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Dossier : 2005-2573(IT)I

ENTRE :

LISE PELLERIN,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

____________________________________________________________________

Appel entendu le 30 janvier 2006, à Trois-Rivières (Québec)

Devant : L'honorable juge Alain Tardif

Comparutions :

Pour l'appelante :

l'appelante elle-même

Avocat de l'intimée :

Me Jean Lavigne

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JUGEMENT

          L'appel des cotisations établies en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu pour les années d'imposition 2002 et 2003 est admis, sans frais, et les cotisations sont déférées au ministre du Revenu national pour nouvel examen et nouvelles cotisations de manière que les sommes respectives de 15 081 $ et de 15 340 $ soient supprimées du revenu de l'appelante et que les correctifs appropriés devront être effectués en conséquence de ce jugement, selon les motifs du jugement ci-joints.

Signé à Ottawa, Canada, ce 21e jour de juillet 2006.

« Alain Tardif »

Juge Tardif


Référence : 2006CCI383

Date : 20060721

Dossier : 2005-2573(IT)I

ENTRE :

LISE PELLERIN,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

MOTIFS DU JUGEMENT

Le juge Tardif

[1]      Il s'agit de l'appel des cotisations interjeté en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu (la « Loi » ), pour les années d'imposition 2002 et 2003.

[2]      L'appelante a déclaré les sommes de 15 081 $ et de 15 340 $ à titre de revenus d'emploi.

[3]      La preuve a permis d'établir qu'il s'agissait là alors de montants que son fils, victime d'un accident très grave, lui avait versé en contrepartie des soins et de l'attention qu'elle lui avait prodigués en raison d'une importante incapacité partielle et permanente qui l'a condamné à vivre avec de très graves séquelles. À la suite d'un accident de la route, le fils de l'appelante a obtenu une allocation financière dont une partie a servi à obtenir une aide extérieure lui permettant d'être fonctionnel.

[4]      Le fils de l'appelante reçoit toujours une indemnité pour préjudice non pécuniaire établie selon les barèmes prévus par la Société de l'assurance automobile du Québec; une partie de l'indemnité lui est d'ailleurs versée pour lui permettre d'obtenir une aide personnelle à domicile étant donné qu'il dépend de l'aide d'autrui en raison de son état physique.

[5]      Le 18 novembre 2003, l'appelante a fait une demande de redressement pour les années d'imposition 1996 à 2002 visant la non-imposition des sommes reçues de son fils qu'elle avait déclarées au titre de revenus d'emploi.

[6]      Le 1er mars 2004, le ministre du Revenu national (le « ministre » ) a avisé par écrit l'appelante qu'aucun redressement ne serait effectué.

[7]      Le ministre a établi les cotisations datées du 8 mai 2003 et du 17 mai 2004, pour les années d'imposition 2002 et 2003 en s'appuyant sur les faits suivants :

a)          le fils de l'appelante, Richard Pellerin, fut victime d'un très grave accident de la route, le 22 mai 1996;

b)          le fils de l'appelante, Richard Pellerin, est né le 5 mars 1976, au moment de l'accident, il était âgé de 20 ans;

c)          le fils de l'appelante est bénéficiaire annuellement de la Société d'assurance automobile du Québec (ci-après la « SAAQ » ) du remboursement de ses frais d'aide personnelle à domicile, jusqu'à concurrence d'une certaine somme et, à l'appui de reçus signés par la personne ou les personnes rendant les services;

d)          le fils de l'appelante, pour les années d'imposition en litige, a demeuré chez ses parents;

e)          l'appelante, pour les années d'imposition en litige, a été la personne qui a rendu les services d'aide personnelle à domicile à Richard Pellerin;

f)           à l'égard des années d'imposition en litige, le fils de l'appelante, Richard Pellerin, rémunéra sa mère en lui remettant les sommes reçues de la SAAQ, à titre d'avance des remboursements de frais d'aide personnelle à domicile;

g)          à l'égard des années d'imposition en litige, le fils de l'appelante, Richard Pellerin, a émis un feuillet T4 annuellement au nom de l'appelante, inscrivant, entre autres, les dites sommes versées dans la case 14 au titre de revenus d'emploi;

h)          à l'égard des années d'imposition en litige, l'appelante a déclaré, à titre de revenu d'emploi, les dites sommes ainsi reçues;

i)           le ministre a maintenu les cotisations, à l'égard des années d'imposition 2002 et 2003, selon les motifs suivants :

i)       le fils de l'appelante est majeur,

ii)      la SAAQ ne considère pas que le fils de l'appelante, Richard Pellerin, est victime d'incapacité, selon le sens du Code civil du Québec, puisqu'elle lui verse directement l'avance,

iii)     le fils de l'appelante, Richard Pellerin, a librement choisi d'avoir recours aux services de sa mère, l'appelante, et de la rémunérer pour ses services;

iv)     l'existence d'une obligation alimentaire ou parentale n'a pas été établie,

v)      l'appelante rend des services d'aide personnelle à domicile contre rémunération,

vi)     l'appelante est une employée quant aux services qu'elle rend.

[8]      Les faits n'ont fait l'objet d'aucune contestation; la réponse à l'avis d'appel les énumère correctement.

[9]      Selon les allégations de l'Agence des douanes et du revenu du Canada, ma décision dans le jugement Maurice c. Sa Majesté la Reine, no 2000-2873(IT)I, du 19 mars 2001, [2001] ACI no 164, était contextuelle, elle tenait compte des spécificités de ce cas-là. La présente affaire ne devrait donc pas faire l'objet d'une décision semblable car ce cas-ci est fort différent.

[10]     L'intimée a insisté sur le fait que des sommes ont été versées par la Société de l'assurance automobile du Québec directement au fils de l'appelante à un moment où ce dernier était majeur et était capable de contracter, malgré une importante incapacité physique et mentale.

[11]     La question en litige consiste donc à déterminer si le ministre était justifié à l'égard des années d'imposition 2002 et 2003, d'inclure dans le calcul du revenu de l'appelante, les sommes respectives de 15 081 $ et de 15 340 $ au titre de revenu d'un emploi.

[12]     L'intimée a soutenu que le fils majeur de l'appelante était une personne juridiquement capable et, de ce fait, il était en mesure d'être partie à un acte juridique valable.

[13]     Initialement, l'appelante a considéré les montants reçus comme un revenu d'emploi, de toute évidence après avoir reçu des conseils et des directives d'une personne ayant certaines connaissances en matière de comptabilité.

[14]     La lecture de mes motifs dans la décision Maurice, précitée a sans doute incité l'appelante à demander la révision de son dossier.

[15]     En l'espèce, les faits sont différents de ceux de l'affaire Maurice, précitée. Dans cette affaire-là le bénéficiaire de l'indemnité payable à la suite d'un accident était un jeune enfant qui n'avait pas la capacité juridique. Dans la présente affaire, il s'agit d'une personne majeure n'ayant fait l'objet d'aucune protection légale; le fils de l'appelante jouit donc de sa pleine capacité, et ce, même s'il a subi de graves blessures laissant des séquelles permanentes de nature neurologique.

[16]     La Société d'assurance automobile du Québec a versé directement au fils de l'appelante une indemnité pour lui permettre d'obtenir une aide nécessaire en raison des séquelles permanentes résultant de ses blessures. Le fils a donc décidé de remettre les sommes reçues à sa mère, en guise de reconnaissance pour l'aide et le soutient qu'elle lui apportait.

[17]     Bien que brièvement décrite, il ne s'agissait pas d'une charge de travail définie. Il s'agissait indéniablement d'une relation où la dimension affective occupait une place prédominante, et où la surveillance était un aspect très important.

[18]     Fortement préoccupée par le bien-être, la sécurité et la santé de son fils, l'appelante y consacrait toute son énergie et tous ses efforts afin que son fils ait la meilleure qualité de vie possible.

[19]     Il ne s'agissait aucunement d'une relation d'affaires ou même d'un contrat de travail. L'affection découlant de la relation filiale était la raison première et fondamentale de la relation. La notion de profit n'existait pas et il n'existait aucun lien de subordination.

[20]     Comment peut-on définir les montants versés à l'appelante par son fils? Certainement pas comme une rémunération en contrepartie d'une prestation de travail. Les sommes n'avaient rien à voir avec les services rendus. Il s'agissait essentiellement d'une somme donnée gratuitement découlant de l'appréciation et de la reconnaissance. De toute évidence, l'appelante aurait prodigué les mêmes soins de la même façon, même s'il n'y avait eu aucun don ou récompense.

[21]     Par conséquent, l'appel est admis et les cotisations sont déférées au ministre pour nouvel examen et nouvelles cotisations de manière que les sommes respectives de 15 081 $ et de 15 340 $ soient supprimées du revenu de l'appelante et que les correctifs appropriés devront être effectués en conséquence de ce jugement. Le tout sans frais.

Signé à Ottawa, Canada, ce 21e jour de juillet 2006.

« Alain Tardif »

Juge Tardif


RÉFÉRENCE :                                   2006CCI383

N º DU DOSSIER DE LA COUR :       2005-2573(IT)I

INTITULÉ DE LA CAUSE :               Lise Pellerin et Sa Majesté la Reine

LIEU DE L'AUDIENCE :                    Trois-Rivières (Québec)

DATE DE L'AUDIENCE :                  le 30 janvier 2006

MOTIFS DU JUGEMENT PAR :        l'honorable juge Alain Tardif

DATE DU JUGEMENT :                    le 21 juillet 2006

COMPARUTIONS :

Pour l'appelante :

L'appelante elle-même

Avocat de l'intimée :

Me Jean Lavigne

AVOCAT(E) INSCRIT(E) AU DOSSIER :

       Pour l'appelante:

       Pour l'intimée :                             John H. Sims, c.r.

                                                          Sous-procureur général du Canada

                                                          Ottawa, Canada

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