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Dossier : 2003-1315(IT)G

ENTRE :

NIGEL CHARLES BOAST,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

____________________________________________________________________

Requête entendue par voie de conférence téléphonique le 31 mars 2005, à Ottawa (Ontario)

Devant : L'honorable D. G. H. Bowman, juge en chef

Comparutions :

Pour l'appelant :

L'appelant lui-même

Avocate de l'intimée :

Me Amy Francis

____________________________________________________________________

ORDONNANCE

          Vu la requête présentée par l'appelant en vertu de l'article 17.1 de la Loi sur la Cour canadienne de l'impôt :

          La Cour ordonne que l'appelant soit autorisé à soumettre un fonctionnaire de l'intimée à un interrogatoire préalable oral à Kelowna.

La Cour ordonne que l'intimée soit autorisée à soumettre l'appelant à un interrogatoire oral le même jour.

Les parties auront jusqu'au 17 juin 2005 pour terminer les interrogatoires préalables et pour exécuter les engagements qui en découlent.

          Les dépens de la présente requête sont laissés à l'appréciation du juge qui présidera l'instruction.

Signé à Ottawa, Canada, ce 5e jour de mai 2005.

« D. G. H. Bowman »

Juge en chef Bowman

Traduction certifiée conforme

ce 6e jour de juin 2006.

Mario Lagacé, jurilinguiste


Référence : 2005CCI316

Date : 20050505

Dossier : 2003-1315(IT)G

ENTRE :

NIGEL CHARLES BOAST,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

Le juge en chef Bowman

[1]      La présente requête est présentée par l'appelant en vertu de l'article 17.3 de la Loi sur la Cour canadienne de l'impôt,dont voici le libellé :

        17.3 (1) Il ne peut y avoir d'interrogatoire préalable oral si le total de tous les montants en cause dans un appel interjeté sous le régime de la Loi de l'impôt sur le revenu ou celui de la perte en cause déterminé aux termes du paragraphe 152(1.1) de cette loi sont respectivement égaux ou inférieurs à 25 000 $ et 50 000 $, sauf avec le consentement des parties ou sauf si, après avoir étudié la demande d'une partie, la Cour est d'avis que l'appel ne pourrait procéder sans un interrogatoire préalable oral.

        (2)      La Cour saisie d'une demande aux termes du paragraphe (1) détermine dans quelle mesure l'appel aura vraisemblablement un effet sur un autre appel interjeté par la même personne ou porte sur une question commune à un groupe ou une catégorie de personnes.

        (3)      Dans un appel visé au paragraphe (1), la Cour ordonne un interrogatoire préalable oral à la demande d'une partie si celle-ci accepte d'être interrogée au préalable par l'autre partie et de payer, en conformité avec le tarif fixé par les règles de la Cour, les frais que l'interrogatoire souhaité peut occasionner à l'autre partie. L.R. (1985), ch. 51 (4e suppl.), art. 5; L.C. 1993, ch. 27, art. 216.

[2]      J'ai demandé aux parties de me présenter des observations écrites. L'appelant veut soumettre un fonctionnaire de la Couronne à un interrogatoire préalable oral. L'intimée s'y oppose.

[3]      L'avocate de l'intimée indique dans ses observations écrites que le montant en litige est de 24 697,94 $. Ce montant, à proprement parler, n'est pas tout à fait exact. La définition de l'expression « total de tous les montants » qui se trouve à l'article 2.1 de la Loi sur la Cour canadienne de l'impôt exclut les intérêts. Selon la réponse à l'avis d'appel, le montant de 24 697,94 $ comprend les intérêts qui sont de 3 816,82 $. Le montant en litige est donc de 20 881,12 $, mais, en l'espèce, cela n'a aucune pertinence.

[4]      La faculté de la Cour d'accueillir la requête de l'appelant relativement à la tenue d'un interrogatoire oral relève bien sûr d'un pouvoir discrétionnaire, mais ce pouvoir doit être exercé selon les principes appropriés.

[5]      Aux termes du paragraphe 17.3(2), « La Cour [...] détermine dans quelle mesure l'appel [...] porte sur une question commune à un groupe ou une catégorie de personnes » . Le présent appel porte sur une évaluation de la responsabilité d'un administrateur, et la même question est soulevée dans un appel interjeté par M. Vanderkam, qui était aussi un administrateur de Growth Stage Cosmetics Ltd. Ces appels seront entendus de façon consécutive. Je crois que M. Vanderkam et M. Boast forment un « groupe » au sens de l'article 17.3.

[6]      Le président Jackett (tel était alors son titre) a traité du sens du mot « groupe » dans l'arrêt Buckerfield's Ltd. et al. v. M.N.R., 64 DTC 5301, à la page 5303.

          [TRADUCTION]

        Le sens à donner au mot « group » tel que le définit le Shorter Oxford English Dictionary (1959) est :

        2.       génér. Ensemble de choses placées les unes près des autres et formant une entité collective; noyau (de personnes), grappe (de choses). Au début de l'utilisation de ce mot, il recouvrait souvent une notion d'assemblage confus.

Le seul autre sens qui pourrait s'appliquer est :

        3.       Nombre de personnes ou de choses dans un certain rapport ou ayant un certain degré de similitude.

        L'avocat des appelantes a mentionné d'autres définitions tirées des dictionnaires, mais, à mon avis, elles ne se contredisent point. Mises à part les prétentions de ces appels, l'expression « groupe de personnes » peut embrasser les compagnies détenant les actions de Buckerfield et Green Valley ou les compagnies détenant les actions de Burrard et Westland, d'après le sens que je donne à cette expression avec ou sans l'aide de dictionnaires.

[Prétentions des appelantes]

        L'avocat des appelantes a toutefois présenté deux prétentions. Voici les deux prétentions, telles que je les comprends :

        a)       le mot « groupe » , dans son sens courant, ne comprend pas un nombre de personnes inférieur à quatre;

        b)       au paragraphe 39(4), le mot « groupe » signifie un groupe de personnes qui s'associent afin de profiter du faible taux d'imposition prévu à l'article 39 et non pas un groupe de personnes qui s'associent dans un autre but commun.

        Pour appuyer la première des deux prétentions, l'avocat, tel que je le comprends, a allégué que, si le législateur avait voulu indiquer qu'un groupe pouvait être formé de deux personnes, il aurait fait mention du mot « couple » ou « paire » , et que s'il avait voulu indiquer qu'il pouvait être formé de trois personnes, il aurait fait mention du mot « trio » . Je ne peux pas accepter cette prétention. Dans son sens courant, le mot « groupe » , tel que je le comprends, peut désigner un nombre de personnes allant de deux à l'infini. Rien au paragraphe 39(4) ne laisse entendre que le législateur avait l'intention d'omettre un de ces nombres. De plus, une telle omission constituerait une lacune évidente dans le texte législatif.

[7]      Le fait qu'un groupe de personnes puisse soumettre à la Cour une même question n'est pas un facteur déterminant, mais il s'agit d'un facteur dont la Cour doit tenir compte lorsqu'elle exerce son pouvoir discrétionnaire en vertu de l'article 17.3.

[8]      Il y a bien sûr d'autres considérations. L'appelant veut tenir un interrogatoire préalable oral afin de pouvoir interroger la Couronne concernant un grand nombre de notes et de mémos qui ont été produits. Il prétend que ces notes et ces mémos sont fondés sur de faux renseignements. Il veut déterminer quels renseignements constituent le véritable fondement de la cotisation et s'assurer que des renseignements « faux et trompeurs » ne sont pas utilisés contre lui lors du procès. Même si, par le passé, j'ai quelque peu critiqué le fait que certains s'intéressaient trop à ce que le répartiteur pensait au moment d'établir la cotisation, il est quand même permis et légitime de déterminer quels faits ont été tenus pour acquis lors de l'établissement de la cotisation. La meilleure façon d'y parvenir est d'effectuer un interrogatoire préalable oral.

[9]      Les interrogatoires écrits ne sont tout simplement pas un substitut acceptable.

[10]     L'intimée soutient que les deux principales questions à trancher ont trait à la diligence raisonnable et à la période pendant laquelle l'appelant agissait comme administrateur, que ces questions relèvent particulièrement des connaissances de l'appelant et qu'elles ne nécessitent aucun élément de preuve relevant des connaissances du ministre. Je suis d'accord jusqu'à un certain point. Comme je l'ai dit dans la décision The Cadillac Fairview Corporation Limited c. La Reine, 97 DTC 405, à la page 407 :

     L'appelante a plaidé que les paiements avaient été faits en vertu des garanties, et cette allégation a été niée. L'avocat de l'appelante a argué que, le ministre n'ayant pas plaidé qu'il avait « présumé » que les paiements n'avaient pas été faits en vertu des garanties, il incombait au ministre d'établir que les paiements n'avaient pas été faits en vertu des garanties. La question est, sinon une pure question de droit, du moins une question mixte de droit et de fait. Quoi qu'il en soit, l'hypothèse fondamentale formulée à l'étape de la cotisation était que l'appelante n'avait pas droit à la déduction de perte en capital demandée et qu'il lui incombait d'établir les multiples points juridiques lui donnant droit à la déduction demandée. Dans les appels en matière d'impôt sur le revenu, on perd trop de temps sur les questions de fardeau de la preuve et l'on perd trop de temps en conjectures quant à savoir ce que le ministre peut avoir ou n'avoir pas « présumé » . Je ne crois pas que le jugement M.N.R. v. Pillsbury Holdings Ltd., [1964] D.T.C. 5184, ait complètement transformé les règles de pratique et de procédure ordinaires. La règle habituelle et je ne vois aucune raison pour laquelle elle ne devrait pas s'appliquer dans les appels en matière d'impôt sur le revenu est énoncée dans Odgers' Principles of Pleading and Practice, 22eédition, à la p. 532 :

[TRADUCTION]

Le « fardeau de la preuve » désigne l'obligation pour une partie d'établir le bien-fondé de sa cause. Il incombe à la partie A lorsque celle-ci, faute de présenter des éléments de preuve, verra le jugement prononcé contre elle. En règle générale (mais pas invariablement), le fardeau de la preuve incombe à la partie qui, dans son acte de procédure, affirme la question, une proposition négative étant généralement impossible à prouver. Ei incumbit probatio qui dicit, non qui negat. (La preuve incombe à celui qui affirme, non à celui qui nie.) La proposition affirmative est généralement, mais pas nécessairement, avancée par la partie qui, la première, a soulevé la question. Ainsi, en règle générale, il incombe au demandeur d'établir tous les faits qu'il a énoncés dans la Déclaration, et il incombe au défendeur de prouver tous les faits qu'il a plaidés par voie d'aveu complexe, par exemple en matière de fraude, d'exécution, de libération, d'annulation, etc.

[11]     Néanmoins, je crois que les faits et les questions en cause sont suffisamment complexes pour que l'appelant ait le droit d'interroger un fonctionnaire de la Couronne afin de bien défendre sa cause. Je ne suis pas insensible au poids des arguments avancés par l'avocate de l'intimée. J'ai tendance à avoir les mêmes doutes que l'avocate concernant l'utilité ou la pertinence d'interroger un fonctionnaire de la Couronne au sujet des conversations qu'un répartiteur peut avoir eu avec l'appelant. Les appels en matière d'impôt sont accueillis ou rejetés en fonction de faits objectifs et non pas en fonction de ce qu'un répartiteur peut avoir dit ou pensé. Il est toutefois important de ne pas dresser devant un contribuable, particulièrement un contribuable se représentant lui-même, d'obstacles procéduraux qui l'empêcheraient de présenter sa cause comme il le souhaite.

[12]     Selon moi, le fait de refuser à l'appelant ce qu'il considère comme un droit important, soit le droit de soumettre à un interrogatoire préalable la personne qui l'accuse d'avoir été négligent dans l'exécution de ses fonctions d'administrateur, est contraire aux principes d'équité ordinaires. De plus, cela ne favorise pas l'apparence de justice et d'équité aux yeux des appelants qui comparaissent sans avocat. La Cour et le ministère de la Justice ne sont pas là pour dire à un appelant que la ligne de conduite qu'il veut adopter est inutile ou inappropriée.

[13]     L'intimée mentionne les frais qui doivent être engagés pour assurer la présence d'un avocat et d'un témoin à Kelowna. Je ne crois pas qu'il faut accorder beaucoup d'importance à ce facteur dans la décision qui doit être rendue en l'espèce.

[14]     L'avocate de l'intimée indique que les notes mentionnées par l'appelant et annexées à son argumentation écrite n'ont pas été incluses dans la liste de documents de l'intimée et ne sont pas des documents sur lesquels l'intimée a l'intention de se fonder pendant le procès. Ceci ne justifie pas qu'on prive l'appelant du droit de tenir un interrogatoire au sujet des documents en question. Dans la règle de la communication partielle figurant à l'article 81 des Règles de la Cour canadienne de l'impôt, seuls les documents sur lesquels une partie a l'intention de se fonder doivent figurer dans une liste de documents. Malgré cela, il peut y avoir d'autres documents que la partie ne souhaite pas communiquer parce qu'ils n'appuient pas sa cause ou bien parce qu'ils peuvent être préjudiciables à sa cause, mais sur lesquels la partie adverse peut vouloir mener un interrogatoire. Le fait qu'une partie ne mentionne pas un document dans la liste de documents n'est guère une raison d'empêcher l'autre partie de mener un interrogatoire à son sujet.

[15]     Le paragraphe 17.3(3) prévoit que la Cour ordonne un interrogatoire préalable oral si la partie qui en fait la demande accepte d'être interrogée au préalable par l'autre partie et de payer les frais occasionnés. Ce paragraphe ne s'applique pas en l'espèce. M. Boast n'a pas accepté de subir un interrogatoire ou de payer les frais. Toutefois, l'avocat de la Couronne m'a demandé d'ordonner que l'intimée soit autorisée à soumettre l'appelant à un interrogatoire préalable et je rends une ordonnance en ce sens.

[16]     Je n'ai pas consulté les parties concernant le délai relatif à l'exécution des interrogatoires. Je retiens le 17 juin 2005 comme date à laquelle les parties devront terminer tous les interrogatoires préalables à Kelowna et exécuter les engagements pris. Si ce délai ne convient pas à l'une ou l'autre des parties, il est possible de communiquer avec la Cour et de demander une prolongation du délai.


[17]     Les dépens de la présente requête sont laissés à l'appréciation du juge qui présidera l'instruction.

Signé à Ottawa, Canada, ce 5e jour de mai 2005.

« D. G. H. Bowman »

Juge en chef Bowman

Traduction certifiée conforme

ce 6e jour de juin 2006.

Mario Lagacé, jurilinguiste


RÉFÉRENCE :

2005CCI316

NO DU DOSSIER DE LA COUR :

2003-1315(IT)G

INTITULÉ DE LA CAUSE :

Nigel Charles Boast c.

Sa Majesté la Reine

LIEU DE L'AUDIENCE :

Ottawa (Ontario)

DATE DE L'AUDIENCE :

Le 31 mars 2005

MOTIFS DE L'ORDONNANCE PAR :

L'honorable juge en chef

D. G. H. Bowman

DATE DE L'ORDONNANCE ET DES MOTIFS DE L'ORDONNANCE :

Le 5 mai 2005

COMPARUTIONS :

Pour l'appelant :

L'appelant lui-même

Avocate de l'intimée :

Me Amy Francis

AVOCAT(S) INSCRIT(S) AU DOSSIER :

Pour l'appelant :

Nom :

Étude :

Pour l'intimée :

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

Ottawa, Canada

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