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Dossier : 2004-2970(IT)I

ENTRE :

CHERYL ANN PRIEST,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

Appel entendu le 6 décembre 2004, à Saint John (Nouveau-Brunswick).

Devant : L'honorable juge François Angers

Comparutions :

Pour l'appelante :

L'appelante elle-même

Avocat de l'intimée :

Me Martin Hickey

JUGEMENT

          L'appel interjeté à l'égard de la décision rendue en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu pour la période allant d'octobre 2000 à juin 2002 est rejeté conformément aux motifs du jugement ci-joints.

Signé à Ottawa, Canada, ce 17e jour de janvier 2005.

« François Angers »

Juge Angers

Traduction certifiée conforme

ce 20e jour de septembre 2005.

Sara Tasset


Référence : 2005CCI30

Date : 20050117

Dossier : 2004-2970(IT)I

ENTRE :

CHERYL ANN PRIEST,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

MOTIFS DU JUGEMENT

[1]    Il s'agit d'un appel interjeté à l'égard d'une décision rendue par le ministre du Revenu national le 31 mars 2004, selon laquelle l'appelante n'était pas un particulier admissible selon l'article 122.6 de la Loi de l'impôt sur le revenu (la « Loi » ) relativement à ses deux enfants, E. L. et J. L., pour la période allant d'octobre 2000 à juin 2002 en ce qui touche l'année de base 2000. Les enfants sont des personnes à charge admissibles et la seule question en litige en l'espèce intéresse la condition énoncée aux alinéas b) et h) de la définition de l'expression « particulier admissible » , à savoir le fait que la personne - père ou mère de la personne à charge admissible - doit être celle qui « assume principalement la responsabilité pour le soin et l'éducation de cette dernière » . Comme les deux parents demandent le crédit d'impôt pour enfants pour la période visée, aucune présomption ne s'applique et les critères prévus par l'article 6302 du Règlement doivent être pris en compte.

[2]    La définition du terme « particulier admissible » donnée à l'article 122.6 de la Loi est ainsi rédigée :

« particulier admissible » S'agissant, à un moment donné, du particulier admissible à l'égard d'une personne à charge admissible, personne qui répond aux conditions suivantes à ce moment :

a) elle réside avec la personne à charge;

b) elle est la personne - père ou mère de la personne à charge - qui assume principalement la responsabilité pour le soin et l'éducation de cette dernière;

c) elle réside au Canada ou, si elle est l'époux ou conjoint de fait visé d'une personne qui est réputée, par le paragraphe 250(1), résider au Canada tout au long de l'année d'imposition qui comprend ce moment, y a résidé au cours d'une année d'imposition antérieure;

d) elle n'est pas visée aux alinéas 149(1)a) ou b);

e) elle est, ou son époux ou conjoint de fait visé est, soit citoyen canadien, soit :

(i) résident permanent au sens du paragraphe 2(1) de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés,

(ii) résident temporaire ou titulaire d'un permis de séjour temporaire visés par la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés ayant résidé au Canada durant la période de 18 mois précédant ce moment,

(iii) personne protégée au titre de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés;

(iv) quelqu'un qui fait partie d'une catégorie précisée dans le Règlement sur les catégories d'immigrants précisées pour des motifs d'ordre humanitaire pris en application de la Loi sur l'immigration.

Pour l'application de la présente définition :

f) si la personne à charge réside avec sa mère, la personne qui assume principalement la responsabilité pour le soin et l'éducation de la personne à charge est présumée être la mère;

g) la présomption visée à l'alinéa f) ne s'applique pas dans les circonstances prévues par règlement;

h) les critères prévus par règlement serviront à déterminer en quoi consistent le soin et l'éducation d'une personne.

[3]    Voici les critères prévus à l'article 6302 du Règlement :

6302. Pour l'application de l'alinéa h) de la définition de « particulier admissible » à l'article 122.6 de la Loi, les critères suivants servent à déterminer en quoi consistent le soin et l'éducation d'une personne à charge admissible :

a) le fait de surveiller les activités quotidiennes de la personne à charge admissible et de voir à ses besoins quotidiens;

b) le maintien d'un milieu sécuritaire là où elle réside;

c) l'obtention de soins médicaux pour elle à intervalles réguliers et en cas de besoin, ainsi que son transport aux endroits où ces soins sont offerts;

d) l'organisation pour elle d'activités éducatives, récréatives, athlétiques ou semblables, sa participation à de telles activités et son transport à cette fin;

e) le fait de subvenir à ses besoins lorsqu'elle est malade ou a besoin de l'assistance d'une autre personne;

f) le fait de veiller à son hygiène corporelle de façon régulière;

g) de façon générale, le fait d'être présent auprès d'elle et de la guider;

h) l'existence d'une ordonnance rendue à son égard par un tribunal qui est valide dans la juridiction où elle réside.

[4]    Lorsqu'il a confirmé la cotisation, le ministre s'est appuyé sur les hypothèses de fait suivantes, lesquelles ont été admises ou niées par l'appelante comme il est précisé ci-dessous :

a)      les faits admis ci-dessus;

b)     l'appelante et son ex-époux, Michel LaPlante ( « ex-époux » ), se sont séparés avant le 31 décembre 1994; (niée)

c)      les personnes à charge admissibles en cause sont E. L. et J. L., nés respectivement le 19 juillet 1992 et le 27 novembre 1993; (admise)

d)     l'appelante et son ex-époux sont les parents des personnes à charge; (admise)

e)      pendant la période en cause, l'appelante avait des droits de visite à l'égard des enfants du lundi au jeudi, après l'école, jusqu'à 16 h ou 17 h, sauf les mercredis où les enfants étaient avec l'appelante jusqu'à 20 h, et un jeudi sur deux où ils passaient la nuit chez elle; (niée)

f)       l'appelante et son conjoint séparé passaient tour à tour une fin de semaine avec les enfants, à partir du vendredi après l'école jusqu'au lundi matin; (niée)

g)      pendant les vacances, y compris l'été, les enfants résidaient avec l'appelante la moitié du temps; (niée)

h)      l'appelante n'était pas la personne qui assumait principalement la responsabilité pour le soin et l'éducation de E. L. et de J. L. pendant la période en question. (niée)

[5]    La preuve n'a pas révélé l'existence d'une ordonnance de garde. Pour la période en cause, les enfants partageaient le domicile de leurs deux parents à différents moments et à différents intervalles, étant entendu qu'ils passeraient le plus de temps possible avec chaque parent.

[6]    Même si la réponse à l'avis d'appel mentionne que l'appelante et son ex-époux se sont séparés avant le 31 décembre 1994, il ressort de la preuve qu'ils ont continué à vivre sous le même toit jusqu'à ce que l'appelante, en octobre 2000, commence à fréquenter un certain George Priest, avec lequel elle s'est mariée en mars 2001. Selon le témoignage de la fille aînée de l'appelante, les enfants ont eu deux domiciles après le mariage, et chaque enfant avait sa propre chambre aux deux endroits. Il arrivait à l'occasion que la fille aînée se charge de conduire les enfants à leurs différentes activités.

[7]    Quant à l'appelante, la preuve a révélé qu'elle avait son propre domicile pendant une partie de l'an 2000, mais qu'elle considérait néanmoins la résidence familiale comme son foyer. Après avoir rencontré George Priest à l'automne 2000, l'éducation de ses enfants est demeurée sa priorité. Elle est restée en contact avec le père des enfants afin de prendre les mesures nécessaires pour favoriser cette transition dans sa vie. La question de la garde est devenue primordiale pour les parents et ils ont tous deux consulté un médiateur pour résoudre leur différend. L'appelante s'est principalement efforcée de veiller à ce que les enfants puissent voir leurs deux parents.

[8]    Dans son témoignage, l'appelante a affirmé que la médiation n'a donné lieu à aucune entente et que la question devait être réglée par l'entremise de leur avocat respectif. Or, une lettre datée du 13 mars 2001 écrite par le médiateur mentionne qu'une entente réciproque a été conclue pour favoriser les droits de visite à l'égard des enfants. Voici le texte des paragraphes pertinents de cette lettre :

[TRADUCTION]

Les parties ont mutuellement convenu que les deux enfants continueront d'aller au domicile de leur mère après l'école. J. L. termine à 14 h 15 et E. L. à 16 h 15. Cela permettra à Cheryl de voir les enfants tous les jours. Le moment où les enfants quittent le domicile de leur mère dépend du jour de la semaine et de leurs activités parascolaires. Les enfants ne vont chez Cheryl qu'un vendredi sur deux.

•            Lundi - Michel va chercher les enfants à 16 h 30;

•            Mardi - Michel va chercher les enfants à 17 h;

•            Mercredi - Les enfants prennent le repas du soir avec leur mère, qui les dépose chez Michel au plus tard à 20 h;

•            Jeudi - Un jeudi sur deux, les enfants passent la nuit chez leur mère. Pendant les fins de semaine où ils sont chez Cheryl - Michel va les chercher à 17 h;

•            Vendredi - Une semaine sur deux, les enfants se rendent directement chez Michel après l'école.

Comme Cheryl travaille tous les vendredi et samedi soirs et habituellement les dimanches de 16 h à 20 h, il a été convenu que les enfants iront chez elle une fin de semaine sur deux et qu'à cette occasion, ils passeront la nuit de dimanche chez Cheryl de sorte qu'elle puisse passer du temps avec eux à son retour du travail. Elle se chargera de les conduire à l'école le lundi matin. Les enfants dormiront chez Cheryl le jeudi précédant la fin de semaine qu'ils passeront chez Michel. Les enfants n'iront pas chez leur mère après l'école les vendredis suivant les jeudis où ils passent la nuit chez elle.

Il est convenu que le congé du mois de mars sera partagé et des discussions se tiendront à ce sujet au plus tard au début du mois de février. Pour 2001, les enfants seront avec Cheryl du lundi au jeudi puisqu'elle est en congé. Ils passeront la fin de semaine avec Michel.

L'été sera partagé moitié-moitié. Les enfants passeront la journée de la Fête des mères avec Cheryl et la journée de la Fête des pères avec Michel. Les anniversaires de naissance des enfants seront célébrés ensemble.

[9]    L'appelante a à nouveau consulté un médiateur parce qu'elle n'était pas d'accord avec le contenu de la lettre. Elle se plaignait notamment de l'heure à laquelle les classes de l'un des enfants prenaient fin et du fait qu'elle ne voulait pas que le père retienne les services d'une gardienne lorsqu'elle-même était disponible. Selon l'appelante, le père avait un horaire très chargé et elle souhaitait s'occuper de ses enfants lorsqu'il était absent. Cette question a finalement été soumise aux avocats. L'appelante tenait un registre du temps qu'elle passait chaque jour avec les enfants, mais ce document a été détruit lors d'un incendie à son domicile.

[10]Son témoignage a révélé que les enfants se rendaient chez elle tous les jours après l'école, sauf les mercredis lorsque le père allait les chercher. Elle aidait les enfants à faire leurs devoirs et elle ou son époux les conduisait ou allait les chercher au lieu de leurs diverses activités ou allait les conduire chez leur père. Les enfants prenaient le repas du soir avec elle, mais allaient dormir chez leur père, à cause de leurs devoirs. Elle n'a pas pu dire combien de nuits environ les enfants passaient chez leur père.

[11]L'appelante se chargeait des rendez-vous des enfants chez le médecin et le dentiste, mais laissait à son ex-époux le soin de fixer les rendez-vous chez l'orthodontiste puisque c'est lui qui payait ces traitements. Elle participait activement aux activités parascolaires des enfants, mais elle a reconnu que c'est son ex-époux qui se chargeait de les inscrire à la plupart de ces activités. Elle payait pour les leçons de piano de sa fille et veillait à ce que les enfants aient tout ce dont ils avaient besoin à chacun de leurs domiciles. Lorsque les enfants étaient malades, elle en prenait soin puisqu'elle était à la maison.

[12]Le père a une version différente des faits en ce qui concerne les droits de visite pendant la période en cause. Les lundis, les enfants allaient au domicile de l'appelante et il allait les chercher vers 16 h 30. Ils prenaient le repas du soir avec lui et passaient la nuit à sa résidence. Les mardis, les enfants se rendaient au domicile de l'appelante après l'école et prenaient le repas du soir avec leur mère. Ils dormaient chez leur père. Les enfants passaient les mercredis au domicile de leur père. Les jeudis, ils allaient chez leur mère après l'école et prenaient le repas du soir avec elle. Après leurs activités du jeudi soir, soit qu'ils retournaient chez leur mère, soit qu'ils se rendaient chez leur père pour y passer la nuit. Les vendredis, jusqu'au lundi matin, les enfants passaient la fin de semaine tour à tour avec chacun de leurs parents. Dans son témoignage, le père a mentionné que les enfants passaient en moyenne 22 nuits par mois chez lui. Pendant l'été, les enfants partageaient leur temps également entre les deux parents. Même s'il existe trois versions différentes concernant les droits de visite, celle-ci est relativement proche de l'entente réelle.

[13]Le père avait un horaire très chargé, mais il l'a allégé de façon appréciable en cessant d'être membre de diverses associations au printemps et à l'automne 2000. Cette mesure lui a permis d'être plus présent auprès de ses enfants. Il les prépare pour l'école le matin et les aide à faire leurs devoirs. Depuis la fin de 1999, c'est lui qui s'est chargé de fixer les rendez-vous chez le médecin et le dentiste, qui a veillé à leur transport à ces occasions et qui leur a offert un soutien d'ordre psychologique. Tous les frais connexes étaient couverts par les assurances de leur père. Il faisait en sorte que les enfants soient inscrits à des activités parascolaires et il payait la plupart des frais connexes. Il accompagnait en outre les enfants lors de ces rendez-vous.

[14]Dans son témoignage, le père a affirmé qu'il prenait les dispositions nécessaires pour prendre soin des enfants lorsqu'ils étaient malades. Il veillait également à ce qu'ils aient un régime alimentaire équilibré et qu'ils fassent régulièrement des exercices physiques. Les enfants réussissent très bien à l'école. Ils ont tout le matériel scolaire dont ils ont besoin et on les aide à faire leurs devoirs.

[15]En l'espèce, les deux parents ont défendu leur point de vue et fourni à la Cour la meilleure preuve dont ils disposaient pour établir leur droit à la prestation fiscale pour enfants. La preuve présentée par les deux parents en ce qui a trait aux droits de visite et à l'ensemble des faits concernant la façon dont ils participent au soin et à l'éducation de leurs enfants est contradictoire. Malgré leurs thèses respectives, les deux parents en l'espèce semblent avoir fait de leur mieux pour bien jouer leur rôle de parent et pour éduquer les enfants pendant la difficile période en cause. Malheureusement, seule une personne peut être le « particulier admissible » au sens où cette expression est définie à l'article 122.6 de la Loi (voir la décision Canada v. Marshall, [1996] 2 C.T.C. 92).

[16]Après avoir examiné les critères énoncés à l'article 6302 du Règlement, j'arrive à la conclusion que certains critères jouent également en faveur des deux parents, tandis que d'autres permettent de penser qu'il existe peut-être un léger avantage en faveur du père, en particulier au regard des alinéas a), b), d) et g). L'appelante doit établir, selon la prépondérance des probabilités, qu'elle est le « particulier admissible » au sens où ce terme est défini à l'article 122.6 de la Loi. À la lumière de la preuve et des critères dont il faut tenir compte, je conclus que la décision du ministre de trancher en faveur du père était raisonnable et que la preuve présentée par l'appelante ne suffit pas à établir que, pendant la période en cause, elle était le parent qui assumait principalement la responsabilité pour le soin et l'éducation des deux enfants. L'appel est rejeté.

Signé à Ottawa, Canada, ce 17e jour de janvier 2005.

« François Angers »

Juge Angers

Traduction certifiée conforme

ce 20e jour de septembre 2005.

Sara Tasset

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