Jugements de la Cour canadienne de l'impôt

Informations sur la décision

Contenu de la décision

 

 

 

 

Dossier : 2005-923(IT)I

ENTRE :

JEFFREY BENHAM,

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

____________________________________________________________________

Appel entendu le 20 avril 2006, à Kitchener (Ontario)

 

Devant : L’honorable juge T. E. Margeson

 

Comparutions :

 

Avocat de l’appelant :

Me Gerald Punnett

 

Avocat de l’intimée :

Me Nicolas Simard

____________________________________________________________________

 

JUGEMENT

          L’appel interjeté à l’encontre de la cotisation établie en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu pour l’année d’imposition 2000 est rejeté.

 

       Signé à New Glasgow (Nouvelle‑Écosse), ce 20e jour de juillet 2006.

 

 

« T. E. Margeson »

Juge Margeson

 

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 1e jour de novembre 2006.

 

Marie-Christine Gervais, traductrice


 

 

 

 

Référence : 2006CCI410

Date : 20060720

Dossier : 2005-923(IT)I

ENTRE :

JEFFREY BENHAM,

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

Le juge Margeson

 

[1]     Le présent appel est interjeté à l’encontre d’une nouvelle cotisation établie par le ministre du Revenu national (le « ministre ») dont l’avis était daté du 19 janvier 2004. Le ministre a établi une nouvelle cotisation à l’égard de l’appelant pour l’année d’imposition 2000 dans laquelle il a refusé la déduction des paiements de pension alimentaire s’élevant à 5 143,85 $. L’appelant a signifié un avis d’opposition au ministre en date du 19 avril 2004 à l’égard de l’avis de nouvelle cotisation susmentionné, et le ministre a ratifié la nouvelle cotisation pour l’année d’imposition 2000 au moyen d’un avis de ratification daté du 29 octobre 2004.

 

[2]     Lors de l’audience, l’appelant a confirmé toutes les hypothèses de fait énoncées au paragraphe 7 de la réponse à l’avis d’appel. Les faits dont les parties ont convenu sont les suivants :

 

          [traduction]

 

a)         l’appelant et Lori Benham (l’« ex‑épouse ») ont eu trois enfants, notamment Nadia George, qui est née le 30 novembre 1981 (l’« enfant »);

 

b)         selon le paragraphe 5 d’une ordonnance rendue par la Cour provinciale (Division de la famille) le 23 janvier 1989 (l’« ordonnance no 1 »), la garde de l’enfant a été accordée à l’ex‑épouse et la Cour a ordonné à l’appelant de verser 300 $ par mois à partir de mars 1989 au directeur de l’exécution des ordonnances alimentaires et de garde d’enfants du Bureau des obligations familiales de la province de l’Ontario, pour subvenir aux besoins de l’enfant;

 

c)         l’appelant n’a pas fait les versements prescrits dans l’ordonnance no 1;

 

d)         en date du 1er août 1995, l’appelant devait 23 250 $ au Bureau des obligations familiales;

 

e)         l’appelant a présenté une requête devant la Cour de l’Ontario (Division provinciale), laquelle a rendu une autre ordonnance le 23 novembre 1995 (l’« ordonnance no 2 ») stipulant que le paragraphe 5 de l’ordonnance no 1 devait être supprimé et que les éléments restants de la requête seraient abordés le 5 décembre 1995;

 

f)          le 5 décembre 1995, la Cour de l’Ontario (Division provinciale) a également ordonné (l’« ordonnance no 3 ») que l’arriéré dû au Bureau des obligations familiales soit fixé à 6 000 $ et que le montant établi soit remboursé à raison de 100 $ par mois à partir du 1er janvier 1996;

 

g)         les versements à l’égard de l’arriéré étaient faits sporadiquement, et, en date du 14 juin 2000, l’appelant devait encore 5 143,85 $, lequel montant comprenait un montant de 400 $ au titre de « frais engagés pour mesure d’exécution »;

 

h)         le reste du montant de 5 143,85 $ a été remboursé au moyen de deux paiements : un de 3 000 $ fait le 29 juin 2000 et un de 2 143,85 $ fait le 6 novembre 2000.

 

Point en litige

 

[3]     La seule question à trancher est de savoir si l’appelant a le droit de déduire le montant de pension alimentaire pour enfants de 5 143,85 $ dans le calcul de son revenu imposable pour l’année d’imposition 2000.

 

[4]     L’appelant a convenu que les « frais engagés pour mesure d’exécution » de 400 $, mentionnés à l’alinéa 7g) de la réponse à l’avis d’appel, n’étaient pas déductibles quoi qu’il en fût. Toutefois, selon lui, le reste du montant demandé était déductible.

 

[5]     L’avocat de l’intimée a allégué que les paiements en cause n’avaient pas été faits aux termes de l’ordonnance figurant dans la pièce R‑1. Cette ordonnance prévoyait que l’appelant devait payer 300 $ par mois à partir du mois de mars 1989 au directeur de l’exécution des ordonnances alimentaires et de garde d’enfants du Bureau des obligations familiales de la province de l’Ontario, pour subvenir aux besoins de l’enfant. Toutefois, l’appelant n’a pas fait les paiements exigés dans l’ordonnance. En date du 1er août 1995, l’appelant devait 23 250 $.

 

[6]     L’appelant a présenté une requête devant la Cour de l’Ontario (Division provinciale), et une autre ordonnance datée du 23 novembre 1995 (pièce R‑2) a été rendue. Cette ordonnance avait pour effet de supprimer le paragraphe 5 de la pièce R‑1, soit le paiement de 300 $.

 

[7]     Le 5 décembre 1995, la Cour de l’Ontario (Division provinciale) a également ordonné (pièce R‑3) que l’arriéré de pension alimentaire soit fixé à 6 000 $ et que le montant ainsi établi soit remboursé à raison de 100 $ par mois à partir du 1er janvier 1996.

 

[8]     Les paiements relatifs à l’arriéré de pension alimentaire étaient faits de façon sporadique et, en date du 14 juin 2000, l’appelant devait encore 5 143,85 $ ainsi que le montant de 400 $ appelé [traduction] « frais engagés pour mesure d’exécution ». L’appelant a payé le solde de 5 143,85 $ en deux versements : un de 3 000 $ fait le 29 juin 2000 et un de 2 143,85 $ fait le 6 novembre 2000. L’avocat de l’appelant n’a fait valoir aucune objection en ce qui concerne l’exactitude de ces allégations de fait.

 

[9]     La position de l’intimée est que le montant n’était pas déductible parce qu’il ne s’agissait pas d’un montant payé à titre d’allocation périodique aux termes d’une ordonnance rendue par un tribunal compétent (soit l’ordonnance no 1) au sens du paragraphe 56.1(4) de la Loi de l’impôt sur le revenu (la « Loi »). Il s’agissait plutôt d’un paiement effectué pour régler l’arriéré de pension alimentaire pour enfants dû par l’appelant, comme il est indiqué dans la pièce R‑4. Ce montant était inférieur au montant stipulé dans la pièce R‑1 et il n’est pas déductible en application de l’alinéa 60b) de la Loi.

 

[10]    L’avocat de l’intimée allègue également que le montant n’était pas déductible en application de l’alinéa 60b) de la Loi, étant donné que l’obligation de payer une pension alimentaire pour enfants conformément au paragraphe 5 de la pièce R‑1 a été annulée en vertu des dispositions de la pièce R‑2. L’avocat a invoqué la décision Susan Widmer v. Her Majesty the Queen, [1996] 1 C.T.C. 2647, datée du 23 août 1995, à l’appui de sa position, mais a ajouté que, dans ce cette affaire, l’entente n’avait même pas permis d’en arriver à un règlement complet, alors que cela a été le cas en l’espèce.

 

[11]    L’avocat a également renvoyé à l’arrêt M.R.N. c. Armstrong, [1956] R.C.S 446, 56 DTC 1044, et a dit que, dans cette affaire, comme en l’espèce, la question était de savoir si la somme avait été versée conformément à une ordonnance ou à un jugement, et non si elle avait été versée en raison d’une obligation juridique imposée ou contractée. [traduction] « Ici, le montant a été payé pour obtenir une libération de l’obligation imposée précédemment et non pas conformément à l’ordonnance. »

 

[12]    De plus, dans la décision Macburnie v. Canada, [1995] 2 C.T.C. 2796, la Cour a tiré la même conclusion, et les faits et les circonstances de cette affaire ne diffèrent pas tellement des faits et de la situation en l’espèce. Dans cette décision, la Cour a conclu que le paiement était, par nature, un paiement de capital et qu’il ne constituait pas une pension alimentaire au sens des alinéas 56(1)b) et c) de la Loi.

 

[13]    Dans le cas de la décision Brian Lebreton v. Her Majesty the Queen, 2002 CarswellNat 5026, après un examen approfondi de plusieurs décisions portant sur le sujet, la Cour est arrivée à la même conclusion.

 

[14]    De plus, dans la décision Georges Begin v. The Queen, 2003 CarswellNat 5286, la Cour a conclu que le paiement était en réalité un paiement de capital fait dans le but d’obtenir la libération des obligations alimentaires imposées par le jugement rendu en février 1999 et qu’il n’était pas déductible. La même conclusion devrait être tirée en l’espèce.

 

          Observations de l’appelant

 

[15]    Dans ses observations écrites, l’avocat de l’appelant a essayé d’établir une distinction entre sa situation et toutes les causes sur lesquelles l’avocat de l’intimée s’était fondé. Dans l’affaire Begin v. The Queen, précitée, il a été convenu que le montant dû devait être défini comme un paiement de capital, alors qu’en l’espèce la cour a modifié le montant dû en raison d’un changement de circonstances. La position de l’avocat était qu’il ne s’agissait pas d’un paiement de capital fait par le contribuable.

 

[16]    Pour ce qui est de la décision Lebreton v. The Queen, précitée, l’appelant a allégué que la bénéficiaire avait conclu une entente avec le conjoint pour libérer le contribuable de ses obligations. Selon lui, cette situation diffère de la situation en l’espèce, où la cour a conclu qu’il y avait eu un changement de circonstances et a rendu l’ordonnance en conséquence. Par conséquent, il ne s’agit pas d’un paiement de capital.

 

[17]    Pour ce qui est de la décision Macburnie v. Canada, précitée, l’appelant a dit que le montant prévu dans l’ordonnance de la cour était plus élevé que le montant de l’arriéré de pension alimentaire et qu’il visait clairement à libérer l’intimé de ses obligations permanentes. Par conséquent, il s’agissait d’un paiement de capital.

 

[18]    En l’espèce, ce n’est pas ce qui s’est produit. Le montant de 6 000 $ n’était pas un paiement de capital. Il s’agissait plutôt d’une modification apportée conformément aux règles de procédure en raison d’un changement de circonstances. Par conséquent, le montant est composé de paiements périodiques et est déductible.

 

[19]    L’arrêt M.R.N. c. Armstrong, précité, était un cas où un règlement en espèces avait été conclu pour permettre au débiteur de se libérer de son obligation de versement périodique. Ce n’est pas le cas en l’espèce. Le paiement n’est pas effectué pour se libérer de quoi que ce soit, il n’est effectué qu’au titre de paiements périodiques.

 

[20]    Dans la décision Widmer v. Her Majesty the Queen, précitée, le paiement du montant dû était considéré comme libérant le débiteur de ses obligations. Dans la présente affaire, le montant a été établi en fonction d’un changement de circonstances, et il tient compte du revenu du débiteur alimentaire. Par conséquent, le paiement n’était pas un paiement de capital, mais un paiement composé de paiements périodiques.

 

[21]    L’avocat a allégué que l’appel devrait être accueilli et que l’appelant devrait avoir le droit de déduire le montant en cause.

 

          Analyse et décision

 

[22]    La Cour est convaincue que les décision invoquées par les deux avocats ne peuvent pas être écartées par l’avocat de l’appelant. Il y a certes plusieurs différences dans les situations de fait, mais le point essentiel est la nature du paiement effectué en l’espèce et celle des paiements effectués dans ces autres affaires. Dans les autres affaires, comme en l’espèce, la question n’est pas de savoir si les montants peuvent être considérés comme des paiements de capital, ou comme des paiements ayant un caractère de capital; il s’agit plutôt de savoir si la Cour est convaincue que les paiements ont été faits pour mettre fin à une obligation antérieure et qu’ils ne sont donc pas déductibles en tant qu’allocations périodiques au sens de l’alinéa 60b) de la Loi. Les paiements en l’espèce équivalaient à un montant global versé pour mettre fin à une obligation créée précédemment.

 

[23]    Dans la décision Macburnie, précitée, de même qu’en l’espèce, les paiements ont été faits pour mettre fin aux obligations de l’appelant prévues dans l’ordonnance initiale. La façon dont les montants ont été calculés et le montant du paiement n’ont pas d’importance. Il ne s’agissait pas d’un paiement au sens des alinéas 56(1)b) et c) de la Loi.

 

[24]    Comme il a été souligné dans l’arrêt M.R.N. c. Armstrong, précité, la question était de savoir si le montant avait été payé conformément à une ordonnance ou un à jugement, et non s’il avait été payé en raison d’une obligation juridique imposée ou contractée. Dans cette affaire, comme en l’espèce, le montant avait été payé afin d’obtenir la libération d’une obligation imposée précédemment. La même conclusion a été tirée dans la décision Widmer v. The Queen, précitée.

 

[25]    La Cour est d’avis que l’argument invoqué par l’avocat de l’appelant, c’est‑à‑dire que la présente affaire est différente des autres affaires parce que le paiement a été obtenu en raison d’un changement de circonstances, qui est devenu l’élément déclencheur, est dépourvu de fondement.

 

[26]    De plus, selon la Cour, l’argument selon lequel le montant de 6 000 $ n’était pas un paiement de capital fait pour se libérer de l’obligation de payer le montant dû par l’intimé, mais un montant représentant la source des paiements périodiques exigibles est mal fondé. Ce qui est important c’est que les montants n’ont pas été payés périodiquement, conformément à une ordonnance rendue par un tribunal compétent.

 

[27]    L’avocat de l’intimée a allégué que l’appelant n’avait pas le droit de déduire le montant de 5 143,85 $ de son revenu pour l’année d’imposition 2000 en application de l’alinéa 60b) de la Loi, étant donné que l’obligation de payer une pension alimentaire prévue au paragraphe 5 de l’ordonnance n1 a été annulée conformément aux dispositions de l’ordonnance n2 mentionnées à l’alinéa 7e) de la réponse, ce qui est tout à fait juste.

 

[28]    L’appel est rejeté, et la cotisation est confirmée.

 

       Signé à New Glasgow (Nouvelle‑Écosse), ce 20e jour de juillet 2006.

 

 

« T. E. Margeson »

Juge Margeson

 

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 1e jour de novembre 2006.

 

Marie-Christine Gervais, traductrice


RÉFÉRENCE :                                  2006CCI410

 

NO DU DOSSIER DE LA COUR :     2005-923(IT)I

 

INTITULÉ DE LA CAUSE :              JEFFREY BENHAM c. SA MAJESTÉ LA REINE

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                   Kitchener (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                 Le 20 avril 2006

 

MOTIFS DU JUGEMENT PAR :       L’honorable juge T. E. Margeson

 

DATE DU JUGEMENT :                   Le 20 juillet 2006

 

COMPARUTIONS :

 

Avocat de l’appelant :

Me Gerald Punnett

 

Avocat de l’intimée :

Me Nicolas Simard

 

AVOCAT(S) INSCRIT(S) AU DOSSIER :

 

       Pour l’appelant :

 

                   Nom :                             Me Gerald Punnett

                   Cabinet :                         Punnett & Rea

 

       Pour l’intimée :                            John H. Sims, c.r.

                                                          Sous-procureur général du Canada

                                                          Ottawa, Canada

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.