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Dossier : 2001-3648(IT)I

ENTRE :

GAÉTAN GAGNON,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

____________________________________________________________________

Appels entendus le 9 avril 2003 à Rivière-du-Loup (Québec)

Devant : L'honorable juge Alain Tardif

Comparutions :

Pour l'appelant :

l'appelant lui-même

Avocate de l'intimée :

Me Stéphanie Côté

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JUGEMENT

          Les appels des cotisations établies en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu pour les années d'imposition 1996 et 1997 sont rejetés, en ce que les cotisations corrigées ou amendées des suites du consentement à jugement partiel déposé lors de la réouverture d'enquête sont maintenues et les pénalités applicables aux cotisations corrigées sont confirmées, selon les motifs du jugement ci-joints.

Signé à Ottawa, Canada, ce 14e jour de novembre 2003.

« Alain Tardif »

Juge Tardif


Référence : 2003CCI340

Date : 20031114

Dossier : 2001-3648(IT)I

ENTRE :

GAÉTAN GAGNON,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

MOTIFS DU JUGEMENT

Le juge Tardif, C.C.I.

[1]      Il s'agit d'appels des cotisations pour les années d'imposition 1996 et 1997.

[2]      Après avoir pris le dossier en délibéré, le Tribunal a ordonné une réouverture d'enquête le 26 juin 2003, suite à une requête de l'appelant en date du 7 mai 2003. Un consentement à jugement partiel en date du 22 septembre 2003 est intervenu. Il y a lieu d'en reproduire le contenu :

[...]

            Les appels des cotisations établies en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu, concernant les années d'imposition 1996 et 1997 sont admis, sans frais et le tout est déféré au ministre du Revenu national pour nouvel examen et nouvelle cotisation suivant les termes du consentement à jugement ci-annexé lequel fait partie intégrante du présent jugement :

1.          un montant de 13 181 $ doit être soustrait des actifs de l'appelant au calcul de l'avoir net au poste « Débiteurs » ;

2.          le montant ajouté au revenu de l'appelant pour l'année d'imposition 1997 devient 23 015 $ et celui soumis à la pénalité devient donc 29 748 $ (la différence provient des ajustements à l'amortissement accordé);

3.          en conséquence, le paragraphe 13 i) de la Réponse à l'avis ( « Réponse » ) devrait être modifié pour remplacer le montant de 42 929 $ pour le montant de 29 748 $;

4.          de même, les paragraphes 14 a) et 16 de la Réponse devraient être modifiés pour remplacer le montant de 36 196 $ par le montant de 23 015 $.

En ce qui concerne la validité des cotisations émises par le ministre du Revenu national et l'imposition des pénalités, outre les modifications convenues, les parties laissent le tout au jugement de la Cour et s'en remettent à la preuve et aux plaidoiries lors de l'audition du 9 avril 2003

Signataires :                   Rivière-du-Loup, le 22 septembre 2003

Me Frank Lemieux

Montréal, le 2 septembre 2003

Me Stéphanie Côté

[3]      Suite au consentement à jugement, les questions en litige sont :

a)       déterminer si les sommes respectives de 17 694 $ et de 23 015 $, furent correctement ajoutées dans le calcul du revenu de l'appelant, à l'égard des années d'imposition 1996 et 1997, à titre de revenus d'entreprise non déclarés.

b)      déterminer si l'imposition de la pénalité prévue au paragraphe 163(2) de la Loi de l'impôt sur le Revenu (la « Loi » ), à l'encontre de l'appelant, pour les années d'imposition 1996 et 1997, était justifiée.

[4]      Pour établir et maintenir la cotisation au niveau de l'opposition, l'intimée a pris pour acquis les faits suivants (modifiés partiellement par le consentement à jugement ci-avant reproduit) :

a)          Au cours des années en litige, l'appelant exploitait une entreprise d'excavation et de déneigement;

b)          Lors de la production de ses déclarations de revenus, l'appelant a déclaré une perte d'entreprise nette de 9 542 $ pour l'année d'imposition 1996 et un gain d'entreprise net de 10 144 $ pour l'année d'imposition 1997;

c)          Les déclarations de revenus de l'appelant pour les années d'imposition 1996 et 1997 ont fait l'objet d'une vérification de la part du ministre du Revenu national;

d)          Le ministre du Revenu national a utilisé la méthode de l'avoir net pour établir les avis de nouvelle cotisation pour les années d'imposition 1996 et 1997 de l'appelant;

e)          Le sommaire des rajustements ainsi que l'établissement des revenus additionnels est joint à la présente réponse comme Annexe A pour en faire partie intégrante;

f)           La valeur de chacun des éléments d'actif et de passif a été établie à partir de documents ou de renseignements fournis par l'appelant, de confirmations obtenues auprès des institutions financières ou de documents obtenus auprès de tiers;

g)          Au cours des années en litige, l'appelant subvenait aux besoins de sa conjointe et de ses 3 enfants;

h)          Les dépenses personnelles de l'appelant et de sa famille ont été établies à partir des montants présentés par l'appelant, des duplicata de chèques émis par l'appelant ainsi que de documents obtenus par des tiers;

i)           En omettant de déclarer respectivement les sommes de 16 649 $ et de 29 748 $, l'appelant a fait sciemment ou dans des circonstances qui justifient l'imputation d'une faute lourde, un faux énoncé ou une omission dans ses déclarations de revenus produites pour les années d'imposition 1996 et 1997, ou a participé, consenti ou acquiescé à ce faux énoncé ou cette omission, d'où il résulte que l'impôt qu'il aurait été tenu de payer d'après les renseignements fournis dans ces années-là était inférieur au montant d'impôt à payer pour chacune de ces années-là.

                                                                   (Je souligne)

[5]      L'appelant et son comptable, Ghislain Bélanger, ont témoigné à l'appui de l'appel. De son côté, l'intimée a fait témoigner le vérificateur au dossier en l'occurrence, Jean-François Paradis.

[6]      L'appelant a fait des représentations à l'effet que son coût de vie et celui de sa famille avaient été surévalués d'un montant d'environ 10 000 $ pour chacune des années d'imposition.

[7]      Le coût de vie a été établi à partir d'une rencontre à la résidence de l'appelant en présence de sa conjointe. De franches et civilisées discussions eurent lieu et les diverses composantes furent discutées et définies à partir des informations de l'appelant, de sa conjointe et de certains documents, dont des chèques.

[8]      À l'étape de l'opposition, le comptable de l'appelant est intervenu et les discussions et négociations eurent lieu. À l'exception de la rubrique vêtements, tant pour l'appelant que pour les membres de sa famille où le comptable a émis certaines réserves, les montants attribués aux diverses rubriques furent considérés comme acceptables, d'autant plus que l'appelant et son épouse ont été largement mis à contribution pour en élaborer le contenu.

[9]      À la suite de ces discussions et négociations, l'intimée aurait alors décidé d'abandonner son projet de cotiser l'année 1995.

[10]     Lors du procès, l'appelant a affirmé avoir regardé à nouveau les montants attribués aux diverses composantes prises pour acquis pour l'évaluation de son coût de vie et celui de sa famille, dont il était le seul soutien financier. À la suite de sa révision dans les mois qui ont précédé l'audition, il a présenté un état détaillé de ce que lui et sa famille auraient déboursé pour leur subsistance pour les années en litige.

[11]     J'ai expliqué à l'appelant que le fardeau de la preuve lui incombait quant au principal de la cotisation et inversement, qu'il incombait à l'intimée quant aux pénalités.

[12]     L'appelant et son comptable ont contesté certains fondements de la cotisation en recourant à des explications pouvant soulever certains doutes. Ainsi l'appelant a fait valoir qu'il ne déboursait pas le montant indiqué à la rubrique alimentation pour le motif que sa famille et lui vivaient sur une petite ferme et ils cultivaient ce dont la famille avait besoin. Il gardait également des poulets et de façon ponctuelle, des porcs et un boeuf.

[13]     Il a aussi affirmé que les montants déboursés pour les vêtements étaient plutôt 200 $ par année pour lui, 250 $ pour son épouse et 800 $ pour les deux adolescents étudiants.

[14]     Quant à la rubrique coiffeur-barbier, l'appelant a réduit le montant de 540 $ à 140 $ sous prétexte que sa fille aînée coiffait son épouse, sa fille cadette ainsi que lui-même.

[15]     Finalement, la dernière rubrique où l'appelant a soumis un écart important a été la composante chasse-pêche; l'intimée avait prévu 1 000 $ et l'appelant a soutenu qu'il dépensait au maximum 200 $ à ce chapitre.

[16]     Les explications de l'appelant n'ont été ni soutenues ni confirmées par des éléments extérieurs et leurs contestations reposaient essentiellement sur des évaluations arbitraires; lors de la cotisation, les évaluations ont été établies à partir de discussions ouvertes où l'épouse de l'appelant était présente; elle avait d'ailleurs été associée aux discussions.

[17]     La cotisation a été établie au moyen du procédé « Avoir-net » puisque l'appelant tenait une comptabilité déficiente et très peu fiable à cause de l'absence de contrôle interne. Il n'existait, en outre, aucune suite numérique dans la facturation utilisée, principal fondement du calcul de ses revenus. De plus, une partie importante des revenus générés par les activités de l'appelant lui était payé en argent comptant.

[18]     À ce stade, il m'apparaît approprié de rappeler un extrait du jugement de l'honorable juge en chef adjoint Bowman de cette Cour, dans l'affaire Ramey c. Canada, 1993 A.C.I. no 142, qui s'exprimait comme suit :

...Estimer le revenu annuel d'un contribuable à partir de la valeur de son actif net est une méthode insatisfaisante et imprécise.    C'est un instrument grossier que le ministre doit utiliser en dernier ressort.    Une cotisation d'actif net repose sur une comparaison de l'actif net du contribuable, à savoir la valeur de l'actif moins le passif au début d'une année, avec son actif net à la fin de l'année.    À la différence ainsi obtenue, on ajoute les dépenses qu'il a engagées pendant l'année.    Le montant obtenu est réputé être le revenu du contribuable, sauf preuve contraire.    Ces cotisations peuvent être inexactes dans une mesure indéterminée, mais elles sont valables jusqu'à preuve de leur inexactitude.    Il est quasi impossible de les contester à la pièce.    La seule façon vraiment efficace de les contester est de procéder à une reconstitution complète du revenu du contribuable pour l'année.    Un contribuable dont les registres comptables et le mode de déclaration de revenus sont dans un tel fouillis que la cotisation d'actif net s'impose est souvent l'artisan de son propre malheur.

[19]     Souscrivant sans réserve à cet énoncé du juge en chef adjoint Bowman, je conclus que la preuve soumise par l'appelant ne rencontre pas les exigences minimales pour la qualifier de prépondérante. Relever un fardeau de preuve exige que l'appelant démontre la fausseté des faits pris pour acquis par l'intimée. Il ne suffit pas de soulever des doutes quant à leur pertinence par le biais d'explications essentiellement verbales.

[20]     Pour avoir gain de cause, il eût fallu que l'appelant établisse d'une manière prépondérante que les hypothèses de faits étaient d'une part fausses et d'autre part, que ses propres prétentions étaient probables et raisonnables. Pour ce faire, il aurait pu et dû faire intervenir toutes les personnes susceptibles d'étoffer ses affirmations d'autant plus que le travail de vérification a été exécuté d'une manière irréprochable.

[21]     L'importance des montants en cause ne peut s'expliquer ou se justifier par la commission d'erreurs banales ou insignifiantes.

[22]     L'appelant et son comptable ont reconnu que certains revenus n'avaient pas été déclarés, leurs prétentions ne visant qu'une partie des revenus non déclarés.

[23]     Étant donné l'importance des montants non déclarés en fonction de ceux déclarés, il n'y a aucun doute que l'appelant a, sciemment ou dans des circonstances équivalant à une faute lourde dans l'exercice de son obligation prévue par la Loi, fait un faux énoncé justifiant ainsi la pénalité imposée.

[24]     L'importance des montants non déclarés ne peut s'expliquer ni se justifier par une simple erreur ou par un banal oubli. La comptabilité reposait sur un système de factures dont les numéros ne se suivaient pas laissant ainsi place à un équivoque certain.

[25]     Pour ces raisons, les appels sont rejetés en ce que les cotisations corrigées ou amendées des suites du consentement à jugement partiel déposé lors de la réouverture d'enquête sont maintenues et les pénalités applicables aux cotisations corrigées sont conformées.

Signé à Ottawa, Canada, ce 14e jour de novembre 2003.

« Alain Tardif »

Juge Tardif


RÉFÉRENCE :

2003CCI340

No DU DOSSIER DE LA COUR :

2001-3648(IT)I

INTITULÉ DE LA CAUSE :

Gaétan Gagnon et Sa Majesté la Reine

LIEU DE L'AUDIENCE :

Rivière-du-Loup (Québec)

DATE DE L'AUDIENCE :

le 9 avril 2003

MOTIFS DE JUGEMENT PAR :

l'honorable juge Alain Tardif

DATE DU JUGEMENT :

le 14 novembre 2003

COMPARUTIONS :

Pour l'appelant :

l'appelant lui-même

Pour l'intimée :

Me Stéphanie Côté

AVOCAT(E) INSCRIT(E) AU DOSSIER:

Pour l'appelant :

Nom :

Étude :

Pour l'intimée :

Morris Rosenberg

Sous-procureur général du Canada

Ottawa, Canada

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