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Dossier : 2006-956(IT)I

ENTRE :

CLAUDE BERTRAND,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

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Appel entendu le 30 août 2006, à Trois-Rivières (Québec)

Devant : L'honorable juge Paul Bédard

Comparutions :

Pour l'appelant :

L'appelant lui-même

Avocate de l'intimée :

Me Annick Provencher

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JUGEMENT

                    L'appel de la cotisation établie en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu pour l'année d'imposition 2002 est rejeté selon les motifs du jugement ci-joints.

Signé à Ottawa, Canada, ce 15e jour de novembre 2006.

« Paul Bédard »

Juge Bédard


Référence : 2006CCI515

Date : 20061115

Dossier : 2006-956(IT)I

ENTRE :

CLAUDE BERTRAND,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

MOTIFS DU JUGEMENT

Le juge Bédard

[1]      Il s'agit d'un appel interjeté sous le régime de la procédure informelle, d'une cotisation établie par le ministre du Revenu national (le « ministre » ) selon laquelle il avait ajouté aux revenus de l'appelant la somme de 8 615 $ à titre de revenu provenant de régimes enregistrés d'épargne-retraite ( « REER » ).

Les faits

[2]      L'appelant a déposé un avis d'intention de faire une proposition concordataire le 19 juillet 2001 (la « proposition » ). La proposition prévoyait l'utilisation des REER de l'appelant aux fins d'acquitter les montants dus à ses créanciers. Le paragraphe pertinent de la proposition se lit comme suit :

« Le débiteur s'engage à remettre au syndic la saisine de ses régimes enregistrés d'épargne-retraite dont la valeur brute totale est d'environ 8 200,00 $. Le montant net des impôts qui sera encaissé par l'administrateur sera distribué aux créanciers.[1] »

[3]      La proposition a été acceptée par les créanciers le 29 novembre 2001. Elle

fut homologuée par la Cour supérieure le 21 janvier 2002.

[4]      Au moment de déposer son avis d'intention, l'appelant détenait deux REER dont un à la Banque Laurentienne et l'autre à la Banque Scotia. Conformément aux modalités de la proposition, le syndic de faillite, Claude Moisan faisait parvenir une lettre datée du 20 décembre 2001 à chacune des deux banques demandant le rachat des REER de l'appelant.

[5]      Le rachat des REER à la Banque Laurentienne a eu lieu le 10 janvier 2002. La Banque Laurentienne faisait parvenir un chèque de 3 750,04 $ au syndic. Le montant du retrait se détaillait comme suit[2] :

Montant brut :                                        4 792,89 $

Taxes fédérales :                                       237,34 $

Taxes provinciales :                                   759,50 $

Frais administratifs :                              ___46,01 $

Montant net :                                        3 750,04 $

[6]      Le rachat du REER de l'appelant à la Banque Scotia a eu lieu le 10 mars 2002. Le montant du retrait se détaillait comme suit[3] :

Montant brut                                                     4003,62 $

Impôt fédéral                                                       200,18 $

Impôt provincial                                                 640,58 $

Frais administratifs                                             __25,00 $

            Montant net                                                       3 137,86 $

[7]      L'appelante avait déjà déclaré un montant de 135 $ dans sa déclaration de revenu pour l'année d'imposition 2002 à titre d'un revenu provenant d'un REER. Ainsi, le ministre a ajouté la différence, soit un total de 8 615 $ provenant de REER, au revenu de l'appelant calculé comme suit :

REER Banque Laurentienne (moins 46,00 $                               4 746,88 $

de frais d'administration n'apparaissant pas

comme des revenus de REER T-4-RSP )

REER Banque Scotia                                                                    4003,62 $

Moins montant déclaré par l'appelant                             ___135,00 $

Montant net                                                                               8 615,50 $

Question en litige

[8]      Il s'agit de déterminer si la nouvelle cotisation du 3 février 2006 établie à l'égard de l'année d'imposition 2002 de l'appelant est bien fondée. Dans cette nouvelle cotisation, le ministre a ajouté un montant de 8 615 $ provenant d'un REER au revenu de l'appelant pour l'année d'imposition 2002. En fait, il s'agit de déterminer si l'appelant a reçu un total de 8 749 $ provenant de son REER dans son année d'imposition 2002, déclenchant ainsi l'inclusion de ce montant dans son revenu de 2002, conformément à l'alinéa 56(1)h) de la Loi de l'impôt sur le revenu (la « Loi » ) et au paragraphe 146(8) de cette loi.

Le droit

[9]      L'inclusion dans le revenu des montants liés provenant d'un REER est prescrite par l'alinéa 56(1)h) de la Loi qui se lit comme suit :

56. « Sommes à inclure dans le revenu de l'année »

(1) Sans préjudice de la portée générale de l'article 3, sont à inclure dans le calcul du revenu d'un contribuable pour une année d'imposition :

56(1)h) Régime enregistré d'épargne-retraite, etc. - toutes sommes relatives à un régime enregistré d'épargne-retraite ou à un fonds enregistré de revenu de retraite et qui doivent, en vertu de l'article 146, être incluses dans le calcul du revenu du contribuable pour l'année;

[10]     L'alinéa 56(1)h) de la Loi renvoi donc aux règles pertinentes de l'article 146 de la Loi pour déterminer les montants qui doivent être inclus dans le calcul du revenu du contribuable. L'extrait pertinent de cet article 146 de la Loi est le paragraphe 146(8) qui se lit comme suit :

146. Prestations imposables

(8) Est inclus dans le calcul du revenu d'un contribuable pour une année d'imposition le total des montants qu'il a reçus au cours de l'année à titre de prestations dans le cadre de régimes enregistrés d'épargne-retraite, à l'exception des retraits exclus au sens des paragraphes 146.01(1) ou 146.02(1), et des montants qui sont inclus, en application de l'alinéa (12)b), dans le calcul de son revenu

Position de l'appelant

[11]     D'abord, l'appelant a soutenu qu'il n'avait pas « reçu » le produit du REER puisque le syndic avait encaissé le produit et l'avait remis aux créanciers et que, par conséquent, le paragraphe 146(8) de la Loi ne pouvait s'appliquer.

[12]     À mon avis cet argument est sans fondement. Les tribunaux ont donné une interprétation très large du terme « recevoir » . Ainsi, dans la décision Morin[4], la Cour fédérale de première instance a déterminé que recevoir « veut évidemment dire en bénéficier ou en profiter » . Les conclusions de la Cour dans la décision Mintzer vont dans le même sens[5]

[13]     De plus, relativement à l'encaissement d'un REER par un syndic dans le cadre d'une proposition concordataire d'un contribuable, la Cour, dans la décision Agard[6], a conclu que l'appelant avait reçu le produit de son REER bien qu'il n'avait pas eu le montant entre ses mains. La Cour s'exprimait ainsi à cet égard :

9. [...] En outre, l'appelant prétend qu'il n'a jamais reçu les fonds provenant du REER et que, par conséquent, il ne peut être imposé à ce titre. Cet argument n'a également aucun fondement. L'ensemble des biens de l'appelant est demeuré sa propriété et non celle du syndic aux termes de la proposition.

10. Dans la proposition, l'appelant a simplement stipulé ce qu'il allait advenir du produit du REER. Ce produit est toujours demeuré sa propriété, tout comme le REER lui-même. Le syndic était un simple intermédiaire par qui les fonds passaient pour aboutir entre les mains des créanciers.[7]

[14]     Dans la présente affaire, l'appelant avait une obligation légale de rembourser ses créanciers et de respecter les conditions de la proposition concordataire qui prévoyaient qu'il devait remettre la saisine des REER au syndic afin que ce dernier puisse procéder au remboursement des créanciers non garantis. Dans la proposition concordataire, l'appelant a décidé d'utiliser ses REER. Ainsi, l'appelant a bénéficié du produit de ses REER en ce que ses créanciers ont été remboursés et en ce qu'il a été libéré de ses dettes.

[15]     Finalement, l'appelant a revendiqué l'application de la décision rendue dans le jugement Marchessault[8] à la présente affaire. Dans cette affaire, l'appelant avait déposé une proposition concordataire qui avait été ratifiée par la Cour supérieure le 10 juillet 2003. L'appelant soutenait que, étant donné la proposition concordataire, l'année d'imposition 2003 devait être divisée en deux périodes, soit la période de pré-proposition et la période de post-proposition. Le ministre alléguait plutôt qu'en matière de proposition concordataire l'année d'imposition ne pouvait être scindée en deux. La juge Lamarre de la Cour canadienne de l'impôt a décidé qu'il devait y avoir fractionnement de l'année d'imposition en deux. Pour arriver à cette conclusion, la juge Lamarre affirme que les cours siégeant en matière de faillite possèdent le pouvoir de rendre un jugement déclaratoire divisant une année d'imposition en deux. Si les tribunaux en matière de faillite ne se sont pas prononcés en ce sens, la Cour posséderait un pouvoir incident de se prononcer sur cette question pour ensuite déterminer ce qui doit être inclus dans les périodes pré et post-proposition. La juge Lamarre s'est appuyée sur les décisions rendues dans les jugements Bernier[9] et Gollner[10] pour jugements pour conclure que le paragraphe 128(2) de la Loi vise également les situations où un contribuable a fait une proposition concordataire. Ce paragraphe 128(2) de la Loi respecte une fin d'année et le début d'une nouvelle année d'imposition à la date de la faillite dans les situations où un contribuable devient un failli.

[16]     À mon avis, la décision Marchessault, ne peut s'appliquer aux faits de la présente affaire. Rappelons que la décision de la juge Lamarre dans ce jugement est à l'effet qu'une nouvelle année d'imposition doit débuter immédiatement après la date de la proposition concordataire. En l'espèce, l'avis d'intention a été déposé le 19 juillet 2001 et la date de la proposition est le 19 novembre 2001. Toutefois, les REER ont été encaissés pendant l'année d'imposition suivante soit en 2002. Ainsi, même s'il fallait fractionner, c'est l'année d'imposition 2001 qui devrait être fractionnée. Or, cette année d'imposition n'est pas visée par appel.


L'année d'imposition en question est l'année d'imposition 2002 et le produit du REER a été reçu en 2002.

[17]     Pour ces motifs, l'appel est rejeté.

Signé à Ottawa, Canada, ce 15e jour de novembre 2006.

« Paul Bédard »

Juge Bédard


RÉFÉRENCE :                                   2006CCI515

N º DU DOSSIER DE LA COUR :       2006-956(IT)I

INTITULÉ DE LA CAUSE :               CLAUDE BERTRAND ET SA MAJESTÉ LA REINE

LIEU DE L'AUDIENCE :                    Trois-Rivières (Québec)

DATE DE L'AUDIENCE :                  le 30 août 2006

MOTIFS DU JUGEMENT PAR :        L'honorable juge Paul Bédard

DATE DU JUGEMENT :                    le 15 novembre 2006.

COMPARUTIONS :

Pour l'appelant :

L'appelant lui-même

Avocate de l'intimée :

Me Annick Provencher

AVOCAT INSCRIT AU DOSSIER :

       Pour l'appelant:

                   Nom :

                   Étude :

       Pour l'intimée :                             John H. Sims, c.r.

                                                          Sous-procureur général du Canada

                                                          Ottawa, Canada



[1] Voir pièce I-1, par. 5.

[2] Voir Pièce I-2.

[3] Voir pièce 1-2.

[4] Morin c. Canada , [1974] A.C.F. no 907 (QL) (C.F. 1ière inst.), au paragraphe 23.

[5] Mintzer c. Canada, [1998] A.C.I. no 325 (QL) (C.C.I.).

[6] Agard c. Canada, [1994] A.C.I. no 40.

[7] Agard c. Canada, précité note 4, aux paragraphes 9 et 10.

[8] Marchessault v. Canada, [2006] T.C.J. No. 361

[9] Bernier (f.a.s. J.B. Bernier Enr.) (Syndic) c. Québec (Sous-Ministre, Revenu), [2000] J.Q. no 982 (Q.L.) (C.A.Q.).

[10] Gollner c. Canada, [2003] O.J. no. 3309 (Q.L.) (C. sup. jus. Ont.).

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