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Dossier : 2005-3542(EI)

ENTRE :

NATHAN NARVIE,

appelant,

et

 

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

____________________________________________________________________

 

Appel entendu le 11 mai 2006 à Beresford (Nouveau‑Brunswick)

 

Devant : L’honorable S.J. Savoie, juge suppléant

 

Comparutions :

 

Représentant de l’appelant :

Steve Narvie

 

Avocat de l’intimé :

Me Alain Gareau

 

____________________________________________________________________

 

JUGEMENT

 

L’appel est rejeté, et la décision du ministre est confirmée conformément aux motifs de jugement ci‑joints.

 

Signé à Grand‑Barachois (Nouveau‑Brunswick), ce 7e jour de juillet 2006.

 

 

 

« S.J. Savoie »

Juge suppléant Savoie

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 23e jour d’août 2006.

 

 

 

Jean David Robert, traducteur


 

 

 

 

Référence : 2006CCI368

Date : 20060707

Dossier : 2005-3542(EI)

ENTRE :

 

NATHAN NARVIE,

appelant,

et

 

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

Le juge suppléant Savoie

 

[1]     La Cour est saisie d’un appel interjeté à l’encontre d’une décision du ministre du Revenu national (le « ministre ») selon laquelle l’appelant n’exerçait pas un emploi assurable auprès de Steve Narvie (le « payeur ») du 9 mai 2005 au 21 mai 2005. De plus, le ministre a décidé que l’emploi exercé par l’appelant auprès du payeur était un emploi exclu prévu à l’alinéa 5(2)i) de la Loi sur l’assurance‑emploi (la « Loi ») parce que l’appelant et le payeur avaient entre eux un lien de dépendance.

 

[2]     La décision du ministre repose sur les hypothèses de fait suivantes :

 

[traduction]

 

9. a)     le payeur était propriétaire d’un navire de pêche et faisait la pêche du homard depuis 2001;

 

b)         le payeur est le père de l’appelant;

 

c)         l’appelant a été engagé comme matelot de pont sur le navire de pêche du payeur;

 

d)         les fonctions de matelot de pont comprenaient la vérification de l’huile et du carburant sur le navire; le retrait des casiers de l’eau; le nettoyage, l’appâtage et la remise en place des casiers; la mesure et la préparation des homards pour le marché; le déchargement du navire et la reconstitution des stocks d’appâts pour l’excursion du lendemain;

 

e)         la semaine typique de pêche du payeur consistait en une dizaine d’heures de travail par jour pendant six jours, soit une soixantaine d’heures de travail;

 

f)          l’appelant n’était responsable d’aucune des dépenses engagées pour pêcher;

 

g)         en 2005, la saison de pêche du homard (la « saison 2005 ») a duré du 1er mai au 30 juin;

 

h)         Au cours de la saison 2005, le payeur a engagé des matelots de pont de la façon suivante :

 

Période

Nombre et brève description de matelots de pont

2 mai – 28 mai 2005

Matelot de pont nº 2

9 mai – 21 mai 2005

Matelot de pont nº 1 plus l’appelant

30 mai – 30 juin 2005

Matelot de pont nº 2

 

i)          l’appelant n’a pas été embauché pour remplacer un autre travailleur;

 

j)          l’appelant n’a pas été remplacé lorsque l’emploi qu’il exerçait auprès du payeur a pris fin;

 

k)         au cours de chacune des saisons de pêche du homard antérieures, le payeur pêchait avec un seul matelot de pont qu’il avait embauché;

 

l)          excepté durant la période visée par le présent appel, pendant la saison 2005, le payeur pêchait avec un seul matelot de pont qu’il avait embauché;

 

m)        le revenu brut du payeur pour la période visée par le présent appel, pendant que deux matelots de pont travaillaient pour le compte de celui‑ci, était de 9 085 $ ou de 4 542,50 $ en moyenne par semaine;

 

n)         le revenu brut du payeur après la période visée par le présent appel, pendant qu’un seul matelot de pont travaillait pour le compte de celui‑ci, était de 28 726,55 $ ou de 4 787,76 $ en moyenne par semaine;

 

o)         l’appelant et le payeur avaient conclu une entente selon laquelle l’appelant travaillerait juste assez d’heures pour être admissible à des prestations d’assurance‑emploi (les « prestations »);

 

p)         l’appelant devait travailler 110 heures de plus pour être admissible à des prestations, et, au cours de la période visée par le présent appel, il a travaillé 120 heures;

 

10.       Le ministre se fonde maintenant sur les hypothèses de fait suivantes :

 

a)         l’appelant avait accumulé 892 heures assurables et avait besoin de 18 heures assurables supplémentaires pour être admissible à des prestations plutôt que 110 heures, comme il est indiqué à l’alinéa 9p) ci‑dessus.

 

[3]     À l’audience, l’appelant a admis toutes les hypothèses de fait formulées par le ministre sauf celles énoncées aux alinéas i) et j). Cependant, il n’a pas été en mesure de réfuter ces hypothèses. Au contraire, elles ont été prouvées à l’audience.

 

[4]     La preuve a démontré que l’appelant avait été embauché par le payeur, son père, afin que l’appelant devienne admissible aux prestations prévues par le régime d’assurance‑emploi, ce que l’appelant et le payeur ont tous deux admis avec franchise dans la déclaration qu’ils ont faite aux enquêteurs et à l’audience sous la foi du serment.

 

[5]     Il ressort clairement de la preuve que le payeur n’avait nullement besoin d’un second matelot de pont, c’est‑à‑dire l’appelant, pendant la période en cause. En effet, le payeur a admis à l’audience qu’il faisait la pêche du homard et que, depuis 2003, il avait besoin d’un seul matelot de pont.

 

[6]     Le fardeau de la preuve incombe à l’appelant. Il ne s’est pas acquitté de ce fardeau.

 

[7]     L’arrêt Elia c. Canada (ministre du Revenu national - (M.R.N.), [1998] A.C.F. nº 316 a consacré le principe suivant lequel les hypothèses de fait que le ministre énonce dans la réponse à l’avis d’appel et sur lesquelles il fonde sa décision doivent être tenues pour admises à moins qu’elles n’aient été expressément réfutées par l’appelant, ce que celui‑ci n’a pas fait.

 

[8]     La décision du ministre est fondée sur les alinéas 5(2)i) et 5(3)b) de la Loi et l’article 251 de la Loi de l’impôt sur le revenu.

 

[9]     Le ministre soutient que l’appelant n’exerçait pas un emploi assurable auprès du payeur au sens de la Loi pendant la période visée par le présent appel en faisant valoir, à l’appui de sa prétention, que l’emploi en question était un emploi exclu au sens de l’alinéa 5(2)i) de la Loi parce que l’appelant et le payeur sont des personnes liées et qu’ils avaient donc entre eux un lien de dépendance.

 

[10]    Le ministre soutient également que, compte tenu de tous les faits et à la lumière de l’alinéa 5(3)b) de la Loi, il était raisonnable pour lui de conclure que l’appelant et le payeur n’auraient pas conclu entre eux un contrat de travail à peu près semblable s’ils n’avaient pas eu de lien de dépendance puisque l’entente conclue entre eux était artificielle et qu’elle avait été établie uniquement dans le but de rendre l’appelant admissible à des prestations d’assurance‑emploi.

 

[11]    Il sera utile de reproduire ici les dispositions pertinentes de la Loi qui sont applicables en l’espèce. Elles sont ainsi rédigées :

 

EMPLOI ASSURABLE

 

            [...]

 

5(2)      N’est pas un emploi assurable :

 

            [...]

 

i)          l’emploi dans le cadre duquel l’employeur et l’employé ont entre eux un lien de dépendance.

 

            5(3)      Pour l’application de l’alinéa (2)i) :

 

                        [...]

 

b)         l’employeur et l’employé, lorsqu’ils sont des personnes liées au sens de cette loi, sont réputés ne pas avoir de lien de dépendance si le ministre du Revenu national est convaincu qu’il est raisonnable de conclure, compte tenu de toutes les circonstances, notamment la rétribution versée, les modalités d’emploi ainsi que la durée, la nature et l’importance du travail accompli, qu’ils auraient conclu entre eux un contrat de travail à peu près semblable s’ils n’avaient pas eu de lien de dépendance.

 

[12]    Comme le prescrit l’alinéa 5(3)b), le ministre a examiné les circonstances de l’emploi de l’appelant. Il y a lieu de les considérer.

 

 

RÉTRIBUTION VERSÉE

 

[13]    Il a été démontré que l’appelant fournissait des services au payeur avant et après la période visée par le présent examen, et ce, sans rétribution.

 

[14]    De plus, la preuve a révélé que l’appelant avait été embauché en tant que second matelot de pont sur le navire de pêche et qu’il recevait un salaire à ce titre, indépendamment du fait que ses services n’étaient pas requis. Depuis 2003, le payeur faisait la pêche du homard avec un seul matelot de pont. Il a aussi été démontré que le revenu brut du payeur avec deux matelots de pont ne dépassait pas le revenu gagné avec l’aide d’un seul matelot de pont.

 

[15]    Ceci soutient certainement la conclusion que le payeur n’aurait pas embauché un second matelot de pont dans les conditions en question, ni même du tout, si lui et l’appelant n’avaient pas eu entre eux un lien de dépendance.

 

MODALITÉS D’EMPLOI

 

[16]    Le payeur a embauché l’appelant alors que, comme il a été prouvé, il n’avait aucunement besoin de ses services. Le payeur a admis que l’appelant pouvait quitter son emploi après que celui‑ci aurait travaillé suffisamment d’heures pour être admissible à des prestations d’assurance‑emploi.

 

DURÉE

 

[17] Le période visée par le présent examen s’étend du 9 mai au 21 mai 2005. La saison du homard dure du 1er mai au 30 juin. L’appelant a affirmé qu’il avait travaillé pour le compte du payeur avant et après la période en question sans rétribution. L’appelant a quitté son emploi lorsqu’il avait travaillé suffisamment d’heures pour être admissible à des prestations d’assurance‑emploi, ce que l’appelant et le payeur ont tous deux confirmé dans leur déclaration et leur témoignage. L’appelant et le payeur ont aussi tous deux confirmé qu’ils avaient conclu une entente à cet égard dès le départ. Il est difficilement concevable que le payeur et l’appelant auraient conclu une telle entente s’ils n’avaient pas eu entre eux un lien de dépendance.

 

[18] Il s’est dégagé clairement de la preuve que les services fournis par l’appelant n’étaient pas essentiels à la poursuite des activités économiques du payeur. Il y a lieu de répéter que l’entreprise économique du payeur pouvait être menée tout à fait adéquatement à l’aide d’un seul matelot de pont.

 

[19] La nature de l’entente aux termes de laquelle l’appelant a été employé correspond exactement au genre de stratagème qui contrevient à l’intention explicite de la législation en matière d’assurance‑emploi telle qu’elle est interprétée dans les décisions de la Cour et de la Cour d’appel fédérale.

 

[20] L’appelant n’a pas démontré l’opportunité de l’intervention de la Cour. Au contraire, une telle intervention ne serait pas fondée.

 

[21] Le ministre a fait une analyse correcte selon la Loi, et sa conclusion, même à la lumière de la preuve présentée à l’audience, est toujours fondée.

 

[22] Par conséquent, l’appel est rejeté, et la décision du ministre est confirmée.

 

Signé à Grand‑Barachois (Nouveau‑Brunswick), ce 7e jour de juillet 2006.

 

 

 

« S.J. Savoie »

Juge suppléant Savoie

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 23e jour d’août 2006.

 

 

 

Jean David Robert, traducteur


RÉFÉRENCE :                                  2006CCI368

 

Nº DU DOSSIER DE LA COUR :      2005-3542(EI)

 

INTITULÉ :                                       NATHAN NARVIE ET M.R.N.

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                   Beresford (Nouveau‑Brunswick)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                 Le 11 mai 2006

 

MOTIFS DU JUGEMENT :               L’honorable S.J. Savoie, juge suppléant

 

DATE DU JUGEMENT :                   Le 7 juillet 2006

 

COMPARUTIONS :

 

Représentant de l’appelant :

Steve Narvie

 

Avocat de l’intimé :

 

Me Alain Gareau

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

       Pour l’appelant :

 

                   Nom :                            

 

                   Cabinet :

 

       Pour l’intimé :                             John H. Sims, c.r.

                                                          Sous‑procureur général du Canada

                                                          Ottawa, Canada

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