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Dossier : 2003-2557(GST)G

ENTRE :

SAID JOAILLIER LTÉE,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

_____________________________________________________________

Appel entendu le 18 novembre 2005, à Montréal (Québec)

Devant : L'honorable juge Pierre R. Dussault

Comparutions :

Avocate de l'appelante :

Me Geneviève Bergeron

Avocat de l'intimée :

Me Benoît Denis

_____________________________________________________________

JUGEMENT

          L'appel de la cotisation établie pour la période du 1er janvier 1998 au 31 décembre 2001 en vertu de la Partie IX de la Loi sur la taxe d'accise (TPS) dont l'avis, daté du 1er mai 2003, porte le numéro 0311669, est accueilli. La cotisation est renvoyée au ministre pour nouvel examen et nouvelle cotisation en tenant pour acquis que la TPS cotisée de 1 643,47 $ sera diminuée de 1 900,26 $, que les crédits de taxe sur les intrants demandés en trop de 29 150,73 $ seront réduits de 1 677,20 $ pour s'élever à 27 473,53 $ et que les pénalités et les intérêts seront rajustés en conséquence, le tout avec dépens en faveur de l'intimée, selon les motifs du jugement ci-joints.

Signé à Ottawa, Canada, ce 5e jour de janvier 2006.

« P. R. Dussault »

Juge Dussault


Référence : 2006CCI3

Date : 20060105

Dossier : 2003-2557(GST)G

ENTRE :

SAID JOAILLIER LTÉE,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

MOTIFS DU JUGEMENT

Le juge Dussault

[1]      Le 22 avril 2002, l'appelante a été cotisée en vertu de la Partie IX de la Loi sur la taxe d'accise (TPS) (la « Loi » ) pour la période du 1er janvier 1998 au 31 décembre 2001. Après la présentation d'un avis d'opposition dans le délai prescrit, l'appelante a été cotisée à nouveau le 1er mai 2003 pour la même période (avis numéro 0311669).

[2]      Les paragraphes 18 à 22 de la Réponse à l'avis d'appel (la « Réponse » ) indiquent le détail de cette nouvelle cotisation. Ces paragraphes se lisent comme suit :

18.        Tel qu'il appert de l'avis de nouvelle cotisation envoyé à l'appelante, les montants cotisés le 1er mai 2003 sont les suivants, à savoir :

Ajustements apportés au calcul de la taxe nette déclarée

30 794,20 $

Pénalités

14 051,23 $

Intérêt net

5 064,23 $

Total [montant dû]

49 909,66 $

            et que la taxe nette qui aurait dû être déclarée par l'appelante pour la période visée est de 62 356,80 $ [Le montant que l'on devrait lire est plutôt de 30 633,43 $];

19.        Plus précisément, les ajustements révisés au montant de 30 794,20 $ apportés au calcul de la taxe nette déclarée de l'appelante mentionnés au paragraphe précédent se ventilent comme suit, à savoir :

TPS perçue ou percevable (inchangée)

1 643,47 $

CTI demandés, et obtenus, en trop, par erreur ou sans droit

29 150,73 $

Total

30 794,20 $

20.        Plus précisément, les CTI demandés en trop, par erreur ou sans droit au montant de 29 150,73 $ mentionnés au paragraphe précédent se ventilent comme suit, à savoir :

CTI demandés, et obtenus, sans pièce justificative, en trop ou par erreur dans le calcul de la taxe nette déclarée pendant la période visée (lire non comptabilisés) (inchangés)

43 965,43 $

CTI non demandés mais accordés lors de la vérification dans le calcul de la taxe nette déclarée pour la période visée

14 814,70 $

Total

29 150,73 $

            ou présentée autrement :

Conciliation des CTI demandés, et obtenus, et des CTI inscrits aux livres et documents comptables pour la période trimestrielle du 1-1-1998 au 31-3-1998 (inchangée)

3 336,06 $

Conciliation des CTI demandés et obtenus, et des CTI inscrits aux livres et documents comptables pour l'exercice du 1-4-1998 au 31-3-1999 (inchangée)

5 650,74 $

Conciliation des CTI demandés et obtenus, et des CTI inscrits aux livres et documents comptables pour l'exercice du 1-4-1999 au 31-3-2000 (inchangée)

10 993,36 $

Conciliation des CTI demandés et obtenus, et des CTI inscrits aux livres et documents comptables pour l'exercice du 1-4-2000 au 31-3-2001 (inchangée)

8 175,38 $

Conciliation des CTI demandés et obtenus, et des CTI inscrits aux livres et documents comptables pour les périodes trimestrielles du 1-4-2001 au 31-12-2001

995,19 $

Total

29 150,73 $

21.        Cet avis de nouvelle cotisation diminue de 2 484,65 $ (33 278,85 $ - 30 794,20 $) les ajustements apportés au calcul de la taxe nette déclarée par l'appelante, plus précisément il diminue le montant des CTI cotisés de 31 635,38 $ à 29 150,73 $;

22.        Quant aux pénalités imposées au montant de 14 051,23 $ mentionnées au paragraphe 18 ci-dessus, elles se ventilent comme suit, à savoir :

Pénalité de l'article 280 de la L.T.A.

6 352,68 $

Pénalité de l'article 285 de la L.T.A.

7 698,55 $

Total

14 051,23 $

            et l'intimée prend acte que l'appelante ne conteste pas expressément, dans son avis d'appel, le montant cotisé des pénalités;

[3]      Les alinéas a) à u) du paragraphe 25 de la Réponse énoncent les hypothèses et conclusions de fait ayant servi de fondement à la cotisation. Ces alinéas se lisent ainsi :

a)          les faits admis ci-dessus;

b)          l'appelante est un inscrit aux fins de la Partie IX de la L.T.A.;

c)          l'appelante exploite une bijouterie;

d)          l'appelante a produit ses déclarations de taxe nette trimestriellement pendant la période visée;

e)          les périodes trimestrielles de l'appelante correspondent aux trimestres civils;

f)           l'appelant n'a pas tenu de registre comptables en la forme adéquate et avec les renseignements pertinents permettant d'établir ses obligations et responsabilités aux termes de la Partie IX de la L.T.A. pendant la période visée;

g)          les documents comptables expliquant ou justifiant les montants de TPS et de CTI utilisés dans le calcul de la taxe nette et inscrits dans les déclarations trimestrielles de taxe nette n'ont pas été conservés par l'appelante;

h)          toutes les fournitures effectuées par l'appelante dans le cadre des activités commerciales de son entreprise qu'elle a exercée pendant la période visée constituaient des fournitures taxables pour lesquelles une taxe au taux de 7 % sur la valeur de la contrepartie de la fourniture était payable par les acquéreurs à l'appelante qui devait la percevoir;

i)           l'appelante a comptabilisé dans ses livres comptables pour la période visée un montant de TPS qu'elle a perçue ou qui était percevable au montant de 128 770,57 $;

j)           l'appelante a déclaré au Ministre, dans le calcul de sa taxe nette pour la période visée, un montant de TPS perçue ou percevable de 124 582,89 $;

k)          la différence, soit 4 187,68 $ (128 770,57 $ - 124 582,89 $), constitue de la TPS perçue ou percevable par l'appelante qu'elle n'a pas incluse dans le calcul de sa taxe nette qu'elle a déclarée au Ministre pour la période visée;

l)           à l'égard de ce montant de 4 187,68 $ mentionné au sous-paragraphe précédent, le Ministre y a apporté quelques ajustements, soit un premier groupe d'ajustements totalisant une diminution de 4 444,47 $ accordée par le Ministre afin de corriger des erreurs de comptabilisation de la TPS perçue ou percevable commises par l'appelante et un second groupe d'ajustements totalisant une augmentation d'un montant net de 1 900,26 $ (1 906,61 $ - 6,35 $) afin de tenir compte de la TPS incluse en trop par l'appelante dans le calcul de sa taxe nette déclarée, pendant diverses périodes de déclaration incluses dans la période visée, malgré qu'elle l'a bel et bien comptabilisée, que le Ministre l'a relevée mais donc il a oublié de tenir compte lors de la cotisation afin de ne cotiser qu'un montant de 1 643,47 $ (4 187,68 $ - 4 444,47 $ + 1 900,26 $);

m)         l'appelante a acquis des fournitures taxables de biens et de services pour consommation, utilisation ou fourniture dans le cadre de ses activités commerciales pendant la période visée pour lesquelles la TPS relative auxdites fournitures a été payée ou était payable par elle aux fournisseurs;

n)          l'appelante a comptabilisé un montant de TPS de 76 958,63$ qu'elle aurait ainsi payée ou qui aurait ainsi été payable à titre de CTI dans ses livres comptables pour la période visée;

o)          l'appelante a demandé, et obtenu, un montant de CTI de 122 379,36 $ dans le calcul de sa taxe nette qu'elle a déclarée au Ministre pour la période visée;

p)          la différence, soit 45 420,73 $ (122 379,36 $ - 76 958,63 $), a été demandée, et obtenu [sic], en trop ou par erreur, selon les informations disponibles dans les livres comptables de l'appelante;

q)          à l'égard de ce montant de 45 420,73 $ mentionné au sous-paragraphe précédent, le Ministre y a apporté un premier ajustement, soit une diminution de 1 718,50 $ représentant un montant de CTI additionnel accordé par le Ministre, et un second ajustement, soit une augmentation de 263,20 $ représentant des CTI que l'appelante a oublié de demander malgré qu'elle les ait bel et bien comptabilisés, que le Ministre a relevé mais dont il a oublié de tenir compte lors de la cotisation afin de ne cotiser qu'un montant de 43 965,43 $ (45 420,73 $ - 1 718,50 $ + 263,20 $);

r)           outre ce qui précède, le Ministre a accordé à l'appelante des CTI additionnels qui n'avaient pas été comptabilisés dans ses livres comptables et, par conséquent, qui n'avaient pas pu être demandés en toute connaissance de cause dans le calcul de sa taxe nette qu'elle a déclarée au Ministre, soit un montant de 12 330,05 $ au moment d'établir la première cotisation (référence aux paragraphes 10 et 14 ci-dessus) auquel s'est ajouté un montant de 2 484,65 $ au moment d'établir la nouvelle cotisation, soit celle en litige (référence aux paragraphes 17, 20 et 21 ci-dessus);

s)          les CTI demandés, et obtenus, en trop ou par erreur dans le calcul de sa taxe nette pour la période visée par l'appelante qui ont été cotisés totalisent globalement 29 159,73 $ (43 965,43 $ - 12 330,05 $ - 2 484,65 $) puisque l'appelante n'a pas fourni au Ministre, lorsque requis de le faire, les renseignements suffisants, y compris les renseignements visés par règlement, pour établir ledit montant;

t)           l'appelante a, sciemment ou dans des circonstances équivalant à une faute lourde dans l'exercice d'une obligation prévue par la Partie IX de la L.T.A., fait un faux énoncé ou une omission dans ses déclarations de taxe nette de la période visée en ce que :

i.        elle a perçu ou était tenue de percevoir la TPS lors de fournitures qu'elle a effectuées qu'elle savait taxables, montant total de TPS qu'elle n'a pas inclus dans le calcul de sa taxe nette pour la période visée;

ii.        elle a demandé des CTI dans le calcul de sa taxe nette pour la période visée auxquels elle savait ne pas avoir droit;

u)          l'appelante est donc redevable au Ministre du montant des ajustements apportés à sa taxe nette déclarée pour la période visée, plus l'intérêt net et les pénalités;

[4]      Au début de l'audition, l'avocat de l'intimée a présenté certaines concessions de la part de l'intimée totalisant 3 577,46 $. Cette somme est constituée de trois montants supplémentaires qui devront être soustraits du total cotisé avec rajustements correspondants des pénalités et de l'intérêt. Il s'agit d'abord d'un montant de 1 900,26 $, mentionné à l'alinéa 25 l) de la Réponse, payé en trop par l'appelante au cours de différents trimestres de la période visée, mais dont on n'a pas tenu compte lors de la cotisation. La pièce I-7 indique la composition de ce montant. La TPS cotisée étant de 1 643,47 $, c'est un montant de 256,79 $ qui a été cotisé en trop à ce titre.

[5]      Un deuxième montant de 263,20 $ mentionné à l'alinéa 25 q) de la Réponse représente des crédits de taxe sur les intrants ( « CTI » ) qui ont été oubliés lors de la cotisation.

[6]      Finalement, un montant de 1 414 $ représente un CTI additionnel que l'intimée consent à accorder puisque l'appelante a présenté une pièce justificative.

[7]      Monsieur Claude Beaupré a témoigné pour l'intimée et monsieur Mohammed Amiri a témoigné pour l'appelante.

[8]      C'est monsieur Beaupré, actuellement à la retraite, qui a effectué la vérification de l'appelante. Monsieur Beaupré, vérificateur depuis l'introduction de la TPS, a lui-même déjà été propriétaire d'une bijouterie.

[9]      Monsieur Beaupré avait d'abord constaté que l'appelante avait un solde créditeur anormalement élevé en raison de CTI supérieurs à la taxe déclarée. Il a d'abord établi un premier contact avec une vendeuse responsable du magasin de Montréal, madame Jocelyne Régimbald, dans le but de rencontrer monsieur Amiri, de visiter les lieux et d'obtenir les documents pertinents.

[10]     Après avoir rencontré monsieur Amiri, monsieur Beaupré a affirmé avoir demandé à plusieurs reprises les documents brouillons normalement utilisés pour la préparation des déclarations de TPS, mais n'avoir jamais pu les obtenir. Par ailleurs, comme monsieur Beaupré avait constaté des écarts importants entre les montants déclarés et les documents comptables obtenus, plus particulièrement en ce qui concerne les CTI demandés, il a décidé d'étendre sa vérification de la fin de l'année 1997 à la fin de l'année 2001. Ayant trouvé des écarts pour l'ensemble de la période, il les a, par la suite, soumis au comptable externe de l'appelante, un certain monsieur Obadia, dans le but de valider ses conclusions. Le résultat de son travail de vérification a été consigné sur différents tableaux présentés en preuve (pièces I-8, I-9, I-10, I-12 et I-14).

[11]     Lors de son témoignage, monsieur Beaupré a démontré à l'aide de ces tableaux, pour tous les exercices financiers ou parties d'exercices financiers auxquels sa vérification s'est étendue, les écarts retracés entre les montants déclarés (TPS et CTI) et les montants inscrits au grand livre de l'appelante, en fournissant les détails pour chaque période trimestrielle de déclaration de l'appelante (pièces I-8 à I-14). Il a également procédé à la conciliation avec les montants cotisés initialement (pièce I-1), les corrections apportées après l'opposition de l'appelante (pièces I-2 à I-6) et les concessions pour un montant total de 3 577,46 $ faites par l'intimée au début de l'audition (pièce I-7). Il n'est pas utile d'entrer dans le détail des calculs figurant dans les documents utilisés par monsieur Beaupré pour les expliquer. Son témoignage a été clair, détaillé et très complet.

[12]     Le résultat final est que la TPS non incluse dans le calcul de la taxe nette pendant la période visée et cotisée au montant de 1 643,47 $ doit être réduite de 1 900,26 $, soit une différence de 256,79 $ en faveur de l'appelante. En ce qui concerne les CTI demandés en trop, par erreur ou sans droit, au montant de 29 150,73 $, ils doivent être réduits de 1 677,20 $ pour s'élever à 27 473,53 $.

[13]     Lors du contre-interrogatoire, monsieur Beaupré a affirmé avoir tenu compte, lors de sa vérification, de tous les documents qu'on lui avait remis. C'était la première fois qu'il constatait qu'aucun document comptable ne lui avait été remis attestant des marchandises retournées par les clients. Il a expliqué que de tels documents sont nécessaires puisque les remboursements ont une incidence sur la TPS déclarée ou à verser. De plus, selon lui, cette question n'a pas été abordée avec le comptable.

[14]     L'avocate de l'appelante s'est référée à quelques opérations spécifiques par cartes de crédit qui n'auraient pas été honorées par les banques émettrices (pièce A-1). En ce qui concerne chacune de ces opérations, l'avocate a demandé à monsieur Beaupré d'indiquer « à quel endroit » cette facture avait été prise en considération dans ses calculs concernant les CTI.

[15]     La première facture est au nom de L.M. pour un montant de 525 $. Monsieur Beaupré a fait remarquer d'abord qu'il n'y avait pas de reçu de caisse, puis qu'aucune taxe ne figurait sur la facture elle-même et, finalement, qu'il n'y avait aucune indication que la TPS était incluse. Quant à une deuxième opération, pour un montant de 625 $, il s'avère qu'elle a été réalisée le 22 février 1995, soit bien avant la période de vérification. Il en est de même d'une autre opération au montant de 624,96 $ réalisée le 23 février 1995. Finalement, l'avocate de l'appelante s'est référée à une autre facture portant le numéro 09440. L'avocat de l'intimée s'est objecté à bon droit à toute question portant sur cette facture puisqu'elle représente encore une opération hors de la période de vérification, puisqu'elle a été réalisée le 29 juin 2002. Il s'agit là des seules opérations spécifiques auxquelles a fait référence l'avocate de l'appelante.

[16]     L'avocate de l'appelante a également interrogé monsieur Beaupré sur l'état de la comptabilité de l'appelante lors de sa vérification. Monsieur Beaupré a expliqué que les documents du comptable étaient informatisés, que celui-ci possédait les documents nécessaires à établir les états financiers et certaines factures, mais que les documents brouillons pour établir les calculs détaillés de la TPS et des CTI (voir pièce I-16) avaient été détruits malgré la demande qu'il avait faite de les conserver. De plus, monsieur Beaupré a affirmé n'avoir jamais obtenu d'explications ni de documents justifiant les écarts constatés lors de sa vérification qui apparaissaient dans les livres de l'appelante.

[17]     Monsieur Mohammed Amiri est bijoutier et dirige l'entreprise familiale exploitée par l'appelante depuis 1979. L'appelante possède un magasin sis rue Ontario à Montréal et un comptoir de vente à Longueuil. Au cours de la période en question, elle employait de six à huit personnes. Son chiffre d'affaires annuel pour cette période, a fluctué entre 400 000 $ et 600 000 $.

[18]     Monsieur Amiri a expliqué que le système de comptabilité de l'entreprise était informatisé, que la conversion à un tel système avait coûté cher, que des appareils se sont révélés défectueux et que des corrections ont dû être apportées. Selon lui, les vendeuses faisaient des rapports quotidiens, hebdomadaires et mensuels. C'est madame Jocelyne Régimbald et monsieur Robert Blanchette, le comptable interne, qui faisaient les entrées aux livres une ou deux fois par mois. Le comptable externe, monsieur Obadia, produisait des états tous les trois mois et les états financiers annuels. C'est monsieur Blanchette qui était responsable de produire les déclarations de TPS et de balancer les comptes. Monsieur Blanchette et monsieur Obadia rendent des services comptables à l'entreprise depuis sa création.

[19]     En ce qui concerne la vérification de monsieur Beaupré, monsieur Amiri a expliqué que celui-ci l'avait rencontré et lui avait remis une liste des documents exigés et que madame Régimbald, ainsi que messieurs Blanchette et Obadia, lui avaient remis tous les documents demandés.

[20]     Appelé à commenter les allégations des alinéas 25 i) et j) de la Réponse à l'avis d'appel, monsieur Amiri a affirmé qu'il n'y avait pas de différence entre le montant de TPS inscrit aux livres de l'appelante et le montant de TPS déclaré et que monsieur Blanchette avait fait sa comptabilité selon les normes.

[21]     Monsieur Amiri a expliqué que, dans le cadre de ses activités, l'appelante vendait des rebuts et de la poussière d'or à une société du nom de Kitco qui exploitait une entreprise de fonte et de vente d'or. Bien que ce soit l'appelante qui vendait les rebuts et la poussière d'or à Kitco, c'était cette dernière qui établissait une facture (pièce A-2). Monsieur Amiri a expliqué que c'est un commissionnaire engagé par l'appelante qui se chargeait d'apporter les rebuts et la poussière d'or à Kitco en quantités variables. Kitco payait, soit en argent comptant, soit par chèque. L'appelante ne facturait pas la TPS et, selon monsieur Amiri, la vente était enregistrée comme toute autre vente et était inscrite dans le rapport quotidien, lequel était utilisé par monsieur Blanchette pour faire sa comptabilité. Selon monsieur Amiri, les factures de Kitco n'ont pas été remises à monsieur Beaupré lors de la vérification, puisque les ventes à Kitco étaient automatiquement indiquées dans les rapports quotidiens. Par ailleurs, l'avocat de l'intimée s'est objecté à ce que monsieur Amiri réponde à la question de savoir si monsieur Blanchette avait effectivement pris en considération les montants reçus de Kitco puisque monsieur Blanchette n'était pas présent pour témoigner lui-même au sujet de la façon dont il a traité ces ventes.

[22]     En ce qui concerne les factures établies par Kitco, on peut noter que chacune porte la mention qu'il s'agit d'une « transaction au comptoir » et que le vendeur est « non enregistré pour la TPS » . Aucune taxe n'est indiquée et le nom de l'appelante n'apparaît pas sur la presque totalité des factures.

[23]     Dans son témoignage, monsieur Amiri a aussi expliqué, en ce qui concerne la marchandise retournée, qu'un crédit était accordé au client et que cette opération était soustraite des ventes dans le rapport quotidien. Toutefois, comme il fallait récupérer les taxes, soit la TPS et la TVQ, un montant égal à 5 % des taxes à verser était soustrait à chaque mois. Selon lui, cette façon de faire était plus facile et logique compte tenu de l'expérience.

[24]     Selon monsieur Amiri, les montants reçus de Kitco et la marchandise reoturnée étaient comptabilisés au grand livre et pris en compte dans le chiffre d'affaires. Il soutient toutefois que les écarts constatés sont dus à des erreurs comptables et au fait que monsieur Beaupré n'aurait pas tenu compte des rapports quotidiens. Selon lui, l'appelante aurait donc perçu plus de taxe qu'elle n'aurait dû en percevoir à cause de la marchandise retournée par les clients et du fait que monsieur Beaupré n'aurait pas diminué de 5 % les taxes à verser pour tenir compte de ces marchandises retournées.

[25]     Quant à la question des documents brouillons pour le calcul des taxes à verser et dont un formulaire a été déposé comme pièce I-16, monsieur Amiri a affirmé qu'il voyait ce document pour la première fois, que les comptables Blanchette et Obadia avaient affirmé qu'ils n'avaient aucun brouillon à remettre à monsieur Beaupré puisque tout le système comptable était informatisé et que tout lui avait été remis.

[26]     Monsieur Beaupré a témoigné de nouveau après monsieur Amiri. Une copie du journal des ventes informatisé pour l'année terminée le 31 mars 1999, tirée du grand livre, a été déposée en preuve (pièce I-19). Les ventes mensuelles y sont inscrites pour le magasin de Montréal (p. 138) et le comptoir de Longueuil (p. 143). Pour le mois de juin 1998, les ventes du magasin de Montréal ont été de 22 312,41 $ et celles du comptoir de Longueuil de 19 374,74 $, pour un total de 41 687,15 $. Or, les seules ventes à Kitco en juin 1998 totalisent 46 298,98 $, soit plus que le total des ventes des deux magasins pour le même mois (pièce I-18).

[27]     En réponse, monsieur Amiri a affirmé que le journal des ventes ne tenait pas compte des écritures faites pour les ventes à Kitco, lesquelles n'étaient pas comptabilisées dans les ventes mensuelles.

[28]     Par ailleurs, selon monsieur Beaupré, le journal des ventes pour l'exercice financier terminé le 31 mars 1999 indique des ventes de 324 766,34 $ pour le magasin de Montréal (pièce I-19, page 138) et de 252 624,40 $ pour le magasin de Longueuil (pièce I-19, page 143), soit un total de 577 390,74 $. Toutefois, l'état des résultats et bénéfices de l'appelante pour cet exercice financier (pièce I-20) indique des ventes de 569 946 $, donc un montant déjà inférieur au total des ventes pour l'année selon le journal des ventes. Ainsi, selon monsieur Beaupré, les ventes à Kitco n'ont pas été comptabilisées.

[29]     L'avocat de l'intimée soutient que les ventes de rebuts et de poussière d'or par l'appelante à Kitco ne sont pas des fournitures exonérées, mais des fournitures taxables et que l'appelante aurait dû percevoir la TPS sur de telles ventes, ce qu'elle n'a pas fait. Selon lui, on se pose également la question de savoir si ces ventes ont effectivement été comptabilisées dans les ventes totales de l'appelante.

[30]     Je suis d'accord avec l'avocat de l'intimée que les ventes d'or par l'appelante à Kitco étaient des fournitures taxables. La partie VII de l'annexe V indique les services financiers qui constituent des fournitures exonérées. Il faut se référer aux définitions du paragraphe 123(1) de la Loi pour établir quelles sont les fournitures d'or qui sont exonérées. L'alinéa a) de la définition de « service financier » énonce que cela comprend le transfert de propriété d'un « effet financier » . L'alinéa e) de la définition d'un « effet financier » énonce que cela comprend le « métal précieux » . L'alinéa a) de la définition de « métal précieux » indique qu'il s'agit de « barre, lingot, pièce ou plaquette composée d'or, d'argent ou de platine dont la pureté est d'au moins 99,5 % dans le cas de l'or et du platine » . L'avocat de l'intimée, se référant aux factures établies par Kitco (pièce A-2), soutient que l'or vendu par l'appelante ne possédait pas le degré de pureté requis. Je suis d'accord. De plus, l'or vendu par l'appelante n'était pas non plus dans la forme requise, soit sous forme de barre, de lingot, de pièce ou de plaquette.

[31]     À cet égard, je ne vois absolument pas en quoi l'appelante peut prétendre avoir perçu trop de TPS, puisque les documents produits en preuve (pièce A-2) démontrent qu'elle n'en a pas perçue sur ses ventes à Kitco alors qu'elle aurait dû le faire.

[32]     Si, comme le prétend monsieur Amiri, les ventes à Kitco étaient comptabilisées dans les rapports quotidiens comme n'importe quelle autre vente, on s'étonne de constater qu'elles n'ont pas été comptabilisées mensuellement au journal des ventes (pièce I-19). Il est encore plus étonnant de constater que le montant total des ventes et des réparations inscrit aux états financiers pour l'exercice terminé le 31 mars 1999 (pièce I-20) est inférieur au total des ventes mensuelles comptabilisées pour la même période (pièce I-19).

[33]     La TPS à percevoir, selon les calculs de monsieur Beaupré et après les rajustements déjà mentionnés, était inférieure de 256,79 $ au montant cotisé pour l'ensemble de la période du 1er janvier 1998 au 31 décembre 2001. Comme les ventes à Kitco pour le seul mois de juin 1998 s'élèvent à 46 298,98 $, il m'apparaît que ces ventes sur lesquelles aucune taxe n'a été perçue n'ont pas été comptabilisées et n'ont pas été incluses aux fins de la cotisation.

[34]     Qu'en est-il maintenant de la question des marchandises retournées par les clients, du remboursement du prix payé et de la TPS perçue à l'achat? À cet égard, l'avocat de l'intimée souligne que le paragraphe 232(3) de la Loi exige qu'une note de crédit soit remise à l'acheteur. Il note également qu'il faut que les notes de crédits émises soient comptabilisées de façon à apporter les redressements nécessaires à la taxe à déclarer. De plus, il rappelle l'obligation générale énoncée au paragraphe 286(1) de la Loi de tenir les registres appropriés. Or, dans le cas présent, aucune note de crédit pour la période de cotisation n'a été produite en preuve. D'ailleurs, selon le témoignage de monsieur Amiri, il ne semble pas que les notes de crédit aient même été comptabilisés puisque les comptables se contentaient, selon ses propres instructions, de réduire de 5% le montant de taxe déclaré pour tenir compte des marchandises retournées.

[35]     Sur ce point, en l'absence d'une preuve documentaire appropriée et de la démonstration qu'une comptabilité rigoureuse a été tenue, j'estime qu'il n'y a pas lieu de modifier de quelque façon que ce soit la cotisation établie.

[36]     Selon l'avocat de l'intimée, les CTI demandés en trop par l'appelante après les rajustements mentionnés s'élèvent toujours à 27 473,53 $ pour l'ensemble de la période de cotisation et aucune preuve documentaire pertinente n'a été apportée qui puisse permettre de les justifier. Il rappelle que des CTI ont été demandés en trop de façon récurrente pour chaque exercice ou partie d'exercice de la période cotisée, et ce, pour des montants importants, ce qui démontre, selon lui, que la comptabilité de l'appelante n'était pas adéquate. L'avocat de l'intimée fait valoir qu'on peut également tirer une inférence négative du fait que ni monsieur Blanchette, ni monsieur Obadia, les comptables de l'appelante, n'ont été appelés à témoigner.

[37]     L'avocat de l'intimée soutient donc que, dans les circonstances, tant la pénalité de l'article 280 que celle de l'article 285 de la Loi sont justifiées.

[38]     En ce qui concerne la pénalité prévue à l'article 280 de la Loi, il se réfère à la décision de la Cour d'appel fédérale dans l'affaire Corporation de l'École Polytechnique c. Canada, 2004 CAF 127, relativement à ce qui constitue une défense de diligence raisonnable pouvant être invoquée pour éviter l'imposition de cette pénalité.

[39]     Quant à la pénalité prévue à l'article 285 de la Loi, l'avocat de l'intimée souligne que l'appelante a demandé des CTI trop élevés de façon systématique et sans aucune justification pour tous les exercices ou parties d'exercice de la période de cotisation et que ces montants demandés en trop sont importants.

[40]     L'avocate de l'appelante prétend pour sa part que le ministre n'a pas tenu compte des ventes à Kitco et du 5 % de réduction des taxes pour tenir compte des marchandises retournées et soutient ainsi que les sommes réclamées à l'appelante n'ont pas leur « raison d'être » . Elle souligne que l'appelante est une petite entreprise et que la comptabilité a été tenue « au meilleur de la connaissance » de monsieur Amiri.

[41]     J'ai déjà traité des ventes d'or à Kitco et de la question des remboursements aux clients lors de retours de marchandises et j'avoue ne pas comprendre les arguments que l'avocate de l'appelante tente de faire valoir.

[42]     En ce qui concerne les CTI, monsieur Beaupré a démontré que l'appelante en a demandé en trop pour chaque exercice ou partie d'exercice de la période de cotisation. Le total de ces CTI demandés en trop s'élève à 27 473,53 $. En réalité, il s'agit de CTI applicables à des intrants qui s'élèveraient à un montant de 392 479 $, ce qui est énorme par rapport aux ventes se chiffrant entre 2 000 000 $ et 2 400 000 $ pour l'ensemble de la période du 1er janvier 1998 au 31 décembre 2001. La proportion est au maximum de 19,62 % et au minimum de 16,35 %.

[43]     Le fait que des CTI d'une telle importance aient été demandés en trop pour des montants substantiels et de façon répétitive pour chaque exercice ou partie d'exercice de la période de cotisation ne peut résulter de simples erreurs comptables ou de problèmes informatiques. Le fait que monsieur Amiri n'ait pu justifier ces CTI demandés en trop par des explications claires, cohérentes et crédibles, appuyées par une preuve documentaire pertinente, démontre, à mon avis, que l'appelante a produit des déclarations inexactes en toute connaissance de cause, ou, du moins, dans des circonstances équivalant à faute lourde.

[44]     Compte tenu de ce qui précède, l'appel de la cotisation établie pour la période du 1er janvier 1998 au 31 décembre 2001 en vertu de la Partie IX de la Loi sur la taxe d'accise (TPS) dont l'avis, daté du 1er mai 2003, porte le numéro 0311669, est accueilli. La cotisation est renvoyée au ministre pour nouvel examen et nouvelle cotisation en tenant pour acquis que la TPS cotisée de 1 643,47 $ sera diminuée de 1 900,26 $, que les crédits de taxe sur les intrants demandés en trop de 29 150,73 $ seront réduits de 1 677,20 $ pour s'élever à 27 473,53 $ et que les pénalités et les intérêts seront rajustés en conséquence, le tout avec dépens en faveur de l'intimée.

Signé à Ottawa, Canada, ce 5e jour de janvier 2006.

« P. R. Dussault »

Juge Dussault


RÉFÉRENCE :                                   2006CCI3

N º DU DOSSIER DE LA COUR :       2003-2557(GST)G

INTITULÉ DE LA CAUSE :               Said Joaillier Ltée et Sa Majesté la Reine

LIEU DE L'AUDIENCE :                    Montréal (Québec)

DATE DE L'AUDIENCE :                  le 18 novembre 2005

MOTIFS DE JUGEMENT PAR :        L'honorable juge Pierre R. Dussault

DATE DU JUGEMENT :                    le 5 janvier 2006

COMPARUTIONS :

Avocate de l'appelante :

Me Geneviève Bergeron

Avocat de l'intimée :

Me Benoît Denis

AVOCATE INSCRITE AU DOSSIER :

       Pour l'appelante:

                   Nom :                              Me Geneviève Bergeron

                   Étude :                             Brouillette Charpentier Fortin

       Pour l'intimée :                             John H. Sims, c.r.

                                                          général du Canada

                                                          Ottawa, Ontario

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