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Dossier : 2003-1961(IT)G

ENTRE :

PETER AU,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

________________________________________________________________

Appel entendu à St. John's (Terre-Neuve), les 9 et 11 février 2005.

Devant : L'honorable juge C. H. McArthur

Comparutions :

Avocat de l'appelant :

Me Roger Taylor

Avocat de l'intimée :

Me John Bodurtha

________________________________________________________________


JUGEMENT

          L'appel de la cotisation établie en application de la Loi de l'impôt sur le revenu pour l'année d'imposition 1998 est admis avec dépens et la cotisation est déférée au ministre du Revenu national pour nouvel examen et nouvelle cotisation en tenant compte du fait que le montant de 3 080 000 $ n'est pas un revenu d'emploi de l'appelant.

Signé à Ottawa, Canada, ce 29e jour d'avril 2005.

« C. H. McArthur »

Le juge McArthur

Traduction certifiée conforme

ce 7e jour de juillet 2006.

Yves Bellefeuille, réviseur


Référence : 2005CCI303

Date : 20050429

Dossier : 2003-1961(IT)G

ENTRE :

PETER AU,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

MOTIFS DU JUGEMENT

Le juge McArthur

[1]      Cet appel inhabituel se rapporte à la question de savoir si le montant de 3 080 000 $ que l'appelant a reçu de Paul Johnson en 1998 est imposable. La principale position prise par l'appelant est que le montant en question n'est pas assujetti à l'impôt, parce qu'il ne s'agissait pas d'un revenu d'emploi, étant donné qu'il n'y avait pas de relation employeur-employé, et qu'il ne s'agissait pas d'un revenu d'entreprise, du fait que l'appelant n'exploitait pas d'entreprise. Le ministre du Revenu national prend la position contraire, en affirmant principalement que le paiement était un revenu d'emploi. Les faits découlent de la relation existant entre deux hommes sortant de l'ordinaire, Peter Au, l'appelant, et Paul Johnson. Les témoignages ont été présentés par l'appelant et par son avocat spécialisé en droit du travail, Randell Earle. Ils étaient tous deux des témoins crédibles.

[2]      L'appelant a immigré au Canada depuis l'Asie lorsqu'il était jeune. Il a vécu pendant quatre ans avec sa soeur aînée et il a fréquenté l'école à Pittsburgh, en Pennsylvanie. Il a affirmé que, d'une façon générale, il s'est élevé lui-même. Il a quitté Pittsburgh pour s'installer à Terre-Neuve où il a terminé ses études et est devenu comptable agréé. Il a joint Clarkson Gordon, un cabinet comptable national, vers l'année 1980, et il est devenu associé de ce cabinet en 1985, lorsqu'il avait environ 38 ans.

[3]      Clarkson Gordon, par l'entremise de l'appelant, fournissait des services comptables et des conseils fiscaux aux sociétés d'assurance suivantes, à Terre-Neuve : Unifund Service Company Ltd. et sa filiale, Johnson Insurance Ltd. (le « groupe d'assurance » ). Le groupe d'assurance était contrôlé par Johnson Financial Limited[1], une société de portefeuille; Paul Johnson possédait toutes les actions de Johnson Financial. Entre l'année 1980 au moins et l'année 1996, le groupe d'assurance a rapidement pris de l'essor; M. Johnson croyait que le groupe avait vraiment besoin d'une personne possédant les talents de l'appelant. Monsieur Johnson avait renoncé à une partie importante de la valeur du groupe d'assurance par suite d'un gel successoral partiel en 1983. Il avait quatre enfants qui étaient tous employés par le groupe d'assurance, mais il estimait qu'aucun d'eux n'avait les talents nécessaires pour prendre en charge la gestion du groupe d'assurance à son décès.

[4]      L'appelant a parlé de M. Johnson avec énormément d'affection et d'admiration et l'a décrit comme un philanthrope et l'homme d'affaires le plus intelligent et le plus innovateur qu'il connaisse. Monsieur Johnson était propriétaire d'une entreprise d'assurance fort rentable. En 1986, il n'était qu'au début de la soixantaine, mais sa santé l'inquiétait énormément[2] et il se préoccupait donc du bien-être de sa femme et de ses enfants après son décès[3]. Il avait besoin d'un ami et d'un confident, compétent dans le monde des affaires, qui allait probablement lui survivre et sur qui il pouvait compter pour s'occuper de sa succession et des affaires familiales après son décès. Il se préoccupait en particulier de la capacité de sa famille de réaliser la valeur des actions de Johnson Financial après son décès.

[5]      Alors que l'appelant fournissait des services complexes de planification fiscale au groupe d'assurance de 1980 à 1987, il a noué avec M. Johnson des liens solides et des relations personnelles et d'affaires étroites. Après que M. Johnston lui eut fait plusieurs offres, l'appelant a quitté Clarkson Gordon au printemps 1987 pour devenir un employé du groupe d'assurance et de Johnson Financial. Les compétences de l'appelant en matière de fiscalité et de comptabilité ainsi que dans les affaires étaient bien connues dans le milieu d'affaires de St. John's et il aurait pu y avoir [TRADUCTION] « toute une série » d'employeurs cherchant à se prévaloir de ses services[4]. Monsieur Johnson a cherché à recruter l'appelant d'une façon agressive et il a réussi, au mois de mars 1987, lorsqu'ils ont signé une entente, laquelle constitue le document le plus important versé dans le recueil conjoint des pièces[5] en ce qui concerne les questions en litige. Il s'agit d'une offre plutôt informelle rédigée par M. Johnson sous la forme d'une lettre à l'appelant. À cause de son importance, je la reproduis en bonne partie ci-dessous :

[TRADUCTION]

La présente lettre est rédigée pour le compte de Johnson Family Limited (et de ses sociétés affiliées), de moi-même personnellement et de ma famille, ainsi que du « groupe d'assurance » Johnson-Unifund. Elle fait état de l'entente concernant votre emploi auprès de Johnson Family Limited et du groupe d'assurance. (Il serait peut-être bon de rédiger une lettre distincte sur le papier à en-tête d'Unifund Service Company Limited, de façon que les dispositions qui sont prises au sein du groupe d'assurance soient clairement énoncées pour ses dossiers.) Bien entendu, les dispositions qui seront prises entre vous-même et Johnson Family Limited, le « groupe familial » , sont confidentielles, le groupe de gestion générale de Johnson-Unifund devant toutefois être au courant du fait que vous assumerez des responsabilités cruciales en matière de gestion au sein du « groupe familial » de sociétés, moyennant une « contrepartie » de valeur, qui est tenue confidentielle.

[...]

Nous discuterons tous deux avec Jim Chalker[6] de la question de la durée du groupe familial, et de son maintien possible, en tant que question distincte. Selon moi, en ce qui a trait à votre sécurité future, l'existence continue des sociétés familiales est garantie pour au moins vingt à vingt-cinq ans.

Je tiens à souligner que Johnson Family ne bénéficie pas à l'heure actuelle de régimes d'avantages sociaux. Il ne serait pas difficile de faire ajouter Johnson Family à titre d'assurée désignée dans les programmes existants d'avantages sociaux, mais cela aurait pour effet que le salaire et d'autres montants seraient connus au sein de Johnson Family Limited, ce qui n'est pas souhaitable selon les dispositions envisagées. Je veux que vous soyez au courant de la chose, parce qu'il faut s'assurer d'être en mesure de remédier à cette situation, relativement à la pension et à l'invalidité, concernant la partie de votre revenu provenant du groupe familial, p. ex. une pension ou une protection du revenu. Il pourrait être bon d'acheter une protection distincte à l'égard de la pension et de la protection du revenu, en vue de la retraite ou en cas d'invalidité.

Le salaire annuel reçu du groupe familial sera de 20 000 $, indexé au coût de la vie, pour un maximum de 10 p. 100 au cours d'une année donnée. Je vous ferai également un legs personnel de 50 000 $ libre d'impôt à l'aide de mes propres ressources. Je consens ce legs parce qu'il est quant à moi extrêmement important de faire en sorte que je bénéficie de vos excellentes compétences personnelles en matière de gestion et de fiscalité, à mon profit et à celui de ma famille, du fait que vous accepterez de devenir le « premier vice-président et directeur financier » de Johnson Family Limited.

Selon les dispositions prises avec le groupe d'assurance, votre salaire pour la première année (au prorata) sera de 52 500 $; une prime minimale garantie de 15 000 $, plus une allocation de voiture de 6 600 $, seront également accordées. Vous agirez, au sein du groupe d'assurance, à titre de « vice-président, Services financiers » et vous serez expressément chargé du développement du service de planification financière et de la mise sur pied de « Unifund Financial Company Limited » . Vous serez dès le début membre du groupe de gestion général, et vous aurez droit à la prime d'encouragement accordée à la haute direction. Vous ne participerez pas au régime concernant les options d'achat d'actions admissibles, mais vous bénéficierez d'une façon continue d'une participation, dans une proportion de 15 p. 100, dans le groupe d'assurance, laquelle sera maintenue par le groupe familial[7].

Quant à ma succession et à celle de Joy, j'entends faire certains dons à l'aide des fonds de Johnson Family ou de ma succession - à savoir, 10 p. 100 à des projets communautaires et de 2,5 à 4 p. 100 à des « amis » . Comme il en a été fait mention, une bonne partie de tout cela doit être accompli au cours des quelques années à venir plutôt qu'après mon décès. Je veux également assurer un revenu viager à mon frère et effectuer un paiement en capital à sa succession, de 100 000 $ peut-être, à l'aide de sources familiales. Comme vous le savez, mon frère est atteint d'une déficience physique partielle, qui peut s'aggraver à tout moment, et il se pourrait qu'il soit décidé de modifier cette disposition ou de hâter le paiement. Advenant le cas où il deviendrait totalement invalide, mon frère pourra présenter une demande en vertu des arrangements existant en matière d'assurance-invalidité, au sein de l'entreprise d'assurance.

La propriété future de la succession, après mon décès et celui de Joy, (ou les actions dans Johnson Family Limited) serait répartie en neuf parts en tout, mes enfants ayant chacun droit à deux parts et vous-même à une part. Je crois que je devrai m'entendre avec Joy sur l'emploi envisagé du revenu ou des actifs de Johnson Family Limited par moi-même, par elle ou par l'entreprise elle-même. Personnellement, je n'envisage pas à l'heure actuelle de faire autre chose que d'accepter certaines des pertes du service alimentaire ou des investissements y afférents, aux frais de Johnson Family (et je suis arrivé à un point où la chose doit être minimisée). Je ne sais pas exactement ce sur quoi Joy entendra dépenser de l'argent. Nous possédons tous les biens immobiliers et les meubles que nous pourrions vouloir et, en fait, nous devons songer à disposer de ces biens indépendamment de Johnson Family Limited.

Comme vous le savez, il reste encore à décider de diverses choses, mais je crois que mes principales intentions sont raisonnablement bien connues. Il nous faut maintenant décider de la façon d'y donner suite. Je ne sais pas trop de quelle façon les fonds et débours concernant la communauté et les amis seraient traités et s'il faut en tenir compte.

Je vous serais fort reconnaissant de confirmer que vous acceptez le contenu de cette lettre, en signant et en retournant la copie additionnelle, lorsque cela vous conviendra. Nous pourrons alors nous entendre sur la date de prise d'effet.

Veuillez agréer l'expression de mes meilleurs sentiments.

La lettre précitée était signée par les deux parties.

[6]      L'appelant devait recevoir 20 000 $ en sa qualité de premier vice-président et directeur financier de Johnson Financial, qui possédait toutes les actions du groupe d'assurance. Monsieur Johnson lui a promis ce qui pourrait être désigné comme une prime à la signature de 50 000 $, en raison des avantages qu'offriraient, pour la famille Johnson, ses « excellentes compétences en matière de gestion » . En plus du salaire de 20 000 $, l'appelant devait recevoir 73 000 $ du groupe d'assurance. La rémunération totale de 93 000 $ était plus élevée que celle qu'il touchait à titre d'associé chez Clarkson Gordon. La lettre faisait part des intentions de M. Johnson au sujet de sa succession et des droits futurs que l'appelant posséderait sur ces biens.

[7]      De toute évidence, M. Johnson tenait beaucoup à ce que l'appelant se charge de l'aspect financier de ses activités se rattachant à l'assurance. L'appelant a déclaré que la part promise du neuvième de la succession n'était pas un avantage dont il avait tenu compte en acceptant l'offre d'emploi qui était faite dans la lettre du 11 mars 1987. Il était alors marié et avait, si je ne me trompe, trois enfants; il voulait passer le reste de ses jours avec sa famille dans la région de St. John's et il avait besoin des 93 000 $.

[8]      Selon la lettre, l'appelant ne devait pas participer au régime concernant les options d'achat d'actions admissibles, mais M. Johnson a changé d'idée et l'appelant y a pris part; il a réalisé des bénéfices s'élevant à environ 1 200 000 $ en levant les options et en vendant les actions. Je crois que cet avantage a été accordé à l'appelant, en plus de son salaire, afin de l'inciter davantage à exercer ses importantes fonctions au sein de l'entreprise.

[9]      L'appelant n'a pas demandé à M. Johnson de lui promettre une part d'un neuvième dans sa succession et il ne s'est pas engagé à faire quoi que ce soit en échange de la promesse. C'était un geste unilatéral gratuit, même s'il existait une arrière-pensée. L'appelant devait être bien rémunéré pour les services à fournir au groupe d'assurance et pour défendre les intérêts de Johnson Financial Limited et de la famille au sein du groupe d'assurance. Il n'est pas fait mention de services que l'appelant devait fournir à M. Johnson et à la famille en échange d'un droit sur un neuvième de la succession.

[10]     Dans une note adressée à son avocat le 29 février 1988[8] au sujet de son testament, M. Johnson disait ce qui suit aux paragraphes 5, 6 et 7 :

[TRADUCTION]

5.          Les difficultés qui se présentent découlent du fait que je veux que des engagements (des deux côtés) soient pris dès maintenant au sujet de la participation de Peter. Selon moi, il faut peut-être qu'une entente que j'appellerais l' « entente concernant la succession et la gestion » (l' « ESG » ) soit conclue par moi-même, Peter et Johnson Financial Limited. L'ESG pourrait servir de résumé contractuel des responsabilités que Peter aura envers moi, envers ma famille, envers la succession et envers JFL (et vice-versa). Il ne doit pas exister d'incertitude ou de malentendu au sujet du rôle absolument crucial de Peter ou au sujet de ses droits - reconnus maintenant au moyen de l'ESG ainsi qu'au moyen du testament.

6.          Peter doit être propriétaire bénéficiaire, dans une proportion de 10 p. 100, des biens de la succession, une fois que la question des legs spécifiques et des biens immobiliers aura été réglée. Cette part de 10 p. 100 ira en augmentant (ou en diminuant) selon la situation de la succession. Peter doit gérer JFL et la succession, en consultation étroite avec les autres fiduciaires ou propriétaires. Il faudra examiner minutieusement la question de l'octroi de ce droit de propriété de 10 p. 100 ainsi que les modalités y afférentes, notamment les considérations fiscales. Il faut procéder à un examen et à une planification intelligente en ce qui concerne le droit à un revenu tiré actuellement de JLF, à un revenu différé, ou à un versement à partir du capital de la succession dès maintenant ou plus tard.

7.          Je puis comprendre pourquoi on suggère que le droit de 10 p. 100 accordé à Peter devrait « s'accumuler » sur une période de cinq ans. Cependant, j'aimerais que l'engagement que je prends envers Peter soit établi dès maintenant. Je veux que sa participation future soit importante et que la chose soit directement liée, à long terme, au bien-être et au sort de Joy et des enfants.

[11]     En promettant une part correspondant au neuvième des biens de sa succession, M. Johnson croyait s'assurer la loyauté et l'engagement de l'appelant à l'égard de ses intérêts financiers et de ceux de sa famille dans Johnson Financial Limited. Il ressort de cette note que M. Johnson ne croyait pas qu'il existait une relation contractuelle entre lui-même personnellement et l'appelant. Le fait qu'il a dit [TRADUCTION] qu' « [i]l faudra examiner minutieusement la question de l'octroi de ce droit de propriété de 10 p. 100 ainsi que les modalités y afférentes [...] » indique que la décision relative au droit afférent à la succession relevait de sa discrétion. L'entente concernant la succession et la gestion n'a jamais été conclue et l'appelant n'en a jamais parlé. À coup sûr, M. Johnson ne considérait pas que le droit à cette part d'un neuvième était une disposition contractuelle de la lettre de 1987 et l'appelant non plus. Monsieur Johnson a conservé le contrôle de ses legs et l'appelant n'avait rien à y voir.

[12]     Par la suite, l'appelant a reçu une ébauche du testament[9] de M. Johnson, prévoyant que son droit correspondait à 10 p. 100 plutôt qu'au neuvième des biens de la succession, ce droit étant assorti de la condition selon laquelle il devait être un employé de Johnson Financial Limited au moment du décès de M. Johnson. Cette modification unilatérale du testament de M. Johnson constitue un autre élément de preuve montrant qu'il ne s'agissait pas d'une disposition contractuelle régissant l'emploi qui aurait été prise par l'appelant et M. Johnson ou le groupe d'assurance. L'octroi à l'appelant d'un droit sur les biens de la succession découlait de la relation personnelle existant entre les deux hommes et du désir de M. Johnson de cultiver leur amitié et leurs relations d'affaires sur une base continue. Dans les témoignages, on a cité plusieurs exemples à l'appui. Ainsi, lorsque la femme de M. Johnson est décédée en 1988, l'appelant s'est personnellement occupé de M. Johnson et lorsque M. Johnson s'est remarié plusieurs années plus tard, l'appelant était son garçon d'honneur et son témoin.

[13]     En 1995, M. Johnson a soutenu l'appelant de la même façon lorsque la femme de celui-ci est décédée. La femme de l'appelant avait fait l'objet, quelques années plus tôt, d'un diagnostic de cancer du sein. Monsieur Johnson est venu en aide à l'appelant en lui faisant parvenir des repas et en lui accordant des heures souples pour lui permettre de s'occuper de ses quatre enfants. L'appelant a témoigné avoir souffert physiquement et émotionnellement après le décès de sa femme. En 1998, il a consulté un psychiatre qui lui a diagnostiqué une dépression. Je ne crois pas qu'il ait travaillé depuis 1997.

[14]     Pendant qu'il travaillait pour Johnson Financial et pour le groupe d'assurance, l'appelant a également aidé M. Johnson et sa famille sur des questions financières et dans leurs activités philanthropiques[10]. Je ne doute aucunement que ces services aient été fort précieux. Dans une lettre datée du 25 septembre 1990, adressée à ses quatre enfants, M. Johnson a notamment dit ce qui suit[11] :

[TRADUCTION]

J'ai déjà parlé à Peter; il est prêt à collaborer avec vous, individuellement et en privé. Vous êtes déjà au courant de sa remarquable expertise, que ce soit sur le plan professionnel ou personnel, ainsi que du sincère dévouement dont il fait preuve depuis longtemps envers notre famille. Ses intérêts sont exactement les mêmes que les miens, ou que vos propres intérêts, et j'aimerais que vous travailliez avec lui, au profit et pour le bien-être de chacun.

[15]     À la fin de l'automne 1996, Johnson Financial a vendu à Royal Insurance le droit qu'elle possédait dans le groupe d'assurance pour la somme de 78 000 000 $. Monsieur Johnson et le groupe d'assurance n'avaient plus besoin de l'expertise de l'appelant. Cela a mis fin aux attentes de l'appelant qui croyait qu'il travaillerait pour le groupe d'assurance pour le reste de ses jours. L'appelant a alors parlé à l'avocat de M. Johnson, Me Chalker, qui l'a informé qu'il n'avait aucun droit sur la succession de M. Johnson et que M. Johnson avait entière discrétion sur tout montant qu'il décidait de débourser et de léguer.

[16]     En 1997, l'appelant a demandé avec réticence conseil à un avocat spécialisé en droit du travail, Randell Earle. Maître Earle, qui savait que M. Johnson était réticent à s'engager dans un litige et craignait la publicité susceptible d'en découler, a adopté une approche fort agressive. Il a intenté une action contre M. Johnson, contre Johnson Financial (qui, en 1997, était connue sous le nom de Johnson Estate Inc.), contre The Johnson Corporation et contre Johnson Incorporated. La déclaration, la défense et la déclaration modifiée se trouvent aux onglets 20, 21 et 22 de la pièce A-1. L'action intentée contre Johnson Estate Inc. et contre le groupe d'assurance était fondée sur le congédiement injustifié.

[17]     Dans sa déclaration, l'appelant a allégué avoir conclu un contrat de travail avec les quatre défendeurs. La chose allait le hanter alors que, aux fins des questions qui se posent dans le présent litige, il maintient ne pas avoir conclu de contrat de travail avec M. Johnson. Dans l'action intentée contre les quatre défendeurs désignés, l'appelant demandait des dommages-intérêts généraux fondés sur la perte d'un emploi permanent et sur la violation d'une entente prévoyant qu'il devait obtenir, pour un neuvième, une part dans la succession; il sollicitait subsidiairement une déclaration reconnaissant l'existence d'une fiducie par détermination de la loi, pour un neuvième, sur les biens de la succession de M. Johnson.

[18]     Dans leur défense, les sociétés défenderesses ont admis que l'appelant avait conclu un contrat de travail avec Johnson Financial (Johnson Estate Inc.) et le groupe d'assurance. Monsieur Johnson a toujours nié que l'appelant avait conclu un contrat de travail avec lui personnellement et il a affirmé avec insistance que l'octroi d'un droit sur sa succession n'était pas une modalité des contrats de travail.

[19]     Les parties ont convenu de procéder à la médiation, dirigée par un juge à la retraite, à Montréal, et elles ont conclu un règlement aux conditions énoncées dans deux quittances. Aux termes de la première quittance, les montants suivants étaient versés à l'appelant :

(i)          Johnson Financial (Johnson Estate Inc.) - 598 000 $;

(ii)         Groupe d'assurance - 418 000 $;

(iii)        Frais - 150 000 $;

Aux termes de la seconde quittance, M. Johnson versait un montant de 3 080 000 $ à l'appelant.

[20]     L'appelant a déclaré les montants de 598 000 $ et de 418 000 $ dans sa déclaration de revenus de 1998. Il n'a pas déclaré le montant de 3 080 000 $ que M. Johnson lui avait versé. Ce montant représentait environ 10 p. 100 de la valeur nette de la succession de M. Johnson en 1997. Il s'agissait d'un règlement mitigé visant à ce que l'appelant ne soit pas inclus à titre de bénéficiaire dans le testament de M. Johnson. L'appelant a déclaré qu'il ne considérait pas ce montant comme étant de la nature d'un revenu aux termes de la Loi de l'impôt sur le revenu, que ce soit en tant que revenu d'emploi aux termes de l'article 5 ou 6 ou en tant que revenu d'entreprise aux termes de l'article 9, ou encore en tant qu'allocation de retraite, conformément au sous-alinéa 56(1)a)(ii).

[21]     L'intimée, par contre, prend la position selon laquelle l'appelant a admis dans sa déclaration qu'il avait conclu un contrat de travail avec M. Johnson et que le montant de 3 080 000 $ représentait un revenu d'emploi.

[22]     En résumé, les faits tels que je les ai constatés sont les suivants. Dans une lettre datée du 11 mars 1987, M. Johnson, pour le compte de ses sociétés, a conclu une entente préliminaire en vue de retenir les services de l'appelant. Il a indiqué, dans cette lettre, les dispositions qu'il entendait prendre dans son testament. Il a informé l'appelant de son intention de lui accorder un droit, pour un neuvième, sur le reliquat de la succession. Monsieur Johnson a unilatéralement modifié son testament entre 1987 et 1997 et la part de l'appelant est passée du neuvième à 10 p. 100. Les modifications effectuées au fil des ans reflétaient la relation personnelle existant entre l'appelant et M. Johnson.

[23]     L'appelant est devenu administrateur de Johnson Financial, qui possédait essentiellement toutes les actions des sociétés d'assurance en exploitation. Ces actions représentaient la plus grande partie de la valeur nette de M. Johnson. L'appelant est également devenu cadre de direction du groupe d'assurance et a probablement eu un rôle essentiel lors de la vente du groupe d'assurance en 1996. Après la vente, les actifs de Johnson Financial, qui s'appelait alors Johnson Estate Inc., étaient liquides et il n'était plus nécessaire d'avoir recours aux services de l'appelant.

[24]     En 1998, un règlement a été conclu, selon lequel l'appelant a notamment reçu un chèque d'un montant de 3 080 000 $ de M. Johnson. Il s'agit de savoir si ce montant est imposable.

[25]     Encore une fois, l'argument prédominant de l'intimée est que l'appelant est lié par l'allégation figurant dans sa déclaration selon laquelle il avait conclu un contrat personnel avec M. Johnson au sujet de l'inclusion dans le testament d'un droit sur un neuvième des biens. La déclaration a été préparée par Me Earle. Il s'agissait d'une allégation non prouvée qui a toujours été catégoriquement niée par M. Johnson. Cette dénégation est d'autant plus importante que les autres allégations de l'appelant sont pour la plupart admises.

[26]     Après la tenue de l'audience, la Cour suprême du Canada a rendu un arrêt dans l'affaire Tsiaprailis c. Canada, [2005] 1 R.C.S. 113, 2005 CSC 8, et les deux parties ont soumis des observations supplémentaires. L'intimée affirmait notamment ce qui suit :

[TRADUCTION]

Il importe de noter que ce qui détermine si une somme est imposable ou non ne découle pas de la question de savoir quel est l'intérêt ou le droit juridique qui aurait pu donner lieu à des poursuites mais qui n'y a pas donné lieu, mais plutôt de la question de savoir quel intérêt ou droit juridique a de fait donné lieu à des poursuites et à l'égard duquel un règlement a été conclu. Selon les faits en cause dans le présent appel, lesquels n'ont pas été contestés, l'appelant a reçu le montant en question dans le cadre du règlement de la demande qu'il avait présentée contre Paul Johnson et sur cette seule base, et l'appelant a engagé des poursuites fondées sur un contrat de travail à l'encontre de Paul Johnson. L'intérêt ou le droit juridique qui a en fait donné lieu à des poursuites et qui a fait l'objet d'un règlement était donc un revenu ou des avantages en matière d'emploi. Le montant en question est donc imposable au titre d'un revenu ou d'avantages en matière d'emploi selon le principe de la substitution.

De plus, l'appelant a notamment affirmé ce qui suit :

[TRADUCTION]

Aux paragraphes 3 et 7, l'intimée affirme que le montant que l'appelant a reçu de Paul Johnson devait être un revenu ou des avantages en matière d'emploi et ce, pour les raisons suivantes : (i) dans sa déclaration, l'appelant a allégué l'existence d'un contrat conclu avec Paul Johnson et (ii) par suite de négociations ultérieures, un montant a été payé dans le cadre d'un règlement. Il s'agit d'une conclusion de droit erronée, comme on l'a soumis aux paragraphes 1 à 5 des présentes. Toutefois, contrairement à ce qui s'est produit dans l'affaire Tsiaprailis et contrairement aux montants versés à l'appelant par Johnson Estate Inc. (autrefois Johnson Financial Limited) et par Johnson Incorporated (autrefois Unified Service Company Limited), où, compte tenu des faits, l'existence d'un contrat entre le payeur et le bénéficiaire n'était pas contestée et le droit à une rémunération aux termes de ce contrat n'était pas contesté, dans l'appel fiscal interjeté par l'appelant, l'existence même d'un contrat de travail conclu entre le payeur (Paul Johnson) et le bénéficiaire (l'appelant) est en litige. Cette question, et la question additionnelle de savoir ce que le montant versé à l'appelant était destiné à remplacer, doivent être tranchées compte tenu de tous les éléments de preuve pertinents présentés à la Cour, comme c'était le cas dans l'affaire Tsiaprailis, et non simplement sur la base des assertions figurant dans la déclaration de l'appelant.

[...]

L'appelant n'a jamais contesté que Paul Johnson voulait qu'il soit disponible après son décès pour s'occuper de la succession. Mêmesi la Cour concluait que ce voeu était assimilable à un contrat conclu par l'appelant et Paul Johnson, les droits et obligations d'un tel contrat prendraient uniquement effet après le décès de Paul Johnson. Compte tenu de l'arrêt rendu dans l'affaire Tsiaprailis, un paiement destiné à remplacer une obligation d'effectuer un paiement dans l'avenir serait imputable au capital. Dans l'arrêt Tsiaprailis, seule la partie du montant visé par le règlement qui se rapportait aux arriérés dus par l'assureur a été considérée comme un revenu. La partie du montant visé par le règlement qui se rapportait au droit à des avantages futurs a été considérée comme imputable au capital plutôt qu'au revenu. De fait, c'est précisément sur cette base que le jugement majoritaire rendu dans l'affaire Tsiaprailis (paragraphes 8 à 11) fait une distinction avec l'arrêt antérieurement rendu par la Cour suprême dans l'affaire M.R.N. c. Armstrong.

[27]     Pour les motifs qui suivent, je retiens la position que l'appelant a prise au sujet de l'interprétation à donner aux critères énoncés dans l'arrêt Tsiaprailis. Madame Tsiaprailis avait été grièvement blessée lors d'un accident de voiture et elle avait touché des prestations d'invalidité de longue durée en conformité avec la police d'assurance de son employeur. Lorsque l'assureur a mis fin à ses prestations plus de huit ans plus tard, Mme Tsiaprailis a poursuivi l'assureur en vue d'obtenir un jugement déclaratoire portant qu'elle avait le droit de continuer à recevoir ces prestations. Les parties ont conclu un règlement et Mme Tsiaprailis a reçu une somme forfaitaire après avoir signé une quittance dans laquelle l'assureur niait toute responsabilité. La Cour suprême devait décider si le règlement visait en partie à indemniser l'appelante à l'égard des prestations d'invalidité passées « payable[s] périodiquement [...] en vertu [d']un régime d'assurance invalidité » et s'il était donc imposable au sens de l'alinéa 6(1)f). Au paragraphe 13 de l'arrêt Tsiaprailis, la majorité des juges de la Cour a statué que le caractère imposable des dommages-intérêts ou du montant obtenu par règlement dépendait de la nature du droit faisant l'objet du règlement. Au paragraphe 15, le juge Charron a énoncé le critère comme suit :

[...] (1) que visait à remplacer le paiement et, si la réponse est suffisamment claire, (2) l'élément remplacé aurait-il été imposable pour la personne qui en a bénéficié?

[28]     En l'espèce, l'intimée a soutenu que je dois décider du caractère imposable en me fondant sur la cause d'action invoquée par l'appelant, à savoir l'existence d'un contrat de travail. L'intimée a souligné que le juge Charron avait cité en l'approuvant la remarque que la Cour d'appel fédérale avait faite[12] :

[...] Mme Tsiaprailis ne peut dans son action affirmer l'obligation de l'assureur aux termes de la police, recouvrer dans cette action une somme de l'assureur, puis soutenir que la somme ainsi payée ne résulte pas des obligations de l'assureur aux termes de la police.

L'intimée a conclu que cette remarque s'applique également aux faits de la présente espèce. Je ne suis pas d'accord. Le caractère imposable du montant du règlement est fondé sur le caractère imposable du montant que le règlement a finalement remplacé[13]. À coup sûr, l'avocat de l'appelant a allégué dans sa déclaration qu'il existait un contrat entre l'appelant et M. Johnson, lequel obligeait juridiquement M. Johnson à inclure l'appelant dans son testament. Toutefois, il est également vrai que l'appelant a allégué que M. Johnson et le groupe d'assurance lui devaient des dommages-intérêts fondés sur la violation d'un contrat de travail. Les défendeurs ont admis la dernière allégation, mais la première allégation a uniquement été énoncée dans la déclaration. Elle n'a jamais été prouvée et l'intimée l'a toujours niée. À coup sûr, le juge qui préside l'instruction a entière latitude, compte tenu de la preuve dans son ensemble, lorsqu'il s'agit de décider si M. Johnson a conclu avec l'appelant un contrat personnel au sujet d'un legs.

[29]     Il est également clair que l'appelant a reçu deux montants pour deux quittances distinctes. Selon la première quittance, il a reçu un montant de 1 116 000 $ en tout du groupe d'assurance et il a renoncé à toute réclamation contre ses anciens employeurs. Il a inclus avec raison ce montant à titre de revenu d'emploi. Selon la seconde quittance, l'appelant a reçu un montant de 3 080 000 $ en échange d'une renonciation à tout droit sur la succession de M. Johnson. C'est le caractère imposable de ce montant qui est en litige.

[30]     En ce qui concerne le premier critère énoncé dans l'arrêt Tsiaprailis, à savoir ce que le paiement visait à remplacer, je conclus que le montant de 3 080 000 $ a été payé en vue d'indemniser l'appelant pour la perte de son droit sur la succession de M. Johnson. Cela est suffisamment clair pour me permettre de passer au second critère, qui détermine l'issue de l'appel. Le droit sur la succession de M. Johnson aurait-il été imposable pour le bénéficiaire?

[31]     En général, un legs n'est pas imposable aux termes de la Loi de l'impôt sur le revenu. Par conséquent, à moins que le legs ne soit consenti en vue de satisfaire à une obligation contractuelle découlant du contrat de travail, l'appel doit être admis. En l'absence d'un contrat définitif entre l'appelant, M. Johnson et le groupe d'assurance, je dois examiner la lettre du 11 mars 1987 et la documentation ultérieure concernant le testament de M. Johnson afin de décider si le droit sur la succession a été accordé à l'appelant à titre de condition de son contrat de travail. Je conclus qu'il n'existait aucun contrat obligatoire en droit à l'égard du legs, et ce, pour les motifs suivants :

(i)       La déclaration figurant dans la lettre du 11 mars 1987 exprimait une intention et il ne s'agissait pas d'un contrat définitif. Les conditions d'emploi devaient encore être arrêtées et elles étaient de fait différentes de celles qui étaient énoncées dans la lettre. Le fait que le droit afférent à la succession était mentionné dans la déclaration ne prouve pas qu'il s'agissait d'une condition définitive du contrat de travail.

(ii)       Je retiens le témoignage de l'appelant lorsqu'il affirme que, lors des négociations, il n'a pas été question du droit afférent à la succession en tant que condition de l'emploi. L'appelant a supposé que M. Johnson exprimait son intention au sujet d'une chose qui pouvait se produire ou non.

(iii)      Il est possible d'interpréter le legs comme une incitation financière destinée à assurer que l'appelant s'acquitte de ses fonctions au sein de l'entreprise, mais il est plus probable que cette incitation était de fait assurée au moyen des options d'achat d'actions admissibles. Les options d'achat d'actions admissibles n'ont pas initialement été offertes à l'appelant, mais elles lui ont par la suite été accordées en tant que partie intégrante du contrat de travail.

(iv)      Dans la défense, les sociétés défenderesses et M. Johnson ont admis toutes les allégations figurant dans la déclaration au sujet du contrat de travail, tout en niant que le legs était une modalité du contrat. Cela montre l'intention de M. Johnson au sujet du contrat; or, en l'absence d'un contrat de travail écrit formel, je lui accorde plus de poids que l'interprétation donnée par l'intimée.

(v)      Ce n'est que lorsqu'il a rédigé la note du 29 février 1988 que M. Johnson a finalement donné à son avocat des instructions pour qu'un droit sur sa succession soit accordé à l'appelant. Monsieur Johnson a également clairement dit qu'il rejetait l'idée selon laquelle l'appelant devait « accumuler » le droit; il a demandé à son avocat de modifier son testament, cette modification devant s'appliquer immédiatement. C'est également dans cette note que M. Johnson a décidé de « lier » le droit au bien-être à long terme de sa femme et de ses enfants. La première indication montrant que ce legs avait été consigné dans une ébauche du testament de M. Johnson en date du 3 mars 1989 a été produite à l'instruction; ce legs était rédigé comme suit[14] :

[TRADUCTION]

[...] sous réserve de la disposition figurant ci-après dans la présente clause [...], à la date de mon décès (appelée la « date en question » dans la présente clause), je demande par les présentes à mes exécuteurs de transférer, de transmettre ou de remettre audit Peter W. Au, ou dans l'éventualité où ledit Peter W. Au décéderait avant la date en question, à la succession de ce dernier, en nature, une part de ma succession déterminée en multipliant par dix pour cent (10 %) la valeur nette de ma succession à la date en question. Pour les besoins du calcul de la valeur nette de ma succession, je demande par les présentes à mes exécuteurs de déduire de la valeur de ma succession :

(i)          tous les impôts payés avant la date en question ou payables par ma succession à la date en question;

(ii)         toutes les sommes qui sont à juste titre payables par ma succession, conformément [...] au présent testament ou autrement;

(iii)        toutes ces sommes ou la valeur de tous ces actifs distribués en nature conformément aux legs spécifiques [...] prévus par le présent testament.

TOUTEFOIS, le legs prévu dans la présente clause [...] sera annulé si ledit Peter W. Au n'est pas un employé de Johnson Financial Limited à la date en question ou, dans l'éventualité où ledit Peter W. Au décéderait avant la date en question, s'il n'était pas un employé de Johnson Financial Limited à la date de son décès.

(vi)      Je crois que sur le plan personnel, M. Johnson traitait l'appelant comme un fils et comme un ami plutôt que comme un employé.

[32]     Il ressort clairement de la preuve que la lettre du 11 mars 1987 énonçait les conditions possibles d'un contrat de travail à conclure avec l'appelant. Toutefois, il est également clair que ces conditions n'étaient pas arrêtées d'une façon définitive. Compte tenu de la preuve mise à ma disposition, il semble que même si M. Johnson a peut-être promis à l'appelant de lui accorder un droit sur la succession, de façon à s'assurer que ce dernier s'acquitte de ses fonctions au sein de l'entreprise, je crois, en fin de compte, que les options d'achat d'actions admissibles sont devenues une condition du contrat, contrairement au droit sur la succession.

[33]     Puisque j'ai conclu que le droit afférent à la succession existait indépendamment de l'emploi de l'appelant, je conclus que le montant prévu par le règlement a été payé à la place du legs consenti par M. Johnson. Si le droit de 10 p. 100 avait été payé à l'appelant dans le cours normal des événements, au moment du décès de M. Johnson, ce montant n'aurait pas été un revenu d'emploi. Il est peut-être malheureux que les communications que M. Johnson faisait à l'appelant au sujet de son droit sur la succession aient souvent été incluses dans des lettres portant sur son emploi. Cela ne fait que montrer la nature complexe des relations existant entre l'appelant et M. Johnson. Au moment où le règlement a été conclu, l'appelant a reçu un montant qui a été à juste titre inclus dans son revenu imposable et un montant qui n'était pas destiné à remplacer une source de revenu d'emploi. C'est avec raison que ce montant n'a pas été inclus dans son revenu imposable.

[34]     Pour ces motifs, l'appel est admis avec dépens.

Signé à Ottawa, Canada, ce 29e jour d'avril 2005.

« C. H. McArthur »

Le juge McArthur

Traduction certifiée conforme

ce 7e jour de juillet 2006.

Yves Bellefeuille, réviseur


RÉFÉRENCE :

2005CCI303

No DU DOSSIER DE LA COUR :

2003-1961(IT)G

INTITULÉ :

Peter Au c.

Sa Majesté la Reine

LIEU DE L'AUDIENCE :

St. John's (Terre-Neuve)

DATE DE L'AUDIENCE :

Les 9 et 11 février 2005

MOTIFS DU JUGEMENT :

L'honorable juge C.H. McArthur

DATE DU JUGEMENT :

Le 29 avril 2005

COMPARUTIONS :

Avocat de l'appelant :

Me Roger Taylor

Avocat de l'intimée :

Me John Bodurtha

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Pour l'appelant :

Nom :

Roger Taylor

Cabinet :

Couzin Taylor

Pour l'intimée :

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

Ottawa (Ontario)



[1]           Johnson Financial Limited est par la suite devenue Johnson Estate Inc.

[2]               En 1986, M. Johnson a subi un pontage.

[3]               Sa femme Joy est décédée tragiquement en 1988.

[4]           Selon le témoignage de Me Earle, qui était l'avocat spécialisé en droit du travail de l'appelant.

[5]               Pièce A-1, onglet 1.

[6]               Jim Chalker était l'avocat de M. Johnson et de sa famille, ainsi que de Johnson Financial et du groupe d'assurance.

[7]           Par la suite, M. Johnson a changé d'idée et a permis à l'appelant de participer aux options d'achat d'actions admissibles; celui-ci a réalisé un montant de 1 200 000 $ lorsqu'il a levé ses options et qu'il a vendu les actions.

[8]            Pièce A-1, onglet 4.

[9]               Pièce A-1, onglet 5.

[10]             Dans le cadre des activités de bienfaisance, Paul Johnson a notamment donné un montant d'environ 1 000 000 $ pour rendre Signal Hill, à St. John's, plus attrayant pour les visiteurs.

[11]             Pièce A-1, onglet 7.

[12]             Arrêt Tsiaprailis, précité, au paragraphe 14.

[13]              La cause d'action et les droits qui ont été remplacés sont habituellement les mêmes, mais les règlements peuvent englober, et englobent souvent, plus ou moins que ce dont il est fait état dans les actes de procédure.

[14]             Recueil conjoint des pièces, onglet 5.

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