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Dossier : 2001-967(GST)G

ENTRE :

BONDFIELD CONSTRUCTION COMPANY (1983) LIMITED,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

____________________________________________________________________

Appel entendu à Toronto (Ontario), les 22, 23 et 24 septembre 2003, les 21 et 22 octobre 2003 et les 23, 24, 25, 26 et 27 février 2004.

Devant : L'honorable juge Diane Campbell

Comparutions :

Avocats de l'appelante :

Mes Timothy Danson et Robert Zigler

Avocats de l'intimée :

Mes Margaret Nott et André LeBlanc

____________________________________________________________________

JUGEMENT

          L'appel de la cotisation établie en application de la partie IX de la Loi sur la taxe d'accise, dont l'avis est daté du 22 décembre 2000 et porte le numéro 582, concernant la période allant du 1er janvier 1991 au 30 novembre 1995, est accueilli et les cotisations sont renvoyées au ministre du Revenu national pour nouvel examen et nouvelles cotisations selon les motifs du jugement ci-joints, compte tenu du fait que la période allant du 1er janvier 1991 au 5 juin 1994 est prescrite et que les pénalités seront annulées. Les crédits de taxe sur les intrants qui ont été demandés à l'égard des frais pour travaux correctifs, dans la mesure où ils ne sont pas prescrits, seront refusés.

          L'avocat de l'appelante aura droit à deux mémoires de frais.

Signé à Ottawa, Canada, ce 18e jour de mai 2005.

« Diane Campbell »

Juge Campbell

Traduction certifiée conforme

ce 21e jour de juin 2006.

Mario Lagacé, jurilinguiste


Référence : 2005CCI78

Date : 20050518

Dossier : 2001-967(GST)G

ENTRE :

BONDFIELD CONSTRUCTION COMPANY (1983) LIMITED,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

MOTIFS DU JUGEMENT

La juge Campbell

[1]      Il s'agit d'un appel d'une nouvelle cotisation concernant la taxe sur les produits et services (la « TPS » ) établie en application de la partie IX de la Loi sur la taxe d'accise, L.R.C. 1985, ch. E-15, dans sa version modifiée (la « Loi » ), pour la période allant du 10 janvier 1991 au 30 novembre 1995.

[2]      Dans un avis de cotisation daté du 5 juin 1998, le ministre du Revenu national (le « ministre » ) a établi comme suit une cotisation à l'égard de l'appelante pour la période en question :

          [traduction]

          Redressements apportés à la TPS/TVH                                               658 547,82 $

          Redressements apportés aux crédits de taxe sur les intrants                  300 433,05              

          Total des redressements pour la période de cotisation                         959 007,87 $[1]

          Pénalité                                                                                               417 560,26

          Intérêts                                                                                                358 564,55

          Autre pénalité [faute lourde]                                                                 232 510,10           

          Montant dû                                                                                       1 967 642,78 $       

[3]      Dans un avis de nouvelle cotisation daté du 22 décembre 2000, le ministre a annulé la pénalité de 232 510,10 $ imposée à l'égard de la faute lourde et a effectué d'autres redressements comme suit :

Période/Period

du 1991/01/10 au 1995/11/30

Montant Reporté

Reported Amount

A

Selon la vérification/ Per Audit

Selon les appels/Per Appeals

Cotisation

Assessed

B

Ajustement

Adjustment

C

Nouvelle cotisation

Reassessed

D=(A+B+C)

Taxe nette-Net tax

543 580,94 $

            959 007,87 $

   217 483,24 $)

1 285 105,57 $

Remboursements-Rebates

0,00

                     0,00

                0,00

                   0,00

Intérêt net au

- Net Interest to : 1998/06/05

          358 564,55

              (77,26)

358 487,29 $

Pénalités au

- Penalties to : 1998/06/05

          650 070,36

     (256 666,16)

393 404,20 $

Remboursement ou Montant dû-

Refund Amount or Amount Owing

         1 967 642,78 $

(474 226,66 $)

1 493 416,12 $

[4]      Pendant l'audience, l'intimée a reconnu que la pénalité et les intérêts prévus par la loi devraient être réduits comme suit (pièce R-2) :

           Pénalité prévue par la loi                                     82 267,10 $

           Intérêts                                                            92 308,99        

           Total                                                                174 576,09 $

[5]      L'appelante conteste la cotisation concernant les pénalités prévues par la loi et le refus du ministre d'accorder les crédits de taxe sur les intrants (les « CTI » ). Les CTI en question se rapportaient à des factures dans lesquelles le montant dû, y compris la TPS, était exigé d'un sous-traitant pour des travaux correctifs. Le montant total des CTI en litige dans ce cas-ci s'élève à 153 648,88 $. L'appelante a également fait valoir que le ministre ne pouvait pas établir de nouvelles cotisations à l'égard des déclarations relatives à la TPS pour la période antérieure au 5 juin 1994 parce qu'il y avait prescription. Si l'appelante avait gain de cause sur ce point, les CTI seraient également en partie prescrits. En d'autres termes, l'appelante conteste le montant au complet des frais pour travaux correctifs qui a donné lieu à une nouvelle cotisation au montant de 153 648,88 $, dont une partie est peut-être prescrite.

[6]      L'appelante n'est pas en désaccord avec la nouvelle cotisation que le ministre a établie à l'égard de la TPS sur la TVP (taxe de vente provinciale), sauf dans la mesure où elle est peut-être en partie prescrite. Selon l'appelante, les montants suivants sont prescrits (pièce A-1, onglet 11) :

           Montant versé en moins au titre de la TPS sur les ventes : 393 662,34 $

           CTI refusés (frais pour travaux correctifs)                             94 777,46 $

La preuve

[7]       L'appelante a cité deux témoins : Ralph Aquino, président et unique actionnaire de l'appelante, et Susan Farina, comptable agréée et associée au sein du cabinet Goldfarb, Shulman, Patel & Co.

[8]       L'intimée a cité quatre témoins : Jin Pyeon, conseiller technique auprès de l'Agence du revenu du Canada (l' « ARC » ); Chander Sudan, comptable agréé et associé au sein des cabinets comptables qui ont conseillé l'appelante; Gail MacNeil, chef d'équipe au sein de l'unité des enquêtes spéciales de l'ARC, et Lisa Kelly, agente des appels.

La preuve de l'appelante

Ralph Aquino

[9]      Ralph Aquino est né en Italie; il est arrivé au Canada en 1961, à l'âge de 18 ans. Il était peu instruit puisqu'il avait uniquement terminé sa cinquième année en Italie. Après s'être installé au Canada, M. Aquino a travaillé dans l'industrie de la construction pendant 13 ans; il a appris le métier, il a acquis de l'expertise dans la lecture des plans architecturaux et il a présenté des soumissions pour de gros projets et des travaux de bétonnage. En 1974, il a ouvert sa propre petite entreprise, qui est maintenant une société qui réalise chaque année des projets d'une valeur d'environ 300 millions de dollars. En 1991, soit l'année au cours de laquelle la TPS a été établie, le chiffre d'affaires de la société appelante s'élevait à environ 100 millions de dollars. À l'heure actuelle, l'appelante compte, à son siège social, 35 employés qui sont chargés de suivre l'évolution des projets et 15 autres employés sur les chantiers de construction. De 1991 à 1995, l'appelante employait 15 personnes dans son bureau et cinq ou six personnes sur les chantiers.

[10]     La société appelante construit des établissements, de gros immeubles comme des écoles, des installations hydroélectriques, des immeubles municipaux et des hôpitaux. L'appelante elle-même exécute les travaux d'excavation et les travaux de bétonnage (ce qui représente environ 20 p. 100 de chaque projet de construction) et elle embauche des sous-traitants pour exécuter le reste des travaux. M. Aquino supervise chacun de ces projets complexes au complet, mais son expertise consiste à visualiser ce qu'un immeuble aura l'air en se fondant sur les documents contenant le plan. En réalisant l'ensemble du projet, il passe la plupart de son temps sur le chantier. Il a expliqué que, pour lui, la journée de travail normale commençait très tôt le matin, qu'il organisait les employés et rencontrait les évaluateurs et le personnel. Il passe le reste de la journée et presque tout son temps sur le chantier. Il a acquis ses connaissances et son expertise dans ce domaine par expérience pratique au cours des 13 premières années où il a travaillé comme employé dans l'industrie.

[11]     M. Aquino n'a reçu aucune formation et ne possède aucune connaissance au sujet des pratiques comptables applicables aux projets de cette envergure. Il a reconnu cette lacune et il a embauché du personnel interne et des comptables externes dès 1976. En 1985, l'appelante a embauché un comptable agréé qui s'appelait Bishwajeet Kar pour agir comme contrôleur de la société. En cette qualité, M. Kar était responsable de toutes les questions comptables et notamment du personnel comptable.

[12]     Au mois de mars 1989, l'appelante a également eu recours au cabinet comptable externe Pannell Kerr MacGillivray pour fournir des états financiers vérifiés. M. Aquino a témoigné que M. Kar avait entendu parler de ce cabinet et qu'il connaissait l'un de ses représentants (M. Sudan) personnellement; il a choisi ce cabinet sur la recommandation de M. Kar. Dans la lettre de mission adressée à l'appelante (pièce A-1, onglet 1), le cabinet énonçait ses fonctions et responsabilités, et ce sur quoi étaient fondés les honoraires qu'il prévoyait exiger. Au début des années 1990, l'appelante a versé chaque année des honoraires de 25 000 à 30 000 $ à ce cabinet comptable externe. M. Kar était la principale relation entre l'appelante et le cabinet comptable externe. Une lettre de mission était envoyée chaque année à l'appelante et M. Kar portait la lettre à l'attention de M. Aquino.

[13]     Le 4 juillet 1990 (avant l'introduction de la TPS, le 1er janvier 1991), Terry Dooley, associé au sein du cabinet comptable externe, a écrit à l'appelante pour l'informer que la taxe proposée aurait des incidences sur les activités de la société en ce qui concerne ses systèmes comptables établis (pièce A-1, onglet 2). M. Dooley a également informé l'appelante que son cabinet comptable était en train de rédiger une liste de contrôle relative à la TPS afin de signaler les questions ou problèmes susceptibles d'être soulevés par cette nouvelle taxe et qu'il transmettait cette liste à la société pour qu'elle l'examine. M. Aquino a témoigné que, sans cette aide professionnelle, il n'aurait absolument pas été en mesure de mettre en oeuvre d'une façon appropriée le nouveau régime de la TPS de façon à permettre à sa société de s'occuper de la taxe. Selon lui, la mise en oeuvre de la nouvelle taxe était [traduction] « [...] très compliquée et un véritable fouillis » (transcription, page 32).

[14]     M. Aquino a déclaré qu'au fil des ans, le contrôleur de la société, M. Kar, [traduction] « [...] avait commencé à faire partie de la famille et du cercle d'amis » (transcription, page 31). En 1994, M. Aquino a confié à M. Kar des responsabilités beaucoup plus lourdes, afin de se libérer et de pouvoir prendre soin de sa femme qui était malade et qui est finalement décédée au mois de décembre de cette année-là. Il ne craignait pas de confier des responsabilités additionnelles à M. Kar, étant donné qu'ils avaient établi des relations étroites au fil des ans. Il a déclaré que rien ne l'amenait à douter de l'expertise, de la compétence ou des conseils de M. Kar ou des comptables externes.

[15]     M. Aquino a témoigné que le fait que la société avait recours à des comptables externes pour superviser son personnel et examiner leurs activités comptables le réconfortait. Il a expliqué que, même s'il avait eu l'instruction voulue pour examiner les méthodes comptables employées à l'égard de la TPS, il devrait néanmoins compter sur ces personnes, étant donné que la tâche à accomplir était trop lourde pour une société qui effectuait la quantité de travail que l'appelante accomplissait (ainsi, au début des années 1990, l'appelante payait chaque mois, en moyenne, un demi-million de dollars au titre de la TPS). M. Aquino a témoigné qu'il n'avait pas engagé un cabinet comptable externe additionnel expressément pour procéder à une vérification de la conformité en matière de TPS, parce qu'il croyait que le cabinet dont il avait retenu les services informerait l'appelante de tout problème y afférent. M. Aquino a ajouté ce qui suit :

[traduction]

[...] Je ne peux pas vous dire ce qu'un comptable devrait faire parce que je l'ignore, mais je peux vous dire que celui qui entre dans mon bureau et qui ne voit pas que je paie suffisamment de TPS ne devrait pas y mettre les pieds.

[...] S'il est nécessaire pour moi d'engager une troisième personne, je le ferai [...] (transcription, page 127)

[16]     Les états vérifiés de la société étaient examinés avec M. Aquino chaque année avant d'être présentés à Revenu Canada. Pendant la période en question, les comptables externes n'ont jamais signalé à M. Aquino que les méthodes utilisées à l'égard de la TPS posaient des problèmes et ils n'ont pas soulevé de préoccupations au sujet des systèmes internes que l'appelante avait en place pour s'occuper de la TPS et la vérifier. De même, le contrôleur de la société, M. Kar, n'a jamais signalé à M. Aquino que les modalités de traitement de la TPS de la société comportaient des lacunes. M. Aquino a également relaté que des vérificateurs de Revenu Canada s'étaient présentés aux locaux de la société trois ou quatre fois entre 1991 et 1995 afin de procéder à des vérifications, mais qu'ils n'avaient jamais indiqué que le traitement de la TPS posait un problème. Selon le témoignage de M. Aquino, le traitement de la TPS par l'appelante a toujours été clairement consigné dans les livres de la société.

[17]     L'exercice de l'appelante prend fin le 31 décembre. Chaque année, au mois de mars, les comptables externes se présentaient au bureau de l'appelante pour procéder à la vérification, qui prenait deux à trois semaines. Les comptables externes examinaient les divers projets de construction en cours et posaient des questions à M. Aquino à ce sujet, par exemple jusqu'à quel point les travaux liés à un projet étaient achevés, et demandaient des renseignements sur le matériel. Au mois de mai, les ébauches des vérifications étaient soumises à l'appelante pour examen. M. Kar examinait ces ébauches avec M. Aquino, étant donné que ce dernier n'avait pas l'expertise voulue pour les examiner personnellement. Au mois de juin, les comptables externes se rendaient encore une fois aux locaux de la société pour examiner les déclarations et les états définitifs avec M. Aquino et M. Kar et pour leur faire savoir quel montant l'appelante devait au titre de la taxe.

[18]     M. Aquino a confirmé qu'au mois de juin, au cours de chacune des années 1990 à 1994, une semaine ou deux avant la date de production et de paiement de la taxe, M. Kar et lui-même rencontraient M. Sudan, le représentant des comptables externes, pour examiner les états financiers vérifiés. M. Sudan n'a jamais discuté des questions liées à la TPS avec M. Aquino et il n'a jamais remis en question la pratique de l'appelante d'établir deux ensembles de factures pour chaque opération, dont un ensemble à l'intention des clients indiquant au titre de la TPS un montant plus élevé que l'ensemble des factures qui étaient conservées à l'interne. M. Aquino a témoigné qu'il ne savait pas, et qu'il n'aurait pas pu savoir, que M. Kar établissait deux ensembles de factures, parce qu'il ne pouvait pas se servir d'un ordinateur pour vérifier les livres. Il ne s'y connaissait pas en matière de tenue de livres et il avait embauché des comptables externes pour procéder à un contrôle additionnel et s'assurer que tout était fait conformément à la loi.

[19]     M. Aquino a témoigné que jamais, au cours de ces réunions ou à quelque autre moment, on n'avait porté de questions ou de problèmes à son attention quant aux modalités de traitement de la TPS par l'appelante. Pendant toutes les années en question, ni les comptables externes ni M. Kar n'avaient signalé que la façon dont l'appelante déclarait la TPS pouvait susciter des difficultés.

[20]     M. Aquino a confirmé qu'il ne demandait pas de renseignements au sujet des états financiers au contrôleur de la société, M. Kar, ou qu'il ne discutait pas de la production des déclarations concernant la TPS, parce qu'avec les études qu'il avait faites, il ne pouvait pas l'aider en matière de comptabilité (transcription, page 92). Si M. Kar posait des questions à M. Aquino au sujet de la production des déclarations, ce dernier lui demandait simplement de s'assurer que cela soit fait d'une façon appropriée et conformément à la loi et il lui disait que, s'il devait employer quelqu'un d'autre pour l'aider, il devait le faire. M. Aquino donnait à M. Kar énormément de latitude pour accomplir son travail lorsqu'il s'agissait de tenir les livres et registres de l'entreprise.

[21]     M. Aquino n'a jamais consulté lui-même la documentation relative à la TPS pour s'assurer que celle-ci était correctement perçue, déclarée et versée ou que les CTI étaient demandés de façon appropriée. Il a déclaré que, même s'il avait eu le temps de revoir l'énorme quantité de documents comptables, il n'aurait pas été en mesure d'examiner et de comprendre le travail des comptables, étant donné qu'il était peu instruit.

[22]     M. Aquino n'a appris que des problèmes se posaient qu'au moment où il a été mis fin à l'emploi de M. Kar, à la fin du mois de novembre 1995, lorsqu'on a attrapé ce dernier pendant qu'il était en train de sortir une boîte de documents du siège social. C'était l'année qui avait suivi celle où la femme de M. Aquino avait été malade et où elle était décédée, soit l'année 1994, pendant laquelle M. Aquino avait délégué des pouvoirs additionnels à M. Kar.

[23]     Grant Dickinson, qui a remplacé M. Kar à la mi-décembre 1995, a découvert les problèmes liés à la production des déclarations concernant la TPS et les a portés à l'attention de M. Aquino à la mi-janvier 1996. M. Aquino lui a demandé de régler ces problèmes immédiatement ce mois-là. Il a déclaré qu'il était [traduction] « [...] vraiment estomaqué, compte tenu de toutes ces personnes qui [l']entouraient » (transcription, page 44), qu'aucune d'elles l'ait informé qu'il pouvait y avoir un problème. En plus des problèmes liés à la production des déclarations relatives à la TPS, M. Dickinson a informé M. Aquino que les dossiers de l'entreprise révélaient que M. Kar avait frustré l'appelante d'un montant de 940 000 $. Sur les conseils de son avocat, l'appelante a engagé un cabinet spécialisé en comptabilité judiciaire pour mener une enquête. Le rapport d'enquête, qui a coûté à l'appelante une somme additionnelle de 150 000 $ (pièce A-2), a en fin de compte entraîné le prononcé d'une déclaration de culpabilité à l'encontre de M. Kar par suite de la fraude commise contre l'appelante; toutefois, aucune somme n'a été restituée à l'appelante.

[24]     Le 5 juin 1998, l'appelante a fait l'objet d'une nouvelle cotisation d'un montant de 1 967 642,78 $ et, le 19 juin 1998, elle a émis un chèque en paiement. M. Aquino a presque perdu sa société, mais il a témoigné qu'il avait demandé que ce montant soit payé immédiatement, au moment où la nouvelle cotisation avait été établie, parce qu'il ne voulait plus avoir d'autres problèmes.

[25]     L'appelante a par la suite remplacé ses comptables externes, en s'adressant initialement au cabinet comptable Ernst & Young et, en fin de compte, au cabinet Goldfarb, Shulman, Patel & Co.


Le témoignage de Susan Farina

[26]     SusanFarina est associée au sein du cabinet Goldfarb, Shulman, Patel & Co., les comptables externes actuels de l'appelante. Elle a témoigné que son cabinet prépare les déclarations de l'appelante et fournit à celle-ci des états financiers vérifiés ainsi que des services de conseil. Dans le cadre de la procédure de vérification, le cabinet examine si le client se conforme aux dispositions concernant la TPS en vue de s'assurer que les états financiers ne comportent aucune inexactitude importante.

[27]     Mme Farina a expliqué qu'un comptable pouvait être employé pour préparer les états financiers à trois niveaux différents. Le niveau de participation le plus élevé (et le plus coûteux) est celui où les services du comptable sont retenus à titre de vérificateur. À ce niveau, le vérificateur

[traduction]

[...] examine la preuve sous-tendant les montants inscrits dans les états financiers, ainsi que les informations figurant dans les notes accompagnant les états financiers. Le vérificateur examine si les principes comptables employés sont appropriés ainsi que la présentation générale des états financiers. À la fin de la mission, à supposer qu'il n'ait aucune réserve à faire, le vérificateur fait savoir qu'à son avis, les états financiers, sur tous les points importants, ne comportent aucune inexactitude et qu'ils sont conformes aux principes comptables généralement reconnus. (Transcription, page 151.)

À l'heure actuelle, le cabinet de Mme Farina fournit ses services à l'appelante au niveau le plus élevé. De même, pendant la période visée par l'appel, le cabinet comptable externe (Pannell Kerr MacGillivray) a été désigné par l'appelante pour procéder à une vérification complète. Un grand nombre de sociétés de la taille de celle de l'appelante utilisent ce niveau de vérification, mais de nombreuses autres utilisent le deuxième niveau de mission le plus élevé (le niveau d'examen), alors que d'autres utilisent le niveau le moins élevé.

[28]     Mme Farina a expliqué les mesures que son cabinet prenait à l'égard de la TPS lorsque ses services sont retenus au niveau le plus élevé. Afin d'assurer que les systèmes appropriés soient en place et qu'il y ait conformité, un questionnaire doit être rempli. Ce questionnaire porte sur des points précis, qui pourraient susciter des problèmes, et identifie sur une base mensuelle les chiffres mentionnés dans les déclarations concernant la TPS, en particulier quant aux ventes, à la TPS perçue et aux montants déclarés pour les CTI. Le chiffre d'affaires global, tel qu'il est indiqué dans les déclarations relatives à la TPS, est ensuite comparé à celui inscrit dans les documents de l'entreprise et, au besoin, des redressements sont effectués. Mme Farina a expliqué que ces types d'activités ne sont pas expressément expliqués dans la lettre de mission aux fins de la vérification qui est envoyée aux clients. La lettre mentionne plutôt simplement que, lorsqu'il demandera des renseignements, le cabinet aura accès aux dossiers et au personnel du client. Mme Farina a déclaré que, pendant la période pertinente, l'appelante comptait à peu près le même nombre d'employés qu'à l'heure actuelle au sein du service de la comptabilité.

[29]     Mme Farina a énoncé les mesures que l'appelante prenait pour s'assurer qu'elle se conformait à la loi en exploitant son entreprise. Premièrement, l'appelante emploie un contrôleur pour superviser le personnel comptable interne et pour surveiller toutes les activités comptables, y compris la production des déclarations mensuelles relatives à la TPS. Le contrôleur assure la liaison entre l'appelante et les vérificateurs externes et il est la principale relation au sein de la société pendant la procédure de vérification. À sa connaissance, M. Kar, qui était contrôleur de la société pendant la période pertinente, avait une formation et une expérience dans cette industrie qui étaient comparables à celles des personnes embauchées par l'appelante après son congédiement. En second lieu, l'appelante utilisait un logiciel comptable de premier ordre et employait les mêmes méthodes comptables que les entreprises générales similaires. Ce système et les méthodes employées par l'appelante étaient, comme Mme Farina l'a dit :

[traduction]

[...] destinés à s'assurer que tous les renseignements pertinents aux fins du calcul et de la conformité aux règles relatives à la TPS sont consignés dans les livres et registres de la société. (Transcription, page 165.)

Enfin, la société a engagé des vérificateurs externes réputés pour s'assurer encore plus que les activités comptables internes étaient accomplies de façon appropriée.

[30]     De plus, Mme Farina a dit que l'appelante avait toujours coopéré et qu'elle avait toujours bien accueilli les suggestions qui lui étaient faites en ce qui concerne les changements à apporter à son système. Mme Farina a signalé que certains des changements que son cabinet avait recommandés, lorsqu'il a commencé à s'occuper du compte, avaient coûté encore plus d'argent à l'appelante pour leur mise en oeuvre.

[31]     Mme Farina a examiné les chiffres figurant dans la cotisation du 8 juin 1998 et les redressements apportés dans la nouvelle cotisation du 22 décembre 2000 (pièce A-1, onglet 9 - feuilles de travail de l'ARC aux fins de la nouvelle cotisation). En plus des pénalités et des intérêts, Mme Farina a constaté que le problème se rapportait au traitement de la TPS, lorsque des « frais pour travaux correctifs » étaient exigés, ainsi qu'au calcul de la TPS sur la TVP.

[32]     Mme Farina a indiqué la méthode qui suscitait des problèmes sur le plan de la TPS, en ce qui concerne les frais pour travaux correctifs. Dans un projet donné, l'appelante embauchait des sous-traitants pour exécuter environ 80 p. 100 des travaux. Or, le travail d'un sous-traitant n'était parfois pas satisfaisant. Si ce sous-traitant ne pouvait pas ou ne voulait pas remédier à la situation, l'appelante engageait un second sous-traitant pour y remédier et ce second sous-traitant facturait l'appelante. Mme Farina a cité l'exemple d'un sous-traitant spécialisé dans l'installation de panneaux muraux secs qui endommage les travaux d'électricité : étant donné que ce sous-traitant n'a aucune expertise dans le domaine de l'électricité, on a recours à un second entrepreneur en électricité pour effectuer les réparations. En pareil cas, l'appelante avait l'habitude de demander des CTI sur le montant payable au premier sous-traitant qui a installé les panneaux muraux ainsi que sur celui payable au second sous-traitant qui a exécuté les travaux correctifs d'électricité.

[33]     Le service de la comptabilité de l'appelante inscrivait ensuite des « frais pour travaux correctifs » dans le grand livre auxiliaire qui était tenu pour le premier sous-traitant, ces frais correspondant au montant de la facture (y compris la TPS). Les frais pour travaux correctifs entraînaient une réduction du montant que l'appelante devait verser au premier sous-traitant. Le service de la comptabilité transmettait ensuite la facture, accompagnée d'une lettre, au premier sous-traitant. Cette lettre avisait le sous-traitant des frais pour travaux correctifs et lui demandait d'émettre une note de crédit correspondant au montant de la facture (y compris la TPS).

[34]     Le premier sous-traitant pouvait contester les frais pour travaux correctifs ou les accepter. S'il les contestait avec succès, ces frais étaient annulés, l'appelante continuait à être responsable du paiement de la facture et aucune question de TPS ne se posait lorsque l'appelante demandait des CTI sur cette facture. C'est lorsque le premier sous-traitant acceptait les frais pour travaux correctifs que la question de la TPS se posait. Mme Farina a cité comme exemple la pièce A-1, onglet 15, et elle a expliqué ainsi le procédé adopté par l'appelante :

[traduction]

          L'exemple, à l'onglet 15, est un cas où il y avait des frais pour travaux correctifs qui n'avaient pas été annulés. Selon la méthode à suivre, le directeur de projet demandait alors au service de la comptabilité de préparer la notification relative aux frais pour travaux correctifs. Le directeur de projet signait cette notification. Le service de la comptabilité assignait un numéro aux frais pour travaux correctifs, lequel était habituellement précédé de la mention F.T.C. pour indiquer ces frais, et ensuite, avant d'envoyer la notification au sous-traitant, le service de la comptabilité inscrivait les frais pour travaux correctifs dans le grand livre auxiliaire sous le nom du sous-traitant en cause.

          Le grand livre auxiliaire est le document figurant dans les livres et registres de Bondfield qui fait le suivi à l'égard du contrat conclu avec le sous-traitant. Le montant global du contrat est au départ indiqué. Les sommes payées sur le montant du contrat sont comptabilisées. Dans une section distincte, on comptabilise le montant des frais pour travaux correctifs et ensuite le montant total qu'il reste à payer en vertu du contrat. (Transcription, page 186.)

[35]     En examinant les feuilles de travail se rapportant à la vérification ainsi que les autres documents de l'entreprise, Mme Farina n'a rien trouvé qui donne à penser qu'un sous-traitant ait remis une note de crédit pour des frais pour travaux correctifs; et, mise à part la lettre de notification, il n'y avait pas d'autre document qui était censé constituer une note de débit. Dans l'avis de décision du 22 décembre 2000 (pièce A-1, onglet 7), ces lettres de notification étaient désignées à titre de notes de débit, mais Mme Farina a témoigné qu'il ne s'agissait pas de notes de débit, et ce, pour plusieurs raisons. Premièrement, les lettres indiquaient clairement qu'il s'agissait simplement d'une demande visant à permettre d'entamer des discussions au sujet des frais pour travaux correctifs. Mme Farina a fait remarquer qu'il ressortait clairement du document que l'appelante était prête à discuter de la notification des frais pour travaux correctifs et peut-être même à l'annuler. Deuxièmement, les documents étaient rédigés sous forme de lettre et n'étaient pas désignés comme étant des notes de débit. Selon les principes comptables généraux, Mme Farina ne pouvait pas considérer ces lettres de notification comme des notes de débit aux fins de la TPS. Enfin, pour être considérée comme une note de débit, permettant à l'acquéreur et au fournisseur de redresser la TPS conformément au paragraphe 232(3) de la Loi, la lettre doit contenir certains renseignements réglementaires; or, ces lettres ne contenaient pas ces renseignements.

[36]     Mme Farina a examiné la seconde question qui se posait au sujet du calcul de la TPS sur la TVP. Pour qu'il soit possible de mieux comprendre la question, elle a donné un aperçu de la façon dont les demandes de paiement étaient générées dans l'industrie de la construction. Un entrepreneur tel que l'appelante ne produit pas la facture. Les factures sont plutôt produites par l'architecte ou par l'ingénieur pour le client. Le processus est entamé lorsque l'entrepreneur général (l'appelante, dans ce cas-ci) envoie, le dernier jour de chaque mois, une demande de paiement ou de facturation au prorata des travaux à l'architecte ou à l'ingénieur du client. L'architecte ou l'ingénieur inspecte les travaux et, s'il est satisfait, il prépare un certificat provisoire (le certificat de paiement) indiquant le montant approuvé aux fins de la facturation. La demande de paiement et le certificat provisoire (le certificat de paiement) incluent la TPS sur le prix global du contrat pour le mois en cause. Le prix du contrat comprend les montants payés pour la main-d'oeuvre et pour les matériaux de construction. Étant donné que les matériaux de construction auraient été assujettis à la TVP, la TPS était exigée sur un montant inhérent à la TVP, puisqu'elle était exigée sur le prix global du contrat.

[37]     Le contrôleur de l'appelante, M. Kar, a élaboré un calcul ou une formule permettant de redresser la TPS en pareil cas. Il estimait qu'environ 37 p. 100 des recettes générées par le contrat se rapportaient aux matériaux de construction et que ces 37 p. 100 comprenaient la TVP. Le service de la comptabilité divisait le montant correspondant à 37 p. 100 par 1,08 (pour arriver au coût avant la TVP) et multipliait ensuite le quotient par 8 p. 100 afin de calculer le montant de la TVP applicable aux matériaux de construction. Par suite de l'application de cette formule, 2,7407 p. 100 de toutes les recettes étaient présumées représenter la TVP sur les matériaux. L'exemple suivant illustre bien la chose :

Recettes générées par le contrat avant la TPS : 10 000 $

Montant censément lié aux matériaux de construction (10 000 $ x 37 %) : 3 700 $

Coût des matériaux de construction avant la TVP (3 700 $ ÷ 1,08) : 3 425,93 $

TVP sur les matériaux de construction (3 425,90 $ x 8 %) : 274,07 $

[38]     Pendant la période en question, l'appelante utilisait cette formule pour réduire le montant de la TPS perçue. M. Kar a pris la position selon laquelle la TPS calculée sur le montant de la TVP n'avait pas à être versée. Cette formule a été utilisée entre le 1er janvier 1991 et le 30 novembre 1995; on a cessé de l'appliquer au mois de décembre 1995, très peu de temps après que M. Kar eut quitté son emploi auprès de l'appelante.

[39]     Le service de la comptabilité de l'appelante supprimait la TPS sur la TVP en produisant une feuille de travail pour chaque facture établie au prorata des travaux. Les originaux de ces feuilles de travail étaient annexés à chaque déclaration relative à la TPS pour le mois en question. Mme Farina a fait une distinction entre ces feuilles de travail et les factures. Une facture devait contenir des renseignements sur l'adresse du client, mais les feuilles de travail ne contenaient pas ces renseignements; et dans les factures, il fallait ajouter la TVP et la TPS au montant des ventes, mais on utilisait la TVP dans les feuilles de travail pour réduire le montant des ventes et les montants représentant la TPS. On utilisait ces feuilles de travail pour calculer la réduction de la TPS de l'appelante, de sorte que la TPS était versée en partie seulement.

[40]     De l'avis de Mme Farina, la méthode employée dans ces feuilles de travail était transparente et évidente. Mme Farina s'est reportée à un registre de factures (pièce R-1, onglet 5) pour le mois de décembre 1993, dans lequel l'appelante résumait les montants facturés au prorata des travaux pour un mois particulier, en énonçant le montant des ventes, le montant de la retenue, le montant de la TPS et le montant net des comptes débiteurs. Le montant de la TPS sur chaque certificat provisoire était toujours différent du montant de la TPS inscrit dans le registre des ventes. Selon Mme Farina, cette méthode, qui avait chaque fois été employée, était transparente et évidente, et ce, pour les raisons suivantes :

[traduction]

[...] la facture, dans le cas d'un entrepreneur général, est le certificat qui est délivré par l'architecte ou par l'ingénieur du client. Chaque montant facturé dans ces certificats provisoires indique un montant différent du montant afférent à la TPS qui est indiqué dans le registre des factures. Si quelqu'un essayait de dissimuler la méthode de comptabilisation de la TPS, l'autre méthode de comptabilisation aurait consisté à enregistrer tous les montants facturés au titre des ventes selon le certificat de l'architecte ou de l'ingénieur, à préparer une feuille de travail pour tous les montants facturés pour le mois en question et à procéder à un redressement à l'égard de la TPS sur la TVP dans toutes les factures, de sorte que toute personne procédant à une vérification par échantillonnage d'un ou de plusieurs certificats provisoires serait en mesure de les trouver dans le registre des factures, et ce, sans exception. (Transcription, page 207.)

Et à la page 208 de la transcription, Mme Farina dit ce qui suit :

[traduction]

[...] par conséquent, toute personne qui consulte le registre des factures et qui procède à un test de vraisemblance fort simple remarquerait immédiatement que la TPS ne correspond pas à 7 p. 100 du montant des ventes, moins le montant de la retenue, comme on s'y attendrait.

[...] si une tentative de dissimulation était faite, le redressement dont nous avons fait mention aurait pu ne pas être enregistré en tant que recette additionnelle, mais être plutôt inscrit dans un compte de passif et il n'aurait tout simplement pas été payé.

[41]     Mme Farina s'est reportée à la pièce A-1, onglet 12, qui contenait les sommaires de chaque déclaration relative à la TPS, pour chaque mois, produite par l'appelante, pendant toute la période de la vérification. Ces sommaires montraient que les montants déclarés à l'égard des ventes et autres recettes correspondaient aux montants inscrits dans le registre des ventes de l'appelante, sauf pour les montants relatifs à la TPS. Le registre des ventes aurait indiqué des montants moins élevés, d'environ 2,7407 p. 100, par suite de l'application de la formule, par opposition à une simple déduction de 7 p. 100 sur le montant des ventes.

[42]     Mme Farina a examiné les feuilles de travail de vérification préparées par le cabinet comptable externe pour les années 1991, 1992, 1993 et 1994 (pièce A-3). En examinant le processus de vérification utilisé chaque année, Mme Farina a confirmé que les méthodes employées étaient fondamentalement les mêmes que celles que son cabinet utilise à l'heure actuelle pour le compte de l'appelante. De plus, elle a examiné le test de vraisemblance effectué dans ces feuilles de travail à l'égard de la déclaration relative à la TPS, la liste de contrôle provisoire dressée dans le cadre de l'examen de vérification, destinée à faciliter la vérification, et la lettre de recommandations préparée à la fin d'une vérification. L'avocat a référé Mme Farina à une note manuscrite rédigée par le service de la comptabilité de l'appelante (partie de la pièce A-3, onglet 2) en date du 31 décembre 1992. Dans cette note, il était fait mention de la réduction de 2,7407 p. 100 concernant la TPS ainsi que du fait que la TVP représentait environ 37 p. 100 du montant global du contrat. Ces notes étaient chaque année accompagnées de feuilles de travail de l'appelante indiquant le chiffre des ventes totales et la façon dont la formule était utilisée pour réduire le montant de la taxe. Mme Farina a témoigné que, si l'information contenue dans ces notes et dans les documents (qui indiquaient un traitement erroné de la TPS) la préoccupaient, il y avait des procédures qu'elle pouvait suivre pour régler la question pendant la vérification effectuée pour l'appelante, en particulier si la chose comportait d'importantes incidences fiscales.

[43]     L'avocat a également examiné, avec Mme Farina, la note concernant les questions importantes et les listes de contrôle provisoires dressées dans le cadre de l'examen de vérification par le cabinet comptable externe, mais il n'était fait mention dans aucun de ces documents de l'utilisation de la formule concernant la TPS sur la TVP ou du traitement de la TPS. Dans le sommaire des rapports de vérification du cabinet figurait le mot [traduction] « faible » en ce qui concerne les impôts indirects, ce qui voulait dire, selon Mme Farina, que les vérificateurs externes considéraient le risque comme peu élevé dans le cas de ce client particulier, pour ce qui est du traitement de la taxe.

[44]     Mme Farina a fait remarquer que, dans les notes des vérificateurs, il était expressément fait mention de la formule élaborée par M. Kar avec une note libellée comme suit : [traduction] « Le client perçoit la TPS sur la TVP, mais il ne la verse pas » ; néanmoins, aucun problème lié à la TPS n'était mentionné dans la liste de contrôle de 1993. Selon une note manuscrite datée du 30 décembre 1993, trois questions devaient être examinées avec M. Aquino. Les deux premières questions n'avaient rien à voir avec la TPS. La troisième question avait trait à la TPS, mais elle se rapportait simplement à une déduction pour la TPS que l'appelante avait effectuée sur le coût total d'un véhicule, laquelle dépassait le plafond admissible. Dans cette note manuscrite, aucune autre question liée à la TPS, en particulier la question de la TPS sur la TVP, n'était signalée; pourtant, Mme Farina a fait remarquer que les vérificateurs estimaient que la question du véhicule était suffisamment importante pour être désignée comme question à examiner avec M. Aquino et à laquelle il fallait remédier.

[45]     En 1993, les feuilles de travail étaient semblables à celles de l'année 1992. On utilisait encore une fois un test de vraisemblance, en comparant la TPS perçue, en multipliant les recettes totales par 7 p. 100 et en comparant ce chiffre au montant de la TPS inscrit dans les documents du client. En 1993, on a indiqué que la différence était [traduction] « plus que négligeable » .

[46]     Quant à la période de déclaration de 1994, il n'était toujours pas fait mention de problèmes liés à la TPS dans la liste de contrôle établie à la fin de l'exercice dans le cadre de l'examen de vérification. Dans ses notes manuscrites, le vérificateur signalait cinq points, sous les rubriques : [traduction] « Points à examiner avec M. Kar » , mais aucun ne se rapportait à la TPS. Il semble que l'on ait mentionné pour la première fois dans la note concernant les questions importantes relatives à l'année 1994 que deux ensembles de documents étaient établis à l'égard de la TPS, l'un pour la TPS que les clients devaient payer et l'autre pour la TPS perçue sur les ventes. À la fin de ce document, des notes avaient été rédigées à la main et il était notamment fait mention de discussions qui avaient eu lieu avec M. Kar et avec M. Aquino lors de la réunion du mois de juin 1995.

[47]     Pendant le contre-interrogatoire, Mme Farina a convenu que le test de vraisemblance était une liste dans laquelle on étudiait les chiffres, dont la TPS, en vue de savoir s'ils semblaient raisonnables. Toutefois, il ne s'agit pas d'un examen détaillé. Mme Farina a également confirmé que les trois différents niveaux d'examen comptable, dont elle avait fait mention lors de l'interrogatoire principal, se rapportaient aux états financiers et non aux déclarations relatives à la TPS qui étaient produites. Mme Farina a déclaré que, sur le plan de la vérification, son cabinet cherchait à s'assurer que les états financiers ne comportaient aucune inexactitude importante et qu'ils représentaient à peu près la situation financière et les activités de la société.

[48]     Lorsqu'elle a été contre-interrogée de nouveau, Mme Farina a confirmé qu'elle était arrivée à ses conclusions, au sujet de la mise au point et de l'utilisation par M. Kar de la formule relative à la TPS sur la TVP, en se fondant sur les notes du personnel chargé de la vérification à l'ARC, sur les feuilles de travail du vérificateur externe et sur les conversations qu'elle avait eues avec le contrôleur actuel de l'appelante. Elle a souscrit à l'avis de l'avocat de l'intimée selon lequel ses conclusions étaient fondées sur les déductions qu'elle avait faites après avoir étudié ces diverses sources, plutôt que sur une connaissance réelle parce que, pendant la période en question, elle n'agissait pas à titre de vérificatrice externe de l'appelante. Mme Farina a également convenu que, pendant la période en question, elle n'était pas membre du cabinet comptable externe de l'appelante dont les services avaient été retenus et que, cela étant, elle n'avait pas réellement eu connaissance de la préparation par ce cabinet des feuilles de travail qu'elle avait examinées pendant l'interrogatoire principal.

[49]     L'avocat de l'intimée a également examiné la conclusion que Mme Farina avait tirée selon laquelle la TPS avait été enregistrée par l'appelante d'une façon transparente et évidente. Mme Farina a confirmé que le chiffre des ventes indiqué dans les déclarations relatives à la TPS correspondait au chiffre figurant dans le journal des ventes et qu'on n'avait effectué aucun redressement en vue de tenter de dissimuler le fait que les ventes étaient en partie calculées à l'aide de la formule de M. Kar. Mme Farina n'était pas d'accord avec l'avocat de l'intimée pour dire que la méthode employée était transparente et évidente uniquement si l'on avait accès aux deux ensembles de documents parce que, à première vue, la déclaration relative à la TPS n'indiquait pas que la TPS facturée était légèrement supérieure au montant indiqué dans la déclaration. Mme Farina a déclaré qu'à son avis, la méthode était transparente et évidente, parce qu'on n'avait pas tenté de changer les renseignements se rapportant aux ventes déclarées. Mme Farina n'était pas non plus d'accord avec l'avocat de l'intimée lorsqu'il disait que, pour établir que le montant déclaré au titre de la TPS était légèrement inférieur, il fallait consulter les documents de base et les dossiers internes. Mme Farina a déclaré que si l'on soustrayait le montant de la retenue du chiffre des ventes et si l'on multipliait par 7 p. 100 le montant obtenu, le résultat serait de toute évidence plus élevé que le montant inscrit dans la déclaration.

La preuve de l'intimée

Le témoignage de Jin Pyeon

[50]     M. Pyeon était un vérificateur qui était responsable de gros dossiers en matière de TPS pendant la période visée par l'appel. Il a pris en charge le dossier de l'appelante en 1996, en mettant uniquement l'accent sur la question des CTI. M. Pyeon a expliqué que, lorsqu'elle avait recours à un second sous-traitant pour corriger un travail non satisfaisant, l'appelante n'effectuait pas de redressement pour la TPS remboursée sur le premier contrat pour le travail accompli ou sur le contrat exécuté par le second sous-traitant pour remédier à la situation. Il a conclu que l'appelante avait demandé en trop des CTI à l'égard du remboursement de la TPS en sa faveur. M. Pyeon a étudié les documents (pièce R-1) se rapportant aux frais pour travaux correctifs, lesquels lui ont permis de constater que les CTI étaient demandés pour toute la TPS exigée par les deux sous-traitants. Il a expliqué qu'il avait étudié les grands livres des sous-traitants ainsi que d'autres documents comme le journal des achats, le grand livre général concernant le compte de TPS et le journal des sorties de fonds.

[51]     En ce qui concerne le fait que l'appelante avait fait l'objet d'une cotisation après l'expiration du délai de prescription prévu par la loi pour la période allant du 1er janvier 1991 au 5 juin 1994, M. Pyeon a expliqué pourquoi l'ARC avait conclu que l'appelante avait fait une présentation erronée des faits au sujet des frais pour travaux correctifs. En arrivant à cette conclusion, il avait tenu compte de divers facteurs circonstanciels, notamment du fait que l'appelante avait employé un comptable de profession, que le système comptable était suffisamment sophistiqué pour qu'il soit possible de repérer presque toutes les nombreuses opérations, que le rapport comptable renseignait tous les employés de la société sur ce qui se passait au sein de la société, que l'appelante avait recours à des comptables externes, que le montant en cause était élevé et que l'appelante était remboursée des montants (y compris la TPS) dus aux sous-traitants qui effectuaient les réparations.

[52]     Pendant le contre-interrogatoire, M. Pyeon a admis qu'il était prudent pour l'appelante d'employer ce personnel technique, que le personnel comptable de l'appelante était en fait composé de gens très qualifiés, qui étaient suffisamment nombreux pour une société de cette taille, que la société possédait un système informatique de premier ordre pendant toute la période de vérification, que l'appelante avait également eu recours à des comptables externes pour préparer des états financiers vérifiés et que, pour la plupart, comme on le faisait remarquer dans une note de service figurant dans les feuilles de travail, les représentants de l'appelante s'étaient montrés coopératifs. M. Pyeon croyait qu'il était raisonnable et prudent pour l'appelante de s'en remettre à son cabinet comptable. Il convenait également qu'il y avait une continuité dans les méthodes que l'appelante employait pour traiter les CTI et qu'on ne cherchait pas à donner à penser, dans les dossiers, que les CTI avaient été redressés. Lorsqu'il a été interrogé de nouveau, M. Pyeon a convenu que l'appelante avait fait l'objet d'une cotisation à l'égard des frais pour travaux correctifs au motif qu'elle n'avait pas redressé la TPS de façon appropriée. Lorsqu'on lui a demandé si cette décision était fondée sur l'article 232 de la Loi, voici ce que M. Pyeon a répondu :

[traduction]

Nous ne nous sommes pas fondés sur l'article 232. Nous nous sommes fondés sur l'article 169, le droit aux CTI, non sur l'article 232, mais sur l'article 169 [...] (Transcription, page 441.)

M. Pyeon a reconnu que l'article 232 traite de la remise de notes de débit, mais il a affirmé ne pas avoir utilisé l'article 232 pour établir la cotisation de l'appelante. Il ne savait pas si la nouvelle cotisation du mois de décembre 2000 était fondée sur l'article 232. M. Pyeon a souscrit à la thèse que l'avocat avait avancée pendant le contre-interrogatoire, à savoir que la personne qui estime légitimement que c'est l'article 232 qui s'applique, plutôt qu'une autre disposition de la Loi, ne fait pas de présentation erronée des faits.

[53]     Il y a trois types de vérifications qui s'appliquent aux déclarations à solde créditeur, mais M. Pyeon a affirmé que, pour les vérifications dans le cadre desquelles les vérificateurs se présentent aux locaux du contribuable, comme c'était le cas ici, il s'attendrait à ce que les vérificateurs examinent les CTI et, ce faisant, à ce qu'ils examinent les frais pour travaux correctifs. Il ne savait pas si l'ARC avait procédé à plusieurs vérifications de ce genre à l'égard de l'appelante avant 1996. M. Pyeon a également admis qu'il ne s'attendrait pas à ce que le président d'une société de la taille de celle de l'appelante s'occupe des [traduction] « menus détails » , comme il les a appelés (transcription, page 456), des opérations.

Le témoignage de Chander Sudan

[54]     M. Sudan est à l'heure actuelle associé au sein du cabinet comptable Martyn, Dooley et associés ( « Martyn, Dooley » ). Il travaillait au cabinet Pannell Kerr MacGillivray en 1987 ou en 1988, lorsque l'appelante a retenu les services de ce cabinet à titre de comptables externes. Pannell Kerr MacGillivray a fusionné avec Doane Raymond (pour devenir Doane Raymond Pannell) et, par la suite, avec Martyn, Dooley. Pendant toute la période où ces changements ont eu lieu, l'appelante a continué à être leur cliente et à retenir leurs services pour vérifier les états financiers de la société. M. Sudan a reconnu que l'appelante avait cessé d'avoir recours à Martyn, Dooley au début de l'année 1996. M. Sudan travaillait au service de l'impôt sur le revenu du cabinet et agissait à titre d'associé contact. Chaque année, il apportait les états financiers et les documents d'accompagnement au bureau de l'appelante pour en discuter avec M. Kar et avec M. Aquino. Un peu plus tard, il faisait signer les déclarations de revenu. La principale relation au bureau de l'appelante était M. Kar. M. Kar était toujours présent aux réunions auxquelles assistait M. Aquino et parfois M. Sudan rencontrait également M. Kar seul.

[55]     M. Sudan ne savait pas si son cabinet avait donné des conseils à l'appelante au sujet de la TPS. Il ne savait pas si l'appelante avait demandé à son cabinet de procéder à une vérification de la conformité à l'égard de la TPS, mais il a relaté que l'appelante avait demandé qu'on lui donne un prix pour une vérification interne en 1994. Toutefois, cela n'a jamais été fait. M. Sudan croyait que cette demande de vérification avait été faite lors de la réunion qui avait eu lieu au sujet de l'année de déclaration 1993, au mois de juin 1994, après que Martyn, Dooley eut signalé à M. Aquino que la TPS relative à un véhicule avait été déduite d'une façon inappropriée.

[56]     M. Sudan n'a pas procédé à la vérification de l'appelante elle-même. C'est plutôt la gestionnaire de la vérification du cabinet qui était responsable du dossier de l'appelante, Karen Prapavessis, qui l'avait effectuée. Après que Mme Prapavessis eut produit chaque année les feuilles de travail de vérification, ces documents étaient révisés par l'associé du cabinet qui était responsable de la vérification, Terry Dooley. M. Sudan n'avait jamais personnellement examiné ces feuilles de travail, mais en sa qualité d'associé contact représentant son cabinet, il rencontrait toujours MM. Kar et Aquino pendant la dernière semaine du mois de juin afin d'examiner les déclarations et les états définitifs. Il apportait aux bureaux de l'appelante tous les dossiers de vérification, y compris les feuilles de travail, les états financiers et les déclarations de la société. Même si M. Sudan n'avait jamais examiné les feuilles de travail, il les apportait à ces réunions, de façon à pouvoir s'y reporter, si on lui posait une question. Parmi les feuilles de travail, il y avait tous les documents connexes, comme la liste de contrôle de la mission et la note concernant les questions importantes. Les seuls documents qu'il examinait réellement étaient la note concernant les questions importantes ainsi que les états financiers, de façon à pouvoir en discuter avec MM. Kar et Aquino. Pendant le contre-interrogatoire, M. Sudan a précisé qu'il apportait les feuilles de travail du cabinet lorsqu'il rencontrait MM. Kar et Aquino pour être en mesure de donner des renseignements au client au sujet des états financiers, mais que lors de ces réunions, il n'examinait pas la liste de contrôle de la vérification avec le client.

[57]     M. Sudan a déclaré que, même s'il agissait à titre de relation pour son cabinet, il ne se renseignait pas sur les questions relatives à la TPS. Il a signalé qu'il y avait au cabinet un service distinct responsable de la TPS auquel il s'en remettait. Il a souscrit à l'avis de l'avocat de l'appelante, lorsque celui-ci a affirmé qu'il ne s'y connaissait pas beaucoup en matière de TPS.

[58]     Pendant le contre-interrogatoire, l'avocat de l'appelante a examiné avec M. Sudan les feuilles de travail du cabinet se rapportant à chaque exercice en vue d'établir si le cabinet se posait des questions au sujet de la façon dont l'appelante calculait la TPS après avoir enlevé la TVP. M. Sudan a reconnu que, dans les feuilles de travail, il était fait mention du fait que l'appelante utilisait une formule pour enlever la TVP avant de calculer la TPS, mais il a d'une façon générale répondu qu'il n'avait pas examiné ces documents et qu'il n'avait eu connaissance de la question relative à la TPS qu'au mois de juin 1995. Il a confirmé qu'à moins qu'un problème ne soit soulevé dans la note concernant les questions importantes, il n'en parlait pas à M. Kar ou à M. Aquino. M. Sudan a convenu que, dans aucune des notes concernant les questions importantes, au cours des années ayant précédé l'année 1994, on avait soulevé un problème ou fait mention d'un problème au sujet de la formulation de la TPS, même si, dans leurs feuilles de travail, les comptables décrivaient le système selon lequel la TPS était calculée après avoir enlevé la TVP, le calcul étant en fait fondé sur la formule.

[59]     Les feuilles de travail de 1993 comprenaient un document intitulé [traduction] « Programme de vérification des impôts indirects » . M. Sudan a confirmé que, dans ce document, aucun problème n'était signalé au sujet de la TPS ou de la question de savoir si la façon dont la TPS avait été exigée sur les ventes et sur les recettes taxables était fondée. M. Sudan a reconnu la déclaration qui figurait dans ce document, où il était conclu ce qui suit : [traduction] « Je suis convaincu que les résultats des procédures susmentionnées donnent une assurance raisonnable qu'aucune inexactitude importante n'est faite à l'égard de la déclaration des impôts indirects. » . Le document suivant que M. Sudan a examiné était le tableau des rapprochements. M. Sudan a convenu que les comptables externes avaient encore une fois fait mention de la formule, qu'ils avaient reconnue, mais qu'ils n'avaient signalé aucun problème. L'avocat a tenté de faire examiner par M. Sudan les calculs contenus dans ces documents, mais ce dernier ne pouvait tout simplement pas suivre les calculs ou les redressements effectués par son cabinet. L'avocat a également référé M. Sudan à une lettre rédigée sur du papier à en-tête de l'appelante (pièce A-3, onglet 3) concernant la municipalité de Muskoka, laquelle renfermait une note manuscrite dans laquelle il était mentionné que le montant versé au titre de la TPS était réduit d'une partie de la TVP. M. Sudan a encore une fois convenu que Martyn, Dooley avaient pleinement reconnu les méthodes de perception que l'appelante avait employées en omettant de verser la TPS sur la TVP.

[60]     L'avocat de l'appelante a ensuite examiné avec M. Sudan les feuilles de travail ayant trait à l'année 1994 (pièce A-3, onglet 4), dont il avait discuté avec MM. Kar et Aquino lors de la réunion du mois de juin 1995. M. Sudan a reconnu que la liste de contrôle de la vérification n'indiquait pas de problèmes de vérification comptable prêtant à controverse. L'avocat a également référé M. Sudan à une note manuscrite intitulée : [traduction] « Points à examiner avec M. Kar » ; M. Sudan a convenu que le seul problème signalé se rapportait à la question de savoir si M. Aquino avait rédigé un testament. De plus, l'avocat a référé M. Sudan à une lettre antérieure, datée du 8 juillet 1992, qui était incluse dans les feuilles de travail de 1994. Dans cette lettre, M. Sudan informait M. Kar d'un problème possible concernant les impôts retenus en 1992, lequel pourrait entraîner la responsabilité de l'appelante. M. Sudan a témoigné qu'il ne savait pas ce qui l'avait amené à rédiger cette lettre, à savoir s'il avait lui-même reconnu le problème et avait rédigé la lettre ou si l'appelante lui avait demandé de l'écrire. M. Sudan a également témoigné qu'il ne savait pas trop s'il rédigerait une lettre semblable à celle-ci pour aviser l'appelante d'un problème d'une nature beaucoup plus grave, comme le problème qui est au coeur du présent appel.

[61]     L'avocat de l'appelante a ensuite examiné la note concernant les questions importantes de 1994 avec M. Sudan. Cette note mentionnait pour la première fois les impôts indirects : elle disait que la méthode employée était la même que celle qui avait été employée au cours de l'année antérieure et que l'appelante établissait deux ensembles de factures. Dans leurs feuilles de travail, les comptables avaient décrit le système selon lequel la TPS était calculée après avoir enlevé la TVP, mais c'était la première fois que la question était mentionnée dans la note concernant les questions importantes. M. Sudan ne pouvait pas expliquer pourquoi cette question n'avait pas été portée à l'attention de l'appelante dans une lettre, comme d'autres questions l'avaient été. La note concernant les questions importantes de 1994 contenait une autre mention, dans les points à examiner avec M. Aquino, d'un problème concernant la déduction de la TPS à l'égard d'un véhicule acquis par un actionnaire. M. Sudan ne savait pas pourquoi la question plus sérieuse de la TPS figurant sous la rubrique [traduction] « Impôts indirects » n'était pas mentionnée dans les points à examiner avec l'appelante, mais il a affirmé qu'il croyait que le fait d'en parler à M. Aquino constituait une communication suffisante pour l'appelante. Il convenait qu'il n'avait jamais informé M. Aquino des conséquences de ce problème, qu'il lui avait simplement dit qu'il y avait un problème qui devait être réglé. Il n'a pas assuré le suivi auprès de l'appelante.

[62]     Pendant l'interrogatoire principal, l'avocat de l'intimée a référé M. Sudan à la note concernant les questions importantes de 1994 (laquelle avait également été produite sous la cote R-1, onglet 11). Sous la rubrique [traduction] « Impôts indirects » , à la première page, la note concernant les questions importantes disait ce qui suit :

[traduction]

La méthode est la même que celle qui a été employée l'an dernier - la cliente établit deux ensembles de factures :

l'une pour les clients indiquant ce que ceux-ci doivent payer

et l'autre pour enregistrer la TPS perçue sur les ventes

La différence entre les deux se trouve dans la facture aux fins du versement de la TPS, il y a ventilation de la TVP qui est incluse dans les ventes, de sorte que le montant de la TPS est moins élevé - la TPS excédentaire qui est perçue est enregistrée par la cliente au titre des recettes diverses.

M. Sudan a témoigné ne pas avoir été au courant de ce problème avant la réunion du mois de juin 1995. Il a affirmé avoir soulevé la question auprès de M. Kar et de M. Aquino et les avoir informés qu'ils percevaient la TPS sur la TVP, sans toutefois la verser, alors que celle-ci devait l'être; il a affirmé croire que MM. Kar et Aquino avaient dit qu'ils y verraient. À sa connaissance, son cabinet n'avait rien fait par la suite pour s'attaquer à ce problème ou pour le corriger.

[63]     M. Sudan a témoigné que la note concernant les questions importantes aurait été préparée par Mme Prapavessis et révisée par M. Dooley. En plus du texte dactylographié, il y avait plusieurs notes manuscrites aux pages un et deux de la note. M. Sudan a identifié l'une des notes manuscrites à la page deux (celle qui était intitulée [traduction] « Information sur les personnes liées » ) comme ayant été rédigée par Mme Prapavessis, alors que les autres notes avaient été rédigées par M. Dooley.

[64]     Pendant le contre-interrogatoire, l'avocat de l'appelante a référé M. Sudan aux notes manuscrites qui figuraient à côté de la rubrique [traduction] « Impôts indirects » à la première page, lesquelles étaient libellées comme suit :

Ellipse: N



          Quoi

          Pas kascher

M. Sudan a identifié l'écriture comme étant celle de M. Dooley. Il a déclaré que la lettre N qui était encerclée voulait dire que [traduction] « les explications figuraient à la page suivante » . La deuxième page de la note renfermait des explications rédigées à la main par M. Dooley au sujet des trois mots qui se trouvaient à la première page. La partie des explications que M. Sudan a pu déchiffrer était rédigée comme suit :

[traduction]

La chose a été vérifiée auprès de KP [Karen Prapavessis]

La question a été examinée avec M. Kar et avec Ralph [M. Aquino]

Ils sont tous deux au courant de ces [...]

[65]     Pendant l'interrogatoire principal auquel l'avocat de l'intimée a procédé, M. Sudan avait initialement déclaré que les notes manuscrites ne se trouvaient pas dans le document lors de la réunion du mois de juin 1995. Lorsqu'il a été interrogé de nouveau, il a précisé que les notes rédigées par M. Dooley n'étaient pas là au moment de cette réunion, mais qu'il ne savait pas si la note rédigée par Mme Prapavessis (qui n'est pas pertinente aux fins qui nous occupent) s'y trouvait à ce moment-là. Lorsque l'avocat de l'appelante l'a contre-interrogé, M. Sudan a témoigné catégoriquement que les notes manuscrites de M. Dooley à la page 2 (les explications) n'étaient pas là lors de la réunion, mais que la note que M. Dooley avait rédigée à la première page ([traduction] « Quoi? Pas kascher » ) était [traduction] « probablement » là (transcription, page 529). Il a expliqué que cette note manuscrite aurait pu se trouver dans la note concernant les questions importantes lorsqu'il a apporté cette note à la réunion, parce que M. Dooley devait procéder à une évaluation de l'importance relative avant que les états financiers puissent être remis. Toutefois, lorsque l'avocat de l'appelante l'a interrogé de nouveau, M. Sudan a admis qu'il ne faisait qu'une supposition et qu'il ne savait pas trop si la note [traduction] « Quoi? Pas kascher » figurait dans le document au moment de la réunion. À la page 534 de la transcription, l'avocat de l'appelante a posé la question suivante à M. Sudan :

[traduction]

[...] Vous êtes certain que c'était là?

Ce sur quoi M. Sudan a répondu :

[traduction]

J'ai dit qu'il me semble que c'était - c'était peut-être là. Je ne le sais pas trop.

[...]

Eh bien, je ne me rappelle pas si c'était là ou non, de sorte que je ne le sais pas. Je suppose que c'était là.

Le témoignage de Gail MacNeil

[66]     Mme MacNeil, qui était chef d'équipe au service des enquêtes de l'ARC, s'est arrêtée d'une façon toute particulière à la façon dont l'appelante calculait et versait la TPS. Elle a commencé à s'occuper du dossier lorsque celui-ci a été renvoyé du service des vérifications au service des enquêtes, au mois de mai 1996. Selon Mme MacNeil, le problème était attribuable au fait que, dans les factures qui avaient été remises au vérificateur, la contrepartie à verser pour une facture particulière établie au prorata des travaux avait été réduite de 2,7407 p. 100, ce chiffre représentant censément la TVP dissimulée dans le montant de la facture, avant d'appliquer la TPS de 7 p. 100.

[67]     En effectuant son travail pour les années 1991 à 1993, Mme MacNeil n'a pas examiné chaque document de base, parce qu'elle n'avait pas tous les dossiers à sa disposition pour ces années-là. Elle a plutôt procédé à un calcul arithmétique fondé sur les grands livres généraux et ceux des ventes. Toutefois, pour les années 1994 et 1995, elle a pu examiner tous les documents de base pour chaque opération. Elle a témoigné que, pour l'année 1994 et pour l'année 1995, elle avait procédé à des vérifications auprès de tiers, chaque facture de vente reçue par le tiers étant comparée à la facture de vente conservée par l'appelante et remise aux vérificateurs. Cette vérification auprès des tiers avait révélé que la TPS indiquée dans les factures des clients avait été calculée sur le montant global de la contrepartie stipulée dans le contrat. Par contre, dans les factures remises au vérificateur, on avait réduit le montant de la contrepartie de 2,7407 p. 100 avant de calculer la TPS. Par conséquent, le montant exigé du client, et payé par celui-ci, au titre de la TPS était plus élevé que le montant versé par l'appelante.

[68]    Mme MacNeil a déclaré que les factures indiquant les montants de TPS les moins élevés avaient été prises dans des relieurs sur lesquels étaient apposées les étiquettes [traduction] « TPS 94 » et [traduction] « TPS 95 » et que des factures identiques à celles qui étaient remises aux clients avaient également été trouvées sur les lieux. Elle s'est reportée à la pièce R-1, onglet 4, qui était une feuille de calcul qu'elle avait préparée à l'égard des factures établies par l'appelante pour un projet, lequel renfermait six factures établies au prorata des travaux. Elle a examiné un ensemble de documents, y compris le certificat de paiement de l'architecte, qui est remis au client, l'informant qu'un certain montant est dû à l'appelante; la facture de vente ou la facture établie au prorata des travaux qui est envoyée au client par l'appelante et un chèque du client en faveur de l'appelante. Le même montant est indiqué dans les trois documents au titre de la TPS. Le dernier document était la facture remise aux vérificateurs, mais qui n'était jamais remise au client. Ce dernier document indiquait pour les ventes le même prix global que les trois premiers documents, mais ce prix était assujetti à un montant moins élevé au titre de la TPS. Mme MacNeil a déclaré qu'il en était ainsi pour chaque opération qu'elle avait examinée. La cotisation était fondée sur la différence entre le montant de la TPS indiqué dans les factures des clients et le montant figurant dans les factures remises aux vérificateurs.

[69]     Mme MacNeil a décidé qu'eu égard aux circonstances de l'affaire, l'appelante devait faire l'objet d'une cotisation après l'expiration du délai de prescription prévu par la loi, parce que les montants de TPS étaient élevés et parce que la société avait à son service un vérificateur interne :

[traduction]

[...] qui a[vait] déclaré l'avoir fait sciemment et parce que s'il [était] coupable de quelque chose, il en [allait] de même pour la société [...] et il n'a[vait] pas informé les vérificateurs de l'existence de deux ensembles différents de factures de vente [...] Et Bondfield avait fait en sorte que deux représentants de l'ADRC se rendent aux locaux de l'entreprise et donnent des explications au sujet de la TPS, et personne n'a[vait] demandé si la méthode était bonne. Et personne, chez Bondfield, n'a[vait] demandé si cela devait être fait de cette façon ou d'une façon différente. (Transcription, pages 658 et 659.)

[70]     Pendant le contre-interrogatoire, on a référé Mme MacNeil à une note tirée des notes de vérification (pièce A-4), mentionnant que toutes les factures de vente et d'achat étaient remises aux vérificateurs sur demande lorsque, pendant cette période, ils se rendaient aux locaux de l'appelante. Dans cette note, le vérificateur indiquait qu'avant de calculer la TPS, on effectuait une déduction de 2,7407 p. 100 sur les contrats à l'égard de la TVP et que les contrats qui indiquaient que la TVP avait été enlevée du prix de vente étaient également remis au vérificateur.

[71]     Mme MacNeil a déclaré qu'à son avis, la demande de paiement adressée en vue de l'obtention d'un certificat de paiement, dans l'industrie de la construction, constituait une facture déclenchant l'application de la TPS.

[72]     Mme MacNeil a déclaré que l'appelante enregistrait toutes ses opérations dans le grand livre général et dans celui des ventes.

[73]     Mme MacNeil a convenu qu'on avait changé le système dès qu'un nouveau vérificateur interne, M. Dickinson, avait été embauché au mois de décembre 1995. Elle a relaté qu'une personne qui travaillait pour l'appelante l'avait informée que le système de la TPS sur la TVP avait été mis au point par M. Kar, qui était alors le vérificateur interne de l'appelante, et que ce dernier signait presque toutes les déclarations relatives à la TPS.

[74]     Mme MacNeil a confirmé qu'elle s'était présentée au cabinet Martyn, Dooley et qu'elle avait pris des copies certifiées de leurs feuilles de travail (pièce A-3). L'avocat de l'appelante a référé Mme MacNeil aux notes manuscrites datées du 31 décembre 1992 (onglet 2, page 32), qui indiquaient en détail les modalités de calcul de la TPS sur la TVP. Mme MacNeil croyait comprendre que la différence entre la TPS mentionnée dans le certificat provisoire et la TPS calculée par l'appelante était ajoutée au revenu de l'appelante. L'examen des documents de Martyn, Dooley et les discussions qu'elle a eues avec ceux-ci ont amené Mme MacNeil à conclure que Martyn, Dooley savaient que l'on ajoutait ce montant au revenu de l'appelante. Mme MacNeil a déclaré que Martyn, Dooley lui avaient fait savoir qu'ils avaient informé M. Aquino et M. Kar que la méthode qu'ils utilisaient pour calculer la TPS sur la TVP n'était pas la bonne. Mme MacNeil croyait que Martyn, Dooley lui avaient donné ce renseignement à peu près au moment où l'appelante avait engagé des poursuites contre eux par suite de ce qui s'était passé.

[75]     Mme MacNeil a confirmé que rien n'indiquait, dans l'un quelconque des documents contenus dans l'extrait provenant de la relation du vérificateur à l'ARC et dans le dossier d'examen (pièce A-5), que l'appelante n'avait pas coopéré lorsque le vérificateur de l'ARC, Phil Soosaithasan, avait demandé des documents.

[76]     Mme MacNeil a déclaré avoir utilisé le paragraphe 298(4) pour établir une cotisation après le délai de prescription prévu par la loi, et ce, pour les raisons suivantes :

1)      le montant était élevé, puisqu'il était de plus de 600 000 $;

2)      l'appelante employait un comptable interne (M. Kar) pendant la période où les cotisations avaient été établies;

3)      le comptable interne avait déclaré qu'il ne redressait pas la TPS relative aux frais pour travaux correctifs, et ce, sciemment, et qu'il redressait la TPS sur la TVP;

4)      le comptable interne avait fait une présentation erronée des faits, par négligence, inattention ou omission volontaire, et l'appelante avait donc fait une fausse déclaration à l'égard de ces montants;

5)      M. Dickinson, le comptable interne qui avait été embauché pour remplacer M. Kar, n'avait pas informé les vérificateurs de l'existence des deux ensembles différents de factures de vente lorsque ces derniers s'étaient présentés aux bureaux de l'appelante, au mois de janvier 1996, et il ne s'était donc pas montré coopératif;

6)      il y avait deux ensembles différents et complètement distincts de factures de vente, celles qui avaient été montrées aux vérificateurs et celles qui étaient adressées aux tiers, et ce second ensemble n'avait pas été montré aux vérificateurs;

7)      deux représentants de l'ARC s'étaient présentés aux locaux de l'appelante pour donner des explications au sujet de la TPS et personne n'avait demandé aux représentants de l'ARC si la méthode utilisée par l'appelante était bonne.

[77]     Pendant le contre-interrogatoire, Mme MacNeil a convenu que, dans les notes que M. Soosaithasan avait rédigées à la suite des réunions qu'il avait eues avec M. Dickinson, il n'y avait rien qui indique que M. Dickinson n'avait pas informé le vérificateur de l'ARC de l'existence de deux ensembles de factures de vente ou n'avait pas montré ces factures au vérificateur de l'ARC. Mme MacNeil a déclaré qu'elle ne savait pas que M. Dickinson s'occupait également alors d'une fraude d'un million de dollars que M. Kar avait commise à l'encontre de l'appelante, fraude qu'il venait tout juste de découvrir. Mme MacNeil a admis s'être fiée à M. Kar pour obtenir des renseignements au sujet de ce que l'appelante faisait pour régler les questions en cause. Pendant le contre-interrogatoire, Mme MacNeil a convenu qu'elle comptait sur l'honnêteté de M. Kar et sur l'exactitude des déclarations qu'il lui faisait au sujet de la collecte des renseignements pertinents. Elle savait que M. Kar avait été renvoyé, mais elle ne se rappelait pas s'il avait été accusé de fraude à ce moment-là. Selon elle, cela n'avait rien à voir avec ses enquêtes.

[78]     Lorsqu'elle a été contre-interrogée de nouveau, Mme MacNeil a également convenu que l'appelante conservait dans ses dossiers tous les certificats de paiement et les certificats provisoires et qu'à sa connaissance, elle tenait des livres ainsi que des registres adéquats et complets. Elle a également convenu que l'appelante avait abordé la question de la TPS sur la TVP en calculant d'une façon uniforme, dans tous les livres, le montant de la TPS que la société devait pour ces quatre années.

Le témoignage de Lisa Kelly

[79]     L'avocat de l'intimée a examiné avec Mme Kelly, l'agente des appels, un tableau préparé par Mme Farina (pièce A-1, onglet 17) qui renfermait les calculs que l'ARC avait faits à l'égard du remboursement des intérêts et pénalités établis dans la nouvelle cotisation du mois de décembre 2000 et les calculs proposés indiquant comment les intérêts et pénalités auraient dû, selon l'appelante, être calculés. Mme Kelly a déclaré souscrire aux nouveaux calculs effectués par Mme Farina à l'égard des intérêts et des pénalités [traduction] « [...] à quelques dollars près » (transcription, page 848). En ce qui concerne les nouveaux calculs de la nouvelle cotisation (pièce R-2), Mme Kelly a expliqué que la documentation indiquait le montant du remboursement afférent aux intérêts et pénalités qui était dû à l'appelante au 5 juin 1998, soit la date de la cotisation initiale. Au 22 décembre 2000, soit la date de la nouvelle cotisation, les montants auraient été les mêmes, sauf que l'appelante aurait reçu des crédits sur ces montants.

[80]     Pendant le contre-interrogatoire, Mme Kelly a déclaré que c'était l'article 232 de la Loi qui avait été utilisé pour établir la nouvelle cotisation du mois de décembre 2000. Elle a également expliqué qu'une présentation erronée des faits avait été faite au sujet des frais pour travaux correctifs, certains montants ayant été exigés des sous-traitants dont le travail avait été refait, montants qui incluaient la contrepartie plus la TPS, sans qu'aucun redressement ne soit apporté à l'élément TPS à cet égard.

Les points en litige

[81]     Les points en litige sont les suivants :

(1)       La période allant du 1er janvier 1991 au 5 juin 1994 est-elle prescrite au sens du paragraphe 298(1) de la Loi?

(2)       L'appelante est-elle tenue de payer les pénalités établies en vertu de l'article 280 de la Loi?

(3)       L'appelante a-t-elle droit aux CTI?

La position de l'appelante

[82]     La période visée par l'appel va du 10 janvier 1991 au 30 novembre 1995. La cotisation est datée du 5 juin 1998. L'appelante affirme que le ministre ne peut pas établir une nouvelle cotisation à l'égard des déclarations relatives à la TPS qu'elle a produites avant le 5 juin 1994. La vérification a commencé au mois de janvier 1996; des discussions ont eu lieu avec les enquêtes spéciales dès le 25 janvier 1996 et l'affaire a officiellement été renvoyée à ce service au mois de mai 1996. Aucune cotisation n'a été établie avant le mois de juin 1998. Aucune demande de renonciation n'a été faite. En fin de compte, le montant des frais pour travaux correctifs a été réduit d'un montant de 120 000 $ et il n'a pas été donné suite à l'allégation de faute lourde. À l'heure actuelle, le ministre [traduction] « [...] fait des pieds et des mains pour faire la preuve d' [...] une présentation erronée des faits » (transcription, page 1022). L'appelante affirme que l'intimée ne devrait pas avoir la possibilité d'établir une nouvelle cotisation en dehors de la période normale de nouvelle cotisation, en se fondant sur une présentation erronée des faits, simplement parce qu'elle ne souscrit pas à la position que le contribuable a prise lors de la production de sa déclaration. L'appelante avait de bonne foi pris position au sujet des frais pour travaux correctifs ainsi qu'au sujet du calcul de la TPS sur les TVP. Il s'agit d'une divergence de vues qui n'est pas assimilable à une présentation erronée des faits. Il n'y a pas d'erreur de calcul en ce qui concerne les frais pour travaux correctifs et l'interprétation des dispositions applicables de la Loi que l'appelante a donnée est correcte. Même si cette interprétation était erronée, l'appelante était de bonne foi, il s'agissait d'une position raisonnable et il n'y avait donc pas présentation erronée des faits.

[83]     L'appelante affirme que la TPS représente une petite partie administrative de son entreprise, que les frais pour travaux correctifs ne constituent qu'une partie infime des CTI qu'elle demande et que ceux qui sont en litige représentent une partie encore plus petite de ce montant. L'approche adoptée par l'appelante à l'égard des frais pour travaux correctifs est correcte, mais subsidiairement, une position qui est prise de bonne foi lors de la production de la déclaration ne peut pas constituer une présentation erronée des faits.

[84]     L'appelante affirme que, lorsque des frais sont exigés d'un sous-traitant pour des travaux correctifs, c'est l'article 232 qui s'applique. Le paragraphe 232(2) autorise les parties à redresser la TPS dans l'éventualité où la contrepartie sur laquelle celle-ci est fondée est par la suite réduite. L'appelante fait valoir qu'étant donné que l'article 232 est une disposition facultative, on n'a pas à procéder à un redressement à moins qu'une autre disposition précise n'oblige le contribuable à le faire. En outre, il en est ainsi même si l'article 232 ne s'applique pas. L'interprétation préconisée par le ministre, à savoir que le contribuable doit redresser la TPS et les CTI connexes en application d'autres dispositions de la Loi, et ce, même si l'article 232 ne s'applique pas, ne peut pas être correcte. Si l'interprétation du ministre est correcte, le choix prévu à l'article 232 devient illusoire. L'appelante affirme qu'on ne devrait pas demander au contribuable qui décide de ne pas effectuer de redressement conformément à l'article 232 de procéder à un redressement aux termes d'une autre disposition de la Loi.

[85]     Enfin, l'appelante fait valoir que les pénalités devraient être supprimées, parce que le paragraphe 280(1) ne peut pas s'appliquer lorsqu'elle a fait preuve d'un soin et d'une diligence raisonnables. Étant donné qu'elle a pris toutes les précautions raisonnables et que tous les systèmes nécessaires étaient en place, l'appelante ne devrait pas être responsable des actes de son contrôleur, qui a été déclaré coupable au criminel d'avoir frustré l'appelante d'une somme de près d'un million de dollars, et elle ne devrait pas être responsable des actes du cabinet comptable externe.

La position de l'intimée

[86]     L'intimée affirme que l'appelante a fait une présentation erronée des faits, par négligence, inattention ou omission volontaire et que, par conséquent, le paragraphe 298(4) s'applique. L'appelante aurait dû redresser les factures initiales des sous-traitants en vue de refléter le redressement approprié de la TPS et puisqu'elle n'a procédé à aucun redressement, l'appelante a fait une présentation erronée des faits. Étant donné que l'appelante a exigé des sous-traitants initiaux un montant d'environ 153 000 $ au titre de la TPS, alors qu'elle n'avait pas effectué de fourniture, ce montant doit être pris en considération lorsque l'appelante demande un remboursement au moyen des CTI. S'il n'y avait pas de fourniture, la TPS n'aurait pas dû être exigée. Seule la contrepartie principale aurait dû être exigée du sous-traitant initial. En demandant un montant trop élevé à l'égard des CTI et en versant une partie seulement de la TPS sur la partie de la TVP figurant dans les factures du sous-traitant, l'appelante a fait une présentation erronée des faits dans ses déclarations relatives à la TPS, et ce, par négligence, inattention ou omission volontaire. L'appelante n'a pas fait preuve d'une diligence raisonnable et elle doit payer des pénalités conformément au paragraphe 280(1), ainsi que des intérêts au taux réglementaire.

[87]     L'intimée affirme que l'appelante s'en est remise à ses comptables internes et externes et qu'étant donné que ceux-ci étaient des mandataires de l'appelante, leurs actions et leurs intentions étaient celles de l'appelante elle-même. La négligence des comptables internes et externes est donc essentiellement une négligence attribuable à l'appelante.

[88]     L'intimée fait valoir que l'article 232 ne s'applique pas, puisqu'il n'y a pas eu de décision de la part des parties de procéder à un redressement aux termes de cette disposition et que, de toute façon, l'avocat de l'intimée a renoncé à se fonder sur cette disposition pendant l'audience. Toutefois, l'appelante doit redresser la TPS et les CTI connexes en application d'autres dispositions pertinentes de la Loi lorsque l'article 232 ne s'applique pas.

Analyse

Première et deuxième questions

[89]     J'examinerai ensemble la question de la prescription légale et celle des pénalités puisqu'elles tendent à se chevaucher dans la preuve.

[90]     Le paragraphe 298(1) prévoit une prescription de quatre ans aux fins de l'établissement d'une cotisation par l'ARC. Toutefois, en vertu du paragraphe 298(4), si certaines conditions sont remplies, une cotisation peut être établie à tout moment après l'expiration du délai de prescription de quatre ans prévu par la Loi. Étant donné qu'aucune demande de renonciation n'a été faite et que la fraude n'est pas alléguée, c'est l'alinéa 298(4)a) qui s'applique; cette disposition est rédigée comme suit :

            Une cotisation peut être établie à tout moment si la personne visée a :

a) fait une présentation erronée des faits, par négligence, inattention ou omission volontaire;

Il incombe au ministre d'établir qu'une présentation erronée des faits a été faite par négligence, inattention ou omission volontaire. Pour avoir gain de cause, le ministre doit établir, en premier lieu, qu'une présentation erronée des faits a été faite par l'appelante ou pour le compte de l'appelante et, en second lieu, que cette présentation a été faite par négligence, inattention ou omission volontaire.

[91]     Les pénalités et les intérêts sont imposés conformément à l'article 280 de la Loi lorsque le contribuable ne verse pas ou ne paie pas un montant requis. En établissant une cotisation à l'égard des pénalités, le ministre s'est fondé sur le paragraphe 280(1), qui est rédigé comme suit :

Sous réserve du présent article et de l'article 281, la personne qui ne verse pas ou ne paie pas un montant au receveur général dans le délai prévu par la présente partie est tenue de payer la pénalité et les intérêts suivants, calculés sur ce montant pour la période commençant le lendemain de l'expiration du délai et se terminant le jour du versement ou du paiement :

a) une pénalité de 6 % par année;

b) des intérêts au taux réglementaire.

Les pénalités établies conformément à cette disposition peuvent, bien sûr, donner lieu au moyen de défense implicite fondé sur la diligence raisonnable. Le contribuable ne sera pas pénalisé aux termes de cette disposition s'il a fait preuve d'une diligence raisonnable en tentant d'observer la législation (Canada (P.G.) c. Consolidated Canadian Contractors Inc., [1999] 1 C.F. 209 (C.A.F.), arrêt dans lequel des explications sont données au sujet du jugement largement approuvé que le juge Bowman a rendu dans la décision Pillar Oilfield Projects Ltd. v. Canada, [1993] G.S.T.C. 49 (C.C.I.)). Cela donne aux inscrits la possibilité de se disculper à l'égard des pénalités s'ils réussissent à démontrer qu'ils « ont fait raisonnablement diligence pour calculer le montant de TPS à verser » (Consolidated Canadian Contractors, paragraphe 52).

[92]     Par conséquent, la question de la présentation erronée des faits, telle qu'elle s'applique aux articles 298 et 280, dépend essentiellement de la question de savoir si l'appelante a fait preuve d'une diligence raisonnable à l'égard des deux opérations (la TPS sur la TVP et les frais pour travaux correctifs). En vertu de l'article 298, les années prescrites peuvent être rouvertes uniquement si le ministre peut établir qu'en omettant de faire preuve d'une diligence raisonnable, l'appelante a fait une présentation erronée des faits, par négligence, inattention ou omission volontaire. Aux termes de l'article 280, l'appelante peut échapper aux pénalités si elle réussit à démontrer qu'elle a fait preuve d'une diligence raisonnable en traitant ces opérations.

[93]     Dans la décision Venne v. The Queen, 84 DTC 6247, à la page 6251, la Cour fédérale (Section de première instance) a examiné la norme de diligence requise d'un contribuable aux termes du sous-alinéa 152(4)a)(i) de la Loi de l'impôt sur le revenu, qui correspond au paragraphe 298(4) de la Loi sur la taxe d'accise et dont le libellé est à peu près le même :

Je suis convaincu qu'il suffit au Ministre, pour invoquer son pouvoir en vertu de l'alinéa 152(4)a)(i) de la Loi, de démontrer la négligence du contribuable, à l'égard d'un ou plusieurs éléments de sa déclaration de revenus au titre d'une année donnée. Cette négligence est établie s'il est démontré que le contribuable n'a pas fait preuve de diligence raisonnable. C'est sûrement là le sens des termes « présentation erronée des faits, par négligence » , en particulier avec d'autres motifs comme l'inattention ou l'omission volontaire qui font référence à un degré de négligence plus élevé ou à une mauvaise conduite délibérée. Sauf si ces termes étaient superflus dans cet article, hypothèse que je ne puis accepter, le terme « négligence » impose un critère moins strict de faute, semblable à celui qui est utilisé dans les autres domaines du droit, comme la responsabilité délictuelle. [...]

[94]     La question de la diligence raisonnable a été examinée dans le contexte de l'article 280 dans la décision Pillar Oilfield, précitée. Aux pages 49-4 et 49-7, le juge Bowman a dit ce qui suit :

[...] Selon moi, il est contraire aux principes ordinaires de justice de pénaliser un contribuable pour l'inobservation d'une disposition législative ou le défaut de calculer une taxe correctement si celui-ci démontre que, même en faisant preuve de diligence raisonnable, l'erreur était inévitable. [...]

Cependant, la bonne foi n'équivaut pas à la diligence raisonnable. [...]

[95]     L'expression « diligence raisonnable » a encore une fois été définie comme suit par le juge Bowman dans la décision Wong (E) v. Canada, [1996] G.S.T.C. 73-1 (C.C.I.), à la page 73-5 :


[...] La diligence raisonnable n'est rien de plus que le soin qu'une personne raisonnable prendrait pour assurer le respect de la Loi. Elle ne requiert ni la perfection, ni l'infaillibilité. Elle requiert toutefois plus qu'une demande de renseignements fortuite auprès d'un fonctionnaire du ministère du Revenu. [...]

[Non souligné dans l'original.]

[96]     Pour que le ministre réussisse à faire rouvrir les années prescrites en ce qui concerne les opérations liées aux frais pour travaux correctifs, il doit être démontré qu'en préparant ses déclarations, l'appelante a fait une présentation erronée des faits et que l'erreur résultait d'une négligence, d'une inattention ou d'une omission volontaire. Les procédés qui ont entraîné l'établissement des frais pour travaux correctifs et le calcul de la TPS sur la TVP sont clairement décrits dans la preuve. Fondamentalement, lorsque le travail d'un sous-traitant n'était pas satisfaisant, l'appelante engageait un second sous-traitant pour y remédier et ce second sous-traitant exigeait certains frais de l'appelante pour le travail qu'il avait effectué ainsi que la TPS, à l'égard de laquelle l'appelante demandait un CTI. Tout le montant versé à ce second sous-traitant, y compris la partie du montant se rapportant à la TPS, était exigé du premier sous-traitant, à qui on demandait de payer le montant ou de faire réduire de ce montant les paiements provisoires qui lui étaient dus sur le contrat initial. En présentant son témoignage, Mme Farina a expliqué qu'une lettre de notification était générée par le service de la comptabilité de l'appelante et que cette lettre était ensuite transmise au premier sous-traitant dont le travail avait été repris. Les documents à l'appui de l'explication que Mme Farina a donnée au sujet de la méthode employée étaient principalement tirés des feuilles de travail des comptables externes. La même méthode était suivie chaque fois; s'il y avait eu des exceptions, on n'en avait décelé aucune. Dans cette lettre de notification, il était question d'une note de crédit, mais le témoignage de Mme Farina (la comptable externe actuelle de l'appelante) ainsi que celui de M. Pyeon (conseiller technique à l'ARC) ont confirmé qu'aucune note de débit n'avait été traitée. Selon les prétentions de l'appelante, aucune note de débit n'était générée parce que, en réduisant le montant de la contrepartie contractuelle, aucune partie ne redressait la taxe. Selon l'argument invoqué par l'appelante, les parties ne se prévalaient pas du choix qu'elles pouvaient faire, de procéder à un redressement en vertu de l'article 232, et par conséquent, aucune note de crédit ni aucune note de débit n'avaient à être générées. Aux termes du paragraphe 232(2), il n'était donc pas nécessaire de redresser la taxe et il n'existe aucune autre disposition précise exigeant que les parties procèdent à un redressement. Je ne souscris pas à l'interprétation préconisée par l'appelante dans ce cas-ci. Premièrement, l'intimée a renoncé à invoquer l'article 232 pendant l'audience et elle a convenu que cette disposition ne s'appliquait pas, eu égard aux circonstances de l'affaire, même si la réponse indiquait initialement que le redressement devait être fait en application de l'article 232. À coup sûr, il régnait une certaine confusion au sujet de la question de savoir quelle disposition de la Loi devait s'appliquer. L'agente des appels, Mme Kelly, a témoigné s'être fondée sur l'article 232 pour établir une cotisation à l'égard des CTI demandés en trop par l'appelante lorsque des frais pour travaux correctifs étaient exigés. M. Pyeon a de son côté témoigné qu'en procédant à sa vérification, il avait utilisé une disposition tout à fait différente, à savoir l'article 169 (le droit aux CTI). Il a déclaré qu'à son avis, l'article 232 ne s'appliquait pas.

[97]     Je ne souscris pas à l'interprétation des dispositions de la Loi que l'appelante a préconisée, mais je crois néanmoins que cette interprétation, même si elle est erronée, peut avoir été donnée de bonne foi et qu'il s'agissait d'une interprétation raisonnable, étant donné en particulier que les représentants de l'ARC ne pouvaient pas s'entendre sur les dispositions qui devaient régir les opérations liées aux frais pour travaux correctifs. Cependant, l'interprétation préconisée par l'appelante constitue-t-elle une présentation erronée des faits? Aucun des documents de l'appelante ne donne à penser que la société redressait les CTI en secret. Tout était transparent et évident. Pendant le contre-interrogatoire, M. Pyeon a convenu qu'une divergence de vues au sujet de la disposition de la Loi pouvant s'appliquer à une opération ne constituait pas une présentation erronée des faits. Pendant le contre-interrogatoire, M. Pyeon a également convenu que les documents de l'appelante étaient uniformément les mêmes en ce qui concerne le non-redressement de la taxe. Aucun élément de preuve ne donnait à penser que l'appelante avait tenté de redresser les CTI lorsque des frais pour travaux correctifs étaient exigés. Lorsqu'on lui a demandé si l'appelante avait essayé de faire une présentation erronée des faits au sujet des redressements concernant les CTI, M. Pyeon a répondu qu'il ne pouvait pas l'affirmer et qu'il ne le savait tout simplement pas.

[98]     En ce qui concerne le calcul de la TPS sur la TVP, Mme Farina a témoigné qu'il était également enregistré d'une façon transparente et que l'appelante traitait chaque opération d'une façon uniforme. La preuve a démontré que l'appelante ne dissimulait pas, ni ne tentait de dissimuler, le fait que des redressements étaient effectués. L'appelante a reconnu les montants se rapportant à ces opérations et ils ne sont donc pas en litige.

[99]     Je souscris à la prétention de l'appelante selon laquelle une approche adoptée de bonne foi à l'égard du redressement de la taxe ne peut pas, dans ces conditions, constituer une présentation erronée des faits, en particulier lorsque les représentants de l'Agence ne peuvent pas s'entendre sur les dispositions de la Loi qui régissent les opérations.

[100] En fin de compte, existe-t-il des éléments de preuve me permettant d'établir que l'appelante a fait une présentation erronée des faits au ministre? Aucun élément de preuve de ce genre ne m'a été présenté. Je crois que l'approche adoptée par l'appelante n'était pas correcte, mais je ne crois pas que cela constituait une présentation erronée des faits. Je me rends bien compte que la présente appelante a été mise dans une situation difficile, non seulement à cause du temps qui s'était écoulé, mais aussi parce que les principaux acteurs qui ont tellement influencé ce résultat ont été déclarés coupables de fraude au criminel et ont été emprisonnés (à savoir, le contrôleur de l'appelante, M. Kar) ou font l'objet de poursuites de la part de l'appelante (les comptables externes, Martyn, Dooley et associés). L'intimée n'a pas expressément mentionné une seule déclaration relative à la TPS contenant une présentation erronée des faits. Lorsque Mme MacNeil a été interrogée au sujet de la décision qu'elle avait prise d'établir une cotisation après l'expiration du délai de prescription prévu par la loi, elle a déclaré qu'elle l'avait notamment fait [traduction] « [...] parce qu'il s'agissait d'un montant élevé aux fins de la TPS [...] » (transcription, page 658). Le montant en jeu n'est certes pas suffisant pour que le ministre puisse conclure à une présentation erronée des faits; et, même si avec un peu de volonté je pouvais conclure qu'il l'était, ce montant était relativement minime s'il était considéré dans le contexte des recettes globales de l'entreprise de l'appelante qui, sur une période de cinq ans, a conclu des opérations représentant des centaines de millions de dollars. Mme MacNeil a ensuite donné certaines autres raisons, à savoir [traduction] « [...] parce que, pendant presque toute la période visée par la cotisation, la société avait à son service un comptable interne qui avait déclaré l'avoir fait sciemment et parce que, s'il était coupable de l'avoir fait, la société l'était également [...] » (transcription, pages 658 et 659). Pendant le contre-interrogatoire, Mme MacNeil a admis que sa perception était fondée sur des conversations qu'elle avait eues avec M. Kar. Étant donné que M. Kar avait été déclaré coupable d'avoir frustré l'appelante de près d'un million de dollars, je ne considérais pas comme crédible ou le moindrement digne de foi toute déclaration de ce genre que M. Kar aurait censément faite, et ce, même si elle était admissible. Puis, dans sa réponse, Mme MacNeil a déclaré qu'une autre raison était [traduction] « [...] qu'ils avaient embauché un autre comptable interne, qui était également CA, et que ce dernier n'avait pas informé les vérificateurs, lorsqu'ils s'étaient présentés aux bureaux de l'appelante, de l'existence de deux ensembles différents de factures de vente; il y avait deux ensembles différents, complètement distincts, de facture de vente et les factures remises aux tiers n'avaient jamais été montrées aux vérificateurs » (transcription, page 659). La réponse à l'avis d'appel ne renfermait aucun détail au sujet de cette allégation, mais Mme MacNeil affirme que M. Dickinson, le comptable interne qui avait été embauché pour remplacer M. Kar, n'a pas remis de copies des certificats provisoires aux vérificateurs et que cela montrait qu'il y avait eu présentation erronée des faits. Premièrement, comme l'a avec raison souligné l'avocat de l'appelante, même si M. Dickinson avait fait une telle présentation erronée des faits au vérificateur, Phil Soosaithasan, la façon appropriée de prouver une telle allégation consistait à citer M. Soosaithasan. Mme MacNeil admet qu'elle n'était pas présente; et à cause du nombre d'années qui se sont écoulées dans l'intervalle, même si j'omettais de tenir compte des règles de preuve et que j'ajoutais foi à cette allégation, je ne pourrais lui accorder aucun poids. Le dossier de vérification contenait des notes rédigées par M. Soosaithasan (lesquelles ont été produites sur consentement sous la cote A-4), indiquant que celui-ci avait examiné de nombreuses factures et de nombreux documents. M. Soosaithasan s'était adressé à un tiers pour obtenir un certificat provisoire qu'il a ensuite vérifié par rapport à la feuille de travail que l'appelante (selon le témoignage de Mme Farina) avait utilisée pour calculer la TPS. Étant donné que M. Soosaithasan n'a pas témoigné, je puis uniquement supposer qu'en comparant ces documents, à savoir le certificat provisoire et la feuille de travail, il aurait constaté un écart. Je suppose qu'il en est ainsi parce que, à la troisième page de la pièce A-4, on note que les représentants de l'appelante ont coopéré lorsqu'il s'est agi de fournir les autres documents nécessaires qu'on leur demandait. Les notes de M. Soosaithasan confirment qu'il a demandé d'autres documents et qu'il les a reçus. Ces notes contredisent le témoignage présenté devant la Cour par Mme MacNeil, celle-ci ne s'étant de toute façon pas rendue aux bureaux de l'appelante avec M. Soosaithasan. Il est clair que M. Soosaithasan savait que l'appelante faisait ouvertement une réduction pour la TVP et qu'elle appliquait ensuite la TPS au montant réduit, parce que l'appelante conservait les calculs sur une feuille de travail, avec les déclarations produites au titre de la TPS, pour montrer exactement comment les calculs étaient faits. Ce n'est pas la méthode que l'appelante emploierait si elle voulait faire de fausses déclarations au sujet de ces calculs et les dissimuler. Or, il n'y a pas eu une telle tentative dans ce cas-ci. Dans le dossier des enquêtes spéciales (pièce A-5), il y avait deux notes de service dans lesquelles Mme MacNeil relatait les conversations qu'elle avait eues avec l'équipe de vérification de l'ARC : l'une le 25 janvier 1996 et l'autre avant le renvoi du dossier aux enquêtes spéciales, le 24 mai 1996. On ne mentionne pas qu'une présentation erronée des faits précise aurait été faite au ministre ou que les représentants de l'appelante ne coopéraient pas. Les notes font simplement état des discussions que Mme MacNeil a eues avec M. Soosaithasan et Mme MacNeil résumait, dans ces notes, les redressements que l'appelante avait apportés à la taxe. De fait, dans ses notes en date du 25 janvier 1996, Mme MacNeil a déclaré avoir informé M. Soosaithasan [traduction] qu' « il pouvait y avoir lieu » pour l'appelante de redresser la taxe.

[101] Quant aux redressements relatifs à la TPS sur la TVP, tels qu'ils se rapportent à la question de la prescription, l'appelante a utilisé la formule de 2,7407 p. 100 pour calculer la TPS sur un prix contractuel réduit et elle a donc versé une partie seulement de la TPS. Or, selon un principe qui a été reconnu depuis l'introduction de la TPS, la taxe générale de vente au détail doit être exclue du calcul de la TPS. Je ne crois pas que l'on fasse un grand saut en s'attendant à ce que l'appelante reconnaisse qu'il était raisonnable de ne pas exiger la TPS sur la TVP. Toutefois, le fait d'élaborer une formule à cette fin ne constitue pas une présentation erronée des faits. À coup sûr, l'appelante a versé une partie seulement de la TPS et elle aurait dû traiter la taxe d'une façon différente. Il incombait au cabinet Martyn, Dooley de déceler cette erreur et d'en informer l'appelante. L'appelante n'a pas pris la position selon laquelle les bonnes méthodes avaient été employées en ce qui concerne la TPS sur la TVP, mais elle a plutôt affirmé que la preuve ne permettait pas de conclure qu'elle avait fait une présentation erronée des faits au ministre. Si l'appelante a conclu qu'il convenait d'enlever la TPS sur la TVP, fait-elle une présentation erronée des faits au ministre lorsqu'elle l'inclut dans le revenu, que le comptable agréé interne a élaboré la formule et que le cabinet comptable externe a sanctionné cette formule, mais n'a jamais conseillé à l'appelante de changer de méthode? De plus, peut-il y avoir présentation erronée des faits lorsque les documents sont transparents et évidents pour toute personne qui les consulte et que les feuilles de travail sont jointes aux déclarations relatives à la TPS qui sont produites? Je ne le crois pas, en particulier si l'on tient compte de la période visée par l'appel. La TPS venait d'être établie et sa mise en oeuvre suscitait de la confusion. Dans ses livres, dans ses registres et dans ses comptes, l'appelante n'a pas tenté de dissimuler la TPS qu'elle versait en moins. Elle estimait simplement qu'elle ne devait pas cette TPS au ministre et elle l'a donc incluse dans son revenu et a payé les impôts y afférents. À mon avis, cela ne veut pas dire que l'appelante a été négligente ou inattentive et cela ne montre certes pas qu'il y a eu omission volontaire. En l'espèce, ce sont les comptables qui sont à l'origine du problème. Il est malheureux que des opérations telles que celles-ci ne soient pas reconnues comme posant un problème par un comptable interne, qui semble avoir eu son propre plan au sujet des recettes de l'appelante, mais cela est tragique lorsque des comptables externes réputés examinent ces documents chaque année et qu'ils approuvent les méthodes employées par l'appelante. Il n'y avait pas lieu pour l'appelante de dissimuler quoi que ce soit aux vérificateurs de l'ARC. Tous les experts que l'appelante a engagés et payés lui ont dit que tout était en règle. L'intimée a affirmé que l'appelante se fondait uniquement sur son propre point de vue et qu'elle n'avait pas demandé conseil au sujet de la méthode précise qu'elle avait adoptée pour redresser la TPS sur la TVP ainsi qu'à l'égard des frais pour travaux correctifs. Cela n'est tout simplement pas exact. L'appelante a élaboré les calculs, mais tous les redressements étaient bien évidents et les comptables externes pouvaient les examiner et les remettre en question s'ils croyaient qu'ils pouvaient poser des problèmes.

[102] Mme MacNeil a témoigné que l'appelante avait créé deux ensembles de factures (à savoir les factures à l'intention des clients et les factures qu'elle avait montrées au vérificateur). Toutefois, cela n'est pas tout à fait exact. Premièrement, en ce qui concerne les prétendues « factures des clients » , Mme Farina a expliqué que, dans l'industrie de la construction, personne n'est payé sur la base d'une facture et qu'en fait, les factures ne sont généralement pas envoyées au client. Les parties sont plutôt payées conformément à un certificat de paiement. En l'espèce, l'appelante a reçu paiement sur la base des certificats de paiement et la preuve ne donne pas à entendre que ces certificats aient été de quelque façon modifiés, de façon à refléter un stratagème complexe permettant de percevoir la TPS sans la verser.

[103] Deuxièmement, les feuilles de travail créées par l'appelante (les prétendues « factures » montrées au vérificateur) ne seraient pas considérées comme des factures dans l'industrie de la construction et l'appelante n'a pas été payée sur la base de ces factures. Je conclus donc, contrairement à ce qu'a affirmé Mme MacNeil, que ces feuilles de travail n'étaient pas des factures. C'était simplement le moyen utilisé pour documenter et suivre tous les redressements, parce que tout le monde croyait que cela était acceptable. Aucune présentation erronée des faits n'a été faite dans ce cas-ci. La consultation des livres permettait de s'en rendre parfaitement compte et, au fil des ans, l'appelante a utilisé la même méthode de suivi pour chaque opération comportant de gros montants d'argent.

[104] À supposer que j'aie conclu qu'une présentation erronée des faits avait été faite, ce qui n'est pas le cas, rien ne montre qu'il y a eu négligence, inattention ou omission volontaire de la part de l'appelante. Le ministre n'aurait donc pas pu satisfaire au second volet du critère, et ce, même si j'avais conclu à l'existence d'une présentation erronée des faits. L'appelante a mis en oeuvre de nombreux systèmes afin d'assurer la conformité à cette nouvelle législation. Elle a retenu à plein temps les services d'un vérificateur interne qui était comptable agréé, elle avait à son service le personnel comptable que l'on trouve normalement dans une entreprise de cette taille et elle a eu recours à un cabinet comptable externe réputé. Un système comptable et un système logiciel de premier ordre étaient utilisés et le niveau le plus élevé de vérification était employé. Mme Farina et M. Pyeon ont tous deux témoigné que l'appelante utilisait pleinement ces systèmes et que toutes les opérations étaient enregistrées d'une façon uniforme dans tous les livres. On n'a jamais demandé à l'appelante de changer quoi que ce soit. Il n'y avait pas le moindre indice qu'il y avait peut-être quelque chose qui n'allait pas. De grosses sommes d'argent ont été consacrées à la mise en oeuvre d'un système complexe d'autocontrôle. L'appelante a accordé aux vérificateurs de l'ARC plein accès à tous ses documents et la preuve donne à penser qu'elle a coopéré. Il m'est tout simplement impossible de conclure que ce contribuable était coupable de négligence ou d'inattention et il n'a certes pas commis d'omission volontaire. Martyn, Dooley avaient accès à tous les documents de l'appelante. Selon la preuve, ce cabinet comptable savait fort bien, compte tenu des feuilles de travail, que la TPS sur la TVP était redressée dans une proportion de 2,7407 p. 100. Les feuilles de travail et les autres documents donnent une idée exacte de ce que l'appelante faisait. Pourtant, aucun des tests de vraisemblance et aucune des notes concernant les questions importantes ne suscitaient de préoccupations au sujet de ce calcul au cours des années en cause. De fait, il est évident que Martyn, Dooley considéraient que ces redressements étaient appropriés et acceptables, selon la pièce A-3 où, à la page 70, sous la rubrique [traduction] « Points à examiner avec Ralph Aquino » , il était fait mention d'une seule question fort peu importante concernant la TPS à déduire pour un véhicule, que Revenu Canada remettrait peut-être en question selon Martyn, Dooley. Si Martyn, Dooley ont vu les calculs et s'ils ne savaient pas qu'ils étaient inexacts, comment peut-on dire que l'appelante aurait dû le savoir et qu'il y a eu négligence, inattention ou omission volontaire de sa part?

[105] L'intimée a soutenu que M. Sudan, du cabinet Martyn, Dooley, avait discuté de la question de la TPS sur la TVP lors de la réunion qu'il avait eue avec MM. Kar et Aquino au mois de juin 1995. On a également porté à mon attention la note concernant les questions importantes de 1994 (pièce A-3) contenant les notes manuscrites. L'intimée a affirmé que la preuve donnait à penser que la question des deux ensembles de factures, le fait de percevoir la TPS et de verser un montant inférieur à ce qui était perçu, aurait été examinée avec l'appelante lors de cette réunion, comme le montrent ces notes; pourtant, bien qu'elle en ait eu connaissance, l'appelante avait décidé de continuer à procéder de la même façon pendant plusieurs mois après la réunion, et ce, jusqu'au mois de novembre 1995. J'ai l'intention d'aborder cette question en analysant la question de la pénalité, mais je ne puis conclure que la preuve étaye la façon dont l'intimée a décrit ces événements. M. Sudan était la principale relation de l'appelante chez Martyn, Dooley. Or, je rejette au complet le témoignage de M. Sudan. En effet, M. Sudan fut le témoin le moins fiable que j'aie jamais entendu. J'estime que toutes les déclarations qu'il a faites sous serment étaient intéressées et suspectes. Je rejette tout son témoignage pour ce qui est de la note concernant les questions importantes et les notes manuscrites qui y figurent.

[106] Selon le témoignage de Mme Farina, Martyn, Dooley avaient été engagés au niveau le plus élevé; or, l'un des aspects cruciaux de la mission consistait à déceler les questions et les problèmes qui risquaient de se poser pour le contribuable qui avait recours à leurs services. Ce doit être l'une des principales raisons pour lesquelles un contribuable décide de payer de grosses sommes d'argent afin d'obtenir des conseils comptables au plus haut niveau. À coup sûr, si Martyn, Dooley estimaient qu'une question mineure concernant la TPS se rapportant à un véhicule était suffisamment importante pour en parler à M. Aquino, les calculs transparents et évidents concernant la TPS ici en cause qui posaient des problèmes auraient dû les bouleverser. En effet, Martyn, Dooley auraient dû le savoir, mais on ne s'attendait pas et on ne pourrait s'attendre à ce qu'un contribuable raisonnablement prudent comme la présente appelante le sache. Il n'y a pas eu de négligence ou d'inattention de la part de l'appelante et, à coup sûr, il n'existe pas la moindre preuve d'omission volontaire.

[107] Cependant, l'appelante peut-elle être accusée de négligence parce qu'elle a engagé des comptables internes et des comptables externes, de sorte que la relation en résultant a pour effet de faire des actions des préposés-employés celles du commettant-employeur? Je crois que la conclusion que j'ai tirée (à savoir que l'appelante n'a pas fait de présentation erronée des faits au ministre) met un point final à l'affaire, mais l'avocat de l'intimée et celui de l'appelante ont consacré énormément de temps à l'examen de cette question et, cela étant, j'aimerais faire les remarques suivantes. Selon les principes applicables au mandat, s'il est possible de dire que le mandataire est l'âme dirigeante et un instrument crucial de la personne morale, ses actions et intentions, dans la sphère de ses attributions, sont celles de la société elle-même. La société devient alors responsable des actions du mandataire. Toutefois, ce principe ne s'applique que dans la mesure où le mandataire agit dans les limites de ses attributions, expresses ou implicites. M. Aquino n'avait pas l'instruction ou les connaissances voulues pour s'occuper directement des questions de TPS et, même s'il avait eu une instruction et des connaissances suffisantes, compte tenu de la taille de la société, il devait nécessairement déléguer cette tâche. M. Kar était à coup sûr le principal acteur à l'égard des questions de TPS au sein de la société. Un grand nombre des systèmes mis en place l'ont peut-être été à la demande de M. Kar, mais je ne crois pas que M. Kar aurait mis en oeuvre ces mécanismes complexes sans l'autorisation de M. Aquino. En effet, M. Aquino s'est présenté comme un propriétaire qui s'occupait directement de son entreprise. Il a témoigné qu'il passait un grand nombre d'heures à surveiller les projets sur les chantiers. Il a acquis ses connaissances de lui-même et c'est là que repose son expertise. Je crois qu'il a peut-être accordé plus de latitude à M. Kar en 1994, lorsque sa femme était malade et qu'elle est par la suite décédée, mais c'est la seule fois qu'il l'a fait. Avant que M. Kar eût commis la fraude en question, M. Aquino s'en remettait au jugement de celui-ci et aux suggestions qu'il faisait en matière fiscale, mais M. Aquino n'avait pas le choix. Il est intéressant de remarquer que, dans la note concernant les questions importantes, c'était le nom de M. Aquino, plutôt que celui de M. Kar, dont Martyn, Dooley avaient fait mention aux fins de l'examen des points soulevés. M. Aquino a témoigné qu'il était toujours présent lorsque M. Sudan se présentait aux bureaux de l'appelante pour examiner ses états et déclarations. M. Aquino n'a pas renoncé à son pouvoir en déléguant certaines tâches administratives à M. Kar. Même si je concluais que M. Kar était l'âme dirigeante, la preuve qui m'a été soumise montre clairement qu'il outrepassait ses pouvoirs et l'appelante n'était donc pas responsable de ses actes. Il en irait également de même pour les actions de Martyn, Dooley si, de fait, ces actions étaient régies par les principes applicables au mandat. M. Aquino conservait le contrôle ultime. La société lui appartenait et, au fil des ans, il a travaillé avec acharnement pour en faire ce qu'elle est aujourd'hui. Même si le droit en matière de mandat s'applique dans ce cas-ci, M. Kar n'était pas l'âme dirigeante de la société.

[108] Dans la mesure où il pouvait comprendre ce qui se passait, M. Aquino assistait aux réunions et aux discussions qui avaient lieu avec Martyn, Dooley à la fin de l'année et il assistait à l'examen final et à la signature des déclarations. Il ne s'agit pas de quelqu'un qui embauche un aide-comptable incompétent pour s'occuper des questions fiscales et qui ne tient ensuite aucun compte de ce qui se passe au cours d'une période donnée. M. Kar était comptable agréé. On ne saurait en aucun cas le considérer comme manifestement incompétent, puisqu'il était une canaille si adroite qu'il a réussi à soutirer près d'un million de dollars à l'appelante.

[109] Quant au cabinet comptable externe, il a été engagé au plus haut niveau d'une mission en vue de réviser tous les documents, de vérifier les états financiers et de faire rapport sur les questions et les problèmes qui se posaient; toutefois, ce cabinet n'était pas pour autant l'âme dirigeante de l'appelante en ce qui concerne les questions de TPS. Le cabinet a été négligent, inattentif, inadéquat et inepte, mais il n'était heureusement pas l'âme dirigeante des affaires générales de l'appelante. Le cabinet était le dernier cran d'un système d'autocontrôle que l'appelante avait mis en place et l'appelante le rémunérait fort généreusement pour ses services. Malheureusement pour l'appelante, tous ces systèmes complexes ont misérablement fait défaut.

[110] Bref, je conclus que le ministre n'a pas satisfait à l'obligation qui lui incombait d'établir que l'appelante lui avait fait une présentation erronée des faits, et ce, par négligence, inattention ou omission volontaire. La période allant du 1er janvier 1991 au 5 juin 1994 est donc prescrite au sens du paragraphe 298(1) de la Loi et elle ne peut pas être rouverte.

[111] La deuxième question se rapporte à l'imposition de pénalités conformément à l'article 280 de la Loi.

[112] Compte tenu de la conclusion que j'ai tirée au sujet de la première question (à savoir que la période allant du 1er janvier 1991 au 5 juin 1994 était prescrite), certaines des pénalités seront réduites en conséquence. Toutefois, la dernière partie de la période visée par l'appel ne fait pas partie des années prescrites et elle peut donc donner lieu à des pénalités. Il incombe à l'appelante de me convaincre d'annuler les pénalités. Pour ce faire, je dois être convaincue que l'appelante a fait preuve d'une diligence raisonnable. Compte tenu de l'analyse que j'ai effectuée au sujet de la question de la prescription, il s'ensuit presque nécessairement que je conclus que l'appelante a fait preuve d'une diligence raisonnable pour l'application de la pénalité prévue à l'article 280. Chaque affaire dépend des faits qui lui sont propres et, à coup sûr, il y a en l'espèce une multitude de faits. Il a clairement été établi que M. Aquino, l'unique actionnaire, le président et l'âme dirigeante de la société appelante, n'avait pas en matière fiscale l'instruction ni les connaissances voulues pour s'occuper directement de cet aspect particulier de son entreprise. Il connaissait ses limites et il a fait en sorte que les systèmes appropriés soient en place pour qu'il soit possible de se conformer à cette législation complexe. Un comptable interne et des employés ont été embauchés pour assurer la conformité. Un système informatique sophistiqué et un système logiciel comptable de premier ordre ont été installés. Un cabinet comptable externe bien connu a été engagé pour donner des conseils comptables au plus haut niveau et M. Aquino assistait personnellement aux réunions tenues avec le représentant du cabinet comptable externe.

[113] Mme Farina a expliqué que les obligations des comptables externes comprenaient l'obligation de veiller à ce que les méthodes appropriées soient en place pour assurer la conformité à la TPS. Mme Farina a témoigné qu'il s'agissait de la pratique normale lorsqu'un client paie pour obtenir le plus haut niveau de comptabilité ou des états vérifiés. Les lettres de mission ne traitent pas expressément de la chose, mais je retiens le témoignage de Mme Farina selon lequel il s'agit de la pratique normale. Mme Farina s'est présentée comme étant un témoin fort compétent et digne de foi, qui s'y connaissait en matière de comptabilité et qui avait des compétences en la matière. Son témoignage m'a fortement impressionnée. Il n'y a pas lieu de ne pas accepter l'ensemble de son témoignage. L'appelante a assuré tout le contrôle interne et externe possible pour assurer la conformité et il n'y avait rien qui puisse faire croire à M. Aquino que sa société ne se conformait pas à la législation. Il s'agissait certes d'une supposition erronée de sa part, mais on ne saurait néanmoins lui imputer une négligence. Le libellé de la lettre de mission des comptables externes (pièce A-1, onglet 1), même si elle date d'avant l'introduction de la TPS, indique l'ampleur des types de services comptables professionnels que l'appelante a retenus. M. Aquino a témoigné que le recours aux services comptables pour lesquels il payait le réconfortait dans une certaine mesure et qu'il comptait sur ces services. Lorsque la TPS a été établie, les comptables externes ont envoyé à l'appelante une lettre (pièce A-1, onglet 2) dans laquelle il était question de formuler une liste de contrôle aux fins de la planification future, destinée à permettre de déceler les possibilités de planification concernant la TPS, ainsi que les questions ou problèmes possibles. La lettre a été envoyée à l'appelante, puis on a éventuellement établi contact et assuré le suivi. Dans une autre lettre en date du 13 mai 1991 que M. Dooley avait rédigée pour le compte de son cabinet (qui était, à ce moment-là, le cabinet Doane Raymond Pannell) (pièce A-1, onglet 3), l'appelante a été informée que les comptables externes veilleraient à ce que les états financiers ne comportent aucune inexactitude importante et qu'ils évalueraient les principes comptables utilisés. Je crois que ces déclarations donnent à entendre que la conformité à la TPS ferait partie de leur vérification. De plus, je dispose du témoignage non contesté de Mme Farina selon lequel, même si normalement il n'est pas expressément fait mention de la TPS dans les lettres de mission, cette question est clairement incluse lorsque le cabinet convient de procéder à une vérification complète et d'être rémunéré à cet égard. Les feuilles de travail des comptables externes faisaient état des calculs relatifs à la TPS, mais aucun problème n'a été décelé à cet égard. Il est en effet fort remarquable et révélateur que, dans la pièce A-3, onglet 4, sous la rubrique [traduction] « Impôts indirects » , le cabinet ait écrit ce qui suit :

[traduction]

La méthode est la même que celle qui a été employée l'an dernier - la cliente établit deux ensembles de factures : l'une pour les clients indiquant ce que ceux-ci doivent payer et l'autre pour enregistrer la TPS perçue sur les ventes.

Les calculs effectués par M. Kar étaient transparents et évidents, mais dans les notes concernant les questions importantes, Martyn, Dooley ont omis de les signaler comme étant problématiques. M. Sudan a témoigné avoir porté ces problèmes à l'attention de l'appelante au mois de juin 1995. Toutefois, j'ai rejeté le témoignage de M. Sudan dans son ensemble; et même si je retenais son témoignage sur ce point, M. Sudan n'avait clairement pas la capacité d'informer M. Kar et M. Aquino de la nature sérieuse de ces problèmes et de les expliquer. Je fonde cette conclusion sur le fait que M. Sudan n'a pas pu suivre un calcul passablement simple de la TPS que l'avocat de l'appelante a tenté de lui faire examiner pendant le contre-interrogatoire. Il n'y avait rien qui soit caché ou dissimulé dans les calculs de M. Kar et, de fait, M. Dickinson, qui a remplacé M. Kar, a pu déceler des problèmes dans ces calculs peu de temps après avoir commencé à travailler pour l'appelante.

[114] Les notes rédigées à la main par les comptables externes dans chacun des rapports portant sur les feuilles de travail ne renferment aucune mention des questions de TPS qui devaient être examinées avec M. Aquino. Une note concernant la TPS sur un véhicule est difficilement comparable à l'ampleur du problème que posaient les calculs effectués par M. Kar au sujet de la TPS. M. Aquino a témoigné qu'aucun des comptables n'avait mentionné que la TPS suscitait des problèmes ou que des questions se posaient au sujet de la façon dont sa société traitait et déclarait la TPS. M. Aquino a affirmé que, s'il avait été mis au courant de la chose, il aurait agi immédiatement en vue de corriger ces problèmes, comme il l'a fait lorsqu'il a payé le montant dû à l'ARC dès que M. Dickinson l'a informé du problème. De plus, les représentants de l'ARC s'étaient présentés sur les lieux à plusieurs reprises afin de procéder à des vérifications et ils n'avaient pas fait part à M. Aquino de l'existence d'un problème à l'égard de la TPS. Quelles autres mesures raisonnables l'appelante aurait-elle donc pu prendre pour assurer la conformité? Je ne connais aucune autre mesure que la société aurait pu prendre sauf de supposer, ce qui frise le ridicule, que la société aurait également dû payer un second cabinet de comptables externes pour vérifier le travail du premier. Ce n'est tout simplement pas une mesure qui pourrait être jugée raisonnable dans le monde normal des affaires. Si l'appelante avait eu des soupçons au sujet du travail de Martyn, Dooley, il serait alors possible de dire que le recours à un second cabinet comptable pour réviser le travail aurait peut-être été une mesure responsable et raisonnable. Toutefois, il n'y avait pas lieu pour l'appelante d'avoir des soupçons.

[115] De plus, même si les montants se rapportant à la TPS peuvent à première vue sembler élevés, le manque, sur une base mensuelle, était faible par rapport aux recettes globales générées par l'appelante. En fait, l'appelante devait payer un montant élevé au titre de la TPS, mais la différence entre ce qui était versé et ce qui aurait dû être versé est faible, et, à coup sûr, elle n'était pas suffisamment importante pour que M. Aquino, ou toute autre personne qui signait les chèques et voyait les déclarations relatives à la TPS, doive la remarquer ou pour que l'on s'attende avec raison à ce que cette différence soit remarquée.

[116] M. Aquino comptait énormément sur M. Kar, son contrôleur. Il lui avait confié encore plus de responsabilités en 1994 lorsque sa femme était malade. C'est à ce moment-là que M. Kar a frustré la société d'une somme de près d'un million de dollars. Toutefois, pendant toute cette période, l'appelante avait recours à un progiciel complémentaire, à un système informatique, à un service interne de comptabilité et à des comptables externes en tant que système ultime d'autocontrôle.

[117] Et enfin, il y avait M. Sudan, qui était le seul associé au sein du cabinet comptable externe, Martyn, Dooley, et de ses prédécesseurs, à avoir un contact direct avec M. Aquino pendant toute cette période. En sa qualité de représentant du cabinet comptable externe, M. Sudan traitait avec l'appelante depuis 1987 ou 1988. C'était lui qui examinait avec M. Aquino les états vérifiés et les pratiques comptables. Pourtant, M. Sudan a témoigné qu'il n'avait jamais examiné et, ce qui est encore plus important, qu'il ne comprenait même pas les feuilles de travail. M. Sudan affirme être comptable agréé de profession, mais un comptable qui, à vrai dire, n'aurait pas pu reconnaître ce problème et apprécier son importance pour l'appelante. M. Sudan a témoigné qu'il prenait uniquement connaissance de la note concernant les questions importantes et que, s'il n'y décelait aucun problème en matière de TPS, il ne portait pas la chose à l'attention de M. Aquino. Mme Prapavessis effectuait la vérification elle-même et son travail était révisé par M. Dooley, l'associé chargé des vérifications. Les feuilles de travail nous apprennent que Martyn, Dooley étaient au courant des calculs concernant la TPS; pourtant, le cabinet n'a jamais, au fil des ans, informé M. Aquino du problème. M. Sudan a affirmé que, soudain, au mois de juin 1995, pendant qu'il apportait la dernière touche aux états, il a présenté le problème à M. Aquino, un jour ou deux à peine avant la date à laquelle les déclarations devaient être produites. Lorsqu'il a témoigné, M. Sudan a soutenu que M. Aquino n'avait tout simplement rien fait. Pourtant, M. Aquino a lui-même témoigné avoir été vraiment estomaqué lorsque M. Dickinson a découvert le problème; il a immédiatement remédié à la situation et il a envoyé à l'ARC un chèque de près de deux millions de dollars qui a presque eu pour effet d'entraîner la faillite de sa société. Je ne sais pas comment M. Sudan aurait pu déceler le problème, puisque, selon son témoignage, il ne savait même pas que la chose pouvait susciter un problème. C'était tout un aveu de la part de la personne qui était la principale relation de M. Aquino chez Martyn, Dooley et la personne qui était en fin de compte chargée de porter de tels problèmes à l'attention de M. Aquino. Cela était étonnant, mais peut-être pas surprenant, puisque, pendant le contre-interrogatoire, ce même témoin, un comptable agréé et la relation de l'appelante, ne pouvait pas suivre, avec l'avocat de cette dernière, un simple calcul relatif à la TPS. J'ai rejeté le témoignage de M. Sudan dans son ensemble et je n'ai certes pas cru M. Sudan lorsqu'il m'a dit qu'il avait porté le problème à l'attention de M. Aquino au mois de juin 1995. Toutefois, s'il y a une chose que je croirais peut-être, ce serait l'assertion initiale que M. Sudan a faite, à savoir que les notes manuscrites figurant dans la note concernant les questions importantes n'étaient pas là lorsqu'il a rencontré M. Aquino au mois de juin 1995. Lors de l'interrogatoire principal auquel l'avocat de l'intimée a procédé, M. Sudan a témoigné que cette note manuscrite était apparue après le mois de juin 1995; toutefois, lorsqu'il a été contre-interrogé, il a changé son témoignage. En fin de compte, après avoir changé d'idée à plusieurs reprises, il a finalement déclaré que les notes manuscrites [traduction] « étaient peut-être là » au mois de juin 1995. Je ne crois pas que les notes manuscrites figurant dans la marge aient été présentes lorsque M. Sudan a rencontré M. Aquino, au mois de juin 1995. Il est toutefois préférable de laisser un autre tribunal se prononcer à un autre moment sur la question de savoir comment ou pourquoi ces notes sont magiquement apparues après cette date. Tout cela dénote une incompétence stupéfiante et ce n'est pas le genre de conduite dont l'appelante peut être tenue responsable. Même en faisant preuve de toute la diligence raisonnable possible, l'appelante n'aurait pas pu se rendre compte du problème. L'appelante a eu recours aux bonnes personnes, elle a mis en place les bons systèmes et elle a dépensé d'énormes sommes d'argent pour assurer la conformité. Elle s'est malheureusement retrouvée en présence d'individus d'une incompétence étonnante, dont l'un était un escroc. Dans des circonstances raisonnables, tous ces systèmes auraient dû aider l'appelante. Si les comptables externes avaient effectué leurs vérifications au niveau de compétence pour lequel ils avaient été engagés et rémunérés, les calculs inexacts afférents à la TPS auraient bien vite été décelés et ils auraient été corrigés. Cependant, la preuve établit clairement que l'appelante a agi d'une façon raisonnable et prudente et qu'elle ne peut pas être punie pour la conduite de ses comptables externes, dont l'incompétence et la négligence étaient telles qu'aucun degré de diligence raisonnable plus élevé que celui dont l'appelante a fait preuve n'aurait permis d'éviter le problème. Il est tout à fait déraisonnable de soutenir que, d'une façon ou d'une autre, l'appelante aurait dû se rendre compte du problème en se montrant raisonnablement diligente lorsque des professionnels engagés et rémunérés pour faire cette chose même ont constaté les calculs inappropriés afférents à la TPS, mais n'ont pas reconnu qu'il y avait un problème.

[118] Je suis convaincue, eu égard à la preuve, que l'appelante a fait tout ce à quoi on pouvait raisonnablement s'attendre pour se conformer à la Loi. L'appelante s'est montrée diligente en ce sens qu'elle a fait preuve du degré de soin dont une personne raisonnable ferait preuve pour assurer la conformité. Toute pénalité imposée à l'égard de la période qui n'est pas prescrite sera annulée.

Troisième question

[119] Il est préférable d'aborder ce point en se posant la question suivante : Qui a le droit de demander des CTI? Pour répondre à cette question, il faut examiner les dispositions pertinentes de la Loi sur la taxe d'accise, à savoir l'ancien paragraphe 123(1), le paragraphe 123(1) actuel et le paragraphe 169(1).

[120] La Loi sur la taxe d'accise définissait initialement le mot « acquéreur » comme suit[2] :

123.(1) « acquéreur » Personne qui paie, ou accepte de payer, la contrepartie d'une fourniture ou, à défaut de contrepartie, destinataire de la fourniture;

En 1993, une nouvelle définition a été adoptée, laquelle s'appliquait rétroactivement au 17 décembre 1990. La nouvelle définition, qui est encore en vigueur de nos jours, figure au paragraphe 123(1) actuel[3] :

123.(1) « acquéreur »   

a)

Personne qui est tenue, aux termes d'une convention portant sur une fourniture, de payer la contrepartie de la fourniture,

b)

personne qui est tenue, autrement qu'aux termes d'une convention portant sur une fourniture, de payer la contrepartie de la fourniture [...]

Par ailleurs, la mention d'une personne au profit de laquelle une fourniture est effectuée vaut mention de l'acquéreur de la fourniture.

La règle générale qui s'applique au calcul des CTI est énoncée au paragraphe 169(1) qui, pendant la période pertinente, était rédigé comme suit :

169.(1) Sous réserve de la présente partie, le crédit de taxe sur les intrants d'une personne [...] relativement à un bien ou à un service qu'elle importe ou qui lui est fourni, correspond au résultat du calcul suivant si [...] la taxe relative à l'importation ou à la fourniture devient payable par la personne ou est payée par elle sans qu'elle soit devenue payable :

A x B

où :

A         représente la taxe relative à l'importation ou à la fourniture qui [...] devient payable par la personne ou est payée par elle sans qu'elle soit devenue payable;

B           représente

[...]

c) [...] le pourcentage qui représente la mesure dans laquelle la personne a acquis ou importé le bien ou le service pour consommation, utilisation ou fourniture dans le cadre de ses activités commerciales.

[121] Selon le paragraphe 169(1), la personne qui a le droit de demander les CTI est celle à qui la fourniture est effectuée et, selon le paragraphe 123(1), cette personne est réputée être l' « acquéreur » . Pour l'application de la Loi sur la taxe d'accise, c'est donc l'acquéreur de la fourniture qui a le droit de demander les CTI. Or, qui était l'acquéreur en l'espèce? Aux paragraphes 123(1) et 169(1), l'accent est mis sur la personne qui est tenue de payer la contrepartie de la fourniture (et par conséquent, de payer la taxe sur cette fourniture). Le libellé de ces dispositions et la simple logique commandent que les paragraphes 123(1) et 169(1) visent à allouer les CTI à la personne qui a en fait payé la TPS sur la fourniture.

[122] La preuve montre qu'il existait des ententes sous la forme de factures entre l'appelante et les sous-traitants auxquels cette dernière avait recours pour refaire le travail. S'ensuit-il que l'alinéa 123(1)a) s'applique, de sorte que l'appelante (soit la personne responsable au vu de l'entente) devient l' « acquéreur » ? Ce n'est pas nécessairement le cas. La Cour a examiné le paragraphe 123(1), et, en particulier, le rapport qui existe entre les alinéas 123(1)a) et b), dans la décision Immeubles Sansfaçon Inc. c. Canada, [2000] A.C.I. no 603. Dans cette décision, le juge Tardif a conclu ce qui suit :

[33]       [...] dans le cas où une contrepartie doit être payée, l'acquéreur est celui qui, de manière ultime, en vertu d'une convention portant sur une fourniture [selon l'alinéa a)] ou autrement [selon l'alinéa b)], est tenu d'assumer cette contrepartie.

[34]      Les situations prévues par les alinéas a) et b) sont mutuellement exclusives en ce sens qu'il ne peut y avoir deux acquéreurs distincts, l'un en vertu de l'alinéa a), l'autre en vertu de l'alinéa b). Cela ne signifie pas pour autant que s'il existe une convention portant sur une fourniture, l'alinéa a) ne peut s'appliquer. L'alinéa b) pourra trouver application malgré l'existence d'une convention portant sur une fourniture dans le cas où la personne tenue de payer en vertu de cette convention n'est pas tenue de payer quoi que ce soit. [Note 5 : La conclusion du juge Dussault dans 163410 Canada Inc. c. Canada, [1998] G.S.T.C. 166 (T.C.C.) semble conforme à une telle interprétation. Dans cette affaire, en effet, l'existence d'une convention entre le fournisseur et un tiers intermédiaire ne semblait pas être un obstacle à la possibilité d'une obligation légale de l'appelant envers le fournisseur en vertu de l'alinéa b) de la définition d'acquéreur de l'article 123 de la Loi.] [...]

[Non souligné dans l'original.]

                                                                                    

[123] Nous devons donc déterminer qui était « de manière ultime » responsable du paiement de la fourniture. En l'espèce, lorsque le travail d'un sous-traitant n'était pas satisfaisant, l'appelante avait habituellement recours à un second sous-traitant pour remédier à la situation. L'appelante tentait ensuite de recouvrer du premier sous-traitant le coût de ces réparations en exigeant des frais pour travaux correctifs, c'est-à-dire en demandant une réduction du prix stipulé dans le contrat initial, d'un montant égal au montant versé au second sous-traitant (y compris la TPS qu'elle avait payée). En acceptant ces frais, le premier sous-traitant reconnaissait sa responsabilité à l'égard du travail non satisfaisant et il assumait la responsabilité de payer la facture. Le nom de l'appelante figurait au recto de la facture, mais c'était le premier sous-traitant, et non l'appelante, qui acceptait d'être en dernier ressort responsable du paiement de la facture, y compris la TPS y afférente.

[124] Selon certains éléments de preuve, il était loisible au sous-traitant de contester les frais pour travaux correctifs, et dans certains cas, l'appelante annulait ces frais. Toutefois, ce ne sont pas ces cas qui sont ici en cause. Le litige porte plutôt sur les cas dans lesquels l'appelante a demandé des CTI pour des factures se rapportant aux réparations même si elle avait réussi à transférer à un sous-traitant la responsabilité de payer ces factures. Dans ces derniers cas, je conclus que le sous-traitant était l'acquéreur et que l'appelante n'a donc pas le droit de demander les CTI. Ces remarques sont suffisantes pour régler la question, mais j'aimerais examiner brièvement les arguments que l'appelante a invoqués.

[125] L'appelante a affirmé que les frais pour travaux correctifs visaient à modifier le contrat initial conclu avec un sous-traitant et que la chose était étayée par la lettre de notification concernant les frais pour travaux correctifs, dans laquelle elle demandait au sous-traitant de remettre une note de crédit. Je ne suis pas d'accord. Si l'appelante avait voulu réduire le prix du contrat initial (et la TPS y afférente), elle aurait pu envoyer une note de débit, en donnant les renseignements réglementaires, ou elle aurait pu insister pour recevoir une note de crédit avec les renseignements réglementaires; toutefois, l'appelante n'a fait ni l'un ni l'autre. Les lettres de notification ne constituent pas des notes de débit et aucun élément de preuve ne montrait que des notes de crédit avaient été remises à l'appelante. Il semble que l'appelante, au lieu d'insister pour que le contrat initial soit modifié, se soit contentée de laisser le sous-traitant assumer la responsabilité de payer la facture se rapportant aux réparations en acceptant de payer les frais pour travaux correctifs. Par conséquent, les frais pour travaux correctifs compensent de fait le montant que l'appelante doit au premier sous-traitant aux termes du contrat initial, mais cela ne réduit pas le montant du contrat initial.

[126] L'appelante a soutenu subsidiairement que les frais pour travaux correctifs étaient un montant que le sous-traitant payait pour couvrir une perte qu'elle avait subie (voir la transcription, page 1314), qui n'est pas une fourniture taxable et n'est donc pas assujettie à la TPS. Je ne retiens pas cet argument. Lorsqu'un sous-traitant reçoit une lettre de notification (y compris la facture) et décide d'accepter les frais pour travaux correctifs sans modifier le contrat initial (en remettant une note de crédit), il est clair que le sous-traitant accepte la responsabilité de payer cette facture particulière.

Conclusion

[127] En résumé, la période allant du 1er janvier 1991 au 5 juin 1994 est prescrite, les pénalités seront annulées et les CTI qui ont été demandés à l'égard des frais pour travaux correctifs, dans la mesure où ils ne sont pas prescrits, seront refusés. Étant donné que l'appelante a eu gain de cause dans l'ensemble, je lui accorde deux mémoires de frais.

Signé à Ottawa, Canada, ce 18e jour de mai 2005.

« Diane Campbell »

Juge Campbell

Traduction certifiée conforme

ce 21e jour de juin 2006.

Mario Lagacé, jurilinguiste


RÉFÉRENCE :

2005CCI78

No DU DOSSIER DE LA COUR :

2001-967(GST)G

INTITULÉ :

Bondfield Construction Company (1983) Limited c.

Sa Majesté la Reine

LIEU DE L'AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

DATES DES AUDIENCES :

Les 22, 23 et 24 septembre 2003,

les 21 et 22 octobre 2003 et

les 23, 24, 25, 26 et 27 février 2004

MOTIFS DU JUGEMENT :

L'honorable juge Diane Campbell

DATE DU JUGEMENT :

Le 18 mai 2005

COMPARUTIONS :

Avocats de l'appelante :

Mes Timothy Danson et

Robert Zigler

Avocats de l'intimée :

Mes Margaret Nott et

André LeBlanc

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Pour l'appelante :

Nom :

Timothy Danson et

Robert Zigler

Cabinet :

Danson, Recht & Freedman

Toronto (Ontario)

Pour l'intimée :

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

Ottawa, Canada



[1]Tout écart dans l'addition est attribuable aux montants originaux mentionnés dans la pièce A-1, onglet 6.

[2]Définition ajoutée par L.C. 1990, ch. 45, paragraphe 12(1).

[3] Définition modifiée par L.C. 1993, ch. 27, paragraphe 10(1), qui est réputée avoir pris effet le 17 décembre 1990.

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