Jugements de la Cour canadienne de l'impôt

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Dossier : 2001-3337(GST)G

ENTRE :

BRASSERIE FUTURISTE DE LAVAL INC.,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

____________________________________________________________________

Appel entendu les 4 et 5 juillet et les 15 et 16 décembre 2005,

à Montréal (Québec).

Devant : L'honorable juge Pierre R. Dussault

Comparutions :

Avocat de l'appelante :

Me Alain Longval

Avocats de l'intimée :

Me Jean-Philippe Dumas et

Me Benoît Denis

____________________________________________________________________

JUGEMENT

          L'appel de la cotisation établie en vertu de la partie IX de la Loi sur la taxe d'accise, dont l'avis est daté du 11 avril 2000 et porte le numéro 9135003, pour la période du 1er mai 1994 au 31 janvier 1999 est accueilli, sans frais, et la cotisation est déférée au ministre du Revenu national pour nouvel examen et nouvelle cotisation en tenant pour acquis que les montants des ventes de repas de l'appelante doivent être limités aux montants inscrits aux états financiers pour les exercices financiers du 1er mai 1994 au 30 avril 1998 et au grand livre pour la période du 1er mai 1998 au 31 janvier 1999 et que les montants des droits d'entrée doivent être réduits en conséquence de la réduction des montants des ventes de repas en utilisant la même formule que celle utilisée pour établir la cotisation faisant l'objet du présent appel.

          Les pénalités et intérêts doivent être rajustés en conséquence de la réduction des montants des ventes de repas et de la réduction des montants des droits d'entrée.

          Le tout selon les motifs du jugement ci-joints.

Signé à Ottawa, Canada, ce 19e jour d'octobre 2006.

« P. R. Dussault »

Juge Dussault


Référence : 2006CCI503

Date : 20061019

Dossier : 2001-3337(GST)G

ENTRE :

BRASSERIE FUTURISTE DE LAVAL INC.,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

MOTIFS DU JUGEMENT

Le juge Dussault

[1]      Il s'agit d'un appel d'une cotisation établie en vertu de la partie IX de la Loi sur la taxe d'accise ( « Loi » ) pour la période du 1er mai 1994 au 31 janvier 1999.

[2]      Par cette cotisation, la taxe sur les produits et services ( « TPS » ) déclarée par l'appelante a été augmentée d'un montant de 325 480,30 $ et le crédit de taxe sur les intrants ( « CTI » ) a été augmenté de 10 647,79 $, ce qui représente un rajustement de 314 832,51 $ apporté à la taxe nette. La cotisation comprend également une pénalité de 52 428,74 $, des intérêts de 38 818,36 $ ainsi qu'une pénalité pour faute lourde de 78 708,13 $ pour un total de 484 787,74 $.

[3]      Le montant additionnel de CTI ne fait pas l'objet du litige. Par ailleurs, l'appelante admet qu'un montant de taxe nette de 79 604,44 $ a été perçu et non remis (pièce A-10). De plus, l'expert de l'appelante, monsieur Marc Bélanger, a établi que l'appelante devait un montant net additionnel de TPS de 14 542 $ (pièce A-28, pages 6 et 7).

[4]      L'appelante exploite une brasserie, décrite également comme un pub-restaurant, sur le boulevard Labelle à Ste-Thérèse-de-Blainville (Québec). Les actionnaires de l'appelante sont messieurs Raymond et Michel Légaré.

[5]      L'appelante a acquis la brasserie en 1989. Son exercice financier s'échelonne du 1er mai au 30 avril.

[6]      La vérification de l'entreprise de l'appelante a été effectuée par madame Hélène Morand. La vérification a débuté en octobre 1998. Dès le départ, madame Morand a constaté des écarts entre les montants de taxes qui auraient dû être déclarés compte tenu des ventes indiquées aux états financiers et les taxes effectivement déclarées (pièce I-7).

[7]      En ce qui concerne la TPS, l'écart total pour la période vérifiée s'élève à 79 604,44 $ compte tenu des CTI additionnels accordés. Tel qu'il est mentionné ci-dessus, cet écart entre le montant de TPS déclaré et le montant qui aurait dû être déclaré compte tenu des états financiers produits n'est pas contesté par l'appelante.

[8]      Pour débuter sa vérification, madame Morand a obtenu des brasseurs de bière et de la Société des alcools du Québec ( « SAQ » ) les informations concernant tous les achats de boissons alcooliques de l'appelante. Je signale immédiatement que les achats tels qu'ils ont été établis par madame Morand, qu'ils soient exprimés en quantités ou selon le coût, sont admis par l'appelante.

[9]      Le 7 octobre 1998, madame Morand, accompagnée d'une collègue, a effectué une visite surprise à l'établissement de l'appelante. Elles y ont rencontré l'un des actionnaires, monsieur Michel Légaré, qui leur a fourni certaines explications sur le fonctionnement de la brasserie et plus particulièrement sur le contrôle des ventes et sur les rapports produits à cet égard. En ce qui concerne les ventes de nourriture, l'appelante ne conservait pas de copies de factures. Elle utilisait un système informatique et un logiciel appelé « Squirrel » . Le seul rapport produit par l'ordinateur était un rapport de fin de quart de travail que chaque employé obtenait pour le contrôle de ses ventes. Le rapport indiquait le total général des ventes de cet employé ainsi que les montants payés par carte de crédit et en argent. Ce rapport était joint à l'argent comptant qui était remis par l'employé, dans une enveloppe, à la fin de son quart de travail. Ce rapport ne fournit pas de détails concernant les éléments vendus, le prix de chaque élément et le nombre vendu de chaque élément. Selon l'information obtenue par madame Morand lors de sa première visite, aucun rapport n'était non plus produit d'après les factures individuelles établies.

[10]     En ce qui concerne la vente de boissons alcooliques, chaque serveur ou serveuse produisait un rapport rédigé à la main indiquant les quantités vendues, les prix et le total. Le contrôle des ventes de la bière et du vin en bouteille était fait à l'unité alors que le contrôle des ventes de bière et de vin en fût ainsi que de spiritueux était fait à l'aide de compteurs spéciaux. La même personne pouvait produire plus d'un rapport par quart de travail, puisqu'elle devait en produire un à chaque fois que les prix changeaient pour tenir compte des nombreuses promotions. Un de ces rapports, en blanc, a été remis par monsieur Michel Légaré à madame Morand (pièce I-9). Selon monsieur Légaré, ces rapports quotidiens des ventes de boissons alcooliques remplis par les employés n'avaient pas été conservés et avaient tous été détruits. Considérant ces rapports comme constituant la preuve des ventes des boissons alcooliques, puisqu'aucune facture n'était remise aux clients, madame Morand a affirmé avoir demandé à monsieur Michel Légaré, dès cette première rencontre, de les conserver.

[11]     Lors de cette même visite, monsieur Légaré a aussi remis à madame Morand un exemplaire d'un menu imprimé sur un napperon en papier, qui a servi à celle-ci pour confirmer comme valable le taux de majoration de 200 % des achats qu'elle a utilisé pour établir le montant des ventes de nourriture.

[12]     Ayant obtenu le nom du comptable de l'appelante, monsieur Robert Richard, madame Morand a communiqué avec lui le 21 octobre 1998 afin qu'il prépare tous les documents nécessaires à sa vérification pour l'exercice financier du 1er mai 1997 au 30 avril 1998, soit le grand livre, le journal général, le chiffrier, les relevés de banque, les factures d'achats, les pièces pour le contrôle des ventes, enfin tous les documents pertinents pour la comptabilité ainsi que les rapports de la TPS et de la TVQ.

[13]     Madame Morand a communiqué de nouveau avec monsieur Richard, une semaine plus tard, pour fixer un rendez-vous au 5 novembre 1998 afin de commencer sa vérification.

[14]     Le 4 novembre 1998, madame Morand est retournée à la brasserie pour s'assurer que monsieur Michel Légaré conservait bien les rapports détaillés des ventes de boissons alcooliques remplis par les employés tel qu'elle le lui avait demandé lors de sa première visite à l'établissement. Monsieur Michel Légaré lui aurait alors dit que son père, monsieur Raymond Légaré, les avait tous jetés. Madame Morand a insisté sur l'importance de conserver ces rapports, a réitéré sa demande de le faire et a avisé monsieur Michel Légaré qu'elle reviendrait pour s'assurer qu'ils étaient bien conservés.

[15]     Ainsi, lorsqu'elle a commencé sa vérification chez le comptable Richard, le 5 novembre 1998, madame Morand n'avait aucun rapport concernant les ventes de boissons alcooliques ni de rapport détaillé concernant les ventes de repas. Une demande péremptoire de produire ces documents a d'ailleurs été adressée à messieurs Raymond et Michel Légaré le 1er décembre 1998 (pièces I-14 et I-15).

[16]     Madame Morand a expliqué avoir commencé sa vérification chez le comptable Richard avec les livres et registres pour la période du 1er mai 1997 au 30 avril 1998 et les factures d'achats qui étaient classées par mois dans des enveloppes. Elle a affirmé qu'elle y avait trouvé des factures relatives à des dépenses payées par chèque et à des dépenses payées comptant, et beaucoup, en réalité des centaines, « de petits papiers, des petits bouts de napperon » avec des mentions de paiement comptant, notamment pour des salaires (pièces I-11, I-12, et I-13). D'ailleurs certains de ces « bouts de papier » n'indiquent aucun nom ou indiquent simplement un prénom ou encore « DJ » ou « doorman » et le montant payé. L'un de ces documents soumis en preuve est d'ailleurs très explicite en indiquant que le paiement est fait « dessous table » (pièce I-13, page 7.191).

[17]     Selon madame Morand, certains documents démontrent aussi que l'appelante percevait des droits d'entrée certains soirs, comme les jeudis, où il pouvait y avoir des chansonniers par exemple, et également que certaines personnes étaient payées sur ces recettes (pièce I-11, pages 7.162 et 7.164). Bien que ces documents indiquent des droits d'entrée de 2 880 $ et de 2 790 $, d'autres documents, sous la forme de rapports hebdomadaires portant le titre « contrôle de dépôts » , indiquent que ces droits d'entrée, désignés comme des revenus de « porte » , sont des montants constants de 2 000 $ par semaine pour plusieurs semaines (pièce I-28, pages 35 à 38), alors que d'autres encore n'indiquent aucun revenu de ce genre (pièce I-28, pages 31 à 34). Ces exemples de rapports présentent d'autres caractéristiques étonnantes. Ainsi, pour les ventes de boissons alcooliques on y trouve des chiffres ronds de 1 500 $, de 2 000 $, de 2 500 $, de 3 500 $, par exemple (pièce I-28, pages 35 à 38). Encore plus étonnant, deux rapports pour deux périodes hebdomadaires différentes présentent rigoureusement les mêmes chiffres à cinq postes différents (pièce I-28, pages 33 et 34). Ces deux rapports ont été rédigés par monsieur Raymond Légaré et présentés en preuve, lors de son témoignage, comme des exemples des rapports qu'il remplissait et qu'il remettait au comptable, monsieur Robert Richard (pièces A-3 et A-4).

[18]     En ce qui concerne les salaires, madame Morand a expliqué qu'elle avait demandé le livre des salaires par l'entremise de monsieur Richard et qu'un jour monsieur Raymond Légaré était venu la rencontrer chez le comptable et qu'il lui avait montré le livre des salaires, sans toutefois le lui laisser pour qu'elle puisse l'examiner, de sorte qu'elle ne pouvait vérifier ce qui avait ou non fait l'objet d'une inscription. Quant aux autres dépenses payées comptant et inscrites sur ces « petits bouts de papier » parfois agrafés ensemble avec une feuille descriptive (pièce I-12, pages 7.168 et 7.169), madame Morand a affirmé n'avoir pu, de façon générale, réussir à faire la conciliation avec les livres et registres fournis. Madame Morand a dit avoir aussi trouvé des factures pour des dépenses personnelles (pièce I-12, pages 7.172 et 7.185).

[19]     En novembre 1998, madame Morand a poursuivi sa vérification chez le comptable Richard. Au début de décembre, elle a reçu les premiers rapports quotidiens remplis par les employés pour la vente de boissons alcooliques pour environ quatre semaines (pièce I-9). Elle a également reçu avec ces rapports quelques relevés du système de compteurs BERG utilisé pour contrôler les ventes de spiritueux, bien qu'elle les ait tous demandés (pièces I-16 et I-17).

[20]     Madame Morand, a alors décidé de prolonger la période de vérification de trois mois, soit jusqu'au 31 janvier 1999, de façon à pouvoir obtenir des rapports quotidiens des ventes de boissons et les vérifier pour cette période et non pour un seul mois. Ayant débuté son travail et découvert ce qu'elle a qualifié d' « écarts substantiels » par rapport aux taxes déclarées, madame Morand a également décidé de faire porter sa vérification sur une période débutant le 1er mai 1994.

[21]     C'est toujours par l'entremise du comptable Richard que madame Morand procédait pour obtenir des documents nécessaires à sa vérification (pièces I-17 et I-18). Bien que les rapports détaillés des ventes de repas produits au moyen du logiciel Squirrel aient fait l'objet de la demande péremptoire de production du 1er décembre 1998 (pièces I-14 et I-15), madame Morand les a demandés à nouveau le 4 décembre puis le 22 décembre 1998 (pièces I-17 et I-18). À cet égard, elle a expliqué que monsieur Michel Légaré lui avait affirmé qu'il ne possédait pas de rapports détaillés quotidiens informatisés des ventes de nourriture ou de repas générés par le logiciel Squirrel, mais qu'il lui avait donné le nom de la personne responsable du système pour la brasserie et que cette personne lui avait affirmé qu'il était possible de générer de tels rapports avec le logiciel. Comme ce qu'elle demandait était l'équivalent des factures détaillées pour chaque jour, madame Morand, qui pensait d'abord en demander pour 30 jours, a finalement décidé, parce que ce qu'elle aurait demandé aurait été trop volumineux, de limiter sa demande à 10 jours sélectionnés au hasard pour chacune des périodes d'avril 1997 et d'avril 1998.

[22]     Madame Morand a affirmé n'avoir jamais pu obtenir ce qu'elle demandait de façon à pouvoir vérifier exactement ce qui était vendu en ce qui concerne la nourriture et à quel prix. Elle a expliqué avoir reçu au cours de sa vérification 26 rapports quotidiens informatisés, soit ceux du 6 au 31 août 1996 (pièce I-19). Ces rapports n'indiquent que le total des ventes de chaque jour par catégories générales, tels déjeuners, entrées/salades, plats, pizza, table d'hôte, desserts, et le total global des ventes de nourriture pour la journée, de sorte qu'il est en fait impossible de savoir ce qui a été vendu, en combien d'unités et à quel prix. On peut constater que ces rapports quotidiens indiquent également le total des ventes de boissons alcooliques par catégorie, soit bière, vin et spiritueux. Madame Morand a expliqué qu'on l'avait initialement informée que le système informatique n'était utilisé que pour les ventes de repas.

[23]     N'ayant pu obtenir les factures ou des rapports détaillés pour les ventes de nourriture, madame Morand a décidé de reconstituer les ventes en majorant les achats de nourriture de 200 % moins 5 % pour les pertes et d'établir le caractère valable de cette méthode au moyen des documents qu'elle avait pu obtenir. En appliquant cette méthode, elle a déterminé pour l'exercice financier terminé le 30 avril 1997 que les achats de 442 044 $ avaient généré des ventes de 839 884 $ alors que l'appelante n'avait déclaré que des ventes de 547 672 $ pour le même exercice.

[24]     Par ailleurs, selon les 26 rapports quotidiens informatisés, le total des ventes de nourriture pour les 26 jours d'août 1996 se chiffrait à 61 232,31 $. Madame Morand a expliqué qu'extrapolant ce total sur 365 jours, elle avait calculé que les ventes de nourriture auraient dû s'élever à environ 859 000 $ pour l'exercice financier se terminant le 30 avril 1997 (pièce I-20). En réalité, ce montant tendait à confirmer que la méthode de majoration qu'elle avait utilisée n'était pas « en dehors des bornes » .

[25]     Selon madame Morand, la majoration de 200 % des achats de nourriture était la norme minimale de majoration appliquée dans le secteur de la restauration par les groupes de vérificateurs spécialisés dans la restauration, dont elle faisait elle-même partie, pour établir les taxes lorsque le mandataire n'avait pas les documents requis.

[26]     Madame Morand a également déterminé, à l'aide du menu que monsieur Michel Légaré lui avait remis lors de sa première visite à la brasserie, que le prix de vente d'un certain nombre d'articles facilement déterminables excédait la majoration de 200 % de leur coût, et ce, de façon à ne pas pénaliser l'appelante par l'utilisation uniforme d'une telle majoration pour la nourriture (pièces I-10, et I-24 à I-28).

[27]     Ainsi, à défaut d'obtenir les factures de vente des repas ou d'autres documents, informatisés ou non, permettant de déterminer les éléments vendus, les quantités vendues et les prix de vente, madame Morand a dû se contenter d'appliquer un pourcentage de majoration uniforme puisqu'elle ne pouvait déterminer un pourcentage de majoration spécifique pour chacun des éléments de nourriture vendus. La même majoration de 200 % moins 5 % pour les pertes a donc été appliquée aux achats pour chaque année de la période du 1er mai 1994 au 31 janvier 1999. Ce montant des achats a été rajusté pour tenir compte des variations des stocks. Je rappelle que les achats totaux pour l'ensemble de la période, tels qu'ils ont été établis par madame Morand, ont été admis par l'appelante.

[28]     Pour les neuf derniers mois, soit du 1er mai 1998 au 31 janvier 1999, madame Morand a constaté que les revenus de repas selon les livres de l'appelante s'élevaient à 764 562 $ (pièce I-28, page 24), alors qu'elle-même les avait établis à 782 437,86 $ en utilisant la majoration de 200 % des achats moins 5 % (pièce-28, page 1). Les ventes établies par la méthode utilisée se rapprochaient donc des ventes inscrites aux livres pour cette période de neuf mois.

[29]     Concernant la vente de boissons alcooliques, la situation se présentait différemment pour madame Morand, puisqu'elle avait finalement obtenu, après sa deuxième demande en ce sens adressée à monsieur Michel Légaré, les rapports quotidiens détaillés remplis par les employés pour une période de près de trois mois, soit du 7 novembre 1998 au 31 janvier 1999. Tel qu'il est mentionné plus haut, dès le début de sa vérification elle avait obtenu le montant exact des achats de l'appelante directement des brasseurs et de la SAQ. À cet égard, elle a fait remarquer que tous les achats de l'appelante à la SAQ n'étaient pas inscrits à ses états financiers. Il s'agissait d'achats payés comptant à la SAQ et pour lesquels aucun CTI n'avait été réclamé. Tel que je l'ai également mentionné, des CTI additionnels ont été accordés à l'appelante, qui a admis avoir fait ces achats additionnels à la SAQ.

[30]     Procédant par échantillonnage portant sur 14 jours, madame Morand a utilisé quelque 146 rapports quotidiens de vente de boissons alcooliques remplis par les employés de l'appelante, qui lui ont été remis pour la période du 7 novembre 1998 au 31 janvier 1999. En choisissant une journée par semaine en rotation, par exemple, le lundi de la première semaine, le mardi de la deuxième semaine, le mercredi de la troisième semaine et ainsi de suite, elle s'est assurée de choisir le même jour de la semaine à deux reprises au cours de cette période d'un peu moins de trois mois. Pour chacune de ces journées choisies, elle a compilé le détail des ventes de chaque élément vendu, avec son prix ainsi que la quantité vendue, de façon à déterminer des prix de vente moyens pour la bière vendue sous différentes formes et des pourcentages moyens de majoration pour le vin et les spiritueux. Cet exercice permettait de tenir compte de la variation fréquente des prix au cours d'une même journée ou selon les jours de la semaine, reflétant ainsi les multiples promotions offertes par l'appelante, comme les prix spéciaux de quatre heures à sept heures (4 à 7) par exemple. Une fois les prix moyens ou les pourcentages moyens de majoration calculés en fonction de cet échantillonnage, madame Morand a procédé à la reconstitution des ventes pour chaque exercice financier de la période de vérification en tenant compte des achats de chaque période, puisqu'elle n'avait aucun document permettant d'établir des prix moyens ou des majorations moyennes pour ces exercices. Toutefois, des rajustements ont été apportés pour tenir compte de l'inflation pour chaque exercice ou partie d'exercice financier (pièces I-24 à I-28).

[31]     Lors de son témoignage, madame Morand a expliqué de façon détaillée tous les calculs effectués et a affirmé que, selon son expérience, les taux de majoration établis n'étaient pas trop élevés. Ainsi, à titre d'exemple, elle a établi un taux de majoration pondéré pour les spiritueux de 345,26 %, mais a affirmé que dans un restaurant « ordinaire » on trouvait plus un taux de majoration de 500 %.

[32]     En ce qui concerne les droits d'entrée, appelés des revenus de « porte » dans certains documents de l'appelante, madame Morand avait découvert, tel qu'il a été mentionné, certains indices qu'ils n'étaient pas tous déclarés. Elle les a augmentés, dans la même proportion que celle utilisée pour les ventes de boissons alcooliques et pour les ventes de repas, par rapport aux montants indiqués aux états financiers pour les exercices financiers terminées le 30 avril 1996, 1997 et 1998 et au grand livre pour la période du 1er mai 1998 au 31 janvier 1999 (pièces I-25 à I-28). L'appelante ne faisait pas payer de droits d'entrée au cours de l'exercice financier terminé le 30 avril 1995 (pièce I-24).

[33]     Une fois les ventes totales reconstituées, madame Morand a établi, d'une part, l'écart entre la TPS à payer effectivement sur ces ventes par rapport à la TPS payable selon les états financiers et, d'autre part, l'écart entre la TPS payable selon les états financiers et la TPS déclarée par l'appelante (pièce I-22).

[34]     Le projet de cotisation a été remis à monsieur Michel Légaré et au comptable de l'appelante, monsieur Richard, le 29 juin 1999 (pièce I-21).

[35]     Lors de son contre-interrogatoire, madame Morand a affirmé que lorsqu'elle a présenté son projet de cotisation, monsieur Richard a réagi en disant « Ça dépasse l'entendement. » Elle a expliqué qu'elle leur avait dit que les livres et registres de l'appelante n'étaient pas complets, de sorte qu'elle avait dû procéder en utilisant des méthodes alternatives. Elle leur a donné un délai de 21 jours pour apporter des faits nouveaux, s'il y avait lieu. Selon elle, messieurs Légaré et Richard lui avaient alors affirmé qu'ils étaient prêts à lui fournir les documents demandés provenant du logiciel Squirrel, mais qu'aucun nouveau document ne lui a été fourni durant cette période, ni dans le délai additionnel demandé par monsieur Richard en juillet et qu'elle lui avait accordé puisque c'était la période des vacances. Madame Morand a affirmé qu'elle aurait analysé les documents, si on avait pu lui en fournir, au lieu d'utiliser des méthodes alternatives, lesquelles donnaient comme résultat qu'environ 3,3 millions de dollars de ventes n'avaient pas été déclarés au cours de la période du 1er mai 1994 au 31 janvier 1999.

[36]     Madame Morand a affirmé qu'elle avait utilisé les documents qu'on lui avait remis pour 26 jours en août 1996 pour établir que les ventes de repas calculées sur 365 jours auraient été de 859 607,43 $, mais que ce chiffre n'avait pas été retenu et qu'il n'avait, en réalité, été utilisé que pour confirmer son calcul basé sur une majoration de 200 % du montant des achats de nourriture, diminuée de 5 % pour les pertes (pièces I-19 et I-20).

[37]     L'avocat de l'appelante a tenté de faire admettre à madame Morand qu'il n'était pas possible que l'appelante ait vendu certains éléments à un montant représentant 200 % du coût, par exemple, les hot-dogs à deux pour 0,25 $ le lundi, les ailes de poulet à 0,25 $ chacune le jeudi, la pizza à 1,99 $ les mardis ou encore la fondue chinoise à volonté pour 9,95 $ le dimanche. Madame Morand a admis qu'il était possible qu'il n'y ait pas nécessairement eu vente à 200 % du coût pour tous les éléments, comme les hot-dogs à deux pour 0,25 $, mais a dit qu'en général elle ne pouvait répondre à cette question puisque, d'une part, elle n'a jamais obtenu les documents permettant de faire cette vérification et, d'autre part, on ne lui avait jamais mentionné ces prix réduits, et qu'elle avait donc procédé à une vérification de certains éléments en fonction des prix d'un menu qu'on lui avait fourni lors de sa première visite (pièce I-10) et qu'aucun autre document ne lui avait été remis. Ainsi, elle n'a pas pris connaissance des prix réduits indiqués sur les pièces A-23 et A-24, ce qui est d'ailleurs confirmé par la note inscrite en bas de la page 1 des pièces I-24 à I-28. À la question hypothétique de savoir si les résultats auraient été différents si elle avait reçu tous les documents requis, madame Morand a simplement répondu qu'elle ne le savait pas, mais qu'elle aurait sûrement utilisé les documents au lieu d'appliquer une majoration de 200 % moins 5 % pour les pertes si ces documents avaient été disponibles.

[38]     Interrogée par l'avocat de l'appelante sur la question de savoir pourquoi elle n'avait pas tenu compte des vols de boisson ou de nourriture, madame Morand a expliqué qu'on ne lui avait jamais parlé de vols dans l'établissement de l'appelante et qu'on ne lui avait jamais apporté quelque preuve que ce soit - des rapports de police, par exemple - qu'il y avait eu des vols, et qu'elle n'allait pas en inventer. Selon elle, le 5 % dont la majoration était réduite dans le cas des ventes de repas tenait compte des « gratuités » , des pertes et de la promotion. En ce qui concerne la vente de boissons alcooliques, elle a affirmé que les prix moyens qu'elle avait établis tenaient compte de tous ces éléments. En ce qui concerne son échantillonnage portant sur 14 jours pour établir les prix moyens de vente des boissons alcooliques, elle a rappelé qu'elle avait utilisé deux fois chaque jour de la semaine sur une période d'environ 12 semaines pour lesquelles les documents pertinents avaient été conservés par l'appelante, ce qui représentait un pourcentage de 16 %, 17 % ou 18 % des jours de cette seule période qu'il était possible de vérifier.

[39]     Madame Morand a réitéré que, en ce qui concerne les droits d'entrée, comme aucun document de contrôle ou autre ne lui a été remis, elle avait augmenté les montants inscrits aux états financiers dans la même proportion que celle employée pour l'augmentation totale des ventes de nourriture et de boisson par rapport aux montants inscrits aux états financiers.

[40]     Pour ce qui est de sa demande d'avoir des rapports détaillés des ventes de repas, produits à l'aide du logiciel Squirrel, madame Morand a expliqué qu'elle n'avait finalement demandé des rapports détaillés que pour deux périodes de dix jours sélectionnés au hasard dans deux exercices différents, car il lui aurait été impensable de demander de reproduire une facture individuelle ou un rapport de chaque transaction pour une période de quatre ans, soit depuis que l'appelante utilisait le logiciel (pièce I-18). Toutefois, selon elle, ces factures ou rapports détaillés qu'elle n'a jamais obtenus lui auraient permis, par cet échantillonnage, de savoir exactement ce qui était vendu et à quel prix.

[41]     Madame Morand a affirmé qu'elle avait effectué la vérification d'une seule autre brasserie située à Montréal près d'une université. Selon elle, la seule différence qu'elle avait retenue était qu'il y avait plus de places de stationnement à la brasserie de l'appelante à Ste-Thérèse.

[42]     Les personnes suivantes ont témoigné pour l'appelante :

·         Raymond Légaré, actionnaire de l'appelante

·         Robert Richard, comptable agréé, comptable de l'appelante jusqu'à l'année 2000

·         Annie Latreille, fonctionnaire au ministère du Revenu du Québec

·         Mario Gratton, comptable de l'appelante depuis l'année 2000

·         Michel Légaré, actionnaire de l'appelante

·         Marc Bélanger, comptable agréé, témoin expert de l'appelante

[43]     Dans son témoignage, monsieur Raymond Légaré a relaté son expérience dans le domaine des tavernes et des brasseries. Ayant déjà travaillé les fins de semaine dans des tavernes détenues par son père et son frère alors qu'il occupait un emploi permanent de livreur pour la Brasserie Molson, il a lui-même acquis, par l'entremise de l'appelante, une première brasserie à Laval en 1973. Cet établissement a été conservé une quinzaine d'années, puis revendu, et l'appelante a acquis un nouvel établissement à Dorval qui n'a été conservé que deux ans. L'établissement actuel de l'appelante a été acquis en 1989. C'est l'intérêt manifesté par son fils Michel qui a poussé monsieur Raymond Légaré à faire l'acquisition de cette dernière brasserie située sur le boulevard Labelle à Ste-Thérèse, non loin des routes 13, 15 et 640. Selon monsieur Raymond Légaré, la brasserie accueillait une clientèle d'hommes d'affaires des municipalités environnantes, des ouvriers et aussi des étudiants du Cégep Lionel-Groulx situé à proximité.

[44]     Au moment de l'acquisition, le volume des ventes de bière était élevé et la brasserie comptait environ dix employés affectés à la vente de la bière et de dix à quinze autres affectés à la vente des repas. Monsieur Raymond Légaré a expliqué qu'il avait l'expérience voulue pour administrer la vente de la bière, mais que, dans le cas des deux brasseries acquises précédemment, il avait connu des difficultés et même des déficits en ce qui concerne la vente de nourriture, de sorte qu'il avait été entendu que c'était son fils Michel qui s'occuperait de la gestion de cette partie du commerce.

[45]     Selon monsieur Raymond Légaré, la clientèle d'une brasserie recherche un service rapide et courtois, de la bonne nourriture et des prix peu élevés, ce qu'il était en mesure d'offrir avec des prix très compétitifs grâce aux multiples promotions proposées par son fils Michel, promotions qui attiraient plus de clients et faisaient augmenter les ventes de boissons alcooliques. Monsieur Légaré a expliqué qu'il ne s'attendait donc pas à un profit sur la vente de nourriture, mais qu'il demandait simplement qu'il n'y ait pas de perte dans ce secteur. Selon lui, il n'était pas possible de majorer les achats de nourriture de 200 % comme l'avait fait madame Morand, car il devait maintenir des prix compétitifs face aux nombreux nouveaux restaurants qui ouvraient leurs portes dans les environs.

[46]     Monsieur Légaré a dit qu'en ce qui concerne la gestion du commerce, il contrôlait les ventes des différentes boissons alcooliques à l'aide des rapports détaillés soumis par les employés. Il a expliqué qu'il faisait la compilation des ventes inscrites sur ces rapports sur une feuille quotidienne sur laquelle il inscrivait également les dépenses payées comptant et qu'il remettait cette compilation au comptable Richard. Selon monsieur Légaré, comme toutes les ventes étaient inscrites et comptabilisées et les revenus déposés, il est impossible que des ventes d'environ 3,5 millions[1] de dollars n'aient pas été déclarées, comme le prétend le ministère; il a fait remarquer à ce propos qu'on n'avait sûrement pas utilisé ses chiffres pour faire de tels calculs. Selon lui, même les sommes qu'il avait gagnées dans les machines de vidéo-poker installées dans la brasserie étaient déposées comme revenus du commerce. Bien qu'il ait d'abord affirmé que toutes les dépenses étaient payées par chèque, monsieur Légaré a, par la suite, admis que des achats à la SAQ avaient été payés en partie comptant, surtout au début, puisqu'il n'était pas autorisé à payer plus d'un certain montant par chèque. Le reste devait donc être acquitté comptant. Cette limite imposée par la SAQ sur le montant autorisé des chèques qu'elle acceptait aurait été augmentée avec les années au point de disparaître complètement.

[47]     Monsieur Raymond Légaré a aussi admis que certains employés, dont des étudiants qui travaillaient lorsqu'on avait besoin de personnel supplémentaire, comme les jeudis par exemple, avaient aussi été payés comptant. Monsieur Légaré a affirmé que ces paiements en argent étaient aussi inscrits dans les dépenses.

[48]     L'avocat de l'appelante a interrogé monsieur Légaré sur ses actifs et son train de vie car, selon lui, comme l'appelante faisait l'objet d'une cotisation pour 3,5 millions de dollars de ventes non déclarées, il fallait bien que l'on puisse trouver la trace de ces millions de dollars quelque part. Monsieur Légaré a affirmé qu'à part la brasserie, qui avait d'ailleurs une dette d'un million de dollars garantie par hypothèque, il ne possédait pas d'autre actif, ni au Québec ni à l'étranger. Sa résidence familiale, payée 190 000 $, appartenait à sa conjointe. Monsieur Légaré a affirmé qu'il ne possédait qu'une automobile, de marque Cadillac, de l'année 2002, achetée grâce à un financement de la Banque Royale. En ce qui concerne les voyages, il a témoigné qu'il prenait des vacances habituellement en février et qu'il logeait alors chez sa belle-soeur en Floride. Il n'a mentionné qu'un seul autre voyage, qu'il avait fait au Texas et qui avait été payé par la Brasserie Molson à titre de promotion.

[49]     L'avocat de l'appelante a également brièvement interrogé monsieur Raymond Légaré sur le logiciel Squirrel introduit dans la brasserie par son fils Michel en mai 1996 pour la comptabilité des ventes de repas. Monsieur Raymond Légaré a simplement déclaré que chaque élément de repas vendu à la brasserie était enregistré dans le système informatique.

[50]     L'avocat de l'appelante a aussi abordé la question de la perquisition et de la saisie survenues le 12 avril 2000, soit le lendemain de la cotisation faisant l'objet du présent litige. Monsieur Légaré a affirmé qu'il n'était pas sur les lieux au moment de la perquisition, mais qu'on lui avait dit qu'il y avait eu de 15 à 20 policiers; ils avaient saisi tout ce qu'il y avait dans le classeur ainsi que le système Squirrel; de plus, on avait soupçonné l'appelante de faire du « zapping » (effacement de données).

[51]     Lors de son contre-interrogatoire, monsieur Légaré, qui avait affirmé être présent 15 ou 16 heures par jour à la brasserie a corrigé ses propos en disant que cela avait été le cas dans les premiers temps. Toutefois, durant les années 1994 à 1999, a-t-il dit, il se rendait à la brasserie tous les jours vers midi, mais y restait beaucoup moins longtemps qu'au début.

[52]     Monsieur Légaré a expliqué de nouveau le système mis en place pour le contrôle des boissons alcooliques vendues : d'abord, le comptage des bouteilles de bière dans le réfrigérateur attribué à chaque employé qui vendait des boissons alcooliques et l'utilisation par chacun de compteurs spéciaux pour la bière en fût, le vin en fût et les spiritueux, puis, le rapport de vente détaillé que chaque employé affecté à la vente des boissons alcooliques devait lui remettre à la fin de son quart de travail ou lorsqu'il y avait changement de prix au cours de son quart de travail. Le rapport indiquait les quantités de chaque élément vendu, le prix, le total, ainsi que l'argent comptant remis dans une enveloppe. S'il y avait une promotion quelconque, il en était tenu compte dans le rapport.

[53]     Une fois sa vérification des rapports des employés terminée, a expliqué monsieur Légaré, il inscrivait le total pour chacun des éléments vendus sur une feuille quotidienne, laquelle était ultérieurement remise au comptable Richard. Par la suite, les rapports des employés étaient simplement détruits au fur et à mesure.

[54]     Monsieur Raymond Légaré a ensuite expliqué le mécanisme de contrôle pour la vente de nourriture. D'abord, les employés affectés à ce service ne s'occupaient que de la vente de nourriture, puisque d'autres employés étaient affectés exclusivement à la vente des boissons alcooliques. Chaque employé affecté à la vente de nourriture devait remettre une enveloppe sur laquelle était inscrit le total vendu et ce qui avait été remis en argent comptant, avec copie de chaque facture numérotée sur laquelle la commande du client avait été notée et transmise à la cuisine. Ma compréhension est qu'il s'agissait du double de la facture remise au client. Monsieur Légaré a affirmé que c'était à l'aide de ces factures qu'il contrôlait la vente de nourriture et qu'il faisait la compilation quotidienne de tout ce qui avait été vendu. Il a expliqué qu'il avait conservé toutes ces factures dans des boîtes et qu'il les avait remises à la vérificatrice, madame Morand. Selon monsieur Légaré, il s'agissait là du système de contrôle en place jusqu'à l'introduction du système informatique Squirrel, dont il ne s'était pas occupé. En fait, le système informatique a été introduit en mai 1996. Monsieur Légaré a affirmé qu'il avait même cessé de s'occuper du contrôle des ventes de nourriture un peu avant cela.

[55]     Le témoignage de monsieur Raymond Légaré sur sa participation à la gestion de la brasserie au cours de la période vérifiée est assez confus. Comme il a souvent donné des réponses imprécises sinon contradictoires, il est très difficile de connaître exactement son degré d'implication, les contrôles qu'il effectuait et les documents qu'il remplissait par rapport aux tâches exécutées par son fils Michel à cet égard.

[56]     Aucune facture de repas, aucun rapport d'employé et aucune compilation quotidienne ou hebdomadaire de repas n'a été présenté en preuve par monsieur Raymond Légaré. Seuls deux documents, qui s'avèrent être des compilations non pas quotidiennes, mais plutôt hebdomadaires, pour les boissons, ont été présentés par monsieur Légaré (pièces A-3 et A-4). Il s'agit de documents également soumis en preuve par l'intimée et que j'ai déjà mentionnés au paragraphe 17 des présents motifs de jugement. (Ces deux documents sont reproduits comme partie des pièces I-25 à I-28). Bien que ces documents couvrent deux périodes hebdomadaires différentes, soit du 19 au 25 mai 1996 et du 26 mai au 1er juin 1996, on constate, comme je l'ai souligné précédemment, que les montants inscrits sous cinq postes différents sont rigoureusement identiques pour les deux semaines. Voici les détails :

Ventes Fût

Ventes Bouteilles

Ventes Liqueurs

Ventes Vin

Ventes Vin

19 618,75 $

5 688,50 $

1 342,00 $

297,25 $

2 911,25 $

[57]     Comme les montants inscrits aux autres postes sont différents, il est assez difficile de croire à une erreur. Par ailleurs, ces documents ne comportent aucune compilation concernant la vente de repas. Monsieur Légaré a expliqué que c'était probablement parce que le système Squirrel était déjà en place à ce moment.

[58]     En ce qui concerne les droits d'entrée, monsieur Raymond Légaré a simplement affirmé qu'il n'y en avait pas au début et que c'est son fils Michel qui les avait introduits et qui s'était occupé de cet aspect du commerce.

[59]     Monsieur Robert Richard est comptable agréé. Il a fait la tenue des livres et préparé les états financiers de l'appelante de 1980 à 2000. Il n'avait pas de mandat de vérification. Les états financiers de l'appelante pour les exercices terminés le 30 avril 1995, 1996, 1997 et 1998 ont été déposés en preuve (pièces A-6 à A-9). Monsieur Richard préparait également les déclarations fiscales de messieurs Raymond et Michel Légaré.

[60]     Monsieur Richard a expliqué qu'on lui remettait deux compilations distinctes pour tenir compte des recettes de l'appelante, l'une concernant la vente des boissons et l'autre pour la vente des repas. En ce qui concerne la vente des repas, il s'agissait, selon lui, d'abord d'un sommaire hebdomadaire faisant état du total des ventes quotidiennes (pièce A-5). Par la suite, à compter de 1996, il s'agissait de feuilles imprimées par ordinateur. En ce qui concerne la vente de boissons, monsieur Richard a dit que la compilation qu'on lui remettait correspondait aux documents déposés par monsieur Raymond Légaré, dont je viens de faire mention (pièces A-3 et A-4). Monsieur Richard a reconnu qu'il y avait des écarts entre les taxes déclarées trimestriellement et les taxes payables selon les états financiers. Il a affirmé qu'il connaissait ces écarts, lesquels étaient d'ailleurs inscrits aux livres et qu'il aurait fourni toutes les explications nécessaires à madame Morand si celle-ci avait abordé cette question dès le début de sa vérification, mais qu'elle ne l'avait pas fait.

[61]     Selon monsieur Richard, il est tout simplement impossible que l'appelante n'ait pas déclaré des ventes de 3,5 millions de dollars au cours de la période vérifiée parce que, selon lui, il n'y avait aucune trace de cet argent ni dans les actifs des administrateurs ni ailleurs. Son commentaire a été : « Ça dépasse l'entendement » .

[62]     Rappelant qu'il avait agi comme comptable de l'entreprise pendant vingt ans, il a particulièrement insisté sur le fait qu'une majoration de 200 % des achats de nourriture était tout à fait déraisonnable dans le cas d'une brasserie dans laquelle monsieur Raymond Légaré avait toujours tenté de maintenir les prix le plus bas possible par de nombreuses promotions et sans vraiment se soucier du contrôle des coûts. Selon lui, bien que la brasserie ait été rentable dès son acquisition et que cette rentabilité ait été augmentée grâce à des agrandissements, à la publicité et à des promotions, le profit brut se situait entre 48 % et 50 %. Il a affirmé qu'il n'avait jamais vu de brasserie dont le profit brut se serait situé à 70 % ou à 75 %.

[63]     Par ailleurs, monsieur Richard a reconnu qu'il y avait eu des achats payés comptant qui n'avaient peut-être pas été comptabilisés, mais il a dit que les ventes l'étaient, de sorte que le seul impact aurait été au niveau des CTI. Il a aussi fait état d'erreurs d'imputation aux postes du grand livre dans le cas, entre autres, des gains de loterie et des « gratuités » et a indiqué qu'il avait fait des écritures de régularisation à chaque année pour la préparation des états financiers, notamment parce que toutes les recettes, sauf pour la nourriture, étaient confondues et étaient ventilées, en fin d'année seulement, par monsieur Raymond Légaré, lequel s'occupait principalement des aspects financiers de l'entreprise. Un autre problème résultait du fait que le total des dépôts bancaires excédait le montant des ventes inscrit aux livres, ce qui nécessitait des écritures de régularisation en fin d'année.

[64]     En ce qui concerne la vérification de madame Morand, monsieur Richard a affirmé qu'il s'était efforcé, malgré une certaine confusion, de satisfaire à toutes ses demandes de documents, demandes qu'il acheminait à monsieur Michel Légaré. Selon lui, les demandes portaient principalement sur des documents informatiques du système Squirrel et madame Morand n'aurait pas demandé de produire des factures pour la période antérieure à l'installation de ce système dans la brasserie.

[65]     Lors de son contre-interrogatoire, monsieur Richard a admis que malgré les écritures de régularisation aux livres comptables et les mentions aux états financiers, un montant important de taxes dues non déclarées et non remises s'accumulait d'année en année au cours de la période vérifiée. En ce qui concerne la TPS seulement, il s'agit d'un montant de 79 604,44 $ déjà mentionné et qui est admis par l'appelante. Ce montant est inclus dans la cotisation totale de 314 832,51 $.

[66]     Monsieur Richard a affirmé qu'il avait discuté de cette question des taxes non déclarées et non remises qui s'accumulaient d'année en année avec monsieur Raymond Légaré, mais que celui-ci n'avait pas émis de chèques en paiement. Il a toutefois reconnu qu'il aurait dû lui-même corriger la situation en ce qui concerne les déclarations de taxes et aviser le ministère de la situation.

[67]     En ce qui concerne les documents demandés par madame Morand, monsieur Richard a précisé qu'il s'agissait de rapports générés par le système Squirrel pour une période d'échantillonnage et que ces documents avaient été fournis. Il a expliqué qu'il y avait eu chez lui une certaine confusion parce qu'il ne savait pas ou ne comprenait pas véritablement ce qu'elle cherchait, puisqu'elle lui avait déclaré simplement qu'elle faisait une « vérification statutaire » .

[68]     Lors de son contre-interrogatoire, monsieur Richard a affirmé que pour les ventes de boissons il ne disposait, pour faire sa comptabilité et, par la suite, préparer les états financiers, que des rapports hebdomadaires préparés par monsieur Raymond Légaré (pièces A-3 et A-4) et de certains bons de « gratuités » que celui-ci pouvait lui remettre. Il n'a pu préciser de quelle façon la conciliation était faite en fin d'année. Il a admis qu'il n'avait jamais vérifié les rapports quotidiens des employés que monsieur Légaré aurait utilisés pour préparer ses rapports hebdomadaires. Il a ajouté qu'il n'avait fait son travail qu'avec les documents qu'on lui avait fournis. Bien que les rapports hebdomadaires produits en preuve sous les cotes A-3 et A-4 indiquent aussi certaines dépenses payées comptant dont les reçus auraient été attachés, monsieur Richard a reconnu que les achats payés comptant à la SAQ n'y étaient pas inscrits et qu'aucun document ne lui avait été remis pour faire état de ces achats. Pour les ventes de nourriture, il a dit qu'il utilisait un rapport préparé par une employée (pièce A-5) puis des documents générés par le système Squirrel, mais n'a pas spécifié exactement lesquels.

[69]     Madame Annie Latreille est vérificatrice au ministère du Revenu du Québec.

[70]     Le 7 avril 2000, à la suite d'une dénonciation de monsieur Claude Hébert, un enquêteur du ministère du Revenu du Québec, un mandat de perquisition et de saisie a été décerné contre l'appelante concernant l'ensemble des documents se rapportant à son entreprise (pièce A-13). Le mandat a été exécuté le 12 avril 2000 et 36 boîtes de documents et d'autres objets, tels des écrans d'ordinateurs et des logiciels, ont été saisis (pièce A-12). Je rappelle que l'avis de la cotisation en litige est en date du 11 avril 2000 (pièce A-1). C'est monsieur Hébert qui a commencé la vérification pour déterminer si l'appelante s'était rendue coupable d'infractions fiscales et, plus particulièrement, coupable des infractions décrites à l'alinéa 327(1)a) de la Loi. Madame Latreille aurait remplacé monsieur Hébert comme responsable du dossier en 2001, soit environ un an après la perquisition et la saisie, bien que son témoignage à cet égard ne soit pas très précis. Finalement, l'appelante et monsieur Michel Légaré auraient été accusés d'avoir omis de déclarer et d'avoir tenté d'éluder le paiement d'un montant de 61 946,59 $ en TPS, soit un montant égal à l'écart entre la taxe déclarée et la taxe due selon les livres et les états financiers pour les années 1995 à 1998 inclusivement. Une requête de non-lieu a été présentée par l'appelante et monsieur Michel Légaré; elle a été accueillie et le tout s'est terminé par un verdict d'acquittement le 27 avril 2004, notamment à cause de l'absence de preuve d'intention coupable (pièce A-11).

[71]     Le témoignage de madame Latreille a été assez vague et confus et ne nous en a pas appris beaucoup plus. Toutefois, l'avocat de l'appelante a insisté pour souligner l'énorme différence entre le montant de la poursuite pénale, soit 61 946,59 $ et le rajustement de 314 832,51 $ apporté à la taxe nette par la cotisation en litige (pièce A-1).

[72]     Monsieur Mario Gratton est comptable de l'appelante depuis 2000. Bien qu'il ne soit pas comptable agréé, il a affirmé avoir 22 ans d'expérience en comptabilité. Il a expliqué avoir récupéré les disquettes du logiciel comptable Fortune 1000 - utilisé par son prédécesseur, monsieur Richard - pour les années 1995 à 1998 dans le but de procéder à diverses analyses, notamment pour établir la marge bénéficiaire brute et déterminer s'il y avait constance pour ce qui est des profits.

[73]     Monsieur Gratton a procédé à l'établissement de la marge bénéficiaire brute par catégorie, soit « Restauration » , « Bières et Fût » et « Boissons fortes/vin » pour les années 1995 à 2004, en comparant les pourcentages résultant des calculs des ventes reconstituées faits par madame Morand, ceux établis par monsieur Marc Bélanger, associé de la firme Dallaire Forest Kirouac, l'expert de l'appelante, et finalement ceux déterminés selon les livres et registres de l'appelante (pièce A-14). Je signale simplement ici que madame Morand n'a évidemment effectué des calculs que pour la période du 1er mai 1994 au 31 janvier 1999.

[74]     Selon monsieur Gratton, les variations importantes que l'on peut constater selon les livres de l'appelante, particulièrement en 1995, en 1996 et en 1997, dans certaines catégories par rapport aux autres seraient dues à de mauvaises imputations des ventes. Ainsi, par exemple, des ventes de la catégorie « Restauration » auraient dû être inscrites dans la catégorie « Bières et Fût » ou dans la catégorie « Boissons fortes/vin » ou l'inverse. Toutefois, selon lui, il y a une certaine stabilité des marges bénéficiaires brutes pour l'ensemble des catégories de 1998 à 2004. Par ailleurs, selon les livres de l'appelante la marge bénéficiaire brute pour la catégorie « Restauration » varie de 28 % à 37 %, celle de la catégorie « Bières et Fût » varie de 45 % à 70 % et celle de la catégorie « Boissons fortes/vin » varie de 41 % à 57 % au cours de ces années. Aucune mention n'a été faite des droits d'entrée.

[75]     Monsieur Gratton a expliqué que sa propre comptabilité était beaucoup plus saine, qu'un travail était effectué à tous les mois, notamment à l'aide du journal des ventes, des factures des fournisseurs et du livre des dépôts, de façon à s'assurer que les bons montants étaient inscrits aux bons postes comptables. Grâce à ces nouvelles mesures de contrôle, a-t-il conclu, les variations s'étaient avérées moins importantes de 2001 à 2004.

[76]     En ce qui concerne le coût des produits vendus, monsieur Gratton a dit qu'il se situait, selon les calculs de madame Morand, à 36 %, à 34 %, à 37 % et à 34 % pour chacune des années 1995 à 1998 respectivement, alors que selon les états financiers de l'appelante, il serait plutôt de 47 %, de 52 %, de 51 % et de 51 % respectivement pour chacune de ces années (pièce A-15). Ces calculs lui ont permis d'affirmer que les pourcentages résultant des chiffres établis par madame Morand étaient « farfelu[s] » , puisque le prix coûtant dans la restauration se situait à environ 50 %, soit entre 47 % et 52 %.

[77]     Monsieur Gratton a ensuite procédé à l'établissement du pourcentage du profit brut général pour l'appelante pour les années 1995 à 2003 selon les états financiers. Celui-ci varie de 48 % à 53 % selon les années (pièce A-15). Sa conclusion finale a donc été que le pourcentage du profit brut général était constant sur une période de neuf années.

[78]     En réponse à la question de l'avocat de l'appelant portant sur l'influence qu'aurait pu avoir l'ajout de 3,5 millions de dollars de ventes additionnelles au cours de la période vérifiée, monsieur Gratton a répondu d'abord que, d'une part, cela était farfelu et impossible parce que la brasserie n'avait même pas d'espace suffisant pour servir la clientèle additionnelle que ce montant représenterait, et que, d'autre part, le pourcentage de profit brut n'aurait pas été constant, mais aurait présenté des variations importantes de 1998 à 2004. Toutefois, il a reconnu qu'il s'était sûrement passé quelque chose en 1995, en 1996 et en 1997, « peut-être au niveau des imputations » , mais qu'il ne pouvait répondre pour le comptable l'ayant précédé.

[79]     Lors de son interrogatoire, monsieur Gratton a expliqué qu'en 2000, lorsqu'il a commencé à s'occupé de la comptabilité de l'appelante, celle-ci avait embauché un gérant dont la responsabilité était de structurer les contrôle internes et que lui-même avait introduit des mécanismes de contrôle plus serrés et plus efficaces. Ainsi, bien qu'il ait reconnu qu'après son entrée en fonction les formulaires de rapport à remplir par les employés pour les ventes de boissons et de nourriture (pièces A-19 et A-20) étaient semblables à ceux utilisés antérieurement (pièces A-3, A-4 et A-5), il a expliqué qu'il rencontrait les employés chargés de les remplir, de façon à s'assurer qu'ils le faisaient adéquatement.

[80]     Toutefois, en ce qui concerne les données antérieures qu'il avait récupérées grâce aux disquettes du logiciel Fortune 1000 du comptable Richard, il a affirmé que toutes les données étaient là, que toutes les ventes avaient été enregistrées et que le problème s'était situé surtout au niveau de l'entrée des données au bureau du comptable Richard, de sorte que l'imputation des ventes n'avait pas été faite correctement.

[81]     Monsieur Michel Légaré est actionnaire et administrateur de l'appelante. Il a décrit la clientèle de la brasserie comme étant composée de beaucoup d'étudiants mais également de gens d'affaires et de familles. À cause notamment de l'importante clientèle étudiante, il a affirmé qu'il mettait l'accent sur les bas prix et les promotions, en particulier le jeudi soir. Selon lui, son père s'occupait de l'administration du commerce alors que lui-même se concentrait plus sur l'accueil en salle, sur les contacts avec les clients, sur les promotions et sur les spectacles.

[82]     Dans son témoignage, monsieur Michel Légaré a lui aussi expliqué le système des compteurs pour les ventes de boissons alcooliques et parlé des rapports d'inventaire ou de contrôle remplis quotidiennement par les employés. Selon lui, une compilation quotidienne ou hebdomadaire de ces rapports était remise à chaque mois au comptable. À la suite de l'introduction du système Squirrel en mai 1996, selon ma compréhension des premières explications de monsieur Légaré, la compilation donnant les totaux pour chaque catégorie de boissons était entrée au système Squirrel. En ce qui concerne la nourriture, les commandes étaient données à l'aide des écrans tactiles du logiciel Squirrel, lesquels généraient une facture individuelle. À la fin de son quart de travail, chaque employé obtenait du système son total de nourriture vendue par catégorie générale et remettait, dans une enveloppe, l'argent comptant reçu. Par ailleurs, un sommaire mensuel par catégorie générale de tout ce qui était entré à l'ordinateur, par exemple, le nombre et le montant total des déjeuners, des tables d'hôte, des pizzas, et ainsi de suite, pouvait être obtenu. Le sommaire indiquait aussi le total pour la bière, le vin et les autres boissons alcooliques. D'après monsieur Michel Légaré, ces sommaires mensuels étaient disponibles lors de la vérification de madame Morand et étaient également parmi les documents saisis (pièce A-21). Toutefois, selon monsieur Légaré, madame Morand voulait vérifier les factures individuelles pour les ventes de nourriture, factures que le système ne permettait pas de générer après la fin de la journée puisqu'il « se fermait » . Il a affirmé que lui-même ne savait pas comment produire les factures individuelles après la fin d'une journée et qu'il a alors dirigé madame Morand vers un certain monsieur Goulet, qui lui avait vendu le système Squirrel. Selon monsieur Légaré, madame Morand ne semblait pas satisfaite des relevés du système Squirrel et le ministère du Revenu du Québec aurait laissé entendre qu'il y avait eu du « zapping » . Toutefois, après avoir conservé les ordinateurs et les documents saisis durant trois ans, on les a remis à l'appelante, en mauvais état d'ailleurs, et sans qu'on ait pu découvrir quoi que ce soit d'irrégulier. Depuis lors, l'appelante n'utilise plus d'ordinateur et conserve toutes les factures individuelles remplies manuellement.

[83]     À l'aide de trois documents, soit « Évènements thématiques » (pièce A-22), « Activités de la semaine » (pièce A-23) et un menu pour mai et juin 1997 (pièce A-24), monsieur Michel Légaré a fait état des multiples réductions de prix, tant pour les boissons alcooliques que pour la nourriture, qui étaient proposées chaque jour tout au long de l'année pour attirer la clientèle. En ce qui concerne les boissons alcooliques, il a souligné, parmi d'autres choses, les promotions au cours des parties ou soirées d'étudiants les jeudis et vendredis alors que la bière en fût, les spiritueux et les « shooters » se vendaient 0,99 $, les parties « beat the clock » le samedi où les prix commençaient à 0,25 $ et augmentaient de 0,25 $ à toutes les demi-heures jusqu'à 2 $, ainsi que les prix réduits de 4 h à 7 h (deux pour un), les soirées 2 $, 2 $, 2 $ (soit 2 $ pour l'entrée, 2 $ pour la bière et 2 $ pour les spiritueux), les prix réduits pour les joueurs de ligues de baseball ou de hockey, ou lors des soirées avec un chansonnier, ou un D.J., ou encore lors d'évènements thématiques, et ainsi de suite. Les prix réduits étaient aussi nombreux en ce qui concerne la nourriture : en plus de cinq « spéciaux » chaque jour, comprenant dessert et café, offerts à des prix de 3,50 $ à 7 $, il y avait les hot-dogs à 2 pour 0,25 $ le lundi, la pizza à 1,99 $ le mardi, les spaghettis à 1,50 $ le mercredi, la fondue chinoise à volonté pour 9,95 $ les samedis et les dimanches, et ainsi de suite. Selon monsieur Michel Légaré, plusieurs de ces prix réduits pour la nourriture étaient ce qu'il est convenu d'appeler dans le commerce des « lost [sic] leaders » . Si on perdait sur la nourriture on attirait cependant la clientèle, on augmentait l'achalandage et on vendait évidemment plus de boissons alcooliques.

[84]     Monsieur Michel Légaré a aussi fait état du « party » d'anniversaire sous un chapiteau installé dans le stationnement, où se produisaient des artistes invités et lors duquel ils avaient vendu jusqu'à 20 000 verres de bière en une seule journée à 0,75 $ le verre. Il a comparé ce prix avec le prix calculé par madame Morand de 2,11 $ le verre. Il a aussi mentionné d'autres fêtes ou festivals, dont celui du homard, où il en avait vendu quelque 2 000 livres par semaine et qu'il n'avait même pas fait 1 $ de profit par assiette et cela c'était lorsqu'il ne perdait pas tout bonnement de l'argent.

[85]     Monsieur Légaré a également mentionné les vols de nourriture et de boissons ainsi que l'argent soutiré par les employés à la caisse alimentant les machines de vidéopoker. Bien qu'il ait fourni quelques exemples de vols, aucun montant global pour la période vérifiée ni aucun chiffre annuel n'a toutefois été avancé.

[86]     Compte tenu des nombreux évènements spéciaux et des parties de toutes sortes, a expliqué monsieur Michel Légaré, il n'y avait pas une semaine semblable à une autre dans une année et on ne pouvait tout simplement pas prendre un échantillonnage sur une courte période, comme l'avait fait madame Morand, pour établir les ventes de boissons alcooliques de la brasserie. En ce qui concerne la majoration de 200 % des achats appliquée par madame Morand pour établir les ventes de nourriture, monsieur Légaré a dit qu'il aurait bien aimé pouvoir faire un profit de cette importance, mais que ce n'était pas le cas pour son commerce.

[87]     Monsieur Michel Légaré a aussi expliqué que, lors de la rencontre avec madame Morand au cours de laquelle elle avait présenté à lui ainsi qu'à monsieur Richard le projet de cotisation, elle était accompagnée de quatre ou cinq autres personnes. Monsieur Légaré a affirmé que, trouvant les chiffres avancés tout à fait irréalistes, pour dire le moins, il leur avait même offert les clés du commerce, disant que les fonctionnaires seraient assurément mieux placés que lui pour l'administrer, car il n'avait jamais vu de montants pareils.

[88]     Comme la réaction des fonctionnaires aurait été de lui demander de démontrer que les montants établis par madame Morand étaient inexacts, monsieur Légaré a, par la suite, communiqué avec un certain Alberto Pizzi à qui une personne de sa connaissance l'avait adressé. Malgré le fait qu'il prétendait connaître les gens du ministère du Revenu du Québec et qu'il avait promis d'arranger les choses, il s'avéra que monsieur Pizzi n'entreprit aucune démarche en ce sens auprès des fonctionnaires et il accepta d'écrire une lettre dans laquelle il reconnaissait cela, sans toutefois rembourser les honoraires déjà perçus de l'appelante (pièce A-25).

[89]     Monsieur Michel Légaré a affirmé qu'il avait toujours collaboré avec madame Morand tout au long de sa vérification, qu'il était disponible pour répondre à ses questions, que tous les documents étaient accessibles et que, d'ailleurs, le gouvernement en avait saisi 36 boîtes au cours de la perquisition et de la saisie du 12 avril 2000.

[90]     Monsieur Michel Légaré a aussi expliqué que les marges bénéficiaires brutes étaient demeurées constantes au cours des années vérifiées et par la suite, mais que tout était maintenant mieux contrôlé, les factures de repas plus détaillées, les dépôts mieux indiqués et les dépenses payées comptant correctement inscrites. Il a également mentionné que l'appelante n'utilisait plus de système informatique et que toutes les factures étaient établies manuellement.

[91]     En ce qui concerne les achats payés comptant à la SAQ au cours des années vérifiées, monsieur Michel Légaré a repris pour l'essentiel les explications fournies par son père, monsieur Raymond Légaré, sur l'obligation de payer une partie des achats comptant, surtout les premières années, vu les limites imposées par la SAQ aux paiements par chèque.

[92]     Monsieur Michel Légaré a aussi témoigné sur son train de vie au cours des années 1994 à 1999, mentionnant qu'il avait acquis une résidence à Rosemère au prix de 165 000 $ avec un financement hypothécaire de 150 000 $. Il a affirmé qu'il avait possédé une automobile de marque Pontiac Firebird qu'il avait vendue en 1998 et qu'il avait loué une Porsche Boxster au coût de 800 $ par mois par la suite.

[93]     Lors de son contre-interrogatoire, monsieur Michel Légaré a expliqué une fois de plus la méthode de contrôle des ventes des boissons alcooliques, l'utilisation des compteurs ainsi que les rapports que devaient remplir les employés, dont il a présenté un exemple (pièce A-26).

[94]     Pour la nourriture, il a expliqué que les commandes étaient acheminées à la cuisine par l'utilisation du système Squirrel. Les données des menus étaient entrées à l'ordinateur; chaque serveur ou serveuse avait une carte d'accès et commandait les plats en composant les codes appropriés. L'ordinateur générait une facture individuelle par client tout au long de la journée, et chaque serveur ou serveuse pouvait obtenir son total vendu à la fin de son quart de travail. Toutefois, selon monsieur Légaré, l'ordinateur se fermait automatiquement à toutes les 24 heures, durant la nuit, et on ne pouvait plus, par la suite, obtenir les factures individuelles de ce qui avait été vendu la veille. On ne pouvait alors obtenir que des sommaires. Il a affirmé qu'on avait payé 34 000 $ le système Squirrel et que, selon le vendeur, un certain monsieur Goulet, le système avait été approuvé par le gouvernement. Lorsque madame Morand lui avait demandé les factures individuelles de repas, monsieur Légaré a contacté monsieur Goulet et celui-ci lui aurait confirmé qu'il n'était pas possible après la fin d'une journée d'obtenir une copie des factures individuelles de cette journée. Monsieur Légaré lui aurait alors demandé d'entrer en communication avec madame Morand pour lui expliquer la situation.

[95]     Selon monsieur Michel Légaré, l'ordinateur était aussi utilisé une fois par semaine pour entrer la compilation par catégorie des boissons alcooliques vendues durant la semaine, compilation qui était faite quotidiennement par lui-même ou son père à l'aide des rapports remis par les employés. Cette compilation quotidienne était inscrite dans un livre et c'est une employée qui se chargeait d'entrer les données à l'ordinateur une fois par semaine.

[96]     Contre-interrogé sur des vols commis par les employés, auxquels il avait fait référence lors de son témoignage, monsieur Légaré a précisé que ces vols avaient eu lieu il y a quelques années, mais non au cours de la période vérifiée.

[97]     Quant à son train de vie, monsieur Légaré a affirmé qu'il avait un salaire d'environ 27 000 $ par année entre 1994 et 1999, salaire qui avait été augmenté au cours de la dernière année. Il a aussi dit qu'il avait gagné deux fois à la loterie, sans toutefois préciser les montants. À la suite de la vente de la Pontiac Firebird, il aurait avancé 17 000 $ à l'appelante. Il a, par la suite, loué une Cadillac STS à 800 $ par mois en 1997 et en 1998, puis la Porsche Boxster pour le même montant en 1998. Il a précisé qu'il prenait des dividendes de 800 $ par mois pour payer la location de cette automobile. Comme on peut le constater, cette version est un peu différente de celle donnée lors de son interrogatoire principal. Finalement, il a aussi affirmé qu'il bénéficiait d'une carte de crédit au nom de l'appelante pour ses achats d'essence. Quant à ses dépenses d'épicerie, il a affirmé qu'il n'en avait pas eu beaucoup, car il était toujours à la brasserie, où il prenait ses repas.

[98]     L'appelante a présenté monsieur Marc Bélanger comme témoin expert. Monsieur Bélanger est membre de l'Ordre des comptables agréés depuis 1983. Il est associé de la firme Dallaire Forest Kirouac depuis 1992. Il a obtenu un diplôme d'études supérieures spécialisées en juricomptabilité à HEC Montréal en 2004 (pièce A-27).

[99]     Bien que monsieur Bélanger ait agi comme expert auprès des tribunaux dans différents domaines et notamment en matière de rupture de contrat, il ne l'a jamais fait en matière de taxe d'accise. Toutefois, il a affirmé avoir une expérience pertinente en matière de restauration pour avoir eu un certain nombre de restaurants ou de bars de la région de Québec comme clients et les avoir représentés lors d'enquêtes ou de vérifications fiscales. C'est en fait au niveau des opérations de ce type d'établissements et de ce qu'il a désigné comme les caractéristiques « culturelles » de ces établissements que monsieur Bélanger affirme avoir acquis une expertise.

[100] Le rapport de monsieur Bélanger en date du 12 décembre 2003 a été déposé en preuve (pièce A-28). Monsieur Bélanger a procédé à une première analyse de la situation en ce qui concerne la cotisation en litige, une cotisation pour la taxe de vente du Québec et des cotisations en matière d'impôt sur le revenu. D'autres cotisations avaient également été établies à l'égard des deux actionnaires, messieurs Raymond et Michel Légaré, relativement à des appropriations de fonds.

[101] Dès le départ, je dois signaler que dans l'ensemble de son rapport monsieur Bélanger n'a fait ses différents calculs que pour quatre exercices financiers complets, soit du 1er mai 1994 au 30 avril 1998, alors que la période vérifiée par madame Morand comprenait en plus la période de neuf mois du 1er mai 1998 au 31 janvier 1999.

[102] Pour son analyse, monsieur Bélanger a notamment consulté les documents saisis en avril 2000 ainsi que le rapport préparé par madame Morand. Il a d'abord constaté un problème de « délinquance » au point de vue comptable, puisque les dépôts excédaient les ventes déclarées au cours des différentes périodes, de sorte que les taxes dues s'accumulaient d'une période à l'autre. Bien que des écritures de régularisation aient été inscrites à la fin de chaque année et que le montant des taxes dues ait apparu aux états financiers préparés par le comptable Richard, il n'en restait pas moins que le problème n'avait jamais été réglé. En matière de TPS, le montant total dû s'élevait à environ 79 000 $ pour l'ensemble de la période vérifiée, montant qui est admis par l'appelante, tel qu'il a été mentionné précédemment (pièce A-28, page 7).

[103] Monsieur Bélanger a décelé non seulement un problème d'inscription comptable des documents sources mais également ce qu'il a qualifié de « manque de rigueur de création » en ce qui concerne les documents sources. Ainsi, par exemple, des rapports de ventes de boissons alcooliques pour deux journées différentes étaient identiques. De plus, des achats à la SAQ d'un montant de 130 840 $, avaient été payés comptant et n'avaient jamais été inscrits aux livres (pièce A-28, page 2). Ces problèmes avaient d'ailleurs été constatés par madame Morand dès le début de sa vérification.

[104] Monsieur Bélanger a aussi établi que certaines inscriptions aux livres, comme des gains de loterie de monsieur Raymond Légaré, auraient été considérés comme réinvestis dans l'entreprise alors qu'il s'agissait en réalité de ventes non inscrites aux livres, et donc non déclarées, d'un montant total de 149 563 $. Le montant retenu à cet égard par l'agent des oppositions dans le cas de la cotisation pour appropriation de fonds aurait été de 151 975 $. Vu la différence minime, monsieur Bélanger a finalement retenu ce dernier montant dans son rapport (pièce A-28, pages 3 et 4).

[105] Dans son analyse initiale du train de vie de monsieur Michel Légaré, monsieur Bélanger avait établi une appropriation de fonds de 240 000 $ pour les années 1995 à 1998 (60 000 $ x 4). Mentionnant simplement, dans son rapport, que le nouveau comptable de l'appelante, monsieur Gratton, avait procédé à une analyse plus poussée de cette question, monsieur Bélanger a réduit ce montant à 24 599 $ seulement, compte tenu notamment du fait que monsieur Michel Légaré prenait tous ses repas à la brasserie. Selon monsieur Bélanger, cette réduction venait également corriger une erreur initiale qu'il avait commise en concluant que monsieur Michel Légaré avait payé personnellement la location de son automobile alors qu'en réalité c'était l'appelante qui l'avait payée (pièce A-28, page 4). J'avoue que ces explications, somme toute assez sommaires, me laissent perplexe, puisqu'aucune analyse de quelque nature que ce soit ne vient appuyer les chiffres retenus. De plus, en ce qui concerne la location de l'automobile, la conclusion de monsieur Bélanger contredit le témoignage de monsieur Michel Légaré.

[106] Selon monsieur Bélanger, dans une entreprise comme celle exploitée par l'appelante certains employés « exigent d'être payés comptant » . C'est le cas notamment des portiers et des autres personnes affectées à la sécurité. Or, il a pu constater qu'il n'y avait aucune inscription de ces paiements dans les livres de l'appelante. Alors qu'il avait initialement évalué ces paiements à 1 000 $ par semaine provenant en réalité de ventes non déposées et non déclarées, il a par la suite réduit ce montant à 300 $ par semaine car, selon messieurs Légaré et Gratton, la somme de 1 000 $ par semaine reçue par ces personnes provenait surtout du partage des pourboires reçus par les serveurs (pièce A-28, pages 4 et 5). Monsieur Bélanger a donc estimé à 62 400 $ (300 $ x 52 semaines x 4 ans) les salaires payés comptant. Ici encore l'estimation de monsieur Bélanger omet la période de neuf mois du 1er mai 1998 au 31 janvier 1999.

[107] Finalement, monsieur Bélanger a établi que le bénéfice brut pondéré résultant des activités de l'appelante se serait situé entre 50 % et 51 % au cours de la période vérifiée. Aux pages 5 et 6 de son rapport, il explique comment il en arrive à ce résultat :

Hypothèses sur le pourcentage de profit brut

Finalement, l'hypothèse sur le pourcentage de profit brut permet de ficeler l'ensemble de ce dossier.

Dans notre rapport initial, nous avions utilisé les pourcentages pondérés de bénéfice brut suivant :

États financiers

%

DFK

%

Revenu Québec

%

1995

52,9

55,9

64,1

1996

47,7

52,6

66,5

1997

48,9

53,4

62,9

1998

49,5

53,9

65,7

Les représentants de Revenu Québec concluaient avec leurs hypothèses que les ventes non déclarées totalisaient pour la période de vérification une somme de 3 006 967 $. Cette conclusion était incomplète car Revenu Québec n'a jamais établi quelle utilisation avait été faite de ces fonds.

En l'absence de données fiables, en considérant que l'analyse pointue de Revenu Québec donne des résultats improbables et déraisonnables, nous avons refait notre analyse en appliquant une fourchette de pourcentage de profit brut moyen à l'unique donnée vérifiée sur laquelle les parties s'entendent : le montant total des achats.

Les achats totaux sont les suivants :

Référence Revenu Québec

Achats aux

livres

$

Écart SAQ

$

Total

$

1995

(référence 6,40)

693 374

61 979

755 353

1996

(référence 6,35)

776 319

63 873

840 192

1997

(référence 6,28)

841 336

712

842 048

1998

(référence 6,21)

891 783

4 276

896 059

3 202 812

130 840

3 333 652

Quant aux ventes inscrites aux livres, elles se répartissent de la façon suivante :

$

1995

1 470 336

1996

1 483 339

1997

1 644 974

1998

1 767 163

6 365 812

Subséquemment, au cours des années 2000 à 2002, la compagnie a réalisé des bénéfices bruts pondérés de l'ordre de 47,6 % en 1999, 50,7 % en 2000, 49,4 % en 2001 et 52 % en 2002. Au cours de cette période, nous croyons que la présence d'un nouveau gérant, la mise en place de contrôles adéquats et la supervision des inscriptions comptables par monsieur Mario Gratton ont permis d'améliorer la performance de la compagnie.

Basé sur cette information, nous croyons que le pourcentage pondéré de profit brut pour la période de vérification se situe entre 49 % et 51 %. Ainsi la conciliation de l'utilisation des fonds provenant des ventes non déclarées serait la suivante :

49 %

50 %

51 %

Ventes extrapolées sur des achats totaux de 3 333 652 $

6 536 573

6 667 304

6 803 371

Ventes inscrites aux livres

6 365 812

6 365 812

6 365 812

Ventes non déclarées

170 761

301 492

437 559

Utilisation des fonds

Avances des administrateurs

151 975

Achats comptant SAQ

130 840

TPS - TVQ sur achat comptant SAQ

19 659

Retraits Michel Légaré

24 599

Dépenses payées comptant

62 400

389 473

Comme l'utilisation des fonds indique des ventes non déclarées de 389 473 $, le bénéfice brut pondéré se situerait entre 50 % et 51 %, soit une moyenne égale aux résultats obtenus pour les années 2000 à 2002.

[108] Monsieur Bélanger a souligné que ses conclusions sur le pourcentage de profit brut rejoignaient celles du comptable Mario Gratton (pièce A-14) à quelques points de pourcentage près. Selon monsieur Bélanger, les ventes non déclarées s'élevaient à 389 473 $ et non à 3,3 millions de dollars comme le prétendait le ministère du Revenu du Québec. Ainsi, comme on ne pouvait trouver dans les actifs ou les dépenses personnelles des deux actionnaires aucune trace de ces 3,3 millions de dollars de ventes prétendument non déclarées, ces ventes n'avaient jamais existé pour ce qui est de l'excédent de ce montant sur 389 473 $.

[109] Monsieur Bélanger a reconnu que la démarche de madame Morand pour établir les ventes des boissons alcooliques comportait une « rigueur mathématique » . Toutefois, il a affirmé qu'il était difficile pour lui de déterminer si l'échantillonnage sur une période de quelques semaines était représentatif de l'ensemble de la période vérifiée, mais qu'au bout du compte il fallait « boucler la boucle » , c'est-à-dire trouver la trace des sommes qui n'auraient pas été déclarées, ce que madame Morand a omis de faire.

[110] Comme le rapport d'expert de monsieur Bélanger ne traitait pas explicitement de l'échantillonnage de madame Morand ni de l'utilisation ou de la non-utilisation des données du système Squirrel ou encore de leur fiabilité, j'ai dû restreindre l'interrogatoire de l'avocat de l'appelante sur ces points.

[111] Monsieur Bélanger a aussi fait état d'une décision, qu'il a qualifié d' « ambivalente » , d'un certain monsieur Fontaine, agent des oppositions, qui avait, à la suite des observations que monsieur Bélanger avait lui-même présentées, diminué les appropriations de fonds des administrateurs de 2 910 021 $ à 391 975 $, mais tout en maintenant les cotisations initiales pour les taxes à la consommation sur des ventes non déclarées de plus de trois millions de dollars ainsi que les cotisations d'impôt sur le revenu pour ces revenus supplémentaires de l'appelante.

[112] Monsieur Bélanger a expliqué que la particularité du dossier était justement que le ministère du Revenu du Québec n'avait trouvé aucune trace des sommes en question et que c'était la situation contraire qui se présentait habituellement, c'est-à-dire que les actifs dont on constatait l'existence et le train de vie d'un contribuable menaient à la conclusion que l'origine de fonds additionnels ne pouvait se trouver que dans des ventes non déclarées de son entreprise. Il a affirmé que dans le présent dossier, peu importe la méthode utilisée, il fallait en arriver à trouver la trace des sommes qu'on prétendait être des ventes non déclarées et qu'à cet égard les conclusions de madame Morand n'avaient pas été suffisamment appuyées et elles demeuraient donc en quelque sorte « exotiques » .

Position de l'appelante

[113] L'avocat de l'appelante a d'abord souligné que le commerce de celle-ci était situé dans une municipalité en banlieue de Montréal et à proximité d'un établissement d'enseignement collégial. Il s'agit d'une brasserie, qui n'est pas un commerce de restauration haut de gamme, mais plutôt un établissement à fort volume utilisant de multiples promotions pour attirer la clientèle, de sorte qu'on ne peut lui appliquer des normes générales de l'industrie pour établir le montant de ses ventes.

[114] L'avocat de l'appelante a rappelé qu'à la suite de la perquisition et de la saisie de plusieurs dizaines de boîtes de documents, lesquelles ont été conservées plus de deux ans et demi, la seule accusation pénale qu'on avait pu porter concernait un montant de TPS de 61 946,59 $ déjà inscrit aux livres, mais qui n'avait pas été déclaré. Cette accusation a d'ailleurs été rejetée faute de preuve d'intention malhonnête.

[115] En ce qui concerne les données du système Squirrel, l'avocat de l'appelante a soutenu que tous les sommaires quotidiens comme ceux déposés en preuve sous la cote I-19 étaient disponibles pour madame Morand, qui les a toutefois rejetés sous le prétexte qu'ils ne fournissaient pas d'information sur les transactions individuelles, mais indiquaient uniquement les totaux par catégories générales. Selon lui, il n'y a jamais eu de preuve que les données générales du système étaient fausses, même s'il y avait de la part du ministère du Revenu du Québec des soupçons à cet égard, ce que madame Morand a toujours refusé d'admettre. Ainsi, si les données générales du système étaient valables, l'avocat de l'appelante estime que madame Morand ne pouvait tout simplement pas les écarter sous le prétexte qu'on ne pouvait lui fournir les données concernant les transactions individuelles.

[116] L'avocat de l'appelante a également rappelé que les marges bénéficiaires brutes de l'appelante après correction des mauvaises imputations comptables étaient constantes au cours de la période vérifiée et se sont aussi maintenues dans les années subséquentes entre 49 % et 52 % alors que, selon les calculs effectués par madame Morand, la marge bénéficiaire brute aurait même atteint près de 67 %, une différence de 16 % ou 17 %. Selon lui, de tels résultats sont totalement illogiques et sont dus entre autres à l'utilisation d'une majoration de 200 % des achats de nourriture, majoration qui n'est appuyée par aucun document technique.

[117] Reprenant les conclusions de l'expert Marc Bélanger, l'avocat de l'appelante a fait valoir que madame Morand, tout en calculant qu'il y avait eu pour 3,3 millions de dollars de ventes non déclarées, n'a jamais pu établir où était passé cet argent, et qu'elle a même déclaré qu'elle n'avait pas à l'établir alors même qu'on a réduit, au stade des oppositions, le montant des appropriations de fonds par les deux actionnaires de 2,9 millions de dollars à 391 975 $.

[118] L'avocat de l'appelante a prétendu que le système Squirrel était utilisé tant pour les ventes de boissons alcooliques que pour les ventes de nourriture, que toutes les transactions y étaient inscrites et que ce sont les relevés du système qui étaient envoyés au comptable, même si les factures individuelles n'étaient pas conservées. Il a donc mis en doute le travail de madame Morand, qui a utilisé un échantillonnage de 14 jours sur une période de plus quatre ans pour établir les ventes de boissons alcooliques. Ici encore les résultats sont contestables puisque, selon lui, monsieur Légaré a affirmé qu'il vendait la bière 0,99 $ pendant des jours et des jours alors que madame Morand a établi qu'elle se vendait en tout temps 1,89 $ sans les taxes, donc environ 2,25 $ ou 2,30 $ avec les taxes. Selon l'avocat de l'appelante, la preuve a été apportée que pour la moitié du volume de bière, celle-ci se vendait 1 $ le verre (bock). En ce qui concerne la nourriture, il a fait valoir qu'il était évident que l'appelante ne faisait pas d'argent sur les « plus grands vendeurs » comme les ailes de poulet, la pizza, les spaghettis ou les hot-dogs et qu'une majoration de 200 % des achats dans ces cas n'avait aucun sens.

[119] Selon l'avocat de l'appelante, la réalité était reflétée dans les états financiers. Il a fait état des admissions sur les montants de TPS dus, lesquels sont, selon lui, le résultat d'une certaine négligence ou de maladresses de la part du comptable. Toutefois, il a affirmé que prétendre que 3,3 millions de dollars de ventes n'avaient pas été déclarées « dépasse tout entendement » .

[120] L'avocat de l'appelante a soutenu qu'une preuve prima facie avait été apportée par celle-ci pour réfuter les hypothèses du ministre, et ce, tant par le témoignage de monsieur Marc Bélanger que par la production de documents informatiques. Ainsi, selon lui, il appartenait au ministre de prouver ses hypothèses. Comme aucun expert n'a été présenté pour établir qu'un échantillonnage de 14 jours était valable en ce qui concerne les ventes de boissons et qu'une majoration des achats de 200 % était appropriée en ce qui concerne les ventes de nourriture, il a prétendu que la position de l'intimée ne pouvait être retenue.

[121] L'avocat de l'appelante a aussi insisté sur le fait qu'il n'y avait aucune preuve que les documents générés par le système Squirrel étaient inexacts ou truqués ou qu'il avait pu y avoir du « zapping » . Il a aussi fait valoir que si les tribunaux ont reconnu qu'une vérification par sondage ou échantillonnage pouvait être valable en soi encore fallait-il pouvoir en démontrer la fiabilité et le caractère suffisant. Or, le fait de prendre 14 jours sur quatre ans ou de majorer de 200 % les achats pour toute la période alors que l'entreprise de l'appelante connaît des fluctuations saisonnières n'était, selon lui, aucunement suffisant, d'autant moins que les ventes totales enregistrées au système Squirrel étaient disponibles. L'avocat a aussi souligné que si le système de comptabilité était loin d'être parfait en ce qui concerne l'imputation aux différents postes, il y avait quand même cohérence pour ce qui est des ventes totales, ce qui avait pu être confirmé par les données des années subséquentes.

[122] L'avocat de l'appelante a donc affirmé que les conclusions de madame Morand n'étaient fondées que sur des conjectures, des approximations et des choix très subjectifs. Tant monsieur Marc Bélanger que monsieur Mario Gratton et même monsieur Robert Richard ont affirmé qu'il était impossible que l'appelante n'ait pas déclaré des ventes de 3,3 millions de dollars au cours de la période vérifiée.

[123] À l'appui de ses arguments, l'avocat de l'appelante s'est référé aux décisions dans les affaires suivantes :

-      Gestion Cheers Inc. c. Canada, [2001] A.C.I. no 179 (QL);

-      Garage Pierre Allard Inc. c. Sous-ministre du Revenu du Québec, [1995] R.D.F.Q. 36 (C.A.Q.);

-      Huyen c. R., [1997] G.S.T.C. 37, à la page 37-4 (C.C.I.);

-      Giannoukakis c. Québec (Sous-ministre du Revenu), [1995] R.D.F.Q. 34;

-      Restaurant Brossard Inc. c. Québec (Sous-ministre du Revenu), [1993] R.D.F.Q. 137 (C.Q.).

Position de l'intimée

[124] L'avocat de l'intimée a d'abord rappelé que l'appelante n'avait pas conservé les documents pertinents, soit les factures elles-mêmes, en ce qui concerne les ventes de nourriture. Il a souligné que, malgré ses demandes, madame Morand n'avait pu obtenir que des sommaires quotidiens pour 26 jours en août 1996 (pièce I-19) et que si de tels documents existaient pour d'autres périodes on ne les lui avait pas donnés ou du moins l'appelante n'avait pas fait la preuve qu'ils avaient été donnés puisqu'aucun document de la sorte n'avait été présenté en preuve. Selon l'avocat de l'intimée, les sommaires obtenus pour 26 jours n'étaient, de toute façon, pas ce que recherchait madame Morand, qui tentait d'établir le prix de vente des différents éléments de nourriture de façon à pouvoir déterminer la marge bénéficiaire brute moyenne. Or, les sommaires ne précisaient pas les éléments vendus, les quantités vendues de chaque élément et le prix de vente. Ainsi, par exemple, les factures auraient permis de déterminer précisément les prix de vente d'un plat de spaghettis, si ce plat était vendu à des prix différents selon les heures du jour ou selon les jours de la semaine. Les factures auraient aussi pu permettre d'établir le nombre de plats de spaghettis vendus à des prix différents, ce que les sommaires ne permettaient aucunement d'établir.

[125] Selon l'avocat de l'intimée, l'appelante a très certainement manifesté son désaccord en ce qui concerne la majoration de 200 % utilisée par madame Morand pour établir les ventes de nourriture. De plus, monsieur Michel Légaré a fait grand état des nombreuses promotions et réductions de prix en affirmant qu'il ne faisait pas beaucoup de profit, qu'il perdait même de l'argent avec certains éléments, compte tenu des prix de vente réduits inscrits sur le napperon-menu, et qu'il en perdait aussi avec les activités de la semaine ou avec les évènements thématiques (pièces A-22, A-23 et A-24). Toutefois, selon lui, aucune preuve n'a été apportée et aucun document n'a été présenté pour établir le prix coûtant des différents éléments offerts à des prix réduits ou les quantités vendues à ces prix. Ainsi, poursuivant avec l'exemple d'un plat de spaghettis, il a soutenu que s'il est vrai que l'appelante vendait ce plat 1 $, seules les factures auraient permis de déterminer combien elle en vendait à ce prix par rapport au prix normal et seule la preuve du prix coûtant aurait permis d'établir une marge bénéficiaire brute pour ce plat. Or, selon l'avocat de l'intimée, il n'y a absolument aucune preuve documentaire permettant d'établir les prix de vente moyens ou le prix coûtant de ces plats vendus à prix réduit. Il est également impossible, en l'absence des détails des ventes, d'établir la proportion de celles-ci faites à des prix réduits par rapport à celles faites aux prix normaux. Autrement dit, selon lui, il est impossible d'établir l'importance relative de ce que monsieur Michel Légaré a qualifié de « gros vendeurs » comme la pizza, les spaghettis, les ailes de poulet, les hot-dogs, et ainsi de suite, par rapport aux autres ventes.

[126] En ce qui concerne les ventes de boissons alcooliques, l'avocat de l'intimée a rappelé que tous les rapports quotidiens des employés utilisés pour le contrôle des ventes avaient été détruits, que madame Morand avait demandé une première fois, en octobre 1998, à monsieur Michel Légaré de les conserver. Malgré cette demande, monsieur Raymond Légaré avait continué de les détruire. Ainsi, madame Morand n'a finalement pu obtenir ces rapports que pour une période d'un peu moins de trois mois, soit du 7 novembre 1998 au 31 janvier 1999. À cet égard et vu l'importance du travail de vérification, madame Morand a compilé toutes les données des rapports quotidiens pour 14 jours répartis sur l'ensemble de cette période, s'assurant d'avoir deux fois chaque jour de la semaine, et ce, de façon à tenir compte des promotions, des prix réduits, des évènements thématiques, etc. De cette façon, elle a pu effectivement établir des prix de vente moyens pour la bière - par exemple, pour la bière en bouteilles, pour la bière vendue au verre (ou bock), en pichet ou en demi-pichet - le pourcentage des ventes représenté par chaque catégorie ainsi que les pourcentages moyens de majoration pour les ventes de vin et de spiritueux. Les résultats de cette compilation ont ensuite été appliqués aux achats réels de chaque année dans le but de reconstituer les ventes. L'avocat de l'intimée a souligné le fait que l'échantillonnage de madame Morand n'avait pas été contesté par l'appelante et que même son témoin expert, monsieur Marc Bélanger, avait trouvé une « rigueur mathématique » à la démarche entreprise par madame Morand, bien qu'il en ait contesté les résultats. Ainsi, selon l'avocat de l'intimée, aucune preuve n'a été apportée que l'échantillonnage n'était pas adéquat ou fiable.

[127] Selon l'avocat de l'intimée, madame Morand devait faire une vérification alors que l'appelante n'avait aucune facture de vente de repas, que les rapports quotidiens de ses employés pour la vente des boissons alcooliques étaient systématiquement détruits ou jetés, et que sa comptabilité était manifestement déficiente, notamment parce que des achats à la SAQ n'étaient pas inscrits aux livres, de sorte qu'elle a dû procéder à la vérification en utilisant des méthodes indirectes.

[128] L'avocat de l'intimée a soutenu que c'était à l'appelante de démontrer que la cotisation était erronée et d'apporter une preuve positive que les hypothèses sur lesquelles était fondée la cotisation étaient inexactes, puisque la cotisation était présumée valide et que cette présomption de validité de la cotisation emportait présomption de validité à l'égard de toutes les hypothèses de fait sur lesquelles le ministre s'était fondé pour l'établir.

[129] L'avocat de l'intimée a estimé non pertinentes les questions se rapportant à la poursuite pénale et aux cotisations relatives aux appropriations de fonds par les deux actionnaires, tout comme il a rejeté la théorie des « vases communicants » avancée par monsieur Marc Bélanger et reprise par l'avocat de l'appelante. Selon l'avocat de l'intimée, la seule question en litige était essentiellement de savoir le montant des ventes taxables de l'appelante et celui de la TPS applicable. Il a fait valoir qu'à cet égard madame Morand n'avait pas à rechercher où était passé l'argent ni à établir quelles sommes les actionnaires avaient pu s'approprier personnellement.

[130] L'avocat de l'intimée a reconnu que la cotisation ne reflétait pas nécessairement la réalité, mais a dit que celle-ci ne pouvait être connue puisque la situation existant chez l'appelante avait obligé les autorités fiscales à procéder à une cotisation par des méthodes indirectes, méthodes dont les résultats doivent être retenus faute de mieux, et qu'à cet égard l'appelante était l'artisane de son propre malheur. L'avocat de l'intimée a fait remarquer particulièrement que la majoration de 200 % moins une allocation de 5 % pour les pertes, appliquée par madame Morand pour établir les ventes de nourriture, donnait des résultats qui se rapprochent du montant déclaré par l'appelante pour la dernière période, soit celle du 1er mai 1998 au 31 janvier 1999, la différence n'étant que d'environ 18 000 $. Ainsi, selon lui, si la méthode employée a donné des résultats valables pour cette période, les résultats pour les autres périodes devraient également l'être.

[131] L'avocat de l'intimée a souligné non seulement que la comptabilité de l'appelante était faite de façon négligente, mais également que la preuve a permis d'établir des éléments de faute lourde dans les documents préparés par monsieur Raymond Légaré. Ainsi les pièces A-3 et A-4 sont des rapports hebdomadaires qui présentent exactement les mêmes montants pour la vente de plusieurs catégories de boissons pour deux périodes différentes, ce qui ne reflète manifestement pas la réalité, comme l'a d'ailleurs reconnu l'expert de l'appelante, monsieur Marc Bélanger. D'autres rapports (pièce I-28, pages 35 à 38) indiquent des droits d'entrée identiques de 2 000 $ pour plusieurs périodes hebdomadaires alors que d'autres documents indiquent des droits d'entrée de 2 880 $ et de 2 790 $ pour certains jours (pièce I-11, pages 7.162 et 7.164). Pour certaines semaines, les rapports hebdomadaires remplis par monsieur Raymond Légaré n'indiquent pas de droits d'entrée (pièce I-28, pages 31 à 34). Tout cela pour démontrer que les rapports ne reflétaient pas la réalité et que c'était sciemment que les revenus n'étaient pas tous déclarés.

[132] Selon l'avocat de l'intimée, le fait que les rapports quotidiens des employés affectés à la vente des boissons alcooliques n'étaient pas conservés et qu'ils ne l'ont pas été pendant une période d'un mois malgré une première demande en ce sens en octobre 1998 est également un élément à considérer pour évaluer la responsabilité de l'appelante.

[133] L'avocat de l'intimée a souligné aussi le fait que les montants de TPS déclarés et remis étaient toujours inférieurs aux montants dus et s'accumulaient d'année en année et que rien n'avait été fait pour corriger la situation malgré le fait que le comptable Richard en avait informé monsieur Raymond Légaré. Les achats payés comptant à la SAQ n'étaient pas non plus tous inscrits aux livres, de sorte que les documents comptables ne reflétaient pas la réalité.

[134] En ce qui concerne les rapports Squirrel pour les ventes de nourriture, l'avocat de l'intimée a rappelé que les factures de vente n'étaient pas conservées, bien qu'elles aient été imprimées au fur et à mesure durant la journée. Comme un sommaire seulement pouvait être produit après la fin de la journée, il estime que l'appelante ne s'est pas conformée à l'obligation de tenir des registres appropriés, énoncée à l'article 286 de la Loi.

[135] Au soutien de ses arguments, l'avocat de l'intimée s'est référé notamment aux décisions dans les affaires suivantes :

                                                   Garage Pierre Allard Inc. c. Sous-ministre du Revenu du Québec, [1995] R.D.F.Q. 36 (C.A.Q.);

                                                   9001-9159 Québec Inc. c. Canada, [2002] A.C.I. no 49 (QL); [2002] G.S.T.C. 14;

                                                   Ouaknine c. Canada, [2001] A.C.I. no 720 (QL); [2001] G.S.T.C. 130;

                                                   Ouaknine c. Canada, [2003] A.C.F. no 535 (QL); [2003] G.S.T.C. 65;

                                                   2868-2656 Québec Inc c. Canada, [2003] A.C.I. no 291 (QL); [2003] G.S.T.C. 98;

                                                    2868-2656 Québec Inc c. Canada, [2004] A.C.F. no 1979 (QL); [2005] G.S.T.C. 156;

                                                   9036-9695 Québec Inc c. Canada, [2004] A.C.I. no 252 (QL); [2004] G.S.T.C. 66;

                                                    Bordeleau c. Canada, [2003] A.C.I. no 208 (QL); [2003] G.S.T.C. 73;

                                                   Old Western Pizza Inc. c. Sa Majesté la Reine, 2004 CCI 452; [2004] T.C.J. No. 326 (QL); [2004] G.S.T.C. 83;

                                                   Entrepreneur Peintre J.L. Inc. c. Canada, [1999] A.C.I. no 253 (QL); [1999] G.S.T.C. 60, à la page 60-5;

                                                   9028-7103 Québec inc. c. Sous-ministre du Revenu du Québec, [2004] J.Q. no 463 (QL) (C.Q.);

                                                    Sous-ministre du Revenu du Québec c. Dupuis, [1996] R.D.F.Q. 70 (C.A.Q.);

                                                   St-Martin c. Québec (Sous-ministre du Revenu), [2003] R.D.F.Q. 123, [2002] J.Q. no 9325 (QL) (C.Q.);

                                                   Pétroles Irving inc. c. Sous-ministre du Revenu du Québec, [2003] R.D.F.Q. 151; [2003] J.Q. no 154 (QL) (C.Q.);

                                                   Pétroles Irving inc. c. Sous-ministre du Revenu du Québec, [2004] J.Q. no 6726 (QL) (C.A.Q.);

                                                   Daw c. Québec (Sous-ministre du Revenu), [2005] R.D.F.Q. 352; [2004] J.Q. no 12885 (Q.L.) (C.Q.).

Analyse

[136]     Je rappelle d'abord que l'appelante a reconnu qu'un montant de taxe nette de 79 604,44 $ a été perçu et non remis au cours de la période du 1er mai 1994 au 31 janvier 1999. Ce montant est constitué de montants de TPS perçus selon les livres et les états financiers de l'appelante, mais non déclarés et non remis au cours de la période, diminués des CTI additionnels accordés lors de la vérification pour des achats payés comptant à la SAQ qui n'avaient pas été comptabilisés.

[137]    Ce premier point révèle deux choses. L'admission de l'appelante et le témoignage du comptable Richard démontrent que, bien que ce dernier eût mis monsieur Raymond Légaré au courant du fait que les taxes perçues n'étaient pas déclarées et remises en totalité et que les écarts s'accumulaient d'année en année, rien n'a été fait pour corriger la situation. De plus, des achats payés comptant à la SAQ n'ont jamais été comptabilisés, ce qui n'a été découvert que par la vérificatrice, madame Morand. Si on veut faire porter le blâme d' « erreurs » ou de « maladresses » au comptable encore faut-il, d'une part, réagir à ses constats et, d'autre part, lui remettre toutes les données nécessaires, accompagnées des documents pertinents, pour lui permettre d'exécuter correctement ses tâches; cela n'a pas été fait en l'occurrence. Je reviendrai plus loin sur les documents qu'on a remis à monsieur Richard concernant les ventes de l'appelante.

[138]    Outre ces montants de TPS non déclarés et non remis, l'expert de l'appelante, monsieur Marc Bélanger, a estimé que celle-ci devait un montant additionnel de TPS de 14 542 $ résultant de ventes non déclarées qu'il a estimées à 389 473 $ (pièce A-28, pages 6 et 7). Ce montant de 14 542 $ représente la TPS nette, c'est-à-dire diminuée de certains CTI.

[139]     Selon le rapport d'expert soumis par monsieur Bélanger et selon son témoignage, les ventes taxables de l'appelante n'étaient pas inscrites à ses livres en totalité. Ceci contredit les témoignages des comptables Richard et Gratton selon lesquels les ventes avaient toutes été comptabilisées et il s'agissait en somme d'un problème de « mauvaise imputation » aux différents postes comptables. En réalité, c'est à très juste titre que monsieur Bélanger a fait remarquer que des sommaires de vente remplis par monsieur Raymond Légaré et remis au comptable Richard indiquaient les mêmes chiffres pour plusieurs catégories de boissons alcooliques vendues au cours de périodes différentes, ce qui n'était manifestement pas conforme à la réalité.

[140]     Par inadvertance ou non, à la demande de l'avocat de l'appelante, monsieur Raymond Légaré a lui-même soumis en preuve les pièces A-3 et A-4 remplies par lui-même et qui se veulent des sommaires hebdomadaires des ventes de boissons alcooliques. À la lecture de ces documents, on voit bien qu'ils ne peuvent refléter la réalité. Pourtant, le comptable Richard a bien indiqué que c'était le type de document qu'on lui remettait pour faire état des ventes de boissons alcooliques.

[141]     Monsieur Bélanger a également reconnu que certaines dépenses, notamment pour des salaires d'employés agissant comme portiers ou affectés à la sécurité, avaient été payées comptant et que ces dépenses n'étaient pas inscrites aux livres de l'appelante. Bien qu'il ait initialement évalué ces paiements à 1 000 $ par semaine, monsieur Bélanger les a, par la suite, réduits à 300 $ par semaine puisque selon monsieur Raymond Légaré et le comptable Gratton les paiements en argent comptant à ces employés provenaient principalement du partage des pourboires reçus par les autres employés. Or, aucune preuve n'a été apportée à cet égard et ni monsieur Légaré ni monsieur Gratton n'ont même abordé cette question.

[142]     L'expert, Marc Bélanger, a aussi considéré que des gains de loterie de monsieur Raymond Légaré inscrits aux livres de l'appelante comme ayant été réinvestis dans l'entreprise constituaient en réalité des ventes non inscrites aux livres, et donc non déclarées, d'un montant de 149 563 $. Ayant accepté les calculs des autorités fiscales à cet égard, il a établi ce montant à 151 975 $.

[143]     En ce qui concerne monsieur Michel Légaré, l'analyse initiale de monsieur Marc Bélanger établissait une appropriation de fonds de 240 000 $ pour les années 1995 à 1998. Monsieur Bélanger n'a pas tenu compte de la période du 1er mai 1998 au 31 janvier 1999. Ce montant, quand même important, a été réduit à seulement 24 599 $ par monsieur Bélanger aux fins du présent litige. Monsieur Bélanger a invoqué pour expliquer ce changement majeur une erreur concernant le paiement des frais de location de l'automobile personnelle de monsieur Michel Légaré, qui aurait été fait par l'appelante et non par monsieur Légaré lui-même, ainsi que le fait que ce dernier, étant constamment à la brasserie, y prenait tous ses repas. D'une part, les explications fournies concernant le paiement des frais de location contredisent le témoignage de monsieur Michel Légaré, qui a affirmé qu'il payait lui-même les frais de location de 800 $ par mois grâce à des dividendes que lui versait l'appelante. D'autre part, aucune analyse, même minimale, du train de vie de monsieur Michel Légaré n'a été soumise en preuve par monsieur Bélanger ou par qui que ce soit d'autre.

[144]     Tout cela pour dire que si l'expert Bélanger a estimé les ventes additionnelles non déclarées par l'appelante à 389 473 $, les explications fournies quant à la manière dont il a pu arriver à ce montant ne sont appuyées par aucune analyse sérieuse, aucun document et aucun témoignage. À mon avis, le rapport d'expert de monsieur Bélanger de même que son témoignage n'ont servi qu'à établir deux choses : d'abord que les ventes taxables n'étaient pas inscrites aux livres en totalité, contrairement aux prétentions des comptables Richard et Gratton ainsi que de messieurs Raymond et Michel Légaré, et ensuite que le véritable problème n'était pas une mauvaise imputation comptable, mais consistait dans la falsification des documents remis au comptable. Devant ces constats, tous les calculs de marge bénéficiaire brute effectués par le comptable Gratton selon les inscriptions du comptable Richard et par monsieur Bélanger lui-même, marge que l'on a qualifiée de raisonnable, de normale et de constante, perdent, à mon avis, beaucoup de leur signification. J'estime que l'exercice a consisté à tenter d'arriver à des résultats favorables à l'appelante avec des données partiellement fausses à l'origine. Même le comptable Richard a affirmé que les dépôts bancaires excédaient les ventes inscrites aux livres et qu'il devait faire des écritures de régularisation en fin d'année pour tenir compte des écarts.

[145]     Cela m'amène à traiter des documents produits par l'appelante, de ceux qu'elle a conservés, de ceux utilisés pour sa comptabilité ainsi que de ceux découverts par madame Morand lors de sa vérification.

[146]     En ce qui concerne les ventes de boissons alcooliques, on sait qu'aucune facture n'était établie. Le contrôle des ventes par les employés se faisait par un décompte manuel pour la bière vendue en bouteilles et par des compteurs spéciaux pour la vente de la bière en fût, du vin en fût et des spiritueux. Les employés affectés à la vente des boissons devaient soumettre un ou plusieurs rapports à la fin de chaque quart de travail ou à la suite d'un changement de prix. Le contrôle de ces rapports était fait principalement par monsieur Raymond Légaré, qui en effectuait également la compilation. Une fois cette opération terminée, les rapports des employés étaient détruits ou jetés. Bien que monsieur Raymond Légaré ait affirmé qu'une compilation quotidienne était faite, puis remise au comptable une fois par mois, les documents présentés en preuve sont des sommaires hebdomadaires (pièces A-3 et A-4 et pièce I-28, pages 31 à 38). Le comptable Richard a affirmé que les pièces A-3 et A-4 représentaient bien le type de documents qu'on lui remettait pour faire sa comptabilité. Par ailleurs, monsieur Michel Légaré a affirmé que les compilations quotidiennes des ventes de boissons alcooliques étaient inscrites dans un livre et qu'une employée entrait ensuite les données au système Squirrel une fois par semaine. On constate, toutefois, que les 26 rapports quotidiens Squirrel soumis en preuve lors du témoignage de madame Morand présentent un sommaire des ventes de boissons alcooliques par catégories générales (pièce I-19). Devant ces multiples versions, il est difficile de déterminer de façon exacte quels étaient les documents véritablement utilisés aux fins de la comptabilité.

[147]     Lors de sa vérification, madame Morand a constaté que les compilations hebdomadaires faites par monsieur Raymond Légaré, dont les pièces A-3 et A-4 sont des exemples, étaient manifestement fausses. Si les pièces A-3 et A-4 présentent des montants identiques de ventes pour plusieurs catégories de boissons alcooliques pour deux périodes hebdomadaires différentes, d'autres documents semblables indiquent les ventes en chiffres ronds de 1 500 $, de 2 000 $, de 2 500 $ et de 3 500 $, ce qui les rend peu vraisemblables (pièce I-28, page 35 à 38).

[148]     D'autres documents ont aussi été découverts par madame Morand qui indiquent des paiements en argent comptant, notamment pour des salaires, qui n'avaient manifestement pas été comptabilisés ou dont l'inscription aux livres de l'appelante ne pouvait être vérifiée (pièces I-11 et I-13). D'ailleurs, ce fait a été constaté par l'expert de l'appelante, monsieur Marc Bélanger, qui a fait sa propre estimation de ces paiements sans s'appuyer sur quelque document que ce soit, simplement sur la foi de déclarations que lui auraient faites monsieur Raymond Légaré et le comptable Gratton, qui n'était d'ailleurs pas comptable de l'appelante à l'époque pertinente. Ces deux personnes n'ont jamais témoigné sur ce point et aucune autre preuve n'a été présentée à cet égard.

[149]     En ce qui concerne les droits d'entrée, on sait que les sommaires hebdomadaires préparés par monsieur Raymond Légaré pour les boissons alcooliques en font état à l'occasion, indiquant des montants toujours identiques de 2 000 $ par semaine, et d'autres fois n'en font pas mention du tout (pièce I-28, pages 31 à 38). Madame Morand a découvert des documents indiquant qu'ils auraient été de 2 880 $ et de 2 790 $ certains jours (pièce I-11, pages 7.162 et 7.164). Malgré les prétentions de l'avocat de l'appelante que les sommaires quotidiens Squirrel faisaient état de tous les revenus, il n'y a aucune mention des droits d'entrée sur les 26 sommaires quotidiens du mois d'août 1996 que madame Morand a pu obtenir (pièce I-19).

[150]     Pour ce qui est des ventes de nourriture, l'appelante ne conservait aucune facture et aucune n'a été présentée en preuve. Malgré ses demandes qu'on lui remette des relevés du système Squirrel fournissant les détails de toutes les transactions pour deux périodes de dix jours choisies au hasard dans deux exercices différents, madame Morand a affirmé n'avoir obtenu que les sommaires mentionnés plus haut pour une période de 26 jours en août 1996 (pièce I-19). Messieurs Raymond et Michel Légaré ont témoigné que de semblables documents existaient et avaient été remis à madame Morand dans les boîtes de documents qu'on lui avait apportées au cours de la vérification qu'elle effectuait chez le comptable Richard à compter de novembre 1998. Aucun autre de ces sommaires n'a été déposé en preuve. Bien sûr, il y a eu la perquisition et la saisie du 12 avril 2000, soit le lendemain de la cotisation faisant l'objet du litige. Toutefois, les documents saisis ont été remis à un moment donné et l'expert de l'appelante, monsieur Marc Bélanger, a affirmé avoir consulté ces documents alors qu'ils étaient toujours sous saisie. Rien dans son rapport ou témoignage n'en fait cependant état.

[151]     Devant l'absence totale de documents permettant de vérifier le détail des ventes de l'appelante, madame Morand a réussi à obtenir, après deux avertissements et une demande péremptoire, les rapports quotidiens des employés pour les ventes de boissons alcooliques. Ayant prolongé sa période de vérification du 31 octobre 1998 au 31 janvier 1999, elle a finalement obtenu ces rapports pour une période d'un peu moins de trois mois, soit du 7 novembre 1998 au 31 janvier 1999. Sur l'ensemble de cette période, madame Morand a choisi 14 jours en s'assurant de prendre un jour différent pour chaque semaine et deux fois le même jour de la semaine pour l'ensemble de la période. Elle a ainsi colligé les données de quelque 146 rapports des employés pour ces 14 jours de façon à déterminer exactement ce qui était vendu et à quel prix. Elle a également calculé les pourcentages que représentaient les ventes de bière en fût, c'est-à-dire les pourcentages des ventes au verre (bock), au pichet et au demi-pichet. Le même travail a été fait pour le vin et les spiritueux, le tout de façon à établir soit un prix de vente moyen, soit une majoration moyenne, pour chaque produit et chaque forme sous laquelle il se vendait, et ce, de façon à tenir compte des différents prix pour un produit ou un autre ou pour une forme ou une autre sous laquelle il se vendait, selon les multiples promotions de l'appelante. Somme toute, c'était un travail d'une rigueur et d'une minutie exemplaires. Dans une étape suivante, madame Morand a transposé les données ainsi obtenues aux achats, préalablement corrigés, de chaque année ou partie d'année de la période vérifiée, soit du 1er mai 1994 au 31 janvier 1999, apportant à chaque année une correction pour tenir compte de l'inflation, et ce, de façon à reconstituer les ventes de boissons alcooliques pour l'ensemble de la période.

[152]     Évidemment, l'appelante conteste les résultats obtenus puisque l'échantillonnage n'a été effectué que pour 14 jours sur une période de trois mois. Toutefois, aucune preuve précise et concrète n'a été apportée qui permettrait d'écarter ces résultats ou même de les corriger. Au-delà des protestations et affirmations générales, aucune preuve le moindrement sérieuse, appuyée par des documents, n'a été présentée pour permettre d'établir autrement les ventes de boissons alcooliques par l'appelante, et pour cause : tous les rapports des employés fournissant le détail des ventes étaient détruits au fur et à mesure et la preuve présentée a démontré que les sommaires étaient faussés. Le travail d'échantillonnage de madame Morand a porté sur 14 jours d'une période de près de trois mois parce qu'elle n'avait rien d'autre et j'estime qu'il est suffisamment représentatif des produits vendus et des différents prix de vente au cours de cette période. Les prix moyens ou les pourcentages moyens de majoration, selon les données mêmes de l'appelante, ont ensuite été appliqués aux achats de chaque année ou partie d'année, lesquels ne sont pas contestés. Même l'inflation a été prise en compte. Le travail de madame Morand a été tributaire de la façon de faire de l'appelante. Il est sans reproche et les résultats doivent être retenus en l'absence d'une preuve convaincante du contraire. Je reconnais volontiers que tout échantillonnage ne peut donner que des résultats approximatifs, lesquels ne reflètent pas nécessairement toute la réalité, ce qui est vrai de toute méthode alternative ou indirecte utilisée par les autorités fiscales lorsque les affaires d'un contribuable ou ses documents, ou l'absence de ceux-ci, les obligent à y avoir recours.

[153]     La reconstitution des ventes de repas ou de nourriture par madame Morand présente un problème d'un autre ordre. D'abord, elle n'a obtenu aucune facture de vente ni aucun relevé détaillé des ventes quotidiennes extrait du système Squirrel pour des journées précises comme elle l'avait demandé (pièces I-14, I-15, I-17, et I-18). Dans son témoignage, elle a affirmé n'avoir obtenu que 26 rapports quotidiens, soit ceux pour la période du 6 août au 31 août 1996, lesquels n'indiquent que le montant des ventes par catégories générales, tel que cela a été expliqué précédemment (pièce I-19). Du côté de l'appelante, on a prétendu que tous les relevés quotidiens Squirrel avaient été remis à madame Morand et qu'ils étaient dans des boîtes de documents apportées par monsieur Michel Légaré chez le comptable Richard. Bien que ces documents aient été saisis le 12 avril 2000 et retournés à l'appelante après une période de deux ans et demi, aucun relevé additionnel n'a été présenté en preuve. Tel qu'il a été expliqué précédemment, ces relevés du système Squirrel ne fournissent pas le détail des transactions, mais simplement un sommaire des ventes par catégories générales. Ne pouvant déterminer ce qui avait été vendu et à quel prix, comme elle avait pu le faire pour les boissons alcooliques grâce aux rapports quotidiens des employés qu'elle avait réussi à obtenir pour la période du 7 novembre 1998 au 31 janvier 1999, madame Morand décida, pour reconstituer les ventes de nourriture, d'appliquer une majoration de 200 % des achats moins 5 % pour les pertes. Dans son témoignage, elle a affirmé qu'il s'agissait de la majoration minimale qu'elle-même et son équipe de vérificateurs, ainsi que d'autres équipes de vérificateurs spécialisés dans la restauration, appliquaient lorsqu'un contribuable avait une comptabilité déficiente ou n'avait pas conservé les documents permettant une vérification par des moyens directs plutôt que par l'utilisation d'une méthode alternative ou indirecte.

[154]     Au nom de l'intimée, aucune preuve n'a été apportée que le pourcentage de majoration appliqué par madame Morand représentait une norme reconnue et raisonnablement applicable à une entreprise de restauration de même type que celle exploitée par l'appelante, soit une brasserie à fort volume misant sur les bas prix de la nourriture pour attirer la clientèle.

[155]     Il est vrai que madame Morand a vérifié certains prix d'éléments facilement déterminables pour s'assurer que la majoration utilisée ne pénalisait pas l'appelante. Toutefois, elle ne l'a fait qu'à l'aide du seul menu obtenu lors de sa première visite à la brasserie lequel n'indique que les prix normaux ou réguliers (pièce I-10). Si monsieur Michel Légaré n'a pas dans son témoignage apporté de précisions ou de chiffres concrets concernant sa marge bénéficiaire brute compte tenu des multiples prix réduits et promotions dont il a fait état en ce qui concerne la vente de nourriture (pièces A-23 et A-24), il n'en reste pas moins qu'on ne peut ignorer totalement cet aspect du commerce dont madame Morand a dit ne pas avoir été informée. Il semble bien que l'objectif premier de madame Morand était d'obtenir des documents et non de s'informer sur les aspects particuliers du fonctionnement du commerce. Force est de constater qu'elle a concentré ses efforts sur l'analyse des documents obtenus sans communication véritable avec messieurs Raymond et Michel Légaré qui auraient pu l'informer davantage sur certains aspects du fonctionnement de l'entreprise sur le plan commercial. D'ailleurs, elle a affirmé ne pas avoir rencontré monsieur Michel Légaré et n'avoir rencontré monsieur Raymond Légaré qu'une seule fois après avoir débuté son travail de vérification chez le comptable Richard. Dans l'ensemble de la preuve présentée, j'estime que le témoignage de madame Morand, celui de monsieur Michel Légaré et les pièces A-23 et A-24 constituent les indices les plus sérieux que la réalité globale de l'entreprise n'a pas totalement été prise en compte.

[156]     Madame Morand a aussi affirmé que les chiffres obtenus en appliquant une majoration de 200 % moins 5 % pour les pertes se rapprochaient de ceux inscrits par l'appelante pour la période du 1er mai 1998 au 31 janvier 1999. Il est exact que la différence n'est que d'environ 18 000 $ pour cette période. Cependant, la différence est énorme pour les quatre années précédentes, à tel point qu'il faudrait conclure que l'appelante déclarait moins de 40 % de ses ventes de nourriture pour les années terminées le 30 avril 1995 et le 30 avril 1996. De tels résultats paraissent peu vraisemblables.

[157]     L'extrapolation du montant total des ventes de nourriture selon les 26 relevés quotidiens du système Squirrel d'août 1996 pour établir les ventes totales de l'année ne me paraît pas non plus un exercice si concluant qu'il faut l'accepter d'emblée parce que cette extrapolation produisait un chiffre supérieur (pièces I-19 et I-20). Cela ne démontre pas que la majoration de 200 % moins 5 % était une norme objective et raisonnable permettant de tenir compte de la réalité globale de l'entreprise de l'appelante pour l'ensemble de la période faisant l'objet de la cotisation. D'ailleurs, cette extrapolation est un exercice fort différent de celui auquel s'est livrée madame Morand pour établir les ventes des boissons alcooliques, et de toute façon les résultats de l'extrapolation n'ont pas été retenus.

[158]     Il va sans dire que les marges bénéficiaires brutes dans l'industrie de la restauration et plus particulièrement dans le secteur des brasseries ne sont pas du domaine de la connaissance judiciaire. Si les autorités fiscales estiment que la seule façon d'établir les ventes d'un contribuable dont la comptabilité est déficiente et qui ne possède pas les documents appropriés est de majorer ses achats d'un certain pourcentage, encore faut-il démontrer, sinon par expert, par la présentation de statistiques, par une preuve quant aux normes de l'industrie ou autrement que la majoration appliquée constitue une norme reconnue, raisonnable et pertinente relativement à l'entreprise du contribuable. Je ne peux souscrire à la prétention de l'avocat de l'intimée selon laquelle la présomption de validité de la cotisation emporte automatiquement présomption de validité quant à toutes les hypothèses retenues par le ministre pour établir une cotisation, sans qu'il soit jamais nécessaire d'apporter quelque preuve que ce soit. Il se peut que la majoration de 200 % retenue par madame Morand corresponde effectivement à une norme reconnue, fiable et raisonnablement applicable en l'espèce ce dont je doute dans les circonstances. Il se peut que la majoration appropriée eût dû être de 175 %, de 150 % ou même moins. En un mot, lorsqu'un contribuable peut soulever un doute sérieux, il s'agit de démontrer que la majoration retenue n'est pas une norme purement subjective, mais une norme objective, fiable et acceptable dans les circonstances. On ne peut se réfugier derrière la présomption de validité de la cotisation pour s'abstenir de faire cette preuve. Prétendre le contraire, c'est donner ouverture à l'arbitraire en permettant aux autorités fiscales de formuler n'importe quelle hypothèse, qui serait toujours réputée valide. Ce n'est pas parce qu'un contribuable manque à ses obligations, qu'il a une comptabilité déficiente ou qu'il n'a pas les documents appropriés ou qu'il les a détruits qu'on peut supposer n'importe quoi et prétendre que ces suppositions sont tout simplement réputées valides en toutes circonstances. En matière d'impôt sur le revenu, lorsque l'on établit une cotisation à l'égard d'un contribuable par la méthode indirecte de l'avoir net et que, faute de mieux, l'on établit le montant de ses dépenses personnelles en formulant des hypothèses, on le fait en utilisant des normes objectives minimales tirées des statistiques officielles publiées par Statistique Canada sur le coût de la vie des individus et des ménages dans les différentes régions du pays et non en s'appuyant sur des chiffres qui sont le produit des impressions du vérificateur. À mon avis, cette façon de faire est également applicable en matière de TPS. Pour résumer, dire « mon équipe et moi appliquons une majoration minimale de 200 % moins 5 % pour les pertes » , n'est pas suffisant pour faire porter au contribuable le fardeau entier de démolir cette hypothèse lorsque des doutes sérieux peuvent être exprimés à l'égard de celle-ci. Un minimum de preuve est requis pour démontrer qu'une telle majoration constitue une norme reconnue, fiable et raisonnablement applicable dans les circonstances.

[159]     Dans l'affaire Hickman Motors Ltd. c. Canada, [1997] 2 R.C.S. 336, la juge L'Heureux-Dubé de la Cour suprême du Canada traitait du fardeau de la preuve en matière fiscale dans les termes suivants aux paragraphes 92 et 93 de la décision :

92         Il est bien établi en droit que, dans le domaine de la fiscalité, la norme de preuve est la prépondérance des probabilités : Dobieco Ltd. c. Minister of National Revenue, [1996] R.C.S. 95, et que, à l'intérieur de cette norme, différents degrés de preuve peuvent être exigés, selon le sujet en cause, pour que soit acquittée la charge de la preuve: Continental Insurance Co. c. Dalton Cartage Co., [1982] 1 R.C.S. 164; Pallan c. M.R.N., 90 D.T.C. 1102 (C.C.I.), à la p. 1106. En établissant des cotisations, le ministre se fonde sur des présomptions: (Bayridge Estates Ltd. c. M.N.R., 59 D.T.C. 1098 (C. de l'É.), à la p. 1101), et la charge initiale de « démolir » les présomptions formulées par le ministre dans sa cotisation est imposée au contribuable (Johnston c. Minister of National Revenue, [1948] R.C.S. 486; Kennedy c. M.R.N., 73 D.T.C. 5359 (C.A.F.), à la p. 5361). Le fardeau initial consiste seulement à « démolir » les présomptions exactes qu'a utilisées le ministre, mais rien de plus: First Fund Genesis Corp. c. La Reine, 90 D.T.C. 6337 (C.F. 1re inst.), à la p. 6340.

93         L'appelant s'acquitte de cette charge initiale de « démolir » l'exactitude des présomptions du ministre lorsqu'il présente au moins une preuve prima facie : Kamin c. M.R.N., 93 D.T.C. 62 (C.C.I.); Goodwin c. M.R.N., 82 D.T.C. 1679 (C.R.I.). [...]

[160]     Au paragraphe 96 de la décision, la juge L'Heureux-Dubé reprenait à son compte l'observation suivante du juge Brulé de la Cour canadienne de l'impôt dans l'affaire Kamin c. M.R.N., 93 DTC 62, à la page 64 :

         Le Ministre n'a pas carte blanche pour établir les présomptions qui lui conviennent. À l'interrogatoire principal, on s'attend qu'il puisse produire des preuves plus concrètes que de simples présomptions pour réfuter les arguments de l'appelant.

[Souligné dans le texte.]

[161]     À mon avis, l'appelante a apporté une preuve prima facie que la norme de 200 % appliquée à la totalité des achats de nourriture ne pouvait refléter adéquatement le montant des ventes de repas pour l'ensemble de la période couverte par la cotisation. Les indices mentionnés au paragraphe 155 des présents motifs de jugement me paraissent suffisants à cet égard. Dans les circonstances, on se devait, au nom de l'intimée, d'apporter une preuve plus convaincante que l'hypothèse utilisée était, selon la prépondérance des probabilités, la norme qui reflétait le plus adéquatement le montant des ventes de repas de l'appelante durant la période en cause, ce qui n'a pas été fait.

[162]     Ainsi, en ce qui concerne les ventes de repas, j'estime que la cotisation doit être restreinte aux ventes indiquées dans les états financiers de l'appelante pour les exercices du 1er mai 1994 au 30 avril 1998 et au grand livre pour la période du 1er mai 1998 au 31 janvier 1999.

[163]     La preuve a démontré que la totalité des droits d'entrée perçus par l'appelante n'étaient pas déclarés. On en trouve des exemples dans les sommaires hebdomadaires remplis par monsieur Raymond Légaré (pièce I-28, pages 31 à 38). Alors que l'appelante percevait des droits d'entrée de façon régulière à compter de son exercice financier débutant le 1er mai 1995, on n'en trouve aucun dans certains des sommaires hebdomadaires présentés en preuve alors que dans d'autres un montant identique de 2 000 $ est indiqué pour plusieurs semaines. D'autres documents démontrent qu'ils auraient été de 2 880 $ et de 2 790 $ pour deux jours en particulier (pièce I-11, pages 7.162 et 7.164). Madame Morand a reconstitué les droits d'entrée en proportion des ventes reconstituées de boissons alcooliques et de repas par rapport aux montants déclarés aux états financiers ou aux livres de l'appelante pour ces deux postes et en proportion de l'importance relative des droits d'entrée par rapport à ces deux autres éléments (pièces I-25, page 29, I-26, page 30, I-27, page 29, I-28, page 30). L'appelante n'a pas contesté de façon explicite l'augmentation des droits d'entrée ainsi établie. Toutefois, on doit comprendre qu'implicitement cette augmentation des droits d'entrée était contestée comme partie de sa contestation des ventes reconstituées des boissons alcooliques et des repas. Le montant des ventes de repas ayant été limité à celui déclaré aux états financiers ou au grand livre de l'appelante, la réduction des droits d'entrée reconstitués devra se faire en utilisant la même formule que celle utilisée pour établir la cotisation en litige.

[164]     En plus de la pénalité imposée et des intérêts exigés en vertu du paragraphe 280(1) de la Loi, la cotisation en litige comprend une pénalité imposée en vertu de l'article 285 de la Loi. Cet article est semblable au paragraphe 163(2) de la Loi de l'impôt sur le revenu et s'applique dans le cas de faux énoncés ou d'omissions faits sciemment ou dans des circonstances équivalant à faute lourde. Les tribunaux se sont fréquemment penchés sur le degré de faute qui entraîne l'application de ces dispositions. Parmi les observations les plus souvent citées, on trouve celles du juge Marceau dans l'affaire Cloutier c. La Reine, 78 DTC 6485. À la page 6487, celui-ci affirmait :

      La question qui se pose est celle de savoir si les circonstances dans lesquelles l'omission a eu lieu sont telles qu'une faute lourde puisse être imputée au contribuable, faute lourde s'entendant d'une faute de comportement relativement grave, difficile à expliquer et socialement intolérable.

[165]     Dans l'affaire Venne c. Canada, [1984] A.C.F. no 314 (QL), 84 DTC 6247, à la page 6256, le juge Strayer pour sa part traitait de la notion de faute lourde dans les termes suivants :

   [...] La « faute lourde » doit être interprétée comme un cas de négligence plus grave qu'un simple défaut de prudence raisonnable. Il doit y avoir un degré important de négligence qui corresponde à une action délibérée, une indifférence au respect de la Loi.

[166]     Dans la présente affaire, on a beaucoup parlé de mauvaises imputations comptables, d'erreurs et de maladresses. Toutefois, la preuve présentée révèle autre chose. Il y a d'abord les déclarations de TPS de l'appelante, lesquelles ne faisaient pas état de la totalité des taxes perçues. L'écart grandissant entre les taxes déclarées et remises et celles inscrites aux livres ou aux états financiers a été reconnu par le comptable Richard, qui a affirmé en avoir discuté avec monsieur Raymond Légaré. Pourtant, rien n'a jamais été fait pour corriger la situation, qui a duré pendant la totalité de la période vérifiée, l'écart cumulatif en ce qui concerne la TPS s'élevant à 84 524,02 $. C'est donc à l'égard de ventes de 1 207 486 $ que l'appelante a omis de déclarer et remettre la TPS en temps utile pendant une période de plus de cinq ans et demi. L'omission répétée à chaque trimestre et les faux énoncés dans les déclarations que l'appelante devait produire ont été faites sciemment ou à tout le moins dans des circonstances équivalant à faute lourde, ce que l'article 285 a précisément pour fonction de sanctionner.

[167]     Un autre comportement qu'il est certainement possible de reprocher à l'appelante et à monsieur Raymond Légaré est la destruction systématique des rapports quotidiens des employés en ce qui concerne les ventes de boissons alcooliques. Comme ces documents étaient les seuls pouvant permettre une vérification directe des ventes, il paraît évident qu'ils devaient être conservés. Toutefois, ce n'est qu'après une deuxième demande de madame Morand qu'on a commencé à les conserver. C'est ainsi qu'elle a pu en obtenir, pour une période d'un peu moins de trois mois seulement, et s'en servir pour fonder son échantillonnage et son analyse.

[168]     Cette question m'amène à traiter des sommaires remplis par monsieur Raymond Légaré et utilisés par monsieur Richard pour tenir la comptabilité de l'appelante. Il s'agit de documents comme les pièces A-3 et A-4 sur lesquelles des montants identiques sont inscrits pour les ventes de cinq catégories de boissons alcooliques. D'autres exemples de documents semblables ont été produits par madame Morand (pièce I-28, pages 31 à 38). Sur certains on trouve des chiffres ronds de 1 500 $, de 2 000 $, de 2 500 $ et de 3 500 $ pour les ventes de plusieurs catégories de boissons alcooliques. De plus, sur certains de ces rapports hebdomadaires on indique des droits d'entrée de 2 000 $. Sur d'autres, aucun montant n'est indiqué. La seule conclusion possible à tirer de l'examen de ces sommaires ou de ces rapports hebdomadaires est que les revenus de l'appelante n'étaient manifestement pas tous déclarés, que ces documents sont faux et, surtout, qu'ils sont le produit d'actes délibérés ne pouvant conduire qu'à des fausses déclarations. L'expert de l'appelante, monsieur Marc Bélanger, a lui-même reconnu qu'on ne pouvait avoir des rapports identiques pour deux périodes différentes.

[169]     Un autre élément qui se rapporte aux ventes non déclarées est celui des dépenses payées comptant, dont les achats à la SAQ décelés par madame Morand. La preuve présentée dévoile également le paiement de salaires à des employés au moyen de revenus qui n'étaient pas comptabilisés ainsi que le paiement d'autres dépenses en argent comptant (pièces I-11 et I-12).

[170]     Selon l'évaluation - que j'estime très sommaire - de l'expert de l'appelante, celle-ci n'aurait pas déclaré des ventes de 389 473 $ pour les années 1995 à 1998 (pièce A-28, page 6). D'abord, comme je l'ai indiqué précédemment, cette évaluation ne tient pas compte de la période de neuf mois du 1er mai 1998 au 31 janvier 1999. De plus, son évaluation des dépenses payées comptant, mis à part les achats à la SAQ, n'est appuyée sur aucune analyse ou preuve de quelque nature que ce soit. Il en est de même de son évaluation des retraits effectués par monsieur Michel Légaré dans les années 1995 à 1998, qui passent de 240 000 $ dans sa première évaluation à 24 599 $ seulement, sans qu'il y ait d'analyse détaillée pouvant expliquer un changement aussi important.

[171]     J'estime que la preuve apportée par l'intimée est suffisante pour permettre de conclure au maintien non seulement de la pénalité prévue à l'alinéa 280(1)a), mais également de celle prévue à l'article 285 de la Loi. Toutefois, les pénalités et les intérêts devront être rajustés compte tenu de la réduction des ventes de l'appelante pour la période visée par la cotisation, soit du 1er mai 1994 au 31 janvier 1999.

[172]     En conséquence de ce qui précède, l'appel est accueilli, sans frais, et la cotisation est déférée au ministre pour nouvel examen et nouvelle cotisation en tenant pour acquis que :

1)        les montants des ventes de repas de l'appelante doivent être limités aux montants inscrits aux états financiers pour les exercices financiers du 1er mai 1994 au 30 avril 1998 et au grand livre pour la période du 1er mai 1998 au 31 janvier 1999;

2)        les montants des droits d'entrée doivent être réduits en conséquence de la réduction des montants des ventes de repas en utilisant la même formule que celle utilisée pour établir la cotisation faisant l'objet du présent appel;

3)        les pénalités et intérêts doivent être rajustés en conséquence de la réduction des montants des ventes de repas et de la réduction des montants des droits d'entrée.

Signé à Ottawa, Canada, ce 19e jour d'octobre 2006

« P. R. Dussault »

Juge Dussault


RÉFÉRENCE :                                   2006CCI503

N º DU DOSSIER DE LA COUR :       2001-3337(GST)G

INTITULÉ DE LA CAUSE :               Brasserie Futuriste de Laval inc. c. Sa Majesté la Reine

LIEU DE L'AUDIENCE :                    Montréal (Québec)

DATE DE L'AUDIENCE :                  les 4 et 5 juillet 2005

                                                          et les 15 et 16 décembre 2005

MOTIFS DU JUGEMENT PAR :        l'honorable juge Pierre R. Dussault

DATE DU JUGEMENT :                    le 19 octobre 2006

COMPARUTIONS :

Avocat de l'appelante :

Me Alain Longval

Avocats de l'intimée :

Me Jean-Philippe Dumas et

Me Benoît Denis

AVOCAT INSCRIT AU DOSSIER :

       Pour l'appelante :

                   Nom :                              Me Alain Longval

                   Cabinet :                          Dunton Rainville

                   Ville :                               Blainville (Québec)

       Pour l'intimée :                             John H. Sims, c.r.

                                                          Sous-procureur général du Canada

                                                          Ottawa, Canada



[1] Les témoins et les avocats ont parlé tantôt de 3.5 millions de dollars, tantôt de 3.3 millions de dollars de ventes non déclarées.

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.