parties avaient entre elles un lien de dépendance. Cependant, cela ne suffit pas à récaractériser les créances autrement. Elles continuent d’être des créances découlant de la vente de biens. L’octroi de crédit en août 1997, qui a eu lieu après l’arrêt des paiements, au début des ventes à Maple, mais avant que les problèmes ne deviennent apparents, n’entraîne pas la conclusion que les transactions de vente soient devenues des transactions de financement de capital à long‑terme. En effet, le crédit d’achat accordé après l’échec de Maple, au cours de la courte période de ventes garanties et d’évaluation de la rentabilité de U.K., même en l’absence de mesures de recouvrement antérieures ou concurrentes, n’entraîne pas l’obligation de conclure que les transactions de vente étaient devenues des transactions de financement de capital de long‑terme.

 

[56]    Je voudrais remarquer ici que le fait que les vérificateurs externes aient réduit le montant des comptes débiteurs dans les états financiers de 1997, n’a aucune incidence sur l’intention des parties. Cela peut influer sur le moment où la dette irrécouvrable a été réclamée, mais cette question n’a pas été soulevée. De plus, peu d’éléments de preuve démontrent qu’après avoir pris connaissance de la réduction de la dette, Supercom Canada ait vendu à Supercom U.K. une quantité importante de biens (après les ventes effectuées à Maple). En tout état de cause, l’appelante affirme que la réduction de la dette, la continuité des livraisons d’inventaire et l’arrêt des paiements ne peuvent être considérés comme des actes ayant transformé le caractère des comptes créditeurs avant que la dette n’ait été déclarée irrécouvrable. Je conviens avec l’appelante. Par conséquent, je conclus que les comptes créditeurs, la dette en cause, n’a été en aucun moment un compte de capital. En l’espèce, il est correct de reconnaître la dette comme une créance client découlant d’une vente de biens ayant eu lieu dans le cadre normal des activités commerciales. Cela donne lieu au résultat prévu et prescrit avec précision à l’alinéa 20(1)p). Par conséquent, le pourvoi est accueilli.

 

[57]    Cependant, avant de terminer, je voudrais faire quelques observations supplémentaires pour les besoins de la Cour. Si la nouvelle cotisation avait soulevé la question selon laquelle la réduction de la dette réclamée avait été effectuée en contrepartie des biens envoyés au Canada après la liquidation de la société (5 000 kilogrammes de biens, y compris du mobilier de bureau, de l’équipement de systèmes internes et des logiciels) alors, j’estime qu’une telle réduction aurait pu être adéquate, puisque l’admission que les biens envoyés n’avaient aucune valeur contredit le fait qu’ils aient été envoyés. Je voudrais, également, soulever une question concernant la déclaration du caractère irrécouvrable des créances clients, alors qu’il y avait des fonds suffisants pour payer les dettes à long terme non garanties (200 000 £). L’appelante a invoqué des cas de jurisprudence qui permettent ces pratiques et l’intimée n’a pas contesté ces décisions. Cependant, si la question avait été soulevée, je pense que je lui aurais accordé une analyse plus approfondie. Cependant, puisque la nouvelle cotisation n’a pas soulevé ces questions, je n’ai pas été en mesure d’approfondir mes observations en la matière.

 

[58]    Pour toutes ces raisons, l’appel concernant la dette irrécouvrable est accueilli avec dépens.

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 16e jour de septembre 2005.

 

 

« J. E. Hershfield »

Juge Hershfield

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 10e jour de janvier 2006.

 

 

 

Ingrid Miranda, traductrice               



[1] En fait, le montant réclamé par l’appelante et rejeté par l’intimée dans la cotisation, était supérieur à celui‑ci. Cependant, les parties ont convenu, au cours de l’audience, que le montant exact en litige, relativement à la réclamation en cause, était de 3 467 794 $, sur le fondement des derniers calculs du montant en souffrance et des ajustements monétaires.

[2] On n’a pas contesté le montant de la dette, ni le fait qu’elle ait été irrécouvrable en l’année de la réclamation (1998).

[3] Il n’a pas été déclaré que les deux sociétés aient entretenu entre elles des liens de dépendance et on présume leur indépendance; cependant, les hypothèses et les preuves penchent en faveur de l’état de faits que les parties avaient effectivement des liens de dépendance. L’appelante n’a pas fait valoir un autre état de faits.

[4] L’avis d’appel de l’appelante et la réponse de l’intimée décrivent la structure organisationnelle et l’entreprise de l’appelante. Supercom Canada est une société canadienne assujettie à l’imposition. Elle a été constituée en vertu de la Loi sur les sociétés par actions et son exercice fiscal se termine le 31 août.

[5] La fin de l’exercice de Supercom U.K. était le 30 septembre, un mois plus tard que Supercom Canada. Je voudrais aussi indiquer ici que les chiffres fournis sont en devises différentes, en partie parce que le logiciel comptable de Supercom Canada et de Supercom U.K. ne pouvait pas traiter plusieurs devises à la fois.

[6] M. Maxim a transféré toute sa participation dans Supercom U.K. et M. Stern a acquis une participation de 12,5 p. 100. On a accueilli un nouvel actionnaire de Supercom U.K. par l’intermédiaire d’une société de portefeuille, FMJ Group Limited, laquelle a acquis 87,5 p. 100 des actions de Supercom U.K. qui restaient. Le nouvel actionnaire s’appelait M. Fang, lequel a acquis 49 p. 100 de FMJ. M. Fang contrôlait la société Supercom de la Californie. Il semble qu’alors M. Luk ait été l’actionnaire majoritaire de FMJ. FMJ détenait aussi 87,5 p. 100 de Maple Computers et M. Stern détenait l’autre 12,5 p. 100 des actions. À ce point‑ci, il semble que plusieurs de ces sociétés ait été techniquement affiliées, cependant rien ne révèle cet état de faits, puisqu’il a été reconnu à la base et il a été établi à l’audience qu’en fait, les parties avaient des liens de dépendance.

[7] Maple Computers a effectivement été fermée en avril 1998 et Supercom U.K. a été fermée plusieurs mois plus tard. Les deux sociétés ont été liquidées en octobre 1998.

[8] Il semble que Supercom U.K. ait payé les comptes débiteurs vers la fin de l’exercice 1996 et que, des 4 000 000 $ de biens achetés ultérieurement, ils aient payé un montant d’environ 500 000 $ avant août 1997, moment où on a interrompu les paiements, bien que les fluctuations des monnaies aient pu, cette année, distortionner considérablement cette conjecture. Nous savons aussi qu’en dépit de l’arrêt des paiements en août 1997, les ventes à Supercom U.K. ont augmenté spectaculairement entre août 1997 et mai 1998 pour appuyer les nouvelles affaires entreprises avec Maple Computers.

[9] On a discuté sur le traitement qu’ils ont accordé à une société appelée Patriot, dont l’épouse de M. Luk était une actionnaire importante. Supercom U.K. et Patriot ont accumulé des dettes considérables à peu près en même temps. Il semble que les deux sociétés aient joui de délais de prolongation; cependant, on n’a présenté à l’audience que les comptes classés chronologiquement de Patriot.

[10] [1996] 1 C.T.C. 294, confirmé par Flexi‑Coil Ltd. c. Canada, C.A.F. no A‑707‑95, le 7 juin 1996 ([1996] 3 C.T.C 57).

[11] L’intimée se fonde également sur la détermination de la Commission de révision de l’impôt dans l’arrêt Pannelling Unlimited of London Incorporated v. The Minister of National Revenue, 82 DTC 1178 dans le cadre de laquelle, le membre Goetz, c.r., a statué que les transferts effectués par la société‑mère à la société filiale n’avaient pas pour but la réalisation de revenus par l’entreprise de l’appelante et que, par conséquent, l’appelante n’avait pas droit à une déduction en vertu de l’alinéa 18(1)a). Le membre a conclu également qu’on ne pouvait pas accorder de déduction en vertu de l’alinéa 20(1)p), pour la même raison, sans doute. L’intimée a également mentionné un troisième arrêt No. 415 v. M.N.R., 57 DTC 227, qu’il est, cependant, facile de distinguer parce que la société appelante gardait toujours un espoir de recouvrer les dettes.

[12]E.C.E. Group Limited c. M.R.N., C.C.1., no 89-2584, le 14 août 1992 ([1992] 2 C.T.C. 2376) et Greensteel Industries v. M.N.R., 75 DTC 63.

[13] Magicuts Inc. c. La Reine, C.C.I., no94-1573(IT)G,le 6 août 1998([1999] 1 C.T.C.2842, confirmé par Magicuts Inc. c. Canada, C.A.F., no A‑494‑98, le 31 octobre 2001 ([2002] 1 C.T.C. 51)

[14] Fridman, Sale of Goods in Canada, 5e éd. Toronto, Thomson, 2004, p. 62.

[15] Continental Bank Leasing Corp. c. Canada [1998] 2 R.C.S. 298 (C.S.C).

[16] Voir le paragraphe 51 des présents motifs, ainsi que les notes no 12 et no 13.

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