Jugements de la Cour canadienne de l'impôt

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Dossier : 2005-2227(IT)I

ENTRE :

MICHELLE LAPIERRE,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

____________________________________________________________________

Appels entendus le 24 octobre 2005, à Montréal (Québec).

Devant : L'honorable juge Pierre R. Dussault

Comparutions :

Pour l'appelante :

L'appelante elle-même

Avocate de l'intimée :

Me Marie-Claude Landry

____________________________________________________________________

JUGEMENT

          Les appels des déterminations de la prestation fiscale canadienne pour enfants pour la période s'échelonnant du mois d'août 2002 au mois de juin 2004 pour les années de base 2001 et 2002 sont rejetés selon les motifs du jugement ci-joints.

Signé à Ottawa, Canada, ce 3e jour de novembre 2005.

« P. R. Dussault »

Juge Dussault


Référence : 2005CCI720

Date : 20051103

Dossier : 2005-2227(IT)I

ENTRE :

MICHELLE LAPIERRE,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

MOTIFS DU JUGEMENT

Le juge Dussault

[1]      Il s'agit d'appels de déterminations du ministre du Revenu national (le « ministre » ) en date du 18 juin et du 20 mai 2004, selon lesquelles l'appelante n'avait pas droit à la prestation fiscale canadienne pour enfants à l'égard de son fils Mathieu Giard pour les années de base 2001 et 2002 relativement à la période s'échelonnant du mois d'août 2002 au mois de juin 2004.

[2]      Le fondement des déterminations est exposé aux alinéas a) à d) du paragraphe 5 de la Réponse à l'avis d'appel qui se lisent :

a)          L'appelante et M. Jean-François Giard sont les parents de Mathieu Giard né le 23 mars 1988 et de Audrey Anne Giard née le 18 mai 1989;

b)          Suite à la séparation de l'appelante et de M. Giard, les enfants du couple sont demeurés avec l'appelante jusqu'au mois de juillet 2002;

c)          Conformément au jugement du 31 juillet 2002, Mathieu est allé vivre avec son père alors que Audrey Anne est demeurée avec l'appelante;

d)          Mathieu demeurait avec son père au cours de toute la période en litige.

[3]      L'appelante conteste les alinéas c) et d). Elle a été la seule à témoigner.

[4]      L'appelante a expliqué que malgré le jugement intérimaire sur mesures provisoires intervenu le 31 juillet 2002, lequel fixait la résidence de l'enfant Mathieu Giard chez son père, elle a elle-même toujours été disponible pour recevoir Mathieu chez elle où elle maintenait une chambre pour lui. Ainsi, selon elle, Mathieu pouvait venir chez elle aussi souvent qu'il le désirait et effectivement qu'il y est allé régulièrement tant sur semaine qu'au cours des fins de semaine.

[5]      L'appelante a affirmé qu'en avril 2003 elle voulait demander à nouveau la garde de Mathieu mais comme le père de l'enfant ne s'est pas présenté en cour, le jugement du 31 juillet 2002 a été maintenu. En juin 2003, Mathieu a été atteint d'un cancer des os et l'appelante a consacré plus de temps pour en prendre soin tant à l'hôpital que chez elle et a dû, pour ce faire, s'absenter fréquemment du travail. Du début de novembre 2003 au début de juin 2004, l'appelante était en congé de maladie et elle était alors plus disponible pour prendre soin de son fils à l'hôpital lors de ses traitements et chez elle lors sa convalescence. Elle a d'ailleurs déposé en preuve une lettre de son employeur et d'une collègue de travail pour attester de ses absences fréquentes et de son arrêt de travail pour prendre soin de son fils.

[6]      L'appelante a affirmé que monsieur Giard, le père de l'enfant était initialement d'accord pour qu'elle reçoive la prestation fiscale canadienne pour enfants à l'égard des deux enfants bien que la résidence de Mathieu ait été fixée chez lui par le jugement du 31 juillet 2002. Elle a aussi souligné que la prestation fiscale qu'elle a reçue à l'égard de Mathieu a été utilisée pour maintenir un logement lui permettant d'avoir sa propre chambre lorsqu'il venait chez elle et pour défrayer les coûts additionnels nécessaires pour prendre soin de lui plus spécialement durant sa maladie. Toutefois, elle a reconnu que Mathieu vivait principalement chez son père. En revanche, elle a affirmé qu'elle n'avait pas pris soin de lui uniquement une fin de semaine sur deux et que Mathieu était venu régulièrement chez elle.

[7]      L'avocate de l'intimée insiste sur le fait que les deux jugements concernant les mesures provisoires, soit celui du 31 juillet 2002 (pièce I-1) et celui du 15 avril 2003 (pièce I-2) établissent que la résidence de Mathieu a été fixée chez son père.

[8]      Le jugement intérimaire sur mesures provisoires du 31 juillet 2002 est libellé dans les termes suivants concernant la résidence de Mathieu Giard :

« Le tribunal fixe la résidence de l'enfant Mathieu Giard chez son père. »

[9]      La seule clause pertinente du jugement du 15 avril 2003 se lit comme suit :

« [...] Réserve à la requérante ses droits de demander des droits d'accès à l'enfant mineur Mathieu. »

[10]     Comme on peut le constater, ni l'un ni l'autre jugement ne détermine les droits d'accès de l'appelante à son fils Mathieu. L'avocate de l'intimée se fonde également sur le témoignage de l'appelante et sur les documents présentés en preuve par celle-ci pour conclure que l'enfant Mathieu Giard vivait principalement chez son père.

[11]     L'appelante a témoigné qu'elle avait toujours été disponible pour recevoir son fils chez elle et qu'il pouvait y venir aussi souvent qu'il le désirait, qu'il y était venu effectivement régulièrement sur semaine et durant les fins de semaines. Elle a aussi expliqué qu'elle avait du s'absenter fréquemment de son travail pour en prendre soin durant sa maladie, soit à l'hôpital, soit chez elle, et qu'elle avait été encore plus disponible à cet égard durant son arrêt de travail de novembre 2003 à juin 2004.

[12]     Aux fins de la prestation fiscale canadienne pour enfants la définition de « particulier admissible » que l'on retrouve à l'article 122.6 de la Loi de l'impôt sur le revenu (la « Loi » ) énonce un certain nombre de conditions auxquelles doit répondre un particulier à « un moment donné » . Aux fins du calcul de la prestation selon le paragraphe 122.61(1), on tient compte des personnes à charge admissibles à l'égard desquelles une personne est le particulier admissible au début de chaque mois. Il s'agit du « moment donné » auquel il est fait référence dans la définition de « particulier admissible » à l'article 122.6 de la Loi. C'est donc en fonction de la situation qui prévaut au début de chaque mois qu'il faut déterminer si un particulier répond aux conditions énoncées à la définition. La première condition pour qu'un particulier puisse être considéré un « particulier admissible » est énoncée à l'alinéa a) de la définition de cette expression par lequel on exige que ce particulier « réside avec la personne à charge » . C'est à l'égard de cette seule condition que le ministre a établi les déterminations en litige.

[13]     Si la résidence est le concept fondamental utilisé aux fins de l'assujettissement à l'impôt sur le revenu en vertu de la Loi, il n'y est cependant pas défini et ce sont les tribunaux qui ont tenté d'en circonscrire les limites. Essentiellement une question de fait, la résidence d'une personne à un endroit donné s'établit par un certain nombre de critères de temps, d'objet, d'intention et de continuité qui n'ont pas nécessairement toujours la même importance et qui peuvent varier selon les circonstances de chaque cas (voir Thomson v. M.N.R., [1946] R.C.S. 209). Toutefois, la résidence implique une certaine constance, une certaine régularité ou encore une certaine permanence selon le mode de vie habituel d'une personne en relation avec un lieu donné et se distingue de ce qu'on peut qualifier de visites ou de séjours à des fins particulières ou de façon sporadiques. Lorsque la Loi pose comme condition de résider avec une autre personne, je ne crois pas qu'il convient d'accorder au verbe résider un sens qui s'écarte du concept de résidence tel qu'il a été élaboré par les tribunaux. Résider avec quelqu'un c'est vivre ou demeurer avec quelqu'un dans un endroit donné avec une certaine constance, une certaine régularité ou encore d'une manière habituelle.

[14]     C'est d'ailleurs en de tels termes que la condition de « résider avec la personne à charge » a été analysée (voir, entre autres, S.R. v. Canada, [2003] T.C.J. No. 489 (QL), Bachand c. Canada, [2004] A.C.I. no 26 (QL) et Boutin c. Canada, [2004] A.C.I. no 379 (QL)).

[15]     Relativement à cette condition de résidence avec la personne à charge, rien dans le témoignage de l'appelante ou dans les documents présentés en preuve n'apporte vraiment de précisions concernant la fréquence et la durée des séjours de son fils chez elle, de sorte qu'il n'est pas possible de conclure qu'elle a effectivement résidé avec son fils Mathieu au début de chaque mois de la période s'échelonnant du mois d'août 2002 au mois de juin 2004.

[16]     En conséquence, les appels sont rejetés.

Signé à Ottawa, Canada, ce 3e jour de novembre 2005.

« P. R. Dussault »

Juge Dussault


RÉFÉRENCE :                                   2005CCI720

N º DU DOSSIER DE LA COUR :       2005-2227(IT)I

INTITULÉ DE LA CAUSE :               MICHELLE LAPIERRE c. SA MAJESTÉ LA REINE

LIEU DE L'AUDIENCE :                    Montréal (Québec)

DATE DE L'AUDIENCE :                  le 24 octobre 2005

MOTIFS DE JUGEMENT PAR :        L'honorable juge Pierre R. Dussault

DATE DU JUGEMENT :                    le 3 novembre 2005

COMPARUTIONS :

Pour l'appelante :

l'appelante elle-même

Avocate de l'intimée :

Me Marie-Claude Landry

AVOCAT INSCRIT AU DOSSIER :

       Pour l'appelante:

                   Nom :                             

                   Étude :

       Pour l'intimée :                             John H. Sims, c.r.

                                                          Sous-procureur général du Canada

                                                          Ottawa, Ontario

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.