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Dossier : 2003-639(IT)I

ENTRE :

DENIS DUFRESNE,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée,

et

LOUISE NOBERT,

tierce partie.

____________________________________________________________________

Appel entendu le 24 octobre 2003 à Shawinigan (Québec)

Devant : L'honorable juge Paul Bédard

Comparutions :

Pour l'appelant :

L'appelant lui-même

Avocat de l'intimée :

Me Philippe Dupuis

Pour la tierce partie :

Louise Nobert elle-même

________________________________________________________________

JUGEMENT

          L'appel des cotisations établies en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu pour les années d'imposition 1999, 2000 et 2001 est rejeté et les cotisations de l'appelant et de la tierce partie sont déférées au ministre du Revenu national pour nouvel examen et nouvelles cotisations selon les motifs du jugement ci-joints.

Signé à Ottawa, Canada, ce 5e jour de mai 2004.

« Paul Bédard »

Juge Bédard


Référence : 2004CCI89

Date : 20040505

Dossier : 2003-639(IT)I

ENTRE :

DENIS DUFRESNE,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée,

et

LOUISE NOBERT,

tierce partie.

MOTIFS DU JUGEMENT

Le juge Bédard

[1]      Il s'agit d'un renvoi sous le régime de l'article 174 de la Loi de l'impôt sur le revenu (la « Loi » ).

[2]      Les cotisations à l'égard desquelles le ministre du Revenu national (le « Ministre » ) demande une décision sont les suivantes :

          i)         les nouvelles cotisations en date du 6 septembre 2002 établies à l'égard de monsieur Dufresne pour les années d'imposition 1999, 2000 et 2001;

          ii)        les nouvelles cotisations en date du 6 septembre 2002 établies à l'égard de madame Nobert pour les années d'imposition 2000 et 2001. Le Ministre ne demande pas de décision concernant la nouvelle cotisation en date du 6 septembre 2002 établie à l'égard de madame Nobert pour l'année d'imposition 1999, au motif que la période normale de nouvelle cotisation pour cette année est expirée.

[3]      Les contribuables qui sont liés par le jugement en l'espèce sont monsieur Denis Dufresne et madame Louise Nobert.

[4]      Les questions à l'égard desquelles une décision est demandée par l'intimée sont les suivantes :

          (i)       Monsieur Dufresne peut-il déduire, dans le calcul de son revenu pour les années d'imposition 1999, 2000 et 2001, les sommes suivantes payées à Louise Nobert au cours de chacune de ces années d'imposition à titre de pension alimentaire pour enfants :

                   1999                       6 080 $

                   2000                       7 771 $

                   2001                       8 782 $

          (ii)       Madame Nobert doit-elle inclure, dans le calcul de son revenu pour les années d'imposition 2000 et 2001, les sommes suivantes reçues de monsieur Dufresne au cours de chacune de ces années d'imposition à titre de pension alimentaire pour enfants :

                   2000                       8 633 $

                   2001                       8 380 $

[5]      Les faits suivants invoqués par l'intimée à la section D de sa demande de renvoi sous le régime de l'article 174 de la Loi ne sont pas contestés par monsieur Dufresne et madame Nobert :

4.          Denis Dufresne et Louise Nobert se sont mariés le 22 décembre 1989.

5.          De cette union sont nés deux enfants, soit Audray-Anne née le 5 octobre 1990 et Bruno-Pierre né le 9 juillet 1992.

6.          Denis Dufresne et Louise Nobert se sont divorcés le 17 novembre 1995.

7.          Le 21 mars 1997, Denis Dufresne et Louise Nobert ont signé un document intitulé « Convention sur requête en modification des mesures accessoires » , qui prévoyait notamment que Denis Dufresne devait verser à Louise Nobert une pension alimentaire pour le bénéfice de Audray-Anne et de Bruno-Pierre.

8.          Le 20 mai 1997, le juge Robert Legris a entériné le document intitulé « Convention sur requête en modification des mesures accessoires » en date du 21 mars 1997 et a ordonné à Denis Dufresne et à Louise Nobert de s'y conformer.

9.          Denis Dufresne n'a réclamé aucune déduction dans ses déclarations de revenus produites pour les années d'imposition 1997 et 1998 au titre de la pension alimentaire qu'il a payée à Louise Nobert pour le bénéfice de Audray-Anne et de Bruno-Pierre au cours de chacune de ces années d'imposition.

10.        Louise Nobert n'a inclus aucun montant dans ses déclarations de revenus produites pour les années d'imposition 1997 et 1998 au titre de la pension alimentaire qu'elle a reçue de Denis Dufresne pour le bénéfice de Audray-Anne et de Bruno-Pierre au cours de chacune de ces années d'imposition.

11.        Le 30 septembre 1999, Denis Dufresne a présenté au ministre du Revenu national des demandes de redressement de ses déclarations de revenus produites pour les années d'imposition 1997 et 1998 dans lesquelles il demandait une déduction de 5 082 $ et de 6 318 $ respectivement pour chacune de ces années d'imposition à titre de pension alimentaire payée à Louise Nobert pour le bénéfice de Audray-Anne et de Bruno-Pierre.

12.        Par nouvelles cotisations en date du 29 décembre 1999 établies à l'égard de Denis Dufresne pour les années d'imposition 1997 et 1998, le ministre du Revenu national lui a octroyé les déductions suivantes à titre de pension alimentaire payée à Louise Nobert pour le bénéfice de Audray-Anne et de Bruno-Pierre au cours de chacune de ces années d'imposition :

                                    1997                             5 082 $

                                    1998                             6 318 $

13.        Par nouvelles cotisations en date du 29 décembre 1999 établies à l'égard de Louise Nobert pour les années d'imposition 1997 et 1998, le ministre du Revenu national a ajouté à ses revenus les sommes suivantes reçues de Denis Dufresne à titre de pension alimentaire pour le bénéfice de Audray-Anne et de Bruno-Pierre au cours de chacune de ces années d'imposition :

                                    1997                             5 082 $

                                    1998                             6 318 $

14.        Le 28 mars 2000, Louise Nobert a signifié un avis d'opposition au ministre du Revenu national à l'égard des années d'imposition 1997 et 1998.

15.        Le 31 mai 2000, le ministre du Revenu national a ratifié les nouvelles cotisations établies à l'égard de Louise Nobert pour les années d'imposition 1997 et 1998.

16.        Le 16 août 2000, Louise Nobert a déposé un avis d'appel au greffe de la Cour canadienne de l'impôt à l'égard des années d'imposition 1997 et 1998, appel no 2000-3534(IT)I.

17.        L'appel interjeté par Louise Nobert a été entendu devant le juge Tardif à Bécancour le 25 février 2002.

18.        Par jugement en date du 19 mars 2002, le juge Tardif a conclu que les sommes reçues par Louise Nobert de Denis Dufresne à titre de pension alimentaire pour le bénéfice de Audray-Anne et de Bruno-Pierre au cours des années d'imposition 1997 et 1998 étaient payables aux termes de l'ordonnance du juge Robert Legris en date du 20 mai 1997.

19.        Le juge Tardif a donc accueilli l'appel de Louise Nobert au motif que les sommes en litige n'étaient pas une pension alimentaire imposable en vertu de l'alinéa 56(1)b) de la Loi de l'impôt sur le revenu car il s'agissait d'une pension alimentaire pour enfants payable aux termes d'une ordonnance d'un tribunal établie après le mois d'avril 1997, c'est-à-dire payable à la date d'exécution de l'ordonnance ou postérieurement.

20.        Dans ses déclarations de revenus produites pour les années d'imposition 1999, 2000 et 2001, Louise Nobert a inclus les sommes suivantes à titre de pension alimentaire qu'elle a reçue de Denis Dufresne pour le bénéfice de Audray-Anne et de Bruno-Pierre au cours de chacune de ces années d'imposition :

                                    1999                 6 500 $

                                    2000                 8 633 $

                                    2001                 8 380 $

21.        Dans ses déclarations de revenus produites pour les années d'imposition 1999, 2000 et 2001, Denis Dufresne a déduit les sommes suivantes à titre de pension alimentaire qu'il a payée à Louise Nobert pour le bénéfice de Audray-Anne et de Bruno-Pierre au cours de chacune de ces années d'imposition :

                                    1999                 6 080 $

                                    2000                 7 771 $

                                    2001                 8 782 $

22.        Par nouvelles cotisations en date du 6 septembre 2002 établies à l'égard de Louise Nobert pour les années d'imposition 1999, 2000 et 2001, le ministre du Revenu national a réduit les revenus de cette dernière des sommes suivantes incluses dans ses revenus à titre de pension alimentaire reçue de Denis Dufresne pour le bénéfice de Audray-Anne et de Bruno-Pierre au cours de chacune de ces années d'imposition :

                                    1999                 6 500 $

                                    2000                 8 633 $

                                    2001                 8 380 $

23.        Par nouvelles cotisations en date du 6 septembre 2002 établies à l'égard de Denis Dufresne pour les années d'imposition 1999, 2000 et 2001, le ministre du Revenu national a refusé les déductions suivantes réclamées par ce dernier à titre de pension alimentaire payée à Louise Nobert pour le bénéfice de Audray-Anne et de Bruno-Pierre au cours de chacune de ces années d'imposition :

                                    1999                 6 080 $

                                    2000                 7 771 $

                                    2001                 8 782 $

24.        Le 9 octobre 2002, Denis Dufresne a signifié un avis d'opposition au ministre du Revenu national à l'égard des années d'imposition 1999, 2000 et 2001.

25.        Le 3 décembre 2002, le ministre du Revenu national a ratifié les nouvelles cotisations établies à l'égard de Denis Dufresne pour les années d'imposition 1999, 2000 et 2001.

26.        Le 14 février 2003, Denis Dufresne a déposé un avis d'appel au greffe de la Cour canadienne de l'impôt à l'égard des années d'imposition 1999, 2000 et 2001, appel no 2003-639(IT)I.

[6]      Le contenu de la convention en date du 21 mars 1997 était le suivant :

[...]

CONVENTION SUR REQUÊTE EN

MODIFICATION DES MESURES ACCESSOIRES

LES PARTIES AUX PRÉSENTES ÉTABLISSENT ENTRE ELLES LA CONVENTION SUIVANTE :

1)          MODIFIER le jugement du 22 janvier 1996;

2)          CONDAMNER le demandeur à verser à la défenderesse la somme de 325,00 $ à titre d'arrérage en pension alimentaire pour la période s'échelonnant du mois de juillet 1996 jusqu'à la date des présentes;

3)          CONDAMNER le demandeur à verser à la défenderesse, pour le bénéfice des enfants mineurs Audray-Anne et Bruno-Pierre une pension alimentaire, laquelle s'élève à la somme de 100,00 $ par semaine lorsque le demandeur recevra des prestations d'assurance-emploi et à la somme de 150,00 $ par semaine lorsque le demandeur occupera un emploi. Le demandeur n'étant pas tenu de verser une pension alimentaire à la défenderesse lorsqu'il n'enregistrera aucun revenu;

4)          LE TOUT chaque partie payant ses frais.

[...]

[7]      La convention a été ratifiée par l'honorable juge Robert Legris, le tout tel qu'il appert du jugement en date du 20 mai 1997 se lisant comme suit :

[...]

Le tribunal est saisi d'une requête en modification de mesures accessoires.

Considérant que les parties ont déposé au dossier une convention qu'il y a lieu d'entériner;

POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :

            REÇOIT, ENTÉRINE ET DONNE FORCE EXÉCUTOIRE à la convention intervenue entre les parties le 21 mars 1997, annexée au présent jugement et ORDONNE aux parties de s'y conformer.

[...]

[8]      Madame Nobert a témoigné qu'elle et son conjoint avaient convenu des modalités concernant les montants payables au titre des obligations alimentaires. Elle a expliqué que tous deux étaient alors représentés par un avocat et que tous deux voulaient que le contenu de la convention soit assujetti aux nouvelles dispositions de la Loi relatives à la défiscalisation en vigueur à compter de mai 1997.

[9]      Madame Nobert a expliqué qu'ils avaient attendu délibérément pour soumettre la convention au tribunal, et ce, afin qu'elle porte une date ultérieure à l'entrée en vigueur des dispositions de la Loi relatives à la défiscalisation. Pour appuyer ses assertions, madame Nobert a indiqué que la convention prévoyait une diminution importante du montant qui lui avait été jusqu'alors payable, justement pour cette raison que les montants prévus ne devaient plus être imposables entre ses mains. Elle a aussi ajouté que son ex-conjoint a par la suite changé d'idée, puisqu'il avait d'abord renoncé à réclamer la déduction et ce, pendant deux ans.

[10]     Il a été admis que les parties à la convention s'étaient conformées au contenu de celle-ci dès sa signature.

[11]     Je devrai déterminer si les paiements au titre de pension alimentaire pour enfants ont été faits en vertu de l'entente du 21 mars 1997 ou en vertu du jugement du 20 mai 1997.

Analyse

[12]     Il est évident que si les paiements au titre de pension alimentaire pour enfants ont été faits en vertu de l'entente du 21 mars 1997, les anciennes règles d'inclusion/déduction concernant les pensions alimentaires pour enfants s'appliqueraient en l'espèce puisqu'aucune des conditions énumérées à l'alinéa b) de la définition de « date d'exécution » du paragraphe 56.1(4) de la Loi n'a été remplie en l'espèce. En effet, pour qu'une entente antérieure à mai 1997 soit défiscalisée, il faut que soit remplie l'une des conditions suivantes :

          (i)       un choix conjoint a été fait selon lequel la pension alimentaire pour enfants payable à une date précise et après celle-ci n'est ni imposable ni déductible;

          (ii)       l'ordonnance ou l'accord a fait l'objet d'une modification, après avril 1997, à l'égard du montant de la pension alimentaire pour enfants à payer;

          (iii)      une ordonnance subséquente a été rendue ou un accord subséquent établi après avril 1997 et son effet est de changer le total des montants de pension alimentaire pour enfants.

          (iv)      il y a eu une modification se rapportant à l'accord ou à l'ordonnance et prévoyant que la pension alimentaire pour enfants payable à la date précisée et après ne sera plus imposable ni déductible.

[13]     Toutefois, je suis convaincu que les parties voulaient que l'ordonnance du 20 mai 1997 soit la date d'exécution au sens de la définition de « date d'exécution » du paragraphe 56.1(4) de la Loi. Je suis d'avis que l'intention des parties en faisant entériner la convention du 21 mars 1997 était de s'assujettir aux nouvelles règles de défiscalisation. Les explications de madame Norbert, à cet égard, qui ne furent pas vraiment contredites par monsieur Dufresne, m'apparaissent crédibles et vraisemblables d'autant plus que ce dernier avait accepté un tel traitement fiscal et ce, pendant deux ans. Je suis persuadé que les parties croyaient que la convention ne devenait exécutoire que lorsqu'elle serait entérinée par le tribunal et que ce n'était que sur une base volontaire qu'elles s'y sont conformées dès sa signature. Elles ne se croyaient pas liées par la convention.

[14]     Je conclus donc que ce n'est pas l'entente du 21 mars 1997 mais bien l'ordonnance du 20 mai 1997 qui a modifié le montant de la pension alimentaire pour enfants initialement payable à madame Norbert en vertu du jugement du 22 juin 1996.

[15]     Pour ces motifs, je suis d'avis que les nouvelles dispositions de la Loi en vigueur à compter de mai 1997 et relative à la défiscalisation des pensions alimentaires pour enfants s'appliquent et que, par conséquent :

          (i)       monsieur Dufresne ne pouvait déduire, dans le calcul de son revenu pour les années d'imposition 1999, 2000 et 2001, les sommes suivantes payées à madame Nobert au cours de chacune de ces années d'imposition à titre de pension alimentaire pour enfants :

                   1999             6 080 $

                   2000             7 771 $

                   2001             8 782 $

          (ii)       madame Nobert ne devait pas inclure, dans le calcul de son revenu pour les années d'imposition 2000 et 2001, les sommes suivantes reçues de monsieur Dufresne au cours de chacune de ces années d'imposition à titre de pension alimentaire pour enfants :

                   2000             8 633 $

                   2001             8 380 $.

Signé à Ottawa, Canada, ce 5e jour de mai 2004.

« Paul Bédard »

Juge Bédard


RÉFÉRENCE :

2004CCI89

No DU DOSSIER DE LA COUR :

2003-639(IT)I

INTITULÉ DE LA CAUSE :

Denis Dufresne et Sa Majesté la Reine et Louise Nobert (tierce partie)

LIEU DE L'AUDIENCE :

Shawinigan (Québec)

DATE DE L'AUDIENCE :

le 24 octobre 2003

MOTIFS DE JUGEMENT PAR :

L'honorable juge Paul Bédard

DATE DU JUGEMENT :

Le 5 mai 2004

COMPARUTIONS :

Pour l'appelant :

L'appelant lui-même

Pour l'intimée :

Me Philippe Dupuis

Pour la tierce partie :

Louise Nobert (elle-même)

AVOCAT(E) INSCRIT(E) AU DOSSIER:

Pour l'appelant :

Nom :

Étude :

Pour l'intimée :

Morris Rosenberg

Sous-procureur général du Canada

Ottawa, Canada

Pour la tierce partie :

Nom :

Louise Nobert (elle-même)

Étude :

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