Jugements de la Cour canadienne de l'impôt

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Dossier : 98-3791(IT)I

ENTRE :

LUCETTE CARPENTIER,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

____________________________________________________________________

Appels entendus les 19, 20, 21, 23 et 28 septembre 2005,

à Ottawa (Ontario).

Devant : L'honorable juge Lucie Lamarre

Comparutions :

Pour l'appelante :

l'appelante elle-même

Avocats de l'intimée :

Me Pierre Cossette et

Me Philippe Dupuis

____________________________________________________________________

JUGEMENT

          L'appel de la cotisation établie en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu pour l'année d'imposition 1988 est rejeté.

Signé à Ottawa, Canada, ce 26e jour d'octobre 2005.

« Lucie Lamarre »

Juge Lamarre


Référence : 2005CCI666

Date : 20051026

Dossier : 98-3791(IT)I

ENTRE :

LUCETTE CARPENTIER,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

MOTIFS DU JUGEMENT

La juge Lamarre

Remarque préliminaire

[1]      Cet appel a été entendu en même temps que les appels de Paul Boudreault c. La Reine (dossiers 98-3616(IT)I et 98-3721(IT)I). À la demande de ces deux appelants, leurs appels n'ont pas été entendus sur preuve commune. Toutefois, une partie de la preuve de l'intimée qui a été faite dans les appels de Paul Boudreault a été versée dans la cause de l'appelante, de consentement entre les parties. Ainsi, la pièce I-1 qui a été déposée dans les dossiers de monsieur Boudreault, sera également la pièce I-1 dans le présent appel, mais seulement pour ce qui touche l'onglet B de la pièce I-1. Les pièces I-2 à I-10 inclusivement déposées dans les dossiers de monsieur Boudreault devront également être versées dans le dossier de l'appelante. La pièce I-13 également déposée dans les dossiers de monsieur Boudreault sera aussi la pièce I-13 dans le présent appel, mais seulement en ce qui concerne l'onglet C de la pièce I-13.

[2]      L'appelante en appelle d'une cotisation établie pour l'année d'imposition 1988 par le ministre du Revenu national ( « Ministre » ). Ce dernier lui a refusé un crédit d'impôt à l'investissement de 2 000 $ pour un investissement de 10 000 $ qu'elle a fait en 1988 dans la société en nom collectif A.L.T.A. Research Systems Reg. ( « ALTA » ), créée selon les lois de la province de l'Ontario. Le crédit d'impôt à l'investissement lui a été refusé aux termes de l'article 37 de la Loi de l'impôt sur le revenu ( « Loi » ) et de l'article 2900 du Règlement de la Loi de l'impôt sur le revenu ( « Règlement » ). L'appelante a été recotisée le 15 juillet 1992, soit dans le délai prescrit par le paragraphe 152(4) de la Loi. Il est à noter que le Ministre a permis la déduction d'une perte d'entreprise de 9 998 $, telle que réclamée par elle au cours de cette même année d'imposition.

[3]      Suite à un projet de cotisation en date du 1er août 1991 (voir 3e onglet de la pièce A-1), l'appelante avait donné le 20 août 1991 le mandat à monsieur Yves Renaud, comptable, de la représenter pour négocier avec Revenu Canada (devenu depuis l'Agence des douanes et du revenu du Canada ( « ADRC » )) en vue d'un règlement relativement au projet de cotisation et aux dépenses de recherche et de développement de ALTA en 1988 (pièce I-11).

[4]      Le 12 août 1992, monsieur Renaud logeait un avis d'opposition à l'encontre de la cotisation du 15 juillet 1992 établie pour l'année d'imposition 1988 (pièce I-11), laquelle cotisation refusait à l'appelante un crédit d'impôt à l'investissement de 2 000 $. À cette date, on réclamait des intérêts sur arriérés de 975,29 $, et les intérêts payés sur le remboursement du crédit de 95,74 $.

[5]      Le Ministre n'ayant pas ratifié la cotisation, l'appelante a logé un avis d'appel devant cette Cour par l'intermédiaire de ses procureurs, Bonhomme, Castonguay et associés, lequel avis d'appel fut reçu à la Cour le 30 octobre 1998. Cet appel a été suspendu en attendant l'issue d'un cas type similaire entendu devant cette Cour, l'affaire McKeown c. Canada, [2001] A.C.I. no 236 (Q.L.), qui portait sur des investissements similaires à celui effectué par l'appelante et qui impliquaient tous des contrats de recherche qui auraient été octroyés à la société Zuniq Corp. ( « Zuniq » ) (on parle ici de plus de 500 contribuables impliqués).

[6]      Le 22 octobre 2002, suite à une décision de cette Cour défavorable pour les investisseurs, dans l'affaire McKeown, précitée, les procureurs de l'appelante ont cessé de la représenter et cette dernière, désirant poursuivre son appel, a finalement procédé pour audition au cours du mois de septembre 2005. L'appelante n'ayant pas acquitté le montant exigé par la cotisation sous appel, devra payer une somme considérable en intérêts advenant le rejet de son appel. (Les intérêts s'élevaient déjà à 4 910,74 $ en août 2001, selon le dernier relevé de compte déposé par l'appelante au 4e onglet de la pièce A-1.) L'appelante a reçu une lettre de l'ADRC en date du 7 février 2003, l'encourageant à faire une demande d'annulation des intérêts ou d'une renonciation à ceux-ci en vertu des dispositions d'équité auprès de la Division des appels du Centre fiscal de Shawinigan-sud, sitôt que la décision sur l'appel de sa cotisation serait finale et exécutoire (voir pièce I-12). Le 9 décembre 2004, suite à des changements annoncés dans le budget fédéral de 2004 relativement aux dispositions d'équité, l'ADRC écrivait à nouveau à l'appelante pour l'aviser que l'ADRC ne pourrait annuler les intérêts en vertu des dispositions d'équité pour les années d'imposition 1985 à 1994, ou y renoncer, si l'appelante en faisait la demande après 2004. On précisait ainsi qu'aucune demande d'allègement d'intérêts en raison de difficultés financières ou pour d'autres raisons ne serait considérée en vertu des dispositions d'équité pour ces années si la demande n'était pas faite par l'appelante avant le 1er janvier 2005 (voir également pièce I-12). L'appelante a mentionné qu'elle n'avait pas présenté une telle demande à l'ADRC. Il est maintenant trop tard pour le faire et il n'est pas du ressort de cette Cour d'annuler les intérêts dans les présentes circonstances. Si l'appel est rejeté, l'appelante devra assumer le montant total de la cotisation et les intérêts y afférents.

Faits

[7]      Au cours de l'année d'imposition 1988, l'appelante a investi la somme de 10 000 $ dans la société ALTA suite à une recommandation d'un conseiller financier, monsieur Henri Racine, qui disait vendre un projet de logiciel de planification. Elle a donc acquis 10 000 parts dans ALTA pour la somme de 10 000 $, le 17 octobre 1988 (pièce I-1, onglet 22). Au moment d'investir, on lui a dit qu'elle serait appelée à faire l'essai du logiciel, ce qu'elle a fait à deux ou trois reprises en novembre et décembre 1988, au bureau de l'entreprise à Ottawa. Son rôle se limitait à remplir un formulaire et passer ses commentaires sur le logiciel en question, qu'elle définit comme l'antécédent de « Quicktax » , mais en moins sophistiqué. En 1989, on lui a dit que le logiciel avait été vendu et qu'on lui rachetait donc ses parts pour la somme de 5 390 $ (voir pièce I-2, onglet 88). Cela lui a semblé raisonnable à ce moment vu qu'elle même, n'étant pas une spécialiste dans ce domaine, croyait que c'était le gouvernement qui poussait les investissements en recherche et développement.

[8]      La description du projet de même que la liste du personnel impliqué dans le projet, qui lui ont été remises et qu'elle a déposées au 1er onglet de la pièce A-1, lui semblaient très sérieuses, d'autant que l'avant-projet avait été évalué et approuvé par une professeure associée à l'Université McGill, possédant un doctorat en sciences informatiques. L'appelante, elle-même n'a pas participé à ce projet; elle ne connaissait ni les détails, ni les mesures à prendre pour atteindre l'objectif du projet, ni les incertitudes rattachées à ce projet.

[9]      L'appelante fut très surprise d'apprendre que le projet avait été refusé par les autorités fiscales. Le 3 février 1992, elle recevait une lettre de Zuniq, que cette dernière adressait à tous les associés d'ALTA, l'avisant de la position que Zuniq entendait prendre vis-à-vis celle de Revenu Canada (voir 2e onglet de la pièce A-1). Monsieur Hien VoHoang (président de Zuniq) expliquait avec détails qu'il considérait que le projet était admissible aux termes de la Loi. Elle dit qu'au moment de recevoir cette lettre, c'était la première fois qu'elle entendait parler de Zuniq. Il a été par ailleurs mis en preuve que ALTA avait entre autres sous-contracté les travaux de recherche à Zuniq (voir pièce I-2, onglet 79).

[10]     Face à ces représentations, l'appelante a pensé que Zuniq avait racheté le logiciel en question et prenait fait et cause pour elle et les autres associés, et elle n'a donc pas fait d'autres démarches. Le 14 octobre 1992, elle faisait parvenir une lettre-type rédigée pour tous les associés des sociétés associées au groupe Zuniq, à l'Honorable Otto Jelinek, ministre du Revenu à l'époque, expliquant le projet d'investissement et lui demandant d'intervenir pour modifier la décision de Revenu Canada (cette lettre est incluse au 2e onglet de la pièce A-1).

[11]     Revenu Canada, Division de la vérification, accusait réception le 22 janvier 1993 de la plainte relative au traitement de la réclamation de recherche et développement adressée à l'honorable Otto Jelinek, et avisait monsieur Renaud, le comptable, que l'on considérait la lettre à monsieur Jelinek comme un avis d'opposition et l'on demandait à monsieur Renaud d'en aviser ses clients (lesquels incluaient l'appelante) (pièce I-9). Il est à noter que l'appelante avait déjà logé un avis d'opposition par l'intermédiaire de ce dernier, le 12 août 1992. L'appelante a toutefois dit, lors de son témoignage, qu'elle ne se rappelait pas de monsieur Renaud.

[12]     Par la suite, l'appelante a téléphoné à quelques reprises à Revenu Canada au fil des ans, pour toujours se faire dire qu'on tentait d'obtenir un règlement pour tous les investisseurs. Tout ce temps, elle recevait des avis de cotisation et des états de compte pour les années ultérieures à l'année en litige, faisant allusion au montant toujours en litige pour l'année 1988.

[13]     Elle dit ne pas se rappeler avoir reçu un avis de cotisation en 1992, et que si elle l'a reçu, elle reconnaît ne pas y avoir accordé toute l'attention qu'elle aurait dû y apporter à ce moment-là. Elle dit que ses conversations avec des représentants de Revenu Canada, l'incitaient à croire qu'elle n'avait pas à s'en préoccuper non plus, puisqu'on tentait de trouver un règlement. Elle ne savait pas non plus à ce moment qu'il y avait tant de contribuables impliqués. Elle considère que le montant d'intérêts à payer aujourd'hui est beaucoup trop élevé.

[14]     Elle reconnaît aujourd'hui qu'elle avait investi un peu aveuglément dans ce projet en 1988. D'ailleurs, en 1989, elle avait refusé d'investir dans un autre projet vendu par le même monsieur Racine, car elle avait réalisé que ce genre de projet était risqué et pouvait coûter cher.

[15]     Elle reconnaît également que le projet ALTA lui a été présenté comme étant avantageux du point de vue fiscal. Elle a même dit que c'était la grande mode à cette époque d'investir dans les projets de recherche et développement, à cause de la publicité sur les avantages fiscaux. Quant à ce projet avec ALTA, on ne lui a fourni aucune étude de rentabilité, aucune entente de commercialisation. Elle n'avait en sa possession que la proposition sur un projet de recherche, approuvé par la professeure de l'Université McGill sur l'aspect scientifique, de même que les curriculum vitae des gens qui allaient participer à la recherche. Pour elle, en tant qu'investisseur, c'était suffisant; cela inspirait confiance. Elle n'a pas pensé à demander une preuve de l'existence de la société ALTA, pas plus qu'une liste des autres membres de cette société. Elle n'avait aucune idée du nombre d'associés qui avaient souscrit des parts dans la société ALTA. Elle savait toutefois que la société devait amasser au moins 250 000 $ pour que le projet aille de l'avant. À 10 000 $ par part, un nombre de 25 associés était suffisant. Elle ne savait pas que la société avait amassé 547 000 $. Elle n'a jamais assisté à aucune réunion d'associés.

[16]     Par ailleurs, elle a reconnu qu'au moment d'investir, elle savait déjà qu'on lui rachèterait ses parts, et qu'elle récupérerait la moitié de son investissement. Elle a également mentionné que les avantages fiscaux devaient balancer le risque de perte. Ceci est d'ailleurs confirmé dans le prospectus rédigé à l'attention des associés et dans lequel on indique, dans la rubrique fiscale, les économies d'impôt rattachées à un investissement de 10 000 $ dans le projet ALTA. Ainsi on y indique bien que l'investissement en argent se limite à 45 pour cent du montant total réclamé de 10 000 $ comme investissement (voir I-2, onglet 78, page 46). D'ailleurs, pour des revenus comparables en 1988 et 1989, l'appelante a reconnu avoir réalisé une économie d'impôt d'environ 7 000 $, par le seul truchement de cet investissement dans ALTA (voir I-1, onglet 21 et onglet 26).

[17]     Par ailleurs, elle a déclaré un gain en capital sur le rachat de ses actions en 1989, pour lequel elle a réclamé l'exonération du gain en capital.

[18]     Monsieur Richard Bernier, gestionnaire des dossiers importants à l'ADRC, a expliqué qu'il a recensé toutes les sociétés en commandite ou en nom collectif qui ont présenté des projets de recherche scientifique et qui ont sous-contracté avec Zuniq ou des corporations liées à celle-ci, pour exécuter ces projets. C'est en juin 1989, alors qu'il y avait prolifération de sociétés de personnes qui faisaient des demandes pour des crédits d'impôt à l'investissement reliés à la recherche scientifique et au développement expérimental, que la section d'évitement fiscal de Revenu Canada a commencé à scruter de façon plus approfondie ces projets de recherche. Ainsi, monsieur Bernier a retracé 12 sociétés de personnes qui ont été constituées entre 1986 et 1988, qui avaient sous-contracté des contrats de recherche à Zuniq (incluant ALTA) (voir pièce I-3). Il a alors référé ce dossier au département de la recherche scientifique de Revenu Canada.

[19]     Monsieur Claude Papion, expert en informatique, a reçu le mandat le 19 mars 1990 de Revenu Canada de procéder à l'évaluation des demandes concernant les activités de recherche scientifique et de développement expérimental de la société ALTA pour l'année 1988. Selon le formulaire de réclamation T661, produit par ALTA, celle-ci réclamait des dépenses de recherche scientifique et de développement expérimental de l'ordre de 551 063 $ pour cette période. Monsieur Papion devait compléter son rapport avant le 31 mars 1991.

[20]     Monsieur Papion s'est donc penché sur l'admissibilité des travaux qui auraient été accomplis par ALTA en vertu des critères élaborés dans l'article 2900 du Règlement tel qu'applicable. Pour ce faire, il a eu recours à trois critères essentiels retenus par Revenu Canada dans la Circulaire d'information 86-4R2, soit : 1) le critère de l'avancement de la science ou de la technologie; 2) le critère de l'incertitude scientifique ou technologique; et 3) le critère du contenu scientifique ou technique.

[21]     Selon la documentation qu'on lui a remise, ALTA aurait été formée en 1988 dans le but d'effectuer des travaux de recherche scientifique et de développement expérimental dans le domaine de la formation assistée par ordinateur, appliquée à la planification financière personnelle. Le projet initial était intitulé PERFIPS. Par la suite, le même projet se serait vu attribuer une série successive d'appellations différentes. Selon monsieur Papion, le montant des dépenses réclamées par ALTA suggérait l'implication de ressources humaines de l'ordre d'une douzaine d'années-personnes.

[22]     Au même moment, une autre société en commandite, AHD Enr., soumettait séparément des dépenses de recherche scientifique et de développement pour un montant de 1 493 000 $ pour l'année 1988, qui portaient exactement sur le même projet que celui soumis par ALTA. Également une autre société en commandite du nom de ALH Enr. soumettait des dépenses de recherche et développement pour un montant de 3 170 000 $, à l'égard du même projet pour l'année 1988. Toutes ces sociétés, AHD Enr., ALH Enr. et ALTA auraient confié les travaux de recherche et développement à la société Zuniq, les trois sociétés présentant le même projet sous des noms différents. Ainsi en 1988 seulement, on aurait réclamé des dépenses totalisant approximativement 5 000 000 $, pour l'attribution de travaux de recherche et de développement sur un même projet à Zuniq, qui en 1988 n'engageait que six personnes expérimentées dans le domaine scientifique ou technique. Monsieur Papion devait conclure que les dépenses réclamées étaient beaucoup trop exagérées.

[23]     Monsieur Papion a aussi conclu avec la documentation qu'on lui a remise que le projet en question ne proposait aucune idée d'avancement technologique, qu'il n'y avait eu aucune activité de développement et que le projet ne présentait aucune incertitude technologique. En fait, ALTA voulait se servir d'un logiciel d'entraînement qui existait déjà pour former des étudiants. Selon lui, ALTA ne faisait que des propositions de recherche sans suite. De plus, monsieur Papion a demandé à rencontrer les dirigeants de ce projet. Or, il a trouvé étrange qu'au moment de faire son rapport en 1990, qu'on l'avise qu'on ne pouvait le recevoir pour constater l'état d'avancement des travaux, lesquels en théorie devaient être complétés à la fin de l'année 1988. Il n'a pu que constater qu'il n'y avait eu aucun développement, aucun avancement dans les travaux qu'aurait dû effectuer ALTA, non seulement en 1988, mais pour une période s'échelonnant au-delà de 1990. Il a donc conclu que le projet était inadmissible aux fins de se qualifier comme un projet de recherche et développement ouvrant droit à un crédit d'impôt à l'investissement aux termes de la Loi et du Règlement.

[24]     Madame Sonia Borin, conseillère en ressources humaines à l'ADRC, a agi comme agent d'opposition et a coordonné de 1992 à 1995 tous les avis d'opposition logés par les associés commanditaires de neuf sociétés de personnes du groupe Zuniq, dont ALTA. Ainsi, elle a réalisé que madame Ann Nguyen, l'épouse du président de Zuniq, monsieur VoHoang, était secrétaire dans la société ALTA. Le projet de recherche a été signé le 15 juin 1988 par Zuniq. ALTA sous-contractait avec Zuniq et d'autres corporations liées à Zuniq. Les formulaires de rachat des parts dans ALTA prévoyaient ces rachats dès 1989. ALTA n'a présenté des états financiers que pour la seule année 1988 pour un exercice financier de 10 mois, se terminant le 31 décembre 1988, (pièce I-2, onglet 81). La perte réclamée au cours de ce seul exercice financier est de 546 063 $ et correspond approximativement au capital versé de 547 000 $.

[25]     Madame Borin a aussi réalisé que les 32 investisseurs qui ont investi des montants variant entre 10 000 $ et 35 000 $ dans ALTA (pour un montant total de 547 000 $) se sont tous faits racheter leurs parts pour un montant variant autour de 55 pour cent de leur investissement initial, au cours de l'année 1989. De surcroît, chaque investisseur avait reçu de la société ALTA des instructions leur indiquant de réclamer dans leur déclaration de revenu pour l'année 1988 une perte de 999,87 $ par tranche de 1 000 $ investie (avant le remboursement de 1989), en sus de réclamer un crédit d'impôt à l'investissement de 200 $ par tranche de 1 000 $ investie (avant le remboursement) (voir pièce A-2, onglet 82).

[26]     Au cours de sa vérification madame Borin, a également réalisé que les 12 sociétés du groupe Zuniq (pièce I-3) étaient gérées par le même groupe de personnes, monsieur VoHoang étant le maître d'oeuvre. Pour chacune de ces sociétés, il n'y avait qu'un seul exercice financier, s'échelonnant de 52 jours (au minimum) à 11 mois (au maximum), pour la période d'existence de très courte durée de chacune de ces sociétés. Dans tous les cas, la fin de l'exercice financier correspondait au délai donné à Zuniq ou à une autre corporation entretenant des liens avec Zuniq, pour compléter les travaux de recherche. Dans tous les cas, les investisseurs souscrivaient dans ces sociétés très peu de temps avant la fin de l'exercice financier. Chacun de ces investisseurs s'est fait racheter ses parts par une société liée à Zuniq, pour une somme variant entre 50 et 60 pour cent de leur mise de fonds initiale. La période de détention des parts pour chaque investisseur était très courte, variant de quelques semaines à trois ou quatre mois. Chaque société de personnes réclamait une perte qui correspondait, dans tous les cas, au montant de la souscription totale et du contrat de recherche attribué à Zuniq, ou à une corporation liée.

[27]     Elle en a conclu qu'aucun de ces investisseurs n'avait l'intention de travailler ensemble sur un projet de recherche scientifique et elle remettait donc en doute, l'existence réelle de ces sociétés. Elle a également conclu que ces sociétés n'exploitaient aucune entreprise dans les faits, mais avaient plutôt été créées comme un trompe-l'oeil pour permettre à Zuniq de s'approprier 40 à 50 pour cent des mises de fonds investies par les investisseurs, tout en permettant à ces derniers de ne rien perdre au change, et même de retirer un bénéfice des avantages fiscaux reliés à leur investissement. Elle a donc considéré que le crédit d'impôt à l'investissement qui avait déjà été refusé sur la base qu'il n'y avait pas de recherche scientifique admissible aux termes de l'article 2900 du Règlement, ne l'était pas davantage en regard du fait que ces sociétés n'avaient, en droit, aucune existence légale et n'exploitaient aucune entreprise. Étant donné que les pertes avaient déjà été accordées par le Ministre, elle n'a pas abordé la question à savoir si ces pertes étaient justifiées.

Question en litige

[28]     Le Ministre a refusé le crédit d'impôt à l'investissement initialement sur la base que le projet présenté par ALTA n'était pas admissible aux termes de l'article 2900 du Règlement. L'intimée invoque maintenant des arguments supplémentaires pour ne pas accorder ce crédit. Elle invoque en premier lieu, l'absence d'une véritable société de personnes et en deuxième lieu, l'absence d'une véritable entreprise. L'intimée soutient ces nouveaux arguments malgré le fait que le Ministre a accepté de considérer que la disposition des parts de l'appelante dans la société ALTA avait donné lieu à un gain en capital imposable, pour lequel l'appelante a demandé l'exonération fiscale aux termes de l'article 110.6 de la Loi. En acceptant l'existence d'un gain en capital résultant de la disposition des parts dans la société, le Ministre a donc reconnu initialement l'existence réelle de la société de personnes. Par ailleurs, le Ministre a également reconnu une perte d'entreprise pour le plein montant de l'investissement. En reconnaissant une telle perte, le Ministre admettait donc l'existence d'une entreprise. Le Ministre soutient maintenant le contraire pour appuyer sa thèse que l'appelante ne peut réellement bénéficier du crédit d'impôt à l'investissement.

[29]     Selon l'avocat de l'intimée, il ne s'agit pas là d'un nouveau fondement à la cotisation, mais simplement d'un argument alternatif. Par ces nouveaux arguments, l'intimée ne tente pas d'augmenter le montant de la cotisation. Ainsi, l'intimée ne remet pas en question l'octroi de la perte d'entreprise, non plus que l'exonération du gain en capital par suite de la disposition des parts dans la société.

[30]     Ce que l'intimée invoque maintenant c'est qu'au moment de cotiser, le Ministre n'a pas remis en doute l'existence réelle de la société. Ce n'est qu'au stade des oppositions que le Ministre a réalisé la prolifération des sociétés rattachées au groupe Zuniq et a pris conscience du côté factice de ces sociétés. Le Ministre a donc remis en question leur existence et l'intimée invoque maintenant ce nouvel argument pour contester d'autant l'octroi d'un crédit d'impôt à l'investissement.

[31]     De son côté, l'appelante soutient qu'elle a investi de bonne foi et qu'elle n'a pas à être pénalisée par ce qui aurait pu être concocté par les dirigeants de la société dans laquelle elle a investi. Elle croyait que le projet de recherche dans lequel elle investissait était réel, et si l'on regarde son investissement d'un point de vue strictement personnel, sans faire le procès de Zuniq, l'on est en mesure de conclure qu'elle a réellement investi dans ce projet. Elle soutient qu'elle ne devrait pas être pénalisée pour des actes dont elle n'avait pas le contrôle.

Analyse

[32]     Il me semble clair depuis l'ajout du paragraphe 152(9) de la Loi, lequel s'applique aux appels jugés après le 17 juin 1999, que le Ministre est en droit de soulever un nouvel argument, même après l'expiration du délai normalement prévu pour établir une nouvelle cotisation, sous réserve uniquement des alinéas 152(9)a) et b) (voir Canada c. Loewen (C.A.F.), [2004] A.C.F. no 638 (Q.L.) et Gould c. Canada, [2005] T.C.J. no 403 (Q.L.)). De fait, il semble que le paragraphe 152(9) permet au Ministre, sous réserve des restrictions qui y sont mentionnées, d'avancer tout nouvel argument en vue de défendre le montant cotisé, dans la mesure où il ne tente pas d'augmenter ce montant.

[33]     Le paragraphe 152(9) se lit comme suit :

            (9) Nouvel argument à l'appui d'une cotisation. Le ministre peut avancer un nouvel argument à l'appui d'une cotisation après l'expiration de la période normale de nouvelle cotisation, sauf si, sur appel interjeté en vertu de la présente loi:

a) d'une part, il existe des éléments de preuve que le contribuable n'est plus en mesure de produire sans l'autorisation du tribunal;

b) d'autre part, il ne convient pas que le tribunal ordonne la production des éléments de preuve dans les circonstances.

[34]     Les alinéas 152(9)a) et b) évoquent le préjudice que pourrait subir le contribuable si l'on permettait à Sa Majesté de formuler de nouvelles allégations factuelles de nombreuses années après les faits.

[35]     Dans le cas actuel, les allégations factuelles soulevées par l'intimée, devaient être connues depuis fort longtemps par l'appelante, puisqu'elle a donné un mandat au comptable de Zuniq (monsieur Renaud) de la représenter auprès de Revenu Canada en 1991, en vue d'un règlement relatif au projet de cotisation dans le projet ALTA. Si l'appelante ne s'est pas informée auprès de son mandataire des discussions entretenues avec Revenu Canada au cours des années, elle ne peut dire, plusieurs années plus tard, qu'elle n'était pas au courant de la situation de faits qui prévalait à l'époque.

[36]     L'intimée ne tente pas ici de prendre en compte des transactions différentes de celles ayant servi de fondement aux nouvelles cotisations établies pendant la période de nouvelle cotisation (ce qui n'avait pas été sanctionné par la Cour d'appel fédérale, dans Pedwell c. La Reine, 2000 DTC 6405). L'intimée ne tente pas non plus d'augmenter l'impôt à payer. L'intimée estime maintenant que le Ministre a erré en reconnaissant l'existence d'une société, et elle ne peut être liée par une erreur sur une question de droit (voir Ludmer c. Canada, [1995] 2 C.F. 3, [1994] A.C.F. no 2007 (Q.L.) au paragraphe 12). De plus, cette Cour ne peut être liée par une admission sur les faits, qui ne sont pas supportés par la preuve (voir Hammill v. Canada, [2005] F.C.J. No. 1197 (F.C.A.) (Q.L.)).

[37]     Par ailleurs, dans les mêmes circonstances que celles de la présente affaire, le juge en chef Garon de cette Cour (tel qu'il l'était alors), dans l'affaire Blanchette c. Canada, [2001] A.C.I. no 900 (Q.L.), a permis au Ministre d'avancer le moyen selon lequel les sociétés en question étaient inexistantes, même si l'existence des sociétés n'avait pas été mise en doute au moment d'établir les cotisations sous appel.

[38]     En conséquence, je considère que l'intimée est justifiée de soulever ce nouvel argument à l'appui de la cotisation sous appel. À ce sujet, je suis d'avis que l'intimée a démontré de façon plus que satisfaisante l'inexistence de la société en question et l'inexistence de l'exploitation d'une entreprise dans le présent litige.

[39]     Il est de droit commun, tant en droit civil qu'en common law, que l'élément primordial pour la création d'une société est l'intention de chaque associé de former une société de personnes, ce qui se traduit par l'intention de chacun de poursuivre en commun, à l'aide des apports à la société, la réalisation d'un bénéfice (voir Bourboin c. Savard, [1926] 40 B.R. 68, en droit civil québécois; et voir Continental Bank Leasing Corp. c. Canada, [1998] 2 R.C.S. 298, paragraphe 22, pour les sociétés en nom collectif du ressort de la province de l'Ontario).

[40]     Dans l'arrêt Backman c. Canada, [2001] 1 S.C.R. 367, la Cour suprême du Canada a indiqué que « [...] pour statuer sur l'existence d'une société de personnes, les tribunaux doivent se demander si la preuve documentaire objective et les circonstances de l'affaire, notamment les actes concrets des parties, sont compatibles avec l'existence d'une intention subjective d'exploiter une entreprise en commun dans le but de réaliser un bénéfice » (page 382, paragraphe 25).

[41]     Ainsi, la preuve documentaire n'est pas le seul critère pour déterminer l'existence d'une société. Il faut vérifier si les gestes posés concrètement par les parties sont compatibles avec une telle intention subjective d'exploiter une entreprise en commun dans le but de réaliser un bénéfice (voir Witkin c. Canada, [2002] A.C.F. no 703 (Q.L.), au paragraphe 12, qui reprend Backman, précité).

[42]     De plus, lorsqu'il est établi que l'unique raison pour laquelle une société est mise sur pied est de conférer à un associé l'avantage d'une perte fiscale, alors que les parties n'envisagent nullement de tirer un bénéfice de l'exploitation de l'entreprise en cause, la société ne peut véritablement être considérée comme ayant été créée dans le but de réaliser un bénéfice (voir Continental Bank, précité au paragraphe 43).

[43]     Ici, bien que la documentation soumise pourrait sembler a priori démontrer l'existence réelle de la société en cause au cours de l'année en litige, j'estime que la preuve ne permet pas de conclure que les agissements de l'appelante sont compatibles avec l'intention subjective réelle d'exploiter une entreprise en commun avec les autres associés dans le but de réaliser un bénéfice. En effet, l'appelante ne connaissait pas la majorité des autres membres de la société dans laquelle elle a investi, n'a participé à aucune réunion et n'était au courant d'aucun plan de commercialisation ou de rentabilisation du projet supposément mis de l'avant par cette société. Le fait que l'appelante ait rempli un formulaire et passé quelques commentaires sur le logiciel en question n'est pas en soit déterminant pour démontrer qu'elle avait l'intention réelle d'exploiter une entreprise en commun avec les autres associés. La société en question n'a duré que le temps d'un très court exercice financier (moins de 12 mois).

[44]     En outre, j'estime également que la preuve documentaire tend plutôt à démontrer que la société n'avait aucunement l'intention d'exploiter une entreprise réelle avec l'argent investi par les présumés associés. En effet, au moment d'investir dans ALTA, l'appelante savait, de par la notice d'offre, qu'elle pouvait réclamer une perte fiscale dès la première année (pièce I-2, onglet 78, pages 44-46). Par ailleurs, l'appelante savait, dès le début, qu'elle ne perdait pas d'argent puisqu'elle s'est fait rembourser 50 pour cent de son investissement très peu de temps après le moment où elle avait investi. De plus, on lui avait indiqué qu'elle ne courait aucun risque, puisque cet investissement lui procurerait des avantages fiscaux qui compenseraient sa mise de fonds réelle. La réduction des impôts ne peut constituer en soi une entreprise aux fins de la Loi (voir Moloney c. Canada, [1992] A.C.F. no 905 (Q.L.)). De plus, même si l'appelante prétend avoir toujours agi de bonne foi, n'étant aucunement partie au stratagème orchestré par le groupe Zuniq, ceci ne peut donner lieu à une source de revenu réelle du point de vue de la victime, et l'on ne peut donc conclure que cette dernière exploitait une entreprise véritable par le biais de la société dans laquelle elle avait investi. Le seul fait que la preuve démontre l'existence d'un stratagème orchestré par le groupe Zuniq, et auquel a participé malgré elle l'appelante, est suffisant pour conclure à l'inexistence de quelque entreprise que ce soit (voir Hammill v. Canada, [2005] F.C.J. No. 1197(F.C.A.) (Q.L.)).

[45]     Ceci est suffisant à mon avis pour démontrer que l'appelante n'avait aucunement l'intention de devenir une associée dans ALTA, et qu'elle n'a jamais exploité une entreprise par le biais de cette société. Je conclus plutôt que si elle a décidé d'y investir, c'est principalement dans le but d'investir dans un abri fiscal qui lui avait été conseillé par monsieur Racine.

[46]     L'intimée a également fait ressortir en preuve que toutes les sociétés reliées au groupe Zuniq étaient gérées par le même groupe de personnes et que le but de la création de ces sociétés était d'aller chercher des fonds en faisant miroiter aux investisseurs un retour d'impôt tellement avantageux, qu'ils récupéreraient leur mise de fonds en peu de temps, en bénéficiant de pertes fiscales venant réduire leur impôt personnel, en sus de recevoir un crédit d'impôt. Ces investisseurs faisaient un profit à même les avantages fiscaux qu'ils allaient chercher en investissant dans ces présumées sociétés.

[47]     À mon avis, l'intimée a prouvé de façon prépondérante que les sociétés reliées au groupe Zuniq n'étaient pas des sociétés réelles. Plus particulièrement, elle m'a convaincue que la société ALTA n'avait aucune existence réelle et n'exploitait aucune entreprise.

[48]     Ceci étant dit, pour avoir droit à un crédit d'impôt à l'investissement, aux termes du paragraphe 127(8) de la Loi, l'appelante devait être une contribuable associée d'une société qui présentait des dépenses admissibles aux termes de l'article 37 de la Loi. Des dépenses de recherche scientifique et de développement expérimental seront admissibles si la société exploitait une entreprise au cours de l'année. Vu que je conclus à l'inexistence d'une société réelle qui exploitait une entreprise, l'appelante ne peut sur cette base avoir droit au crédit d'impôt à l'investissement.

[49]     Cette conclusion suffit pour rejeter l'appel. Cependant, même si je m'attarde uniquement à l'argument initial soulevé par le Ministre pour refuser le crédit d'impôt à l'investissement quant à l'admissibilité du projet de recherche en tant que telle, aux termes de l'article 37 de la Loi et de l'article 2900 du Règlement tel qu'applicable, l'appelante ne m'a pas convaincue que le Ministre a erré en jugeant ce projet non admissible. Il semble que les tribunaux ont accepté l'approche préconisée dans la circulaire d'information 86-4R3 pour établir les critères à examiner pour déterminer si un projet de recherche scientifique est admissible. Ainsi cinq critères ont été énoncés dans l'affaire Northwest Hydraulic Consultants Ltd. c. Canada, [1998] A.C.I. no 340 (Q.L.), aux paragraphes 14, 15 et 16, lesquels ont été repris avec approbation par la Cour d'appel fédérale dans C.W. Agencies Inc. c. Canada, [2001] A.C.F. no 1886 (Q.L.) au paragraphe 17.

[50]     Ces critères sont les suivants :

1.      Existait-il un risque ou une incertitude technologique qui ne pouvait être éliminé par les procédures habituelles ou les études techniques courantes?

2.      La personne qui prétend faire de la RS & DE a-t-elle formulé des hypothèses visant expressément à réduire ou à éliminer cette incertitude technologique?

3.      La procédure adoptée était-elle complètement conforme à la discipline de la méthode scientifique, notamment dans la formulation, la vérification et la modification des hypothèses?

4.      Le processus a-t-il abouti à un progrès technologique?

5.      Un compte rendu détaillé des hypothèses vérifiées et des résultats a-t-il été fait au fur et à mesure de l'avancement des travaux?

[51]     Monsieur Papion, le témoin expert de l'intimée, a défini les critères sur lesquels il a fondé son analyse de l'admissibilité des projets en cause, à savoir :

a)        l'avancement de la science ou de la technologie;

b)       l'incertitude scientifique ou technologique;

c)        le contenu scientifique ou technique, consistant à examiner : 1) comment les ressources ont été utilisées, 2) si ces ressources sont raisonnables et 3) s'il y a une documentation adéquate démontrant comment les travaux sont effectués.

[52]     Selon l'avocat de l'intimée, l'analyse de monsieur Papion consistait à déterminer :

a)        quels étaient les objectifs du projet;

b)       quel était l'état de la technologie existante;

c)        y avait-il des faiblesses dans les technologies existantes qui empêchaient de satisfaire ces objectifs?

[53]     Monsieur Papion en est venu à la conclusion qu'il n'y avait aucune évidence, selon toute la documentation soumise, que des travaux de recherche scientifique et de développement expérimental avaient été effectués. Monsieur Papion a mentionné qu'il avait tenté sans succès de rencontrer les experts scientifiques concernés et conséquemment il n'avait donc pu constater personnellement l'existence ou l'avancement des projets. De plus, ces experts scientifiques ne lui ont jamais prouvé par écrit l'état d'avancement des travaux, ou donné une description concrète et réelle de ce qui se faisait. On s'est contenté de lui soumettre des propositions, sans démontrer qu'on avait mis quoi que ce soit en oeuvre pour mettre en application ces propositions.

[54]     Dans aucun des projets, il n'a pu constater quelque difficulté soulevée pouvant laisser voir qu'il y avait une incertitude technologique à résoudre ou un avancement technologique sérieux envisagé. Selon lui, la documentation soumise ne supportait aucunement l'existence d'un programme d'investigation systématique.

[55]     De plus, les dépenses soumises au soutien de la recherche scientifique et du développement expérimental lui sont apparues comme étant outrancièrement exagérées, compte tenu du personnel en place, qui selon ce que monsieur Papion a pu constater, devait travailler sur plusieurs projets, dans différents domaines, en même temps.

[56]     Monsieur Papion a donc conclu qu'il n'existait rien de sérieux qui permettait de démontrer qu'il y avait réellement eu des travaux admissibles effectués.

[57]     Je suis d'accord avec l'avocat de l'intimée que l'appelante n'a pas été en mesure d'apporter une preuve positive, identifiant les incertitudes ou l'avancement du projet soutenu par ALTA. D'ailleurs, toute la preuve apportée sur le stratagème concocté par les dirigeants du groupe Zuniq, démontre que ces sociétés, si elle existaient vraiment, ne pouvaient fonctionner qu'avec 40 à 50 pour cent du montant total des investissements. En partant, cela entache le sérieux de la démarche et jette un doute important sur le montant réel des dépenses englouties dans ces projets.

[58]     À mon avis, l'appelante n'a pu démontrer qu'il y a eu réellement recherche scientifique et développement expérimental dans le projet dans lequel elle a investi. Ceci étant une condition essentielle pour avoir droit à un crédit d'impôt à l'investissement, l'appelante ne peut donc y avoir droit.

[59]     Ces conclusions me dispensent d'analyser l'argument alternatif de l'intimée relié à la fraction à risques de l'associé commanditaire ou assimilé aux termes des paragraphes 127(8.1), (8.2) et (8.5) de la Loi, ou de l'associé déterminé au sens du paragraphe 248(1) de la Loi,quant au calcul du crédit d'impôt à l'investissement.

[60]     Par ailleurs, le fait que l'appelante ait été recotisée seulement en 1992 pour l'année 1988, n'est pas pertinent au présent litige. L'appelante a été recotisée à l'intérieur de la période normale de nouvelle cotisation. De plus, le fait que le Ministre n'ait pas ratifié la cotisation avant que l'appelante finalement ne loge un avis d'appel en 1998 (un délai de six ans s'est écoulé entre le dépôt de l'avis d'opposition et le dépôt de l'avis d'appel), n'est pas non plus un élément que je dois tenir en compte pour juger du bien-fondé de la cotisation sous appel. D'une part, il était loisible à l'appelante de loger un avis d'appel devant notre Cour, dès l'expiration d'un délai de 90 jours suivant la signification de l'avis d'opposition, sans que le Ministre lui ait notifié sa décision, aux termes de l'alinéa 169(1)b) de la Loi. Ainsi, l'appelante aurait pu loger un appel dès l'année 1992 au lieu d'attendre jusqu'en 1998. Par la suite, la décision d'attendre l'issue dans l'affaire McKeown, précitée, avant de procéder à l'audition de l'appel de l'appelante, a été acceptée par ses procureurs de l'époque, ce qui laisse présumer que l'appelante avait donné également son approbation.

[61]     L'appelante doit donc assumer aujourd'hui les longs délais qui se sont écoulés. Pour éviter l'augmentation des intérêts, il lui était loisible, depuis le début, d'affranchir le montant de la cotisation, en attendant l'issue de son appel. Finalement, notre Cour n'a pas juridiction pour annuler une cotisation sur la seule foi des agissements du Ministre (voir Main Rehabilitation Co. c. Canada, [2004] A.C.F. no 2030, 2004 CAF 403 (Q.L.); Hardtke v. Canada, [2005] T.C.J. No. 188, 2005TCC263 (Q.L.)).

[62]     Pour toutes ces raisons, l'appel est rejeté.

Signé à Ottawa, Canada, ce 26e jour d'octobre 2005.

« Lucie Lamarre »

Juge Lamarre


RÉFÉRENCE :                                   2005CCI666

N º DU DOSSIER DE LA COUR :       98-3791(IT)I

INTITULÉ DE LA CAUSE :               Lucette Carpentier et Sa Majesté la Reine

LIEU DE L'AUDIENCE :                    Ottawa (Ontario)

DATES DE L'AUDIENCE :                les 19, 20, 21, 23 et 28 septembre 2005

MOTIFS DE JUGEMENT PAR :        L'honorable juge Lucie Lamarre

DATE DU JUGEMENT :                    le 26 octobre 2005

COMPARUTIONS :

Pour l'appelante :

l'appelante elle-même

Avocats de l'intimée :

Me Pierre Cossette et

Me Philippe Dupuis

AVOCAT INSCRIT AU DOSSIER :

       Pour l'appelante:

                   Nom :                             

                   Étude :

       Pour l'intimée :                             John H. Sims, c.r.

                                                          Sous-procureur général du Canada

                                                          Ottawa, Ontario

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.