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Référence : 2005CCI389

Date : 20050617

Dossier : 2004-2459(IT)I

ENTRE :

DUSHYANTHINI RAMESHA,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

Représentant de l'appelante : Ramesha Bhaskaran

Représentant de l'intimée : Brendan Gluckman (étudiant en droit)

___________________________________________________________________

MOTIFS DU JUGEMENT

(Rendus oralement à l'audience

à Toronto (Ontario) le 2 juin 2005)

Le juge Bowie

[1]      Ces appels concernent les nouvelles cotisations d'impôt sur le revenu de l'appelante visant les années d'imposition 1998 et 1999. L'appelante soulève plusieurs questions.

[2]      Premièrement, durant les années entre 1988 et 1997, l'appelante et son mari possédaient en copropriété une maison sise sur l'avenue Keith à Toronto. Ils y ont vécu jusqu'en janvier 1998, puis ils ont déménagé dans une autre maison appartenant au mari de l'appelante, maison qui avait été louée mais qui était devenue vacante vers la fin de 1997. Ils ont vendu la maison de l'avenue Keith en établissant une convention d'achat et de vente le 17 novembre 1997. La vente devait être conclue le 31 mars 1998 et, effectivement, elle l'a été. L'appelante et son mari ont alors loué la maison à une personne qui l'a habitée durant les mois de février et mars 1998. L'appelante déclare une perte de 13 755,49 $ résultant de la vente de cette maison, qu'elle souhaite déduire dans le calcul de son revenu de 1998. Son mari demande probablement une déduction semblable au titre de la même perte puisqu'il était aussi propriétaire à 50 %.

[3]      Deuxièmement, l'appelante demande pour l'année d'imposition 1998, relativement à son mari, un crédit d'impôt non remboursable en vertu de l'alinéa 118(1)a) de la Loi de l'impôt sur le revenu.Le ministre du Revenu national (le ministre) a établi pour le mari une cotisation en fonction de son revenu net pour cette année-là, qui dépassait 74 000 $. Cela voudrait dire, bien sûr, que Mme Ramesha ne pouvait demander un crédit d'impôt pour conjoint à charge. Son mari a déposé un avis d'opposition à l'égard de cette nouvelle cotisation. Sur cette opposition, toutefois, le ministre ne s'est pas encore prononcé.

[4]      Troisièmement, l'appelante a soutenu devant moi qu'elle avait le droit de déduire de son revenu de 1998 des pertes d'autres années, ce que le ministre n'a pas reconnu.

[5]      Enfin, concernant l'année d'imposition 1999, l'appelante soutient qu'elle a subi une perte de 24 702,62 $ cette année-là relativement à un immeuble locatif sis sur l'avenue Blackthorn. Le ministre a refusé la déduction de 19 703 $ au titre de cette perte, lui permettant toutefois de déduire le montant restant de 5 000 $ de ses autres revenus en application de l'article 3 de la Loi. L'appelante prétend toujours qu'elle a le droit de déduire le montant intégral de la perte. Je vais maintenant aborder dans l'ordre chacune de ces questions.

Perte résultant de la vente de la maison de l'avenue Keith

[6]      La maison de l'avenue Keith a été la résidence principale de l'appelante et de son mari durant quelque dix années avant d'être vendue en novembre 1997. Sa valeur a diminué au cours de cette période. Ils l'avaient payée 134 000 $ en mars 1988, et l'ont vendue 108 000 $ en novembre 1997. La perte a été subie en novembre 1997 au moment où la convention d'achat et de vente a été signée et non en mars 1998 lors de la conclusion de la vente. Selon l'appelante, elle a subi une partie de la perte, plus précisément 6 750 $, lorsque la propriété est devenue un bien locatif au début de février 1998, soit deux mois avant la conclusion de l'opération et elle a ensuite subi une perte supplémentaire de 7 168 $ au moment de la vente de la maison en mars 1998. Ce dernier montant, dit-elle, devrait être considéré comme une perte finale subie au moment de la vente d'un bien possédé en vue d'en tirer un revenu. Le représentant de l'appelante a affirmé qu'il avait obtenu des évaluations afin de justifier les valeurs qui sont à l'origine des pertes dont la déduction est demandée. Cependant, aucune preuve de cette nature, en fait aucune preuve quelconque de la valeur, hormis l'acte de cession de mars 1988 et la convention d'achat et de vente de novembre 1997, n'a été déposée dans la présente affaire.

[7]      Lorsque l'appelante a signé la convention d'achat et de vente en novembre 1997, elle a convenu irrévocablement de céder la propriété à l'acheteur en mars 1998 en échange de la somme de 108 000 $. Cette opération a donné lieu à une perte d'au moins 26 000 $, subie à ce moment-là. C'était une perte résultant de la disposition d'une résidence principale et, donc, considérée comme nulle[1].

[8]      L'argument de l'appelante selon lequel l'immeuble était un bien producteur de revenu durant deux mois en 1998 est peut-être exact, et c'est pourquoi le revenu qu'elle en a tiré, à savoir 163 $ pour ces deux mois-là, était à inclure dans son revenu aux fins de l'impôt. Toutefois, il n'y a aucun élément dans la preuve sur lequel je puisse me fonder pour conclure que la valeur de l'immeuble avait changé entre le début de février et la fin de mars. Il n'y a tout simplement eu aucune perte subie pendant cette période. Par conséquent, abstraction faite de la question du moment de la perte, la totalité de cette perte est survenue avant que la propriété ne devienne un bien locatif.

Demande de crédit pour conjoint à charge

[9]      Pour ce qui est du crédit demandé en application de l'alinéa 118(1)a), on ne peut en établir le droit qu'après avoir déterminé le revenu net du mari de l'appelante pour l'année 1998, ce qui pourrait bien ne pas se faire avant bien des années. Pour l'instant, toutefois, il a été déterminé que son revenu était de 74 000 $ ou plus, selon une cotisation réputée, aux termes du paragraphe 152(8) de la Loi, être valide et exécutoire sous réserve de modifications pouvant ultérieurement y être apportées par suite d'une opposition ou d'un appel ou encore être annulée par une nouvelle cotisation. En l'état actuel des choses, par conséquent, l'appelante n'a pas droit à ce crédit d'impôt. Le ministre a déposé auprès de la Cour un engagement selon lequel dans l'éventualité où il sera déterminé que le revenu net du mari de l'appelante pour 1998 était inférieur au montant de base de 5 918 $, l'appelante fera alors l'objet d'une nouvelle cotisation, qui inclura ce crédit. Pour l'instant, ce motif d'appel est lui aussi non fondé.

Report de pertes d'années antérieures

[10]     Finalement, pour ce qui est de l'année 1998, en ce qui a trait à la demande de l'appelante que les pertes d'autres années soit déduites de son revenu de 1998, le seul élément de preuve que j'ai devant moi consiste en deux lettres que Revenu Canada a envoyées à l'appelante : la pièce A-2, datée du 16 mars 1999, et la pièce A-1, datée du 12 mars 2004.

[11]     La pièce A-2 indique des antécédents de pertes autres qu'en capital pour la période de 1991 à 1994, avec solde de 3 880 $. La pièce A-1 indique un solde d'ouverture de zéro en 1991, puis des pertes ultérieures et leur déduction, donnant, comme résultat final, un solde de 404 $ à la fin de 1994. L'appelante et son représentant contestent l'exactitude de ces sommes, mais à défaut de connaître les tenants et aboutissants des cotisations, année par année, tout au long de la période en question, il m'est impossible de déterminer si les antécédents de pertes et leur déduction, tels que le ministre les a établis, sont exacts ou pas. L'appelante n'a fourni aucun fondement probatoire à partir duquel je puis conclure qu'on lui a refusé la déduction de pertes à laquelle elle avait droit en 1998.

Perte relative à l'appartement de l'avenue Blackthorn

[12]     Passons maintenant à la déduction que l'appelante demande au titre d'une perte totalisant 24 702,62 $ subie en 1999 relativement à l'appartement de l'avenue Blackthorn. Cet appartement, l'unité 812, d'une superficie d'environ 1 100 pieds carrés, comprend un salon-salle à manger, deux chambres à coucher, une cuisine ainsi qu'une salle de bains. Il était la résidence principale de l'appelante et de son mari durant une année environ, entre juin 1998 et juin 1999. En juin 1999, ayant déménagé, ils ont décidé de louer l'appartement. Celui-ci était enregistré à leurs deux noms mais le fait que ce soit l'appelante qui l'ait payé n'est pas contesté, non plus le fait que toute perte qui est liée à cet appartement soit à elle seule.

[13]     L'appartement est resté vacant de juin à la mi-septembre 1999. Un locataire en a pris possession, y est demeuré au-delà de la fin de 1999 et a versé en 1999 un loyer brut de 3 025 $. Cela n'est pas en litige. Ce qui est en litige, toutefois, c'est la prétention de l'appelante qui soutient avoir engagé des dépenses totalisant 27 727,62 $ relativement à cet appartement durant la période où il constituait un bien locatif, d'où la perte dont la déduction est demandée.

[14]     Toutefois, avant de me pencher sur les détails de la perte, je dois disposer de l'argument de l'appelante et de son mari selon lequel ils ne sont pas en mesure de fournir la justification de ces dépenses parce que le répartiteur, M. Ariagno, a pris avec lui les originaux des reçus et qu'il les a ensuite perdus ou égarés. L'appelante et son mari ont témoigné que M. Ariagno s'est rendu à leur résidence dans le cadre de sa vérification les visant tous deux et qu'il a passé l'après-midi à examiner des documents, n'a pas terminé sa vérification et, à la fin de l'après-midi, il est parti, emportant avec lui beaucoup de documents originaux, notamment les reçus nécessaires pour corroborer les dépenses dont la déduction est demandée. Ils ne les ont jamais revus. M. Ariagno nie avoir emporté des documents originaux. Il a témoigné que l'appelante et son mari ne lui ont remis aucun document original. Il dit n'avoir vu que des photocopies.

[15]     Selon le témoignage de M. Ariagno, le système qu'avait à l'époque l'Agence du revenu du Canada était tel que s'il avait pris possession de documents originaux d'un contribuable, il lui aurait fallu faire trois photocopies de chacun, un pour le dossier principal, un pour le dossier du chef de groupe et un pour son propre usage dans le dossier de vérification. Il ne pouvait pas avoir emporté les originaux chez lui, comme l'appelante et son mari l'allèguent. Il lui aurait fallu les mettre sous clé à son bureau. Ces événements sont survenus il y a près de quatre ans. N'importe quel témoin pourrait avoir un souvenir erroné des faits particuliers et spécialement des documents précis qui ont ou non été produits à l'époque ou qui auraient pu être emportés par M. Ariagno à ce moment-là. Je doute, cependant, que M. Ariagno puisse faire erreur en ce qui concerne les règles en vigueur à son bureau touchant les documents originaux des contribuables. Je ne crois pas non plus qu'il aurait été une personne à faire fi des procédures à respecter. Il a témoigné avoir eu en main aucun original de reçu ni n'en avoir jamais vu en ce qui concerne la vérification de Mme Ramesha pour l'année 1999. Dans une certaine mesure, en atteste le fait que l'intimée a pu déposer en preuve un recueil de photocopies de divers documents des années 1998 et 1999 se rapportant à la vérification de Mme Ramesha, notamment des photocopies d'un certain nombre de reçus pour des dépenses relatives à l'appartement Blackthorn. Ce qu'il manque, en grande partie, ce sont les reçus que l'appelante et son mari disent avoir obtenus de différentes personnes, qu'ils désignent comme des hommes à tout faire, concernant des travaux de rénovation que ces derniers ont exécutés dans l'appartement entre juin et septembre 1999. Ces personnes ont été payées non pas par chèque mais en espèces parce que c'était le mode de paiement qu'elles privilégiaient. Il n'existe donc aucun chèque payé pour les travaux effectués. Advenant que ces reçus aient jamais existé, et ce n'est pas certain que ce soit le cas, alors je suis convaincu qu'ils n'ont pas été emportés par M. Ariagno.

[16]     Passons maintenant à la manière dont M. Ariagno a traité les dépenses déduites. Ces dépenses totalisent 19 186,73 $ sous la rubrique [TRADUCTION] « maintenance et entretien » et 516,41 $ sous la rubrique [TRADUCTION] « autres dépenses » . Pour ce qui est de celles qui relèvent de « maintenance et entretien » , l'appelante n'en a, malheureusement, déduit qu'une partie (environ 50 %) dans la déclaration de revenus que son mari a établie et qu'elle a signée. Pour des raisons qui n'ont jamais été entièrement exposées dans la preuve, la déduction du solde a été demandée sous la rubrique [TRADUCTION] « intérêts et frais bancaires » , malgré le fait qu'un montant de 4 233,61 $ a aussi été déduit à titre d'intérêts hypothécaires, déduction qui a été accordée dans sa totalité. Apparemment, c'est seulement au moment de l'audience qu'il est ressorti que M. Bhaskaran avait commis une erreur en inscrivant sur le formulaire 9 156 $ comme intérêts plutôt que comme frais de maintenance et d'entretien. M. Ariagno a expliqué qu'il avait refusé la déduction de 8 686,73 $ et celle de 10 500 $ parce qu'on ne lui avait remis aucune pièce justificative attestant le paiement d'une partie quelconque de ces sommes, ni à qui le paiement aurait été fait ni quel en était l'objet. Les reçus, les chèques payés ou un registre faisant défaut, il était certainement en droit de refuser ces déductions. Je n'ai entendu aucune preuve qui soit tant soit peu susceptible de me convaincre que ces paiements ont été faits et qu'il s'agissait de frais d'entretien raisonnables. Compte tenu de ce que j'ai entendu de la description des travaux pour lesquels les sommes en question ont été versées, on ne peut pas du tout dire qu'il s'agissait de dépenses d'entretien. M. Bhaskaran a témoigné que les sommes visaient des travaux comme le remplacement de revêtements de plancher, d'armoires e d'accessoires de plomberie dans la cuisine et la salle de bains, de même que le remplacement de tapis ailleurs dans l'appartement. D'après son témoignage et simplement à partir du fait que la déduction demandée correspond à près de 25 % du coût d'achat de l'appartement une année plus tôt, ainsi qu'à partir du fait que l'exécution des travaux s'est apparemment étendue sur quelques mois, je serais d'avis que les travaux décrits, s'ils ont effectivement été réalisés, l'ont été afin de maintenir la valeur constante du bien plutôt que d'en assurer l'entretien courant et donc ne seraient pas du tout imputables comme dépenses. Les travaux que M. Bhaskaran a décrits dans son témoignage seraient des améliorations apportées à une immobilisation.

[17]     Pour ce qui est du montant de 516,41 $ qui n'a pas été admis comme « autres dépenses » , M. Ariagno a exposé les raisons pour lesquelles il a rejeté les montants figurant sous cette rubrique. Un des articles dont le montant a été déduit mais qui a été refusé était une imprimante dont le coût dépassait à peine 300 $. C'était là, manifestement, un coût qui ne pouvait pas être attribuable au bien locatif. Pour d'autres petits articles, le rapport à l'entretien de l'appartement ne pouvait pas non plus être aisément établi. Il y avait jusqu'à un certain point double comptabilisation. Par exemple, le même article semble avoir été facturé deux fois 206 $. Il s'agissait d'un poste de travail acheté au Business Depot le 31 juillet 1998. Les pièces justificatives remises à M. Ariagno incluent des copies d'un reçu de caisse et d'un bordereau de livraison, concernant apparemment le même poste de travail, et où figure le prix de 179,99 $ plus taxe, payé au même endroit le même jour. À vrai dire, il n'y a aucune preuve réelle que cet article n'ait en fait été l'objet d'un coût dûment attribuable à l'appartement.

[18]     M. Bhaskaran a soutenu que les montants jugés déductibles par M. Ariagno au titre des primes d'assurance et des taxes auraient dû être légèrement plus élevés. Les montants admis par le répartiteur correspondaient aux déductions demandées par l'appelante dans sa déclaration de revenus, établie pour elle par M. Bhaskaran. Il se peut que ce dernier ait commis une erreur mathématique en répartissant les factures de primes d'assurance et des taxes municipales en fonction de la durée d'utilisation à des fins personnelles de l'appartement avant le déménagement. Si tel était le cas, l'erreur portait sur un montant inférieur à 200 $.

[19]     L'appelante a demandé et obtenu la déduction des dépenses engagées relativement à cet appartement pour sept mois complets en tant que bien producteur de revenus. Il a été, en fait, loué seulement trois mois et demi, et je doute fort qu'il ait été libre à des fins de location aussi longtemps que six mois, compte tenu des importantes rénovations dont M. Bhaskaran a parlé. Je ne vois aucune raison de calculer de nouveau les dépenses correspondant aux taxes ou aux primes d'assurance. Il n'a jamais été dit clairement dans les témoignages quel était exactement l'objet de la couverture d'assurance qui a été payée. Toutefois, il est raisonnable de présumer que la prime, qui était une prime annuelle, incluait la couverture du contenu de l'appartement, ce qui, bien entendu, ne s'appliquerait pas durant la période où l'appartement était un bien locatif. Il me semble probable que le montant de la déduction accordée au titre des primes d'assurance était plus élevé que le coût réel. Le seul intérêt assurable que l'appelante aurait eu après que le bien est devenu un bien locatif se rapporterait aux améliorations apportées à l'intérieur de l'appartement. Je n'envisage donc pas d'apporter un redressement à la hausse. À mon avis, le répartiteur s'est montré plutôt généreux en ce qui regarde la déduction des dépenses qu'il a admise en l'espèce.

Conclusion

[20]     Les appels sont donc rejetés.

Signé à Ottawa, Canada, ce 17e jour de juin 2005.

« E.A. Bowie »

Le juge Bowie

Traduction certifiée conforme

ce 18e jour d'octobre 2005.

Joanne Robert, traductrice



[1]           Voir l'alinéa 40(2)g)(iii) de la Loi de l'impôt sur le revenu.

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