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Référence : 2003CCI642

Date : 20031007

Dossier : 2001-2649(IT)I

ENTRE :

MARIO BRUNET,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

MOTIFS DU JUGEMENT

(prononcés oralement à l'audience le 3 juillet 2002 à Montréal (Québec)

et modifiés pour plus de clarté)

Le juge Archambault

[1]      Monsieur Mario Brunet conteste les cotisations établies par le ministre du Revenu national (ministre) à l'égard des années d'imposition 1997, 1998 et 1999 en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu (Loi). La preuve a révélé que monsieur Brunet n'avait pas signifié d'avis d'opposition à l'égard des années d'imposition 1997 et 1998 dans les délais prescrits par la Loi. Par conséquent, il ne pouvait interjeter appel relativement à ces deux années.

[2]      Par contre, à l'égard de l'année 1999, il n'est pas contesté que l'avis d'appel a été produit en conformité avec les dispositions de la Loi. Le ministre a refusé dans le calcul du revenu de monsieur Brunet pour cette année une déduction de 1 771 $ à l'égard des frais d'utilisation de son automobile. Ce montant représente la partie de ses frais d'utilisation, lesquels s'élevaient à 2 906 $, qui est attribuable à l'utilisation de son véhicule pour les besoins de son emploi.

[3]      La preuve a également révélé que l'employeur de monsieur Brunet, la société de chemins de fer Canadien National, lui a versé en 1999 une allocation d'environ 0,15 $ le kilomètre pour l'utilisation de sa voiture, le tout selon les termes de la convention collective entre elle et ses employés. L'allocation totale s'est élevée à 1 135,90 $ et, selon les faits tenus pour acquis par le ministre et énoncés à l'alinéa 9 d) de la réponse à l'avis d'appel, aurait été traitée comme une allocation non imposable.

[4]      Dans le cadre de ses fonctions de menuisier, monsieur Brunet devait se déplacer partout sur le territoire du Québec pour l'entretien de la voie ferrée exploitée par son employeur. Selon ses conditions d'emploi, monsieur Brunet était tenu de fournir un véhicule à moteur pour ses déplacements et d'acquitter les frais de ceux-ci. De plus, il était habituellement tenu d'accomplir les fonctions de son emploi ailleurs qu'au lieu d'affaires de son employeur.

Analyse

[5]      La seule question en litige est essentiellement celle du caractère raisonnable de l'indemnité de 0,15 $ versée par l'employeur. Si elle était raisonnable, monsieur Brunet n'était pas tenu de l'inclure dans son revenu[1] et il ne pouvait pas déduire les frais d'utilisation de son véhicule[2]. Par contre, si elle ne l'était pas, il devait l'inclure dans son revenu mais pouvait déduire ses dépenses dans le calcul de son revenu d'emploi.

[6]      Selon la position de la procureure de l'intimée, les 0,15 $ le kilomètre représentaient une allocation raisonnable puisqu'elle avait été négociée par le syndicat représentant les intérêts de monsieur Brunet. Pourtant, au paragraphe 43 du Bulletin d'interprétation IT-522R, le ministre décrit ainsi comment il entend déterminer le caractère raisonnable d'une allocation :

Bien que le Ministère étudie habituellement chaque cas pour décider si une allocation est raisonnable, il considérera, en règle générale, comme raisonnable une allocation fondée sur 0,31 $ le kilomètre pour les 5000 premiers kilomètres [...] et 0,25 $ le kilomètre [...] pour chaque kilomètre supplémentaire.

[7]      Ces chiffres sont tirés de l'article 7306 du Règlement de l'impôt sur le revenu (Règlement), article qui s'applique dans un contexte tout à fait différent, mais qui, de façon évidente, est utilisé par le ministre comme représentant une base raisonnable de comparaison ou comme un indice du caractère raisonnable du coût au kilomètre pour l'utilisation d'une voiture. Selon les vérifications que j'ai faites, l'article 7306 du Règlement prévoyait pour 1999 une somme supérieure, soit 0,35 $ pour les premiers cinq mille kilomètres et 0,29 $ pour chaque kilomètre supplémentaire.

[8]      Le critère énoncé au paragraphe 43 du Bulletin d'interprétation IT-522R comme celui suivi par le ministre m'apparaît tout à fait approprié pour déterminer le caractère raisonnable d'une allocation et, compte tenu du fait que monsieur Brunet recevait un montant bien inférieur à celui indiqué au Règlement, j'en viens à la conclusion que l'allocation qui lui était versée ne constituait pas une allocation raisonnable. Par conséquent, cette allocation devait en vertu de l'alinéa 6(1)b) de la Loi être incluse dans son revenu tiré d'un emploi et monsieur Brunet pouvait déduire en vertu de l'alinéa 8(1)h.1) de la Loi les frais afférents à son véhicule à moteur.

[9]      Pour tous ces motifs, l'appel de monsieur Brunet est accueilli et la cotisation pour l'année d'imposition 1999 est déférée au ministre pour nouvel examen et nouvelle cotisation en tenant pour acquis que monsieur Brunet avait le droit de déduire dans le calcul de son revenu ses frais afférents à son véhicule à moteur pour cette année[3]. A l'égard des appels pour les années 1997 et 1998, n'ayant pas été validement formés devant la Cour, ils sont annulés.

Signé à Ottawa, Canada, ce 7e jour d'octobre 2003.

« Pierre Archambault »

Juge Archambault


RÉFÉRENCE :

2003CCI642

No DU DOSSIER DE LA COUR :

2001-2649(IT)I

INTITULÉ DE LA CAUSE :

Mario Brunet et Sa Majesté la Reine

LIEU DE L'AUDIENCE :

Montréal (Québec)

DATE DE L'AUDIENCE :

le 3 juillet 2002

MOTIFS DE JUGEMENT PAR :

l'honorable juge Pierre Archambault

DATE DU JUGEMENT :

le 10 juillet 2002

DÉCISION RENDUE

ORALEMENT :

le 3 juillet 2002

MOTIFS ÉDITÉS DU JUGEMENT :

le 7 octobre 2003

COMPARUTIONS :

Pour l'appelant :

l'appelant lui-même

Pour l'intimée :

Me Annick Provencher

AVOCAT INSCRIT AU DOSSIER:

Pour l'appelant :

Nom :

Étude :

Pour l'intimé(e) :

Morris Rosenberg

Sous-procureur général du Canada

Ottawa, Canada



[1]           ARTICLE 6: Éléments à inclure à titre de revenu tiré d'une charge ou d'un emploi.

            (1) Sont à inclure dans le calcul du revenu d'un contribuable tiré, pour une année d'imposition, d'une charge ou d'un emploi, ceux des éléments suivants qui sont applicables :

            [...]

b) Frais personnels ou de subsistance - les sommes qu'il a reçues au cours de l'année à titre d'allocations pour frais personnels ou de subsistance ou à titre d'allocations à toute autre fin, sauf :

[...]

vii.1)      les allocations raisonnables pour l'usage d'un véhicule à moteur qu'un employé - dont l'emploi n'est pas lié à la vente de biens ou à la négociation de contrats pour son employeur - a reçues de son employeur pour voyager dans l'accomplissement des fonctions de sa charge ou de son emploi,

                                                                                                            [Je souligne.]

[2]           8(1)       Sont déductibles dans le calcul du revenu d'un contribuable tiré, pour une année d'imposition, d'une charge ou d'un emploi ceux des éléments suivants qui se rapportent entièrement à cette source de revenus, ou la partie des éléments suivants qu'il est raisonnable de considérer comme s'y rapportant :

[...]

h.1)       dans le cas où le contribuable, au cours de l'année, a été habituellement tenu d'accomplir les fonctions de son emploi ailleurs qu'au lieu d'affaires de son employeur ou à différents endroits et a été tenu, aux termes de son contrat d'emploi, d'acquitter les frais afférents à un véhicule à moteur qu'il a engagés dans l'accomplissement des fonctions de sa charge ou de son emploi, les sommes qu'il a dépensées au cours de l'année au titre des frais afférents à un véhicule à moteur pour se déplacer dans l'exercice des fonctions de son emploi, sauf s'il a, selon le cas :

(i)          reçu une allocation pour frais afférents à un véhicule à moteur qui, par l'effet de l'alinéa 6(1)b), n'est pas incluse dans le calcul de son revenu pour l'année,

(ii)         demandé une déduction pour l'année en application de l'alinéa f);

                                                                                                            [Je souligne.]

[3]           Il va de soi que, si l'allocation de 1 135,90 $ n'a pas été ajoutée au revenu de monsieur Brunet, elle devra l'être et, en fait, le montant net auquel ce dernier aura droit en vertu de cette décision ne sera alors que de 635,05 $ (1 771 $ - 1 135,95 $).

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