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Dossier : 2005-1278(IT)I

ENTRE :

JEAN-GUY LEBLANC,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

____________________________________________________________________

Appel entendu le 12 octobre 2005, à Nicolet (Québec).

Devant : L'honorable juge Alain Tardif

Comparutions :

Représentant de l'appelant :

Réjean LeBlanc

Avocat de l'intimée :

Me Michel Lamarre

____________________________________________________________________

JUGEMENT

          L'appel de la cotisation établie en vertu des dispositions de l'article 160 de la Loi de l'impôt sur le revenu, est rejeté, selon les motifs du jugement ci-joints.

Signé à Ottawa, Canada, ce 8 jour de novembre 2005.

« Alain Tardif »

Juge Tardif


Référence : 2005CCI732

Date : 20051108

Dossier : 2005-1278(IT)I

ENTRE :

JEAN-GUY LEBLANC,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

MOTIFS DU JUGEMENT

Le juge Tardif

[1]      Il s'agit d'un appel d'une cotisation émise le 3 décembre 2003 et ratifiée le 9 février 2004. La cotisation dont il est fait appel porte le numéro 31312.

[2]      La cotisation a été établie en vertu des dispositions de l'article 160 de la Loi de l'impôt sur le revenu (la « Loi » ).

[3]      Pour établir et maintenir la cotisation portant le numéro 31312, le ministre du Revenu national (le « ministre » ) a tenu pour acquis les hypothèses de fait énumérées au paragraphe 5 de la Réponse à l'avis d'appel (la « Réponse » ); elles se lisent comme suit :

a)          L'appelant est le frère de Réjean LeBlanc; (admis)

b)          M. Réjean LeBlanc a fait cession de ses biens le 6 septembre 2001; (admis)

c)          Au moment de la cession de ses biens, M. Réjean LeBlanc était endetté envers l'Agence du revenu du Canada pour une somme de 10 858,40 $ relativement aux années d'imposition 1996 à 1998; (contesté)

d)          Le 10 janvier 1996 M. Réjean LeBlanc vendait à l'appelant un immeuble, située au 8100 boulevard des Forges dans la municipalité de Trois-Rivières, pour la somme de 250 000 $;(admis)

e)          Lors de la transaction, l'appelant a versé un montant de 160 000 $ à M. Réjean LeBlanc; (admis)

f)           Une balance de vente au montant de 90 000 $ devait, selon le contrat, être versée à M. Réjean LeBlanc 3 ans après la vente de l'immeuble; (admis)

g)          Le 22 mai 2002, M. Réjean LeBlanc émettait une quittance relativement à la balance de vente de l'immeuble à l'appelant alors que celui-ci devait encore une somme de 37 596,37 $ à M. Réjean LeBlanc. (nié)

[4]      En vertu d'une procuration dûment signée, monsieur Réjean LeBlanc représentait son frère Jean-Guy LeBlanc; ce dernier, n'étant pas présent. Réjean LeBlanc a admis tous les faits tenus pour acquis, à l'exception de ceux mentionnés aux alinéas 5 c) et g) de la Réponse, qu'il y a lieu de reproduire à nouveau.

c)          Au moment de la cession de ses biens, M. Réjean LeBlanc était endetté envers l'Agence du revenu du Canada pour une somme de 10 858,40 $ relativement aux années d'imposition 1996 à 1998; (contesté)

g)          Le 22 mai 2002, M. Réjean LeBlanc émettait une quittance relativement à la balance de vente de l'immeuble à l'appelant alors que celui-ci devait encore une somme de 37 596,37 $ à M. Réjean LeBlanc. (nié)

[5]      La question en litige consiste à déterminer si l'appelant est tenu de payer la somme de 10 858,40 $, montant de la cotisation établie suivant l'article 160 de la Loi.

[6]      Le tribunal a expliqué au représentant de l'appelant Jean-Guy LeBlanc que le fardeau de la preuve lui incombait, et cela, même si l'appelant avait choisi de ne pas se présenter.

[7]      Son représentant, Réjean LeBlanc, débiteur de la dette fiscale à l'origine de la cotisation est devenu créancier de l'appelant à la suite de la vente d'un immeuble. La cotisation établie en vertu de l'article 160 de la Loi, objet du présent appel, découle de la renonciation à une importante partie de la créance que l'appelant détenait à l'encontre de son frère Réjean, son représentant.

[8]      Monsieur Réjean LeBlanc a expliqué que son frère lui avait demandé de le représenter étant donné qu'il était totalement et parfaitement au courant de tous les faits pertinents.

[9]      Après avoir nié le contenu de l'alinéa 5 c) de la Réponse, monsieur Réjean LeBlanc a tenté de fournir de vagues et sommaires explications pour remettre en question le bien-fondé de la cotisation originale des suites de laquelle la cotisation, en vertu de l'article 160 de la Loi, a été établie.

[10]     Le tribunal lui a rappelé qu'il n'avait pas épuisé tous les recours à la suite de l'émission de cette cotisation s'interrogeant ainsi en quoi et pourquoi il était maintenant en mesure de contester le bien-fondé de la cotisation en sa qualité de représentant de l'appelant.

[11]     En théorie, l'appelant étant une toute autre personne, cotisée à partir de cette cotisation, pouvait soulever le bien-fondé en question. Pareille remise en question sous-entendait, cependant, qu'elle soit remise en question à partir d'éléments raisonnables, vraisemblables et fiables.

[12]     Le représentant de l'appelant n'a pas soumis une telle preuve. Les vagues, incomplètes et inadéquates explications n'étaient évidemment pas suffisantes pour contester et invalider la cotisation première dont le représentant avait été le débiteur avant sa faillite.

[13]     Les quelques affirmations de nature générale, soumises par le représentant de l'appelant, ne sont évidemment pas suffisantes pour permettre la remise en question le bien-fondé de la cotisation.

[14]     Quant à l'alinéa 5 g) de la Réponse, le représentant de l'appelant a expliqué que la quittance, dont ce paragraphe faisait état, était en quelque sorte la reproduction formelle d'une quittance intervenue quelques années auparavant, c'est-à-dire le vingt-septième jour du mois de septembre 1999, qu'il a d'ailleurs déposée sous la cote A-1. La quittance en question a été formulée comme suit :

[...]

L'AN MIL NEUF CENT QUATRE-VINGT-DIX-NEUF, le vingt-septième jour du mois de septembre 1999.

DÉCLARATION

Réjean LeBlanc demeurant au 8100 Boulevard des Forges à Trois-Rivières G8Y 4W2, déclare ce qui suit :

Sur réception de plusieurs sommes totalisant un montant de quarante-cinq mille dollars ($45,000.00) et d'autres considérations, le déclarant accorde au débiteur M. Jean-Guy LeBlanc quittance complète et finale :

a) Acte d'obligation hypothécaire de deuxième rang, par Jean-Guy LeBlanc en faveur de Réjean LeBlanc reçu devant Me Jean Trépanier notaire, le 13 décembre 1995 et dont copie a été publiée au bureau de la publicité des droits de la circonscription foncière de Trois-Rivières, le 13 décembre 1995, sous le numéro 435688.

EN CONSÉQUENCE, le déclarant consent à la radiation de l'inscription de toute hypothèque lui résultant de cet acte et ce, sans autres considérations.

Signé à Trois-Rivières, ce 27 septembre 1999

Réjean LeBlanc déclarant

Jean Guy Lethiecq Témoin

[15]     Appelé à fournir de plus amples détails sur la mention « Autres considérations » , étant donné l'importance considérable du montant visé par cette mention, il a parlé de loyer, de billets, d'avances, de retraits au comptoir, de toutes sortes de petits papiers, de choses diverses et ainsi de suite.

[16]     Invité à être plus précis, il a essentiellement affirmé qu'il n'avait aucune pièce justificative, ni détail précis et qu'il s'agissait d'une preuve circonstancielle qu'il reconnaissait d'emblée incomplète.

[17]     En substance, les explications ont été sommaires, incomplètes, très vagues et surtout très peu fiables.

[18]     Devant expliquer pourquoi il avait en sa possession qu'une seule photocopie du chèque au montant 27 000 $, le représentant de l'appelant a indiqué qu'il s'agissait du seul document qu'il avait conservé. Or, la preuve a établi qu'il avait obtenu la copie de ce chèque quelques jours avant l'audition.

[19]     Un autre détail assez particulier est le fait que l'opposition a été signée par Monsieur Réjean LeBlanc, et non par l'appelant daté du 3 février 2004, l'avis d'opposition se lit comme suit :

          [...]

Référence : Avis de cotisation daté du 3 décembre 2003 (31212)

[...]

OPPOSITION

Cette déclaration faite suite à l'avis de cotisation ci haut mentionné. Cet avis prétend, que des fonds auraient été transférés au cotisé M. Jean LeBlanc le 22 mai 2002. Cet avis est basé en partie basé sur une analyse empreinte de préjugés parce que la transaction est intervenue en deux membres d'une même famille.

Afin de rectifier ces allégations et rétablir les faits réels. voilà l'historique de cette conjoncture reliée à cette cotisation.

Lors de la vente de l'immeuble dont il est question dans cet avis cotisation, le 19 décembre 1995. il est vrai qu'un solde de prix de vente d'un montant de $90,000.00 garantie par hypothèque de 2ième rang était remboursable dans les trois ans de la signature du contrat. C'est donc en 1998 que le cotisé M. Jean Guy LeBlanc remettait au vendeur plusieurs sommes totalisant un montant de $45,000.00. Quant au solde de $45,000.00, C'est le 19 janvier 1999, à la demande du vendeur qui devait s'enquérir d'un nouvel immeuble que l'acheteur augmentât l'Hypothèque sur l'immeuble du 8100 des forges d'un montant de $50,000.00 afin de rembourser le vendeur qui devait lui consentir une quittance complète et finale le 19 septembre 1999. Il va de soi que préalablement le vendeur a dû signer une mainlevée chez le notaire avant d'enregistrer cette hypothèque. Une deuxième quittance plus explicite, signée le 22 mai 2002 corroborait celle du 19 septembre.

Le 3 mai prochain, l'immeuble du 8100 des forges sera vendu pour une somme $235,000.00 et toutes les hypothèques devront être radiés.

Nous demandons donc de prendre en considération ces faits circonstanciels comme preuve de notre bonne foi dans ces transactions, qui selon nous, ont été réalisés selon les règles de l'art. Nous ne souhaitons pas faire appel aux juristes prudences pour le moment. Nous avons en main, tous les documents relatés par la présente sauf les reçus olographes qui n'ont pas été conservés après la signature de la quittance finale. C'est regrettable, mais nous n'avions jamais imaginés d'hériter du fardeau de la preuve.

En aucun temps, il a été question de transférer pour quelques raisons que ce soit, quelques sommes que ce soit.

Cette requête fait partie intégrante de la formule T400A (99)

Réjean LeBlanc

[20]     À la lumière de la preuve soumise par monsieur Réjean LeBlanc, le tribunal retient ce qui suit :

·         l'avis d'appel a été rédigé par Réjean LeBlanc;

·         Réjean LeBlanc était seul au moment de l'audition et agissait en sa qualité de représentant de l'appelant;

·         l'appelant n'était pas présent;

·         les explications ont été vagues, imprécises et circonstancielles aux dires même du représentant de l'appelant d'expliquer de façon fiable la présomption à l'effet qu'une quittance a été donnée en contrepartie d'un montant substantiellement inférieur au montant de la créance.

·         Les explications soumises pour démontrer que la quittance avait été donnée en contrepartie de valeur correspondante ont été incomplètes, vagues et totalement insuffisantes.

·         La faiblesse des arguments et explications pour justifier la quittance de l'importante créance de l'appelant à l'endroit de son représentant était telle qu'il y a lieu de conclure à l'absence de bonne et valable considération ou tout simplement à un enrichissement injustifié de l'appelant.

[21]     La perception dégagée par la preuve est à l'effet que l'appelant a été utilisé essentiellement comme prête-nom, lors des diverses transactions, pour le compte et bénéfice de son frère agissant comme son représentant dans le dossier.

[22]     Dans un premier temps, il y a eu un transfert avec une balance d'un paiement de 90 000 $. La créance, étant sans doute une des composantes de l'actif de la faillite, a été quittancée de manière à ne pas faire partie desdits actifs de la faillite.

[23]     L'intimée ayant manifesté certains scepticismes quant à la valeur de la quittance, une nouvelle quittance fut alors préparée au mois de mai 2002.

[24]     Tant au niveau de la première quittance de 1999 qu'au niveau de celle de mai 2002, les explications soumises n'ont certainement pas été suffisamment claires, cohérentes et fiables aux fins que ce tribunal puisse conclure à toute absence de créance au moment de l'établissement de la première cotisation à l'origine de celle établie en vertu de l'article 160 de la Loi.

[25]     Je crois que l'appelant dans cette affaire a été impliqué essentiellement comme prête-nom et que toutes les transactions ont été initiées par son frère avec son concours, d'où ce dernier était évidemment le mieux placé pour représenter l'appelant qui brillait par son absence.

[26]     Croyant que la cession de biens mettrait un terme à la cotisation, une quittance a été préparée pour éviter d'enrichir les actifs de la faillite.

[27]     Les choses se sont bien déroulées jusqu'à ce que l'intimée découvre l'existence de la créance.

[28]     Croyant que tout était réglé, une deuxième quittance fut préparée en espérant que cela fermerait le dossier. Les explications pour justifier les deux quittances furent les mêmes; elles ne sont absolument pas adéquates pour faire une preuve prépondérante à l'effet que Réjean LeBlanc a bel et bien reçu la contrepartie adéquate à sa créance au montant de 90 000 $.

[29]     Pour ces raisons, l'appel est rejeté et le bien-fondé de la cotisation est confirmé.

Signé à Ottawa, Canada, ce 8e jour de novembre 2005.

« Alain Tardif »

Juge Tardif


RÉFÉRENCE :                                   2005CCI732

N º DU DOSSIER DE LA COUR :       2005-1278(IT)I

INTITULÉ DE LA CAUSE :               Jean-Guy LeBlanc et Sa Majesté la Reine

LIEU DE L'AUDIENCE :                    Nicolet (Québec)

DATE DE L'AUDIENCE :                  le 12 octobre 2005

MOTIFS DU JUGEMENT PAR :        L'honorable juge Alain Tardif

DATE DU JUGEMENT :                    le 8 novembre 2005

COMPARUTIONS :

Représentant de l'appelant :

Réjean LeBlanc

Avocat de l'intimée :

Me Michel Lamarre

AVOCAT(E) INSCRIT(E) AU DOSSIER :

       Représentant de l'appelant :

       Pour l'intimée :                             John H. Sims, c.r.

                                                          Sous-procureur général du Canada

                                                          Ottawa, Canada

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