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Dossier : 2001-199(IT)G

ENTRE :

BANNER PHARMACAPS NRO LTD.,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

____________________________________________________________________

Appel entendu le 11 avril 2002 à Calgary (Alberta).

Devant : L'honorable juge M.A. Mogan

Comparutions :

Avocats de l'appelante :

Me Michel Bourque et Me Curtis Stewart

Avocate de l'intimée :

Me Julia S. Parker

____________________________________________________________________

JUGEMENT

          L'appel interjeté contre la cotisation d'impôt établie en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu pour l'année d'imposition 1996 est rejeté avec dépens.

Signé à Ottawa, Canada, ce 26e jour de février 2003.

« M.A. Mogan »

J.C.C.I.

Traduction certifiée conforme

ce 4e jour de juillet 2003.

Erich Klein, réviseur


Référence : 2003CCI82

Date : 20030226

Dossier : 2001-199(IT)G

ENTRE :

BANNER PHARMACAPS NRO LTD.,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

MOTIFS DU JUGEMENT

Le juge Mogan, C.C.I.

[1]      L'appelante a été constituée en société en vertu des lois de la province de l'Alberta le 2 janvier 1996 ou aux environs de cette date. La déclaration de revenus de société T2 de l'appelante pour 1996 (pièce 22) indique que sa première année d'imposition allait du 14 février au 31 décembre. La raison pour le choix du 14 février comme date de début du premier exercice de l'appelante deviendra claire à la lecture des faits énoncés ci-dessous. La principale question en litige en l'espèce est de savoir si, au cours de son année d'imposition 1996, l'appelante était une « société de placement appartenant à des non-résidents » (au sens de l'article 133 de la Loi de l'impôt sur le revenu). Dans les textes fiscaux canadiens, on utilise l'abréviation SPANR pour désigner une société de placement appartenant à des non-résidents, et c'est ce que je ferai ici. La deuxième question en litige est de savoir si l'appelante a reçu en 1996, ou devait inclure dans son revenu de 1996, un dividende de 5 647 775 $. La seule année d'imposition visée par l'appel est 1996.

Les faits

[2]      Banner Pharmacaps Inc. (ci-après « Banner USA » ) a été constituée en vertu des lois du Delaware, un État des États-Unis. Banner USA exploite une entreprise de fabrication de capsules molles en vrac pour l'industrie pharmaceutique et l'industrie des suppléments alimentaires. Banner Gelatin Products (Canada) Ltd. (ci-après « Banner Canada » ) a été constituée en vertu de la Loi sur les sociétés par actions du Canada et exploite son entreprise à Olds, en Alberta, à environ 100 kilomètres au nord de Calgary. Banner Canada exploite le même genre d'entreprise que Banner USA. Avant 1996, toutes les actions émises de Banner Canada appartenaient à Banner USA. À tous les moments pertinents, l'ensemble des actions émises de Banner USA appartenaient à Sobel Inc. (une société américaine), et toutes les actions émises de Sobel Inc. étaient détenues par Sobel NV (une société néerlandaise).

[3]      Banner Canada exerce ses activités depuis environ 1982. À la fin de 1995, Banner Canada avait des bénéfices non répartis d'à peu près 5,6 millions de dollars. En 1995, une décision a été prise d'introduire une SPANR entre Banner Canada et Banner USA. Comme je l'ai dit plus haut, l'appelante a été constituée en société en janvier 1996. C'est elle qui était censée être la SPANR. Dans une lettre datée du 7 septembre 1994 (pièce 20), BDO Dunwoody, vérificatrice externe de Banner Canada, a expliqué comme suit le principe de la SPANR :

(i)       Banner Canada, contrôlée par un non-résident, était imposée au Canada au taux d'imposition de 45 % à 50 % applicable aux sociétés.

(ii)       Les intérêts versés par Banner Canada à une SPANR sur de l'argent emprunté seraient déductibles dans le calcul du revenu et produiraient pour Banner Canada une économie directe à un taux correspondant au taux général d'imposition des sociétés (45 % à 50 %).

(iii)      Les intérêts reçus par une SPANR sur de l'argent prêté à Banner Canada seraient imposés au Canada à un taux de seulement 25 %.

(iv)      Un dividende versé par une SPANR à sa société mère non résidente donnerait lieu à un « remboursement admissible » pour la SPANR. De façon générale, le remboursement admissible représente 25 % du montant du dividende versé, ce remboursement étant remis à la SPANR par Revenu Canada. Autrement dit, si le montant des intérêts reçus par une SPANR de Banner Canada était transféré à sa société mère non résidente par le versement d'un dividende, ce dividende donnerait lieu au paiement par Revenu Canada à la SPANR d'un remboursement admissible égal au montant de l'impôt que la SPANR devait payer sur réception des intérêts de Banner Canada.

(v)      Il y aurait une retenue d'impôt au Canada d'environ 10 % (sous réserve des dispositions de la Convention fiscale entre le Canada et les États-Unis) sur le dividende versé par la SPANR à sa société mère non résidente.

[4]      Le concept d'une SPANR fait partie du droit fiscal au Canada depuis plus d'un demi-siècle. Apparemment, la SPANR a été introduite comme outil pour encourager des non-résidents à investir du capital au Canada. Les attitudes ont changé, toutefois, et le budget fédéral de février 2000 annonçait l'élimination graduelle de toutes les SPANR.

[5]      Par convention écrite du 14 février 1996 (pièce 1), Banner USA acceptait de vendre à l'appelante toutes les actions émises de Banner Canada au prix de 8 700 000 $. L'appelante a acquitté le prix d'achat en remettant à Banner USA 2 979 737 actions ordinaires avec droit de vote entièrement libérées de l'appelante. Le bilan inclus dans la déclaration de revenus de 1996 de l'appelante (pièce 22) montre que son capital social au 31 décembre 1996 était de 2 979 737 $. Les pièces 2, 3, 4, 5, 6, 7 et 8 sont des documents de société qui confirment que, le 14 février 1996, Banner Canada est devenue une filiale en propriété exclusive de l'appelante, et que l'appelante est devenue une filiale en propriété exclusive de Banner USA.

[6]      Le 15 février 1996, soit le lendemain de l'acquisition par l'appelante de Banner Canada, ont eu lieu deux importantes opérations commerciales. En premier lieu, Banner Canada a réduit le capital déclaré de ses actions du montant de 852 225 $. Et en deuxième lieu, Banner Canada a déclaré un dividende de 5 647 775 $. Le total de ces deux montants est 6 500 000 $. La pièce 10 est la résolution de l'unique actionnaire de Banner Canada qui réduit le capital déclaré et déclare le dividende. Voici le dispositif de la résolution :

          [TRADUCTION]

1.          IL EST RÉSOLU QUE la Société réduira le capital déclaré de ses actions du montant de 852 225 $ en distribuant 852 225 $ à ceux qui sont porteurs inscrits de ses actions à la date de la présente résolution, le paiement dans le cadre de cette distribution devant être fait par l'émission d'un billet à ordre payable à vue, lequel portera intérêt, jusqu'à son paiement, à un taux annuel qui sera le taux préférentiel de la Banque Toronto-Dominion majoré de 1 %;

2.          IL EST RÉSOLU QU'il est déclaré par les présentes un dividende sur les actions de la Société à être versé à ceux qui sont porteurs inscrits de ces actions à la date de la présente résolution; le dividende doit être d'un montant total de 5 647 775 $ à être payé par la Société par l'émission d'un billet à ordre payable à vue, lequel portera intérêt, jusqu'à son paiement, à un taux annuel qui sera le taux préférentiel de la Banque Toronto-Dominion majoré de 1 %;

3.          IL EST RÉSOLU QUE l'adoption des résolutions ci-dessus repose sur le fait que le soussigné est raisonnablement convaincu qu'après avoir donné effet à chacune desdites résolutions, la Société sera en mesure de payer ses dettes au fur et à mesure qu'elles arrivent à échéance et que la valeur de réalisation nette des actifs de la Société dépassera les passifs de celle-ci ainsi que le capital déclaré de toutes les actions de la Société;

4.          IL EST RÉSOLU QUE relativement aux transactions ci-dessus, tout dirigeant de la Société est autorisé à prendre les mesures, et à signer et délivrer pour et au nom de la Société (et sous son sceau ou autrement) les conventions, documents et instruments, que ce dirigeant considère nécessaires pour donner effet aux résolutions ci-dessus.

[7]      La pièce 12 est une copie du billet à ordre payable à vue daté du 15 février 1996, d'un montant de 852 225 $, émis par Banner Canada, dont les termes clés sont les suivants :

          [TRADUCTION]

            POUR VALEUR REÇUE, Banner Gelatin Products (Canada) Ltd. (la « Société » ) promet par les présentes de payer sur demande à Banner PHARMACAPS NRO Ltd. le principal de huit cent cinquante-deux mille deux cent vingt-cinq dollars (852 225 $) et de verser sur ce montant de l'intérêt à un taux annuel équivalant au taux préférentiel annoncé de temps à autre par la Banque Toronto Dominion majoré d'un pour cent (1 %), cet intérêt devant être payé le dernier jour ouvrable de chaque année. La Société peut payer cette dette d'avance à tout moment, sans prime de remboursement anticipé.

La pièce 13 est une copie du billet à ordre payable à vue daté du 15 février 1996, d'un montant de 5 647 775 $, émis par Banner Canada, dont les termes clés sont les suivants :

          [TRADUCTION]

            POUR VALEUR REÇUE, Banner Gelatin Products (Canada) Ltd. (la « Société » ) promet par les présentes de payer sur demande à Banner PHARMACAPS NRO Ltd. le principal de cinq millions six cent quarante-sept mille sept cent soixante-quinze dollars (5 647 775 $) et de verser sur ce montant de l'intérêt à un taux annuel équivalant au taux préférentiel annoncé de temps à autre par la Banque Toronto Dominion majoré d'un pour cent (1 %), cet intérêt devant être payé le dernier jour ouvrable de chaque année. La Société peut payer cette dette d'avance à tout moment, sans prime de remboursement anticipé.

[8]      La pièce 15 est une copie de la lettre datée du 22 mars 1996 de BDO Dunwoody à Revenu Canada relativement au choix de l'appelante d'être une SPANR. Le premier paragraphe de la lettre est libellé comme suit :

          [TRADUCTION]

Objet : Banner Pharmacaps NRO Ltd. ( « Société » )

Conformément aux dispositions de l'article 500 du Règlement de l'impôt sur le revenu (le « Règlement » ) pris en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu du Canada (la « Loi » ), nous vous informons par les présentes que la Société choisit d'être imposée en vertu de l'article 133 comme une société de placement appartenant à des non-résidents ( « SPANR » ).

La pièce 16 est une copie de la lettre datée du 16 juillet 1996 de Revenu Canada à l'appelante confirmant que le choix d'être une SPANR était valide. Compte tenu de sa brièveté, je la cite en entier :

          [TRADUCTION]

Objet : Choix d'être imposé comme une société de placement appartenant à

             des non-résidents (article 133 de la Loi de l'impôt sur le revenu)

Nous vous informons qu'après analyse de la documentation soumise à l'appui du choix susvisé, celui-ci est considéré comme valide.

Si vous avez des questions au sujet de cette lettre, prière de communiquer avec Joan Hampl au 691-8674.

« Signature »

Les pièces 17 et 18 sont des lettres respectivement datées du 12 juin et du 9 juillet 1996 échangées entre Revenu Canada et l'appelante relativement aux renseignements supplémentaires demandés afin de rendre effectif le choix de l'appelante d'être une SPANR.

[9]      Les états financiers de l'appelante pour l'exercice se terminant le 31 décembre 1996 forment la pièce 27 et contiennent les renseignements suivants :

(i)       Revenu - dividendes

5 647 775 $

(ii)       Bénéfices non répartis

5 647 775

(iii)      Actifs - créance (prêt)

6 500 000

(iv)      Actifs - investissement

2 127 512

Le revenu et les bénéfices non répartis sont du même montant que le dividende déclaré le 15 février 1996 par Banner Canada. La créance représente le total des deux billets à ordre payables à vue dont il est question au paragraphe 7 ci-dessus. L'investissement de 2 127 512 $ correspond au capital social initial de Banner Canada (2 979 737 $), moins la réduction du capital déclaré (852 225 $) effectuée le 15 février 1996.

[10]     M. Reynolds, le premier témoin pour l'appelante, a expliqué les pièces 28, 29 et 30. La pièce 28 est constituée des reports sur le grand livre de Banner Canada, qui montrent la réduction du capital déclaré (852 225 $), le versement du dividende (5 647 775 $) et l'émission des billets à ordre du montant total de 6 500 000 $. La pièce 29 contient sept pages tirés des livres comptables de l'appelante. La première page de la pièce 29 montre que l'appelante a commencé à accumuler des intérêts courus à recevoir relativement aux billets à ordre de 6 500 000 $ en octobre 1996, avec l'inscription d'intérêts de 269 126 $ pour une période allant jusqu'à la fin septembre. Ensuite, les intérêts s'accumulaient mensuellement comme suit :

Octobre

31 431,51 $

Novembre

29 071,92

Décembre

28 671,23

[11]     Au 31 décembre 1996, l'appelante avait accumulé des intérêts courus à recevoir de 358 301,38 $. La quatrième page de la pièce 29 montre que l'appelante a accumulé des intérêts de 28 671,23 $ en janvier et encore en février 1997, mais que le total de ces deux montants (57 342,46 $) a fait l'objet d'une contre-passation en mars, probablement vers le moment où BDO Dunwoody a commencé à mettre en doute le statut de SPANR de l'appelante. Cette même quatrième page de la pièce 29 montre qu'en mai 1997, l'appelante a contre-passé le montant total des intérêts courus à recevoir (358 301,38 $) qui avaient été accumulés au 31 décembre 1996.

[12]     La pièce 30 se compose de six pages de livres comptables de Banner Canada. En fait, la pièce 30 montre l'autre côté des transactions décrites à la pièce 29. Alors qu'à la pièce 29, l'appelante accumulait des intérêts courus à recevoir sur les billets à ordre à la fin de 1996, puis contre-passait ces intérêts en mai 1997, dans la pièce 30 Banner Canada accumulait des intérêts courus à payer sur les billets à ordre vers la fin 1996, puis procédait à la contre-passation de ces intérêts en mai 1997. En particulier, la sixième page de la pièce 30 montre une écriture de journal où les intérêts à payer de 358 301,38 $ sont contre-passés en mai 1997.

[13]     Les états financiers de l'appelante pour l'année se terminant le 31 décembre 1996 (pièce 27) et les documents comptables de l'appelante et de Banner Canada se trouvent dans les pièces 28, 29 et 30 prouvent que la réduction du capital déclaré (852 225 $) et la déclaration de dividende (5 647 775 $) faites par Banner Canada étaient des transactions réelles. Ces transactions ont été acceptées par l'appelante et par Banner Canada et inscrites dans leurs livres et registres respectifs.

[14]     Au début de 1997, la personne chez BDO Dunwoody (M. Butalia) qui conseillait Banner Canada et l'appelante a commencé à s'inquiéter que cette dernière ne remplisse pas les conditions pour être une SPANR. En particulier, M. Butalia menait des négociations avec Revenu Canada pour le compte d'un autre client et, selon la position de Revenu Canada, (i) le fait pour la SPANR de consentir ne fût-ce qu'un seul prêt serait considéré comme constituant une entreprise de prêts; (ii) la société prêteuse se verrait refuser le statut de SPANR. M. Butalia a fait part de son inquiétude au groupe d'entreprises Banner par le biais d'une note de service datée du 25 avril 1997 (pièce 21). Dans cette note, M. Butalia recommande que l'appelante ne soit pas utilisée comme une SPANR.

[15]     La recommandation de M. Butalia a été acceptée et suivie par le groupe d'entreprises Banner. Quand l'appelante a produit sa déclaration de revenus de 1996 (pièce 22) en mai 1997, elle l'a fait à titre de société ordinaire et non comme une SPANR. Ce même mois (mai 1997), l'appelante a contre-passé ses intérêts courus à recevoir pour 1996, et Banner Canada a contre-passé ses intérêts courus à payer relativement à la même année, de la façon décrite aux paragraphes 11 et 12 ci-dessus. En produisant sa déclaration de revenus à titre de société ordinaire (et non comme une SPANR), l'appelante s'appuyait sur l'article 112 de la Loi pour déduire dans le calcul du revenu imposable le montant de 5 647 775 $ qu'elle avait inclus dans son revenu comme un dividende reçu de Banner Canada. Par conséquent, l'appelante a déclaré un revenu imposable de zéro dans sa déclaration de revenus de 1996.

[16]     Même si l'appelante a produit sa déclaration de revenus de 1996 à titre de société ordinaire et non comme une SPANR, le ministre du Revenu national a établi un avis de nouvelle cotisation en date du 7 février 2000 (pièce 23), où il adoptait la position selon laquelle l'appelante était une SPANR pour son année d'imposition 1996. L'appelante s'est opposée à la nouvelle cotisation, mais le ministre a confirmé sa position (pièce 25) selon laquelle l'appelante était une SPANR pour son année d'imposition 1996. Les conséquences de la nouvelle cotisation sont importantes pour l'appelante car, d'après le paragraphe 133(2) de la Loi, une SPANR ne peut déduire dans le calcul de son revenu imposable un montant reçu comme dividende d'une société canadienne. Une SPANR ne jouit pas de l'avantage de l'exonération d'impôt, prévue à l'article 112 de la Loi, à l'égard des dividendes reçus par une société d'une autre société. L'avis de nouvelle cotisation indiquait un montant d'impôt à payer en vertu de la Partie I de 1 411 943,75 $.

Analyse

[17]     Comme je l'ai dit précédemment, la principale question en l'espèce est de savoir si l'appelante était une société de placement appartenant à des non-résidents pendant son année d'imposition 1996. Une société de placement appartenant à des non-résidents est ainsi définie au paragraphe 133(8) :

133(8) Les définitions qui suivent s'appliquent au présent article.

« société de placement appartenant à des non-résidents » Société constituée au Canada et qui, tout au long de la période commençant au dernier en date du 18 juin 1971 et du jour de sa constitution et se terminant le dernier jour de l'année d'imposition relativement à laquelle l'expression est utilisée, a rempli les conditions suivantes :

a)          toutes ses actions émises ainsi que toutes ses obligations et autres dettes consolidées :

(i)          soit étaient la propriété effective de non-résidents (autres qu'une société étrangère affiliée d'un contribuable résidant au Canada),

(ii)         soit appartenaient à des fiduciaires qui les détenaient au profit de personnes non-résidentes ou des enfants à naître de celles-ci,

(iii)        soit étaient la propriété d'une société de placement appartenant à des non-résidents et dont toutes les actions émises ainsi que toutes les obligations et autres dettes consolidées étaient la propriété effective de non-résidents ou appartenaient à des fiduciaires qui les détenaient au profit de personnes non-résidentes ou des enfants à naître de celles-ci, ou étaient la propriété de plusieurs sociétés de ce genre;

b)         son revenu pour chaque année d'imposition se terminant au cours de la période, a été tiré :

(i)          soit de la propriété ou du commerce d'obligations, d'actions, d'hypothèques, d'effets, de billets ou d'autres biens semblables ou de tout droit s'y rapportant,

(ii)         soit du prêt d'argent, avec ou sans garantie,

(iii)        soit de loyers, de la location de meubles, de frais ou rémunérations sur chartes-parties, de rentes, de redevances, d'intérêts ou de dividendes,

(iv)        soit de successions ou de fiducies,

(v)         soit de la disposition d'immobilisation;

c)          au plus 10 % de son revenu brut de chaque année d'imposition se terminant au cours de la période ont été tirés de loyers, de la location de meubles, de frais ou rémunérations sur chartes-parties;

d)          son entreprise principale au cours de chaque année d'imposition se terminant au cours de la période ne consistait :

(i)          ni à prêter de l'argent,

(ii)         ni à faire le commerce d'obligations, d'actions, d'hypothèques, d'effets, de billets ou d'autres biens semblables ou de tout droit s'y rapportant;

e)          elle a choisi, selon les modalités réglementaires et au plus 90 jours après le début de sa première année d'imposition commençant après 1971, d'être imposée en vertu du présent article;

f)           elle n'a pas révoqué le choix qu'elle a ainsi fait, selon les modalités réglementaires, avant la fin de la dernière année d'imposition de la période.

Toutefois, une nouvelle société (au sens que lui donne l'article 87) formée à la suite d'une fusion, après le 18 juin 1971, de plusieurs sociétés remplacées n'est en aucun cas considérée comme une société de placement appartenant à des non-résidents, à moins que chacune des sociétés remplacées n'ait été, immédiatement avant la fusion, une société de placement appartenant à des non-résidents.

[18]     Il existe une preuve non équivoque qu'en 1996, l'appelante satisfaisait à cinq des six conditions énoncées dans la définition d'une SPANR. Je résume la preuve relative à ces conditions suivant l'ordre dans lequel celles-ci apparaissent dans la Loi :

a)       Toutes les actions émises de l'appelante étaient la propriété effective de Banner USA, une non-résidente, à partir de la date de la constitution de l'appelante en société jusqu'à la fin décembre 1996.

b)(iii)    Tout le revenu de l'appelante pour 1996 était tiré d'intérêts ou de dividendes.

c)        Aucune partie du revenu brut de l'appelante pour 1996 n'était tirée de sources assujetties à des restrictions.

d)       En litige!

e)        Les pièces 15 et 16 prouvent que l'appelante avait choisi d'être une SPANR le 22 mars 1996, et que ce choix avait été accepté comme valide par Revenu Canada. Voir le paragraphe 8 ci-dessus.

f)        Il n'existe aucune preuve que l'appelante ait jamais révoqué son choix d'être une SPANR. M. Butalia a dit qu'il n'était pas nécessaire de révoquer ce choix car, à son avis, l'appelante ne pouvait être une SPANR en 1996 parce que son entreprise principale pendant cette année-là consistait à prêter de l'argent, de sorte que la condition d) n'était pas remplie.

[19]     LeRèglement décrit comment une société peut choisir d'être une SPANR et comment elle peut révoquer un tel choix.

500      Tout choix d'une société d'être imposée en vertu de l'article 133 de la Loi s'exerce par l'envoi, sous pli recommandé, au directeur de l'Impôt du bureau de district du ministère du Revenu national, Impôt, desservant la région où est situé le siège social de la société, des documents suivants :

a)          une lettre déclarant que la société choisit d'être imposée en vertu dudit article 133;

b)          une copie certifiée de la résolution des administrateurs de la société autorisant le choix exercé; et

c)          une liste certifiée énumérant

(i)          les noms et adresses des actionnaires nominatifs et le nombre d'actions de chaque catégorie détenues par chacun d'entre eux,

(ii)         les noms et adresses de détenteurs des obligations ou autres dettes fondées de la société, s'il en est, et

(iii)        les noms et adresses des personnes ayant la propriété effective des actions, obligations ou autres dettes fondées lorsque les actionnaires inscrits ou les détenteurs d'actions inscrits, selon le cas, ne sont pas les personnes ayant la propriété effective.

501       Tout choix d'une société d'être imposée en vertu de l'article 133 de la Loi se révoque par l'envoi, sous pli recommandé, de deux exemplaires des documents suivants au sous-ministre du Revenu national pour l'Impôt à Ottawa :

a)          une lettre déclarant que la société révoque son choix; et

b)          une copie certifiée de la résolution des administrateurs de la société autorisant la révocation du choix.

L'exigence quant à la production d'une copie certifiée de la résolution des administrateurs autorisant le choix ou la révocation indique qu'il s'agit là de décisions sérieuses.

[20]     Le principal point en litige en l'espèce peut se réduire à la question fondamentale qui découle de la quatrième condition énoncée dans la définition d'une SPANR : l'entreprise principale de l'appelante en 1996 consistait-elle à prêter de l'argent? L'avocat de l'appelante a soutenu énergiquement qu'effectivement, prêter de l'argent était l'entreprise principale de l'appelante en 1996. Pour les motifs suivants, je ne puis accepter l'argument de l'appelante. En un mot, mes conclusions sont (i) que l'appelante n'a consenti aucun prêt en 1996; (ii) que même si elle a consenti un ou plusieurs prêts en 1996, ce n'était pas dans le cadre d'une entreprise quelconque; et (iii) que l'appelante n'avait pas d'entreprise en 1996 et, partant, ne peut avoir eu d'entreprise principale cette anée-là. J'expliquerai comment je suis arrivé à ces conclusions.

[21]     L'appelante a-t-elle prêté de l'argent en 1996? Son avocat s'est référé à la définition du terme anglais « loan » ( « prêt » ) dans le Black's Law Dictionary, sixième édition :

[TRADUCTION]

Prêt.      Le fait de prêter. Remise par une partie et réception par une autre d'une somme d'argent sur engagement explicite ou implicite de le rembourser avec ou sans intérêt. [...] Toute chose fournie à une personne à sa demande en vue d'une utilisation temporaire, à la condition que cette chose ou une chose équivalente soit restituée, avec ou sans indemnité pour son utilisation. [...]

Dans l'affaire Bradley c. Canada, [1995] A.C.I. n ° 4 (QL) (96 DTC 2040), je me suis référé à la définition suivante de « prêt » au paragraphe 10 (DTC : à la page 2043) :

[TRADUCTION]

Un « prêt » est un contrat par lequel une personne avance une somme d'argent à une autre qui s'engage à restituer, à un moment futur, une somme équivalente à celle qu'elle emprunte.

Un « prêt » , suivant le droit régissant le loyer de l'argent, consiste en l'avance d'une somme d'argent à autrui qui s'engage par contrat à restituer, à un moment futur, un montant équivalent majoré ou non d'une somme supplémentaire convenue à l'égard de son usage.

Pour constituer un « prêt » , il doit y avoir une convention expresse ou implicite aux termes de laquelle une personne avance de l'argent à une autre qui s'engage à le rembourser suivant certaines conditions quant au délai et au taux d'intérêt, ou sans intérêt selon l'accord des parties.

Words and Phrases, Permanent Edition, volume 25A, page 79.

Les définitions ci-dessus parlent de la « remise » ou d'une « avance » d'argent. En 1996, l'appelante n'a jamais eu d'argent à remettre ou à avancer. L'appelante a reçu deux billets à ordre de Banner Canada, mais ces billets ne constituaient qu'une preuve des engagements de Banner Canada envers l'appelante quant à une réduction du capital déclaré (852 225 $) n'ayant pas encore fait l'objet d'une répartition en faveur de l'actionnaire et quant à un dividende (5 647 775 $) non encore versé à l'actionnaire.

[22]     Les deux avocats se sont référés à l'arrêt T.E. McCool Limited v. M.N.R., 49 DTC 700, de la Cour suprême du Canada. Dans cette affaire-là, M. McCool avait vendu certains actifs à sa société, en contrepartie desquels la société a assumé les dettes d'affaires de M. McCool, versé un petit montant d'argent, émis 600 actions entièrement libérées et fourni un billet à ordre de 123 097 $. L'une des questions soumises à la Cour suprême était celle de savoir si la société pouvait déduire les intérêts sur le billet à ordre. L'article pertinent de la Loi de l'impôt de guerre sur le revenu prévoyait ce qui suit :

5(1)       « Revenu » tel que ci-dessus défini bénéficie, pour les fins de la présente loi, des exemptions et déductions suivantes :

            [...]

(b)         Le taux raisonnable d'intérêt sur le capital emprunté et employé dans le commerce pour produire le revenu tel que le ministre à sa discrétion peut le fixer [...]

Les cinq juges qui ont entendu l'affaire McCool ont été d'accord pour dire que les intérêts sur le billet à ordre n'étaient pas déductibles. Le juge Estey a déclaré à la page 708 :

          [TRADUCTION]

Des termes tels que « capital emprunté » ou « argent emprunté » employés dans les lois fiscales ont été interprétés comme signifiant le capital ou l'argent emprunté dans un cas où il existe entre les parties une relation de prêteur et emprunteur. Inland Revenue Commissioners v. Port of London Authority, [1923] A.C. 507; Inland Revenue Commissioners v. Rowntree & Co. Ltd., [1948] 1 All E.R. 482; Dupuis Frères Ltd. v. Minister of Customs and Excise, [1927] R.C. de l'É. 207. Il est essentiel, pour déterminer si une telle relation existe, d'établir la véritable nature et le vrai caractère de la transaction. En l'espèce, le billet à ordre a résulté d'un échange dans lequel, comme nous l'avons déjà précisé, le prix d'achat a été acquitté par la prise en charge de dettes non réglées, par le paiement d'une petite somme d'argent, par l'attribution de capital social et par la signature et la remise d'un billet à ordre. Dans ces circonstances, on ne saurait conclure qu'il existe entre la société intimée et le bénéficiaire du billet une relation de prêteur et emprunteur à l'égard de ce billet.

Dans le même ordre d'idées, le juge Kellock a affirmé à la page 712 :

          [TRADUCTION]

Dans le deuxième appel, la société prétend que les intérêts versés sur le billet remis à M. McCool pour le solde du prix d'achat des actifs acquis par la société devraient être admissibles comme dépense d'exploitation pour le motif que le billet représente du capital emprunté et employé dans le commerce pour produire le revenu au sens de l'alinéa 5(1)(b) de la Loi. Cette déduction a été refusée par le ministre, et l'appel de la société a été rejeté par le savant juge de première instance au motif que, pour remplir les conditions prévues par la Loi, le contribuable doit être dans la situation d'un emprunteur et il faut que quelqu'un d'autre soit un prêteur, alors qu'en fait il n'y avait aucune relation de ce genre entre la société et M. McCool. Je conviens avec le savant juge de première instance que l'alinéa 5(1)(b) ne s'applique pas à la société. Comme l'a dit le vicomte Finlay dans l'arrêtCommissioners of Inland Revenue v. Port of London Authority, [1923] A.C. 507, à la page 514, pour que la loi s'applique « il doit y avoir un véritable prêt et un véritable emprunt » . Ici il n'y a rien de plus qu'un prix d'achat non payé qui est garanti par un billet à ordre, ce qui, à mon avis, ne suffit pas. [...]

[23]     M. Reynolds, premier témoin de l'appelante, a affirmé que Banner Canada avait remis des billets à ordre à l'appelante parce qu'elle n'avait pas suffisamment d'argent pour payer le dividende de 5 647 775 $ ou pour distribuer la réduction du capital déclaré de 852 225 $. Après la remise des billets à ordre, il y avait une véritable dette de Banner Canada envers l'appelante. Les livres et registres des deux sociétés font état de cette obligation. Le bilan de l'appelante (pièce 27) indique erronément la dette de Banner Canada comme un [traduction] « prêt à recevoir » . Or, il n'y avait aucun « prêt à recevoir » . Il existait certes une relation de créancier et débiteur entre l'appelante et Banner Canada, mais ce n'était pas le résultat d'un prêt ou d'un emprunt. La relation de créancier et débiteur résultait de l'incapacité de Banner Canada à payer le dividende ou à distribuer la réduction du capital déclaré.

[24]     Quand un acheteur n'a pas suffisamment d'argent pour acquitter le prix d'achat d'un bien mais remet au vendeur un billet à ordre pour la totalité ou une partie du prix d'achat, l'acheteur devient le débiteur du vendeur mais n'a pas pour autant emprunté de l'argent à celui-ci, et le vendeur n'a pas prêté de l'argent à l'acheteur. C'est le principe posé dans l'arrêt McCool. Selon un raisonnement parallèle, si une société comme Banner Canada déclare un dividende et n'a pas les fonds nécessaires pour le payer mais remet plutôt à son actionnaire unique un billet à ordre, cette société devient débitrice de son actionnaire unique. Toutefois, la société n'a pas emprunté de l'argent à son actionnaire, et ce dernier n'en a pas prêté à la société.

[25]     Un arrêt récent de la Cour d'appel fédérale applique le principe McCool dans des circonstances analogues aux faits en l'espèce. En effet, dans l'affaire Parthenon Investments Ltd. c. Canada, [1997] A.C.F. n ° 800 (97 DTC 5343), la société contribuable avait déclaré un dividende payable à sa société mère et a « payé » le dividende en remettant un billet à ordre portant intérêt. La société contribuable a déduit dans le calcul de son revenu l'intérêt sur le billet, mais le ministre a refusé cette déduction. Il fallait que le cas de la contribuable relève de l'alinéa 20(1)c) de la Loi, qui permet la déduction des intérêts dus sur « de l'argent emprunté » . La Cour d'appel fédérale, citant l'arrêt McCool, a débouté la société contribuable. Le juge MacGuigan a déclaré au paragraphe 4 (DTC : à la page 5344) :

Nous sommes tous d'accord pour dire que le juge de la Cour de l'impôt a jugé à bon droit que l'appelante n'avait pas emprunté de l'argent dont elle pouvait déduire les intérêts comme le prévoit le sous-alinéa 20(1)c)(i) de la Loi. Pour reprendre les termes employés par le juge Locke [sic] au sujet des mêmes dispositions dans la décision Minister of National Revenue c. T.E. McCool Limited, (1949) 49 D.T.C. 700, à la page 712 : [TRADUCTION] « Pour remplir les conditions prévues par la Loi, le contribuable doit être dans la situation d'un emprunteur et il faut que quelqu'un d'autre soit un prêteur. » Plus récemment, le juge Stone, de notre Cour, a abondé dans le même sens dans l'arrêt La Reine c. MerBan Capital Corporation Limited, (1989), 89 D.T.C. 5404, à la page 5413 :

À mon sens, ce qui est fatal à la thèse des intimés, c'est que selon l'alinéa 20(1)c), pour être déductible, l'intérêt doit être payé sur de l'argent emprunté par le contribuable et non par quelqu'un d'autre. Le contribuable doit avoir créé un rapport emprunteur-prêteur donnant lieu à l'intérêt exigible.

[26]     L'appelante s'appuie sur la décision de 1950 de la Commission d'appel de l'impôt dans Modern Dairies Ltd. v. M.N.R., 50 DTC 442. Il s'agit d'une affaire dans laquelle la société contribuable avait déclaré un dividende et S (l'un des actionnaires de la société) était de ce fait en droit de recevoir 60 935 $. Quand le dividende a été déclaré, S et la société ont convenu qu'il prêterait 60 000 $ à la société avec intérêt à 4½ % par année. La société a déduit en 1947 l'intérêt qu'elle avait versé à S relativement au prêt de 60 000 $. À mon avis, Modern Dairies se distingue de la présente espèce par l'accord concomitant selon lequel la quasi-totalité du montant du dividende devait être prêtée à la société à un taux de 4½ % par année. Le président de la Commission d'appel de l'impôt a mentionné l'arrêt McCool que la Cour suprême venait alors de rendre, mais il a accueilli l'appel et n'a pas suivi l'arrêt McCool. Si la décision Modern Dairies ne se distingue pas par l'accord de prêt concomitant, je me demande si c'est un précédent valable compte tenu des arrêts McCool et Parthenon.

[27]     L'appelante s'appuie également sur la décision de 1951 de la Commission d'appel de l'impôt dans l'affaire Boyles Bros. Drilling Company Ltd. v. M.N.R., 51 DTC 70. Après avoir déclaré un dividende, la société contribuable a écrit à tous les actionnaires pour demander à chacun de prêter sa part proportionnelle du dividende à la société pour cinq années avec intérêt de 5 % par année. La société a déduit les différents montants d'intérêt de son revenu, mais le ministre a refusé ces déductions. Dans sa décision, la Commission se réfère à McCool mais suit Modern Dairies et accueille l'appel. Ici aussi, j'estime que les conventions de prêt entre la société et ses actionnaires distinguent l'affaire Boyles Bros. des circonstances de l'appelante, mais même si j'ai tort, je doute si Boyles Bros. constitue un précédent valable. Les arrêts McCool et Parthenon sont des précédents qui militent fortement contre la position de l'appelante sur cette question fondamentale.

[28]     Compte tenu de tous les documents produits comme pièces, il n'existe aucune preuve objective d'une intention de la part de l'appelante ou de Banner Canada de considérer le montant de 852 225 $ ou celui de 5 647 775 $ comme des prêts. L'ordre du jour de clôture (pièce 19) ne mentionne aucune opération de prêt. La résolution des administrateurs de Banner Canada (pièce 10) ne fait pas état d'un emprunt ou d'un prêt. Aucun prêt ne figure aux livres comptables internes de l'appelante et de Banner Canada (pièces 28, 29 et 30). Ces livres comptables font toutefois mention d'un « billet » .

[29]     Me fondant sur ce que je considère comme le principe de droit établi dans les arrêts McCool et Parthenon, je conclus que l'appelante n'a consenti de prêt à personne en 1996. Si j'ai tort à cet égard, et s'il était possible de conclure en droit que l'appelante a effectivement prêté de l'argent à Banner Canada en 1996, l'appelante exploitait-elle en 1996 une entreprise consistant à prêter de l'argent? Pour l'analyse de cette question, il peut être utile de revoir l'arrêt de la Cour suprême du Canada dans l'affaire Canadian Marconi Company c. R., [1986] 2 S.C.R. 522 (86 DTC 6526). En distinguant entre le revenu d'entreprise et le revenu tiré de biens, la juge Wilson déclare, à la page 532 (DTC : aux pages 6529 et 6530) :

[...] C'est un lieu commun que, pour déterminer si un revenu provient d'une entreprise ou de biens, on doit examiner la conduite générale du contribuable à la lumière des circonstances qui s'y rapportent: voir Cragg v. Minister of National Revenue, [1952] R.C. de l'É. 40 [52 DTC 1004], motifs du président Thorson, à la page 46.    En se servant de cette méthode, les tribunaux ont pris en considération le nombre d'opérations, leur importance, leur fréquence, la rotation des placements et la nature des placements eux-mêmes. [...]

[30]     En ce qui concerne la détermination si l'appelante exploitait une entreprise quelconque en 1996, je pense qu'il faut dire qu'elle n'a elle-même pris l'initiative d'aucune transaction. L'appelante était la bénéficiaire passive de deux billets à ordre résultant de deux transactions de Banner Canada. Il est difficile d'examiner le nombre, le volume ou la fréquence de transactions quand il n'en existe aucune à examiner. Mis à part le fait d'avoir acquis toutes les actions émises de Banner Canada, seul motif de sa constitution en société, l'appelante était totalement passive en 1996. Je n'hésite pas à conclure que l'appelante n'exploitait aucune entreprise en 1996. Par conséquent, elle ne pouvait avoir exploité une entreprise principale consistant à « prêter de l'argent » si elle n'exploitait aucune entreprise du tout. Je tire cette conclusion en pleine connaissance du sens large attribué au terme « entreprise » à l'article 248 de la Loi.

[31]     L'appelante ne peut avoir gain de cause quant à la principale question en litige. Elle était une SPANR à tous les moments pertinents en 1996. Elle a choisi d'être une SPANR. Elle n'a pas révoqué son choix et n'a fait aucune transaction qui l'aurait empêchée de conserver son statut de SPANR tout au cours de 1996.

L'appelante a-t-elle reçu en 1996 un dividende de 5 647 775 $?

[32]     En ce qui concerne la deuxième question en litige, l'appelante soutient que si elle était une SPANR en 1996, le dividende de 5 647 775 $ n'a pas été reçu et donc aucune partie du dividende ne devrait être incluse dans son revenu pour 1996. Je rejette cet argument.

[33]     Si l'on examine le contenu de sa déclaration de revenus de société T2 pour 1996 (pièce 22), l'appelante s'est certainement considérée comme ayant reçu un dividende de 5 647 775 $. Sur la liste des Relevés de renseignements, l'appelante a répondu oui au numéro 57: « La société a-t-elle reçu des dividendes ou payé des dividendes imposables aux fins du remboursement au titre de dividendes? » Et dans la partie réservée au « Revenu imposable et montant de base de l'impôt de la partie I » , l'appelante a inscrit 5 647 775 $ comme « Dividendes imposables déductibles en vertu des articles 112 et 113, ou des deux (no 57) » .

[34]     Même si aucun des avocats n'a argué de la différence entre la comptabilité de caisse et la comptabilité d'exercice, et bien qu'il n'y ait pas eu de preuve d'expert sur les principes comptables généralement reconnus (PCGR), il me semble que l'appelante ne peut avoir gain de cause à l'égard de la deuxième question à moins de soutenir qu'elle a le droit d'adopter la méthode de la comptabilité de caisse. Après avoir déclaré le dividende, Banner Canada ne l'a pas versé par chèque, par mandat ou par un autre moyen de transférer de l'argent. Au contraire, la résolution déclarant le dividende (pièce 10) prévoit que [traduction] « le dividende doit être [...] payé par la Société par l'émission d'un billet à ordre payable à vue [...] » . Un billet à ordre, bien entendu, ne constitue pas un paiement mais est seulement une promesse de payer; il constitue donc la preuve d'une dette ou d'une obligation.

[35]     Malgré l'absence de tout paiement, l'appelante a inscrit le dividende dans ses livres comptables comme s'il avait été versé. Dans ses états financiers de 1996 (pièce 27), l'appelante indique un revenu ( « dividendes » ) de 5 647 775 $ (le montant exact du dividende de Banner Canada) et des bénéfices non répartis du même montant décrits comme [traduction] « Revenu net pour l'exercice, représentant les bénéfices non répartis à la fin de l'exercice » . Le bilan indique une créance de 6 500 000 $, soit le total des deux billets à ordre représentant le dividende (5 647 775 $) plus la réduction du capital déclaré (852 225 $). La créance de 6 500 000 $ est un élément important du bilan de l'appelante au 31 décembre 1996, car elle a permis d'établir l'équilibre entre ses actifs d'une part et ses passifs et ses capitaux propres d'autre part.

[36]     Les états financiers (pièce 27) indiquent clairement que l'appelante a en fait adopté la comptabilité d'exercice et non la comptabilité de caisse. Elle n'a peut-être pas eu le choix. Je doute si une société a le droit d'adopter la comptabilité de caisse si elle fait partie d'un groupe de sociétés qui fait des transactions avec une ou plusieurs autres sociétés du groupe qui exploitent une entreprise active. Les circonstances de l'appel sont concluantes. Banner Canada exploite une entreprise active. L'appelante, sa société mère, n'exploite aucune entreprise. Les pièces 28, 29 et 30 sont des documents comptables de l'appelante et de Banner Canada où sont consignées la déclaration du dividende, la réduction du capital déclaré de Banner Canada, l'émission des billets à ordre et l'accumulation (puis la contre-passation) des intérêts sur les billets. En ce qui concerne ces opérations intersociétés, la cohérence commande que les livres et registres de l'appelante soient le reflet exact de ceux de Banner Canada.

[37]     Dans une vieille décision, Ken Steeves Sales Ltd v. M.N.R., 55 DTC 1044, la Cour de l'Échiquier a dit que, dans la détermination du profit ou de la perte d'une entreprise, la Loi n'admet pas la comptabilité de caisse. Le juge Cameron a affirmé, à la page 1050 :

          [TRADUCTION]

Pour ces motifs je dois conclure que la méthode « des encaissements et des dépenses » prétendument utilisée par l'appelante en l'espèce n'est pas permise par la Loi. Je dis cela à cause du fait que cette méthode exclut du revenu toutes les créances, alors que celles-ci, à mon avis, forment une partie essentielle de tout état des résultats d'un commerçant. Cette méthode est incomplète et propre à induire en erreur, et elle ne montre pas entièrement la véritable situation du contribuable ni ne révèle ses véritables résultats. [...]

Je ne connais aucune décision subséquente qui soit venue atténuer l'effet de l'affaire Ken Steeves Sales.

[38]     Dans la Loi de l'impôt sur le revenu, il existe une présomption sous-jacente selon laquelle le revenu tiré d'une entreprise ou d'un bien est à déterminer par la méthode de la comptabilité d'exercice. Bien des exemples viennent appuyer cette présomption. Dans le calcul du revenu :

-         l'alinéa 12(1)b) exige l'inclusion des sommes à recevoir;

-         l'alinéa 18(1)a) permet la déduction des dépenses engagées;

-         l'alinéa 20(1)l) permet la déduction d'une provision pour créances douteuses.

L'article 28 autorise explicitement l'utilisation de la « méthode de comptabilité de caisse » pour calculer les revenus tirés de l'agriculture ou de la pêche. Sans cette autorisation explicite, il me semble, les agriculteurs et les pêcheurs seraient tenus d'utiliser la comptabilité d'exercice.

[39]     À mon avis, l'appelante n'a pas le choix. Elle doit adopter la comptabilité d'exercice. Elle ne peut adopter la comptabilité de caisse. Elle doit inclure dans son revenu pour 1996 le montant du dividende représenté par le billet à ordre de 5 647 775 $. L'appel est rejeté avec dépens.

Signé à Ottawa, Canada, ce 26e jour de février 2003.

« M.A. Mogan »

J.C.C.I.

Traduction certifiée conforme

ce 4e jour de juillet 2003.

Erich Klein, réviseur

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