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Dossier : 2005-4206(IT)I

ENTRE :

FREDERICK SIMON HAWA,

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

____________________________________________________________________

 

Appel entendu le 27 octobre 2006 à Toronto (Ontario).

 

Devant : L’honorable D.G.H. Bowman, juge en chef

 

Comparutions :

 

Pour l’appelant :                       L’appelant lui‑même

 

Avocat de l’intimée :                 Me John Grant

____________________________________________________________________

 

JUGEMENT

 

          L’appel interjeté à l’encontre de la cotisation établie en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu pour l’année d’imposition 2003 est accueilli, et la cotisation est déférée au ministre du Revenu national pour qu’il procède à un nouvel examen et établisse une nouvelle cotisation en tenant pour acquis que les pertes que l’appelant a subies à l’occasion d’opérations sur valeurs en 2000 et en 2001 étaient des pertes autres que des pertes en capital et que la partie inutilisée des pertes en question doit être incluse dans le calcul de son revenu imposable pour l’année 2003, l’effet du choix fait par l’appelant en vertu de l’article 18.12 de la Loi sur la Cour canadienne de l’impôt devant être pris en considération si l’éventualité se présente.

 

          L’appelant a droit à ses dépens, le cas échéant.

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 9e jour de novembre 2006.

 

 

« D.G.H. Bowman »

Juge en chef Bowman

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 9e jour de mai 2007.

 

 

 

Jean David Robert, traducteur


 

 

 

Référence : 2006CCI612

Date : 20061109

Dossier : 2005-4206(IT)I

 

ENTRE :

FREDERICK SIMON HAWA,

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

Le juge en chef Bowman

 

[1]     La Cour est saisie d’un appel interjeté à l’encontre d’une cotisation d’impôt sur le revenu établie pour l’année d’imposition 2003 de l’appelant. L’appel a été formé sous le régime de la procédure informelle, mais il n’est pas du tout clair quel montant est en litige.

 

[2]     L’appelant déclare qu’il a subi des pertes autres que des pertes en capital de 19 799 $ en 2000 et de 117 461 $ en 2001. En fait, dans ses déclarations (produites en retard) pour les années 2000 et 2001, il a inversé ces chiffres et a déclaré des pertes en capital de 117 461 $ pour 2000 et de 19 799 $ pour 2001. Ce n’est que lors de l’ouverture du procès que cette confusion a été mise au jour. Le ministre du Revenu national semble avoir accepté cette inversion.

 

[3]     Deux ou trois faits principaux, qui sont exposés ci‑dessous, peuvent être tenus pour admis :

 

           a)      En 2000 et en 2001, l’appelant a acheté et a vendu des actions.

 

           b)     Il a subi des pertes de 19 799 $ et de 117 461 $ en 2000 et en 2001 respectivement.

 

           c)     Il a demandé le report prospectif d'une perte de 31 751 $ subie au cours de ces années‑là. Il m’est impossible de déterminer la provenance de ce chiffre. Des pertes autres que des pertes en capital subies au cours d’une année peuvent être reportées prospectivement ou rétrospectivement sur d’autres années selon une séquence prévue par la Loi de l’impôt sur le revenu. Généralement, les pertes doivent être utilisées pendant les années au cours desquelles elles ont été subies ou les années antérieures avant de pouvoir être reportées sur des années ultérieures.

 

[4]      La réponse à l’avis d’appel ne jette aucune lumière sur cette question. Par conséquent, il est difficile de savoir quel est le « total de tous les montants » en cause (au sens de l’article 2.1 de la Loi sur la Cour canadienne de l’impôt) dont on doit tenir compte pour décider si la cause est régie par la procédure informelle en application du paragraphe 18(1) de la Loi sur la Cour canadienne de l’impôt. L’impôt à payer pour l’année 2003 résultant de la perte autre qu’une perte en capital que l’appelant cherche à reporter prospectivement sur l’année 2003 est peut‑être supérieur à 12 000 $ ou inférieur à ce montant. Je ne suis pas en mesure de le déterminer. Quoi qu’il en soit, l’avocat de l’intimée a affirmé qu’il avait soulevé le problème auprès de l’appelant et que celui‑ci avait limité son appel à 12 000 $ en vertu de l’article 18.12 de la Loi sur la Cour canadienne de l’impôt.

 

[5]      Je me penche maintenant sur la réponse de l’intimée. Le paragraphe 9 est ainsi rédigé :

 

[traduction]

 

9.         En établissant une cotisation d’impôt pour l’année d’imposition 2003 et en la ratifiant, le ministre s’est fondé sur les faits qui sont exposés ci‑dessous :

 

           a)       au cours de l’année d’imposition 2000, l’appelant a subi des pertes autres que des pertes en capital de 22 196 $;

 

           b)       des pertes autres que des pertes en capital de 10 000 $ et de 12 196 $ subies au cours d’autres années ont été déduites du revenu déclaré par l’appelant pour les années d’imposition 2001 et 2002 respectivement;

 

           c)       le revenu imposable gagné par l’appelant au cours de l’année d’imposition 2002, après la déduction de pertes autres que des pertes en capital subies au cours d’autres années, totalisait 47 136 $;

 

           d)       l’appelant n’a pas de pertes autres que des pertes en capital subies au cours d’autres années qu’il peut déduire de son revenu pour l’année d’imposition 2003.

 

[6]     Il s’agit d’un acte de procédure tout à fait incomplet. Présenter des hypothèses dans une réponse sert à exposer en détails le fondement factuel sur lequel a été établie la cotisation. Le ministre avait été avisé longtemps à l’avance de la position de l’appelant au moyen des déclarations et de l’avis d’opposition de celui‑ci. Essentiellement, la position de l’appelant était qu’il effectuait des opérations portant sur des actions et qu’il avait subi des pertes dans le cadre de ces opérations. Il s’agit fondamentalement d’une question de fait. La réponse est dépourvue de valeur informative et témoigne d’un manque de considération. Elle ne traite pas de la question centrale ayant trait aux opérations portant sur des actions effectuées par l’appelant. Elle énonce une conclusion de droit, mais ne fait état d’aucun fait qui appuierait cette conclusion.

 

[7]     La réponse ne fait pas peser sur l’appelant le fardeau de la preuve parce qu’elle ne fournit aucune précision quant au fondement factuel de la cotisation. En bref, l’appelant n’a aucun fondement factuel à [traduction] « démolir » pour employer les mots que le juge Rand a utilisés dans l’arrêt Johnston v. M.N.R., [1948] S.C.R. 486. Dans de telles circonstances, j’aurais peut‑être été prêt à accueillir une requête sollicitant une ordonnance qui ferait droit à l’appel parce que la réponse ne fait pas peser sur l’appelant le fardeau de réfuter quelque hypothèse que ce soit et qu’elle n’énonce aucun fait nouveau qui appuierait la cotisation. Une telle requête n’a pas été présentée. M. Grant, l’avocat de l’intimée, a souscrit à mon avis selon lequel la réponse était totalement défectueuse et il a offert d’assumer le fardeau de prouver les prétentions de la Couronne. Il a cité M. Hawa et l’a contre‑interrogé.

 

[8]     En dernière analyse, il est vraiment sans importance de savoir à qui incombait le fardeau de la preuve. La preuve selon laquelle M. Hawa effectuait des opérations portant sur des actions est écrasante. En 2001, il avait acheté 151 actions de 16 sociétés par l’entremise de deux courtiers, principalement TD Waterhouse. Les actions étaient généralement détenues pendant de courtes périodes.

 

[9]     Si une personne faisait autant d’opérations immobilières que M. Hawa a effectué d’opérations portant sur les actions, elle serait incontestablement traitée comme une marchande de biens immobiliers. À quoi est attribuable cette différence administrative entre le traitement des biens immobiliers et des actions n’est pas tout à fait clair. Bien que je ne puisse prendre connaissance d’office de ce fait, je ne serais pas surpris d’apprendre que la plupart des gens achètent des actions dans l’intention et l’espérance d’en disposer à profit soit à court terme ou à long terme, la perspective de recevoir des dividendes étant une raison mineure et d’importance secondaire. Pourtant, la notion de l’intention secondaire, telle qu’elle s’applique à l’achat et à la vente de biens immobiliers et telle qu’elle est exprimée dans la décision Racine, Demers and Nolin v. M.N.R., 65 DTC 5098, semble avoir été appliquée aux actions, si tant est qu’elle le fût, d’une façon qui manque complètement de rigueur.

 

[10]    Il est bien possible que l’arrêt rendu par la Cour suprême du Canada dans l’affaire Irrigation Industries Ltd. v. M.N.R., [1962] DTC 1131, soit considéré comme justifiant que les actions soient traitées différemment dans le contexte du concept de « projet comportant un risque » (dont le sens a été déterminé péremptoirement par le président Thorson dans la décision M.N.R. v. James. A. Taylor, [1956] C.T.C. 189, approuvée par la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Irrigation Industries Ltd.). Je crois qu’il y a une raison plus pratique qui permet d’expliquer cette différence de traitement et elle a deux volets, qui sont exposés ci‑dessous :

 

a)        le ministre s’est aperçu avec pragmatisme que s’il commençait à imposer massivement les opérations portant sur les actions, il serait forcé de traiter de la même manière les pertes résultant de ces opérations;

 

b)       une campagne intensive visant l’imposition des profits tirés des opérations portant sur les actions et la comptabilisation concomitante des pertes serait certainement pénible et coûteuse sur le plan administratif et ne permettrait pas nécessairement au fisc d’obtenir un avantage net.

 

[11]    Les opérations portant sur des actions effectuées en l’espèce me semblent être un exemple incontestable d’une entreprise au sens d’une activité menée en vue de réaliser un profit au cours d’une période de plusieurs années. Il ne s’agit pas cependant, à mon avis, d’un projet comportant un risque comme l’a fait valoir M. Hawa. Il a renvoyé à la décision rendue par le juge Dubé dans l’affaire Tamas v. The Queen, 81 DTC 5150, dans laquelle des opérations sur valeurs et sur marchandises effectuées par un contribuable ont été tenues pour un projet comportant un risque. Ce n’est pas que je ne souscrive pas à la décision rendue dans cette affaire‑là, mais j’estime qu’une activité commerciale concertée consistant à acheter et à vendre des actions au cours d’une période prolongée peut être mieux décrite comme l’exploitation d’une entreprise au sens courant de ce mot sans qu’il soit nécessaire de recourir au concept de « projet comportant un risque ».

 

[12]    L’avocat de l’intimée a fait valoir que l’élément de preuve le plus convaincant duquel il ressort que l’appelant avait l’intention de conserver les actions comme un investissement en capital à long terme était le fait qu’il avait qualifié ses pertes de pertes en capital dans ses déclarations pour les années 2000 et 2001. Je ne pense pas qu’il s’agisse d’un élément déterminant qui permettrait de trancher la question en litige. C’est la véritable nature de l’activité, non la description que l’appelant en a donnée après coup, qui est importante.

 

[13]    L’avocat a renvoyé à plusieurs décisions, dont Rajchgot et al. v. The Queen, 2004 DTC 3090 (C.C.I.) conf. par 2005 DTC 5607 (C.A.F.); McGroarty v. The Queen, 94 DTC 6276 et Sandnes v. The Queen, 2004 DTC 2466. Toutes ces décisions concernent des cas d’espèce et elles illustrent l’importance du fondement factuel qui sous‑tend une conclusion selon laquelle une personne a franchi la ligne de démarcation qui existe entre l’investissement et la négociation. En l’espèce, le volume des opérations, la vitesse des échanges et le témoignage de l’appelant lui‑même voulant qu’il achetât et vendît des actions pour réaliser un profit indiquent que l’activité concertée de l’appelant était sans l’ombre d’un doute l’exploitation d’une entreprise. Il est utile de répéter ci‑dessous ce que le lord juge Clerk de la Court of Exchequer (Écosse) a dit dans la décision Californian Copper Syndicate (Limited and Reduced) v. Harris, (1904) 5 T.C. 159, à la page 165 :

 

[traduction]

 

C'est un principe bien établi quand il s'agit de questions de cotisations d'impôt sur le revenu que, lorsque le propriétaire d'un placement ordinaire décide de le réaliser et obtient un prix plus élevé que le prix d'acquisition, la hausse du prix ne constitue pas un bénéfice assujetti à l'impôt sur le revenu au sens de l'annexe D de la Income Tax Act de 1842. Mais il est également bien établi que les plus‑values résultant de la réalisation ou de la conversion de titres peuvent aussi être soumises à l'impôt, lorsqu'il ne s'agit pas simplement d'une réalisation ou d'un changement de placement mais d'un acte fait dans le cadre de ce qui constitue véritablement la poursuite ou l’exploitation d'une entreprise. L’exemple le plus simple est celui d'une personne ou d'un groupe de personnes qui achète et revend des biens immobiliers ou des titres à des fins spéculatives pour réaliser un bénéfice, qui effectue ces placements dans le cadre d'une entreprise et qui cherche ainsi à en tirer un profit. Il existe de nombreuses entreprises qui sont créées expressément à cette fin et, dans ces cas, il ne fait aucun doute que, lorsqu'elles tirent un bénéfice de la réalisation d'un placement, ce bénéfice est susceptible d'être assujetti à l'impôt sur le revenu.

 

La ligne de démarcation entre les deux situations peut être difficile à établir, et chaque affaire doit être examinée à la lumière des circonstances qui l'entourent; il s'agit de répondre à la question : le bénéfice obtenu est-il une simple plus-value due à la réalisation d'un titre, ou est-ce un bénéfice obtenu dans le cadre d'une entreprise en mettant à exécution un plan élaboré dans un but lucratif?

 

[14]    L’appel est accueilli, et la cotisation est déférée au ministre du Revenu national pour qu’il procède à un nouvel examen et établisse une nouvelle cotisation en tenant pour acquis que les pertes que l’appelant a subies à l’occasion d’opérations sur valeurs en 2000 et en 2001 étaient des pertes autres que des pertes en capital et que la partie inutilisée des pertes en question doit être incluse dans le calcul de son revenu imposable pour l’année 2003, l’effet du choix fait par l’appelant en vertu de l’article 18.12 de la Loi sur la Cour canadienne de l’impôt devant être pris en considération si l’éventualité se présente.

 

[15]    L’appelant aura droit à ses dépens, le cas échéant.

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 9e jour de novembre 2006.

 

 

« D.G.H. Bowman »

Juge en chef Bowman

 

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 9e jour de mai 2007.

 

 

 

Jean David Robert, traducteur


 

RÉFÉRENCE :

2006CCI612

 

Nº DU DOSSIER DE LA COUR :

2005-4206(IT)I

 

INTITULÉ :

Frederick Simon Hawa c.

   Sa Majesté la Reine

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

 

 

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 27 octobre 2006

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT :

L’honorable D.G.H. Bowman, juge en chef

 

 

DATE DU JUGEMENT ET

   MOTIFS DU JUGEMENT :

Le 9 novembre 2006

 

COMPARUTIONS :

 

Pour l’appelant :

L’appelant lui‑même

 

 

Avocat de l’intimée :

Me John Grant

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Pour l’appelant :

 

 

 

Nom :

 

 

Cabinet :

 

 

 

 

Pour l’intimée :

John H. Sims, c.r.

Sous‑procureur général du Canada

Ottawa, Canada

 

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