Jugements de la Cour canadienne de l'impôt

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Dossier : 2006-1354(IT)I

ENTRE :

CHRISTIANE LE TREMBLE,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

__________________________________________________________________

Appel entendu le 13 octobre 2006, à Montréal (Québec).

Devant : L'honorable juge Alain Tardif

Comparutions :

Pour l'appelante :

L'appelante elle-même

Avocat de l'intimée :

Me Vlad Zolia

__________________________________________________________________

JUGEMENT

          L'appel des cotisations établies en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu pour les années d'imposition 2001 et 2002 est rejeté etles pénalités sont confirmées, sans frais, selon les motifs du jugement ci-joints.

Signé à Ottawa, Canada, ce 16e jour de novembre 2006.

« Alain Tardif »

Juge Tardif


Référence : 2006CCI568

Date : 20061116

Dossier : 2006-1354(IT)I

ENTRE :

CHRISTIANE LE TREMBLE,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

MOTIFS DU JUGEMENT

Le juge Tardif

[1]      Il s'agit d'un appel interjeté à l'encontre de cotisations se rapportant aux années d'imposition 2000 et 2001 et dont l'objet vise essentiellement l'imposition de pénalités en vertu du paragraphe 163(2) de la Loi de l'impôt sur le revenu (la « Loi » ).

[2]      Pour imposer les pénalités prévues au paragraphe 163(2) de la Loi, le ministre du Revenu national (le « ministre » ) s'est fondé sur les faits suivants :

8.          [...]

a)          à l'égard des années d'imposition en litige, le ministre a procédé à une vérification par la méthode des dépôts, et l'appelante a reconnu comme avérés les revenus non déclarés qu'il en a découlés; (admis)

9.          Le ministre a déterminé que l'appelante avait fait sciemment ou dans des circonstances justifiant l'imputation d'une faute lourde, un faux énoncé ou une omission dans les déclarations de revenus pour les années d'imposition 2001 et 2002, ou avait participé, consenti ou acquiescé à ce faux énoncé ou cette omission, d'où il résulte que l'impôt que l'appelante aurait été tenu de payer d'après les renseignements fournis pour ces années-là était inférieur au montant d'impôt à payer pour ces années-là :

a)          l'appelante connaissait les honoraires gagnés provenant de sa profession libérale parce que toutes les recettes ont été déposées dans ses livrets de banque; (nié)

b)          registres comptables inexistants; (admis)

c)          négligence de remettre tous les documents au comptable; (nié)

d)          la méthode de l'esquisse d'avoir net a permis de confirmer annuellement que le coût de vie de l'appelante correspondait aux revenus nets révisés; (ni admis, ni nié)

e)          les sommes éludées représentent respectivement 72 % et 134 % des revenus nets déclarés provenant de l'exercice d'une profession libérale, à l'égard des années d'imposition 2001 et 2002. (admis)

[3]      L'appelante a reconnu comme étant exacts les alinéas 8 a), 9 a) et 9 e).

[4]      L'appelante a affirmé qu'elle n'avait aucune connaissance quant à la façon de comptabiliser les revenus qu'elle devait déclarer. Elle a indiqué qu'elle percevait ses honoraires et les déposait dans son compte de banque sans jamais s'interroger quant au montant total que cela représentait. Elle déposait le montant des honoraires qu'elle recevait et, dans la mesure où les dépôts lui permettaient de faire face aux diverses dépenses, tant de nature personnelle que professionnelle, elle ne se posait pas d'autres questions.

[5]      L'appelante a aussi affirmé que tout ce qui concernait la comptabilité de ses revenus ne l'intéressait pas; tout ce qui comptait était d'avoir suffisamment de revenus pour faire face à ses obligations. Elle n'avait ni l'intérêt, ni les connaissances, ni la volonté de comprendre et ni le temps pour ce faire compte tenu des exigences de sa charge de travail. Elle plaçait les documents qu'elle croyait importants dans un sac de plastique; elle en remettait le contenu à une comptable qui complétait ses déclarations de revenu.

[6]      L'appelante ayant admis que la comptable en question avait utilisé et pris en compte toutes les pièces et informations qu'elle lui avait fournies pour effectuer le calcul de ses revenus imposables, il en découle nécessairement que l'appelante a omis de lui fournir certains documents puisque la vérification des dépôts par le vérificateur a permis de constater que des revenus importants n'avaient pas été déclarés.

[7]      L'appelante a expliqué qu'elle travaillait de très longues heures comme psychologue à son compte dans un cabinet privé. Elle a indiqué qu'une autre personne faisait ce qu'elle a décrit comme étant la gestion de ses dossiers qui comprenait la facturation des honoraires.

[8]      Elle avait deux types de patients, soit ceux qui la consultaient à titre personnel et ceux qui bénéficiaient d'un programme d'aide. Dans ce deuxième cas, ses honoraires lui étaient payés par le centre ou l'entreprise responsable du programme.

[9]      Elle a expliqué qu'elle plaçait pêle-mêle tout ce qui concernait ses honoraires et dépenses dans un sac de plastique et remettait le tout à une comptable à la fin de l'année.

[10]     Bien que présente dans la salle d'audience, la comptable n'a pas témoigné, l'appelante ayant admis qu'elle avait fait le travail correctement à partir d'informations qu'elle avait fournies. En d'autres termes, l'appelante a reconnu que le travail de comptable effectué à partir du contenu du sac de plastique était approprié.

[11]     Au moment de la vérification, l'appelante et son nouveau comptable ont collaboré et fourni tout ce qui était pertinent. L'appelante a fait valoir que la Cour devrait tenir compte de cette collaboration et annuler les pénalités notamment pour ce motif.

[12]     Le fait de ne pas s'intéresser au traitement fiscal de ses revenus, de ne pas le comprendre ou même de ne pas vouloir le comprendre n'est pas, en soi, répréhensible. Cependant, il est requis de faire le nécessaire pour combler cette lacune en confiant la tâche à une personne compétente et surtout en lui fournissant toutes les pièces et tous les documents pertinents pour permettre de préparer une déclaration de revenus conforme à la réalité des revenus et dépenses.

[13]     Si le contribuable est ignorant ou désintéressé au point où il omet de communiquer certains documents et renseignements essentiels, il s'expose à des problèmes sérieux pouvant entraîner l'établissement de nouvelles cotisations et l'imposition de lourdes pénalités.

[14]     L'article 230 de la Loi se lit comme suit :

            Livres de comptes et registres

230. (1) Quiconque exploite une entreprise et quiconque est obligé, par ou selon la présente loi, de payer ou de percevoir des impôts ou autres montants doit tenir des registres et des livres de comptes (y compris un inventaire annuel, selon les modalités réglementaires) à son lieu d'affaires ou de résidence au Canada ou à tout autre lieu que le ministre peut désigner, dans la forme et renfermant les renseignements qui permettent d'établir le montant des impôts payables en vertu de la présente loi, ou des impôts ou autres sommes qui auraient dû être déduites, retenues ou perçues.

[15]     Il s'agit d'une obligation légale que toute personne doit respecter. Il ne s'agit pas simplement d'une obligation de moyen où l'on doit faire son possible en fonction de son éducation, de formation, d'expérience et de son intérêt.

[16]     Bien qu'a priori, la fiscalité puisse être quelque chose de complexe, cela n'est pas différent de plusieurs autres champs d'activités. En effet, la mécanique automobile, la construction, l'électricité et tout ce qui est relié à la bonne santé sont des domaines où il est souvent essentiel de se tourner vers des personnes compétentes pour solutionner certains problèmes.

[17]     Innombrables sont les champs d'activités où il faut recourir à l'aide d'un tiers. La fiscalité ne fait pas exception à cette règle surtout si on n'a pas l'intérêt, les connaissances et la volonté de faire le nécessaire pour s'y retrouver.

[18]     En matière d'impôt, à défaut d'être en mesure de respecter ses obligations à partir de ses propres connaissances et de son expérience, il est impératif de s'en remettre à des personnes compétentes. L'ignorance et l'inexpérience ne sont pas des excuses recevables puisque toute personne doit déclarer la totalité de ses revenus.

[19]     En l'espèce, l'appelante n'avait sans doute pas l'intention de cacher délibérément certains revenus; en d'autres termes, elle n'avait pas mis en place un système dont le but était de dissimuler une partie de ses revenus. Est-ce un motif suffisant pour annuler les pénalités?

[20]     Je ne crois pas. L'appelante était une personne très scolarisée. Elle exerçait une profession libérale et était seul maître de la gestion de ses revenus. L'appelante affirme avoir toujours été de bonne foi. Si elle n'a pas déclaré tous ses revenus, c'est parce qu'elle n'avait aucune connaissance en matière fiscale, qu'elle ne s'intéressait pas à ce domaine et qu'elle s'en remettait à une comptable à qui elle avait remis des documents dans un sac de plastique et à qui elle avait confié le mandat de remplir ses déclarations de revenu. Toutes les explications soumises au tribunal étaient d'ailleurs conformes au contenu de son avis d'appel :

1 :    Je n'ai jamais eu quelque intention que cela soit de ne pas déclarer tous mes revenus aux impôts et je considère que votre propos que j'aurais « sciemment » (écrit dans votre lettre du 27 avril) effectué une omission dans mes déclarations est offensant, déplacé et faux.

En effet d'une part je travaillais beaucoup et je faisait entièrement confiance à mon comptable de l'époque, Mme Patricia Ménard CA. Elle semblait satisfaite des documents que je lui fournissais et je faisais entièrement confiance à son professionnalisme.

D'autre part je n'ai jamais été mise au courant par quiconque que les dépôts étaient requis pour établir mes revenus puisque les factures et les talons de chèques de mes clients semblaient être suffisants pour mes déclarations.

2 :    À ce propos, d'ailleurs, je tiens à vous souligner que lors de la vérification par M. Froment, je lui ai fourni avec mon comptable actuel, M. Correia, très rapidement et efficacement tous les documents qu'il nous demandaient. Je considère donc que si j'avais voulu faire des omissions « sciemment » nos méthodes de travail avec M. Froment auraient été toutes autres.

3 :    Lors de notre première rencontre en présence de M. Froment, son chef de service et mon comptable, j'ai affirmé devant tous et chacun ne rien connaître sur mes revenus et toutes les procédures concernant les impôts.

Cette déclaration, faite de bonne foi, était sincère, honnête et véridique. La preuve en est que par la suite je me suis empressée de fournir tous les documents demandés par M. Froment et de payer les impôts en retard. Je considère que tout ceci démontre aussi ma bonne foi.

4 :    J'ai enfin été informée par mon comptable qu'il n'a jamais été appelé ou tenu au courant du déroulement de ma demande d'annulation des pénalités de l'article 163.2. Il m'a que reçu votre lettre d'avis du 27 avril 2006 sans aucunes possibilités d'échange ou de discussion sur mon dossier.

[21]     La vérification des livres de dépôts de l'appelante a révélé un écart substantiel entre les revenus déclarés et les revenus réels, évalué respectivement par l'intimée à 72 % pour l'année d'imposition 2001 et à 134 % pour l'année d'imposition 2002. Le comptable de l'appelante a fait le même exercice à partir de revenus nets et est arrivé à des écarts de 26 % et de 57 %. Il s'agit, encore là, d'un écart considérable entre les revenus déclarés et les revenus réels.

[22]     Pour conclure à la commission d'une faute lourde, il n'est pas essentiel de faire la démonstration de l'élément intentionnel ou délibéré ou de la mise en place d'un système dont le but est d'occulter une partie de ses revenus.

[23]     La nonchalance, l'imprudence, la négligence, le désintéressement total et l'absence de registres comptables sont certainement des composantes suffisantes pour conclure à la faute lourde, et ce, d'une manière encore plus convaincante lorsque les revenus déclarés sont substantiellement inférieurs aux revenus réels et que la personne mandatée n'a pas reçu la totalité des informations ou documents pour préparer la déclaration de revenus.

[24]     Le fait d'être mal à l'aise avec tout ce qui concerne l'impôt, l'ignorance, l'absence d'intérêt et la surcharge de travail de l'appelante n'atténue en rien son devoir de déclarer la totalité de ses revenus. Faute de pouvoir respecter cette obligation par ses propres moyens, il lui incombait de trouver une alternative qui aurait permis que la totalité de ses revenus soient déclarés.

[25]     L'appelante devait compenser son absence d'intérêt, son manque de temps et son manque de connaissances en la matière par l'embauche d'une personne qualifiée qui aurait mis en place un système comptable tel qu'il aurait permis que la totalité des revenus de l'appelante soient déclarés.

[26]     Cette omission constitue en soi une faute lourde justifiant le bien-fondé des pénalités. Souscrire aux explications et excuses de l'appelante pour justifier l'annulation des pénalités aurait pour effet de limiter l'application de la pénalité prévue au paragraphe 163(2) aux seules situations où le contribuable a expressément voulu dissimuler des revenus.

[27]     Or, la commission d'une faute lourde peut découler de l'incurie, de la négligence ou tout simplement d'un désintéressement injustifiable à l'endroit de ses obligations fiscales ou, ce qui souvent, résume tous ces qualificatifs un aveuglement volontaire très accommodant.

[28]     Les excuses soumises par l'appelante ne sont pas recevables pour expliquer ou justifier l'omission de déclarer une partie importante de ses revenus. Par conséquent, je confirme le bien-fondé des pénalités et je rejette l'appel, le tout sans frais.

Signé à Ottawa, Canada, ce 16e jour de novembre 2006.

« Alain Tardif »

Juge Tardif


RÉFÉRENCE :                                   2006CCI568

N º DU DOSSIER DE LA COUR :       2006-1354(IT)I

INTITULÉ DE LA CAUSE :               Christiane Le Tremble et Sa Majesté la Reine

LIEU DE L'AUDIENCE :                    Montréal (Québec)

DATE DE L'AUDIENCE :                   le 13 octobre 2006

MOTIFS DES JUGEMENTS PAR :    L'honorable juge Alain Tardif

DATE DU JUGEMENT :                    le 16 novembre 2006

COMPARUTIONS :

Pour l'appelante :

L'appelante elle-même

Avocat de l'intimée :

Me Vlad Zolia

AVOCAT(E) INSCRIT(E) AU DOSSIER :

       Pour l'appelante:

      

       Pour l'intimée :                             John H. Sims, c.r.

                                                          Sous-procureur général du Canada

                                                          Ottawa, Ontario

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.