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Dossier : 2006-871(IT)G

ENTRE :

INTERIOR SAVINGS CREDIT UNION,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

________________________________________________________________

Requête entendue le 12 juillet 2006, à Vancouver (Colombie-Britannique).

Devant : L'honorable juge L. M. Little

Comparutions :

Avocat de l'appelante :

Me Joel A. Nitikman

Avocate de l'intimée :

Me Lynn M. Burch

________________________________________________________________

ORDONNANCE MODIFIÉE

          Vu la requête faite par l'intimée afin d'obtenir une ordonnance annulant l'appel interjeté par l'appelante à l'égard de l'année d'imposition 2004;

          Et vu les affidavits de Kathleen Stevenson et de Esther Dirksen;

          Et vu les observations des parties;

          La Cour rejette la requête en annulation de l'appel qu'a déposée l'intimée, avec dépens sans égard à l'issue de l'instance, conformément aux motifs de l'ordonnance ci-joints.

          L'intimée doit déposer et signifier la réponse à l'avis d'appel au plus tard le 15 août 2006.

          La présente ordonnance remplace l'ordonnance rendue le 21 juillet 2006.

Signé à Vancouver (Colombie-Britannique), ce 8e jour d'août 2006.

« L. M. Little »

Le juge Little

Traduction certifiée conforme

ce 18e jour de janvier 2007.

Yves Bellefeuille, réviseur


Référence : 2006CCI411

Date : 20060721

Dossier : 2006-871(IT)G

ENTRE :

INTERIOR SAVINGS CREDIT UNION,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

Le juge Little

A.       LES FAITS

[1]      La société Interior Savings Credit Union (la « société Interior » ) a été constituée le 2 janvier 2002 en raison de la fusion de la Interior Savings Credit Union et de la Thompson Valley Savings Credit Union (la « Thompson Valley » ) (ci-après les « caisses de crédit remplacées » ).

[2]      La Loi de l'impôt sur le revenu (la « Loi » ) dispose qu'une caisse de crédit a droit à un crédit d'impôt spécial (le « crédit d'impôt spécial » ) dans le calcul de son impôt à payer.

[3]      Le crédit d'impôt spécial auquel a droit une caisse de crédit est établi en partie en fonction du montant imposable à taux réduit (le « MITR » ) de la caisse de crédit à la fin de l'année d'imposition précédente.

[4]      Le MITR est essentiellement le total du revenu imposable de la caisse de crédit depuis sa création. Si, pour une année d'imposition donnée, le MITR excède la somme représentant les 4/3 de ce qu'on appelle la « réserve cumulative maximale » , la caisse de crédit n'a pas droit au crédit d'impôt spécial pour cette année-là. (Remarque : La réserve cumulative maximale correspond à cinq pour cent des dépôts et du capital social d'une caisse de crédit.)

[5]      L'article 87 de la Loi prévoit que deux caisses de crédit qui fusionnent doivent totaliser leurs MITR pour déterminer le MITR initial de la caisse de crédit issue de la fusion pour sa première année d'imposition.

[6]      La société Interior soutient que l'article 87 de la Loi ne s'applique pas en l'espèce et, donc, que les caisses de crédit remplacées ne sont pas tenues de totaliser leurs MITR.

[7]      Le ministre du Revenu national (le « ministre » ) soutient ce qui suit :

a)        la fusion de la société Interior et de la Thompson Valley était une fusion à laquelle s'appliquent les articles 87 et 137 de la Loi;

b)       si les articles 87 et 137 de la Loi ne s'appliquent pas, les comptes fiscaux sont transférés en raison de la fusion;

c)        la série d'opérations effectuées en prévision de la fusion sont des opérations d'évitement au sens de l'article 245 de la Loi et sont assujetties à la disposition générale anti-évitement.

[8]      Dans la déclaration de revenus produite par la société Interior pour l'année d'imposition 2002, elle a chiffré à zéro le total de l'ensemble des MITR de l'année d'imposition précédente.

[9]      Le ministre a établi une nouvelle cotisation à l'égard de la société Interior pour son année d'imposition 2002 dans laquelle il a corrigé le total de l'ensemble des MITR en le chiffrant à 54 348 490 $.

[10]     Dans la déclaration de revenus produite par la société Interior pour son année d'imposition 2003, elle a chiffré à 3 828 900 $ le total de l'ensemble des MITR qui provenaient de l'année d'imposition précédente.

[11]     Le ministre a établi une nouvelle cotisation à l'égard de la société Interior pour son année d'imposition 2003 dans laquelle il a corrigé le total de l'ensemble des MITR qui provenaient de l'année d'imposition précédente en chiffrant ce total à 58 177 390 $.

[12]     Dans la déclaration de revenus produite par la société Interior pour son année d'imposition 2004, elle a chiffré à 9 636 169 $ le total de l'ensemble des MITR qui provenaient de l'année d'imposition précédente.

[13]     Le ministre a établi une nouvelle cotisation à l'égard de la société Interior pour son année d'imposition 2004 dans laquelle il a corrigé le total de l'ensemble des MITR qui provenaient de l'année d'imposition précédente en chiffrant ce total à 64 270 971 $.

[14]     Le 28 novembre 2005, la société Interior a déposé un avis d'opposition à la cotisation établie le 18 mai 2005 pour l'année d'imposition 2004. Le 2 décembre 2005, la société Interior a déposé un avis d'opposition modifié pour l'année d'imposition 2004.

[15]     Le 20 mars 2006, la société Interior a déposé un avis d'appel devant la Cour canadienne de l'impôt. La société Interior affirme dans l'avis d'appel que l'appel a été déposé car [TRADUCTION] « [...] plus de 90 jours se sont écoulés depuis cette date (c.-à-d. le 16 décembre 2005), et le ministre n'a ni ratifié la cotisation pour l'année d'imposition 2004 ni établi une nouvelle cotisation en réponse à l'opposition » .

[16]     L'intimée a déposé un avis de requête le 21 juin 2006. L'avis de requête énonce ce qui suit :

[TRADUCTION]

La requête vise à obtenir une ordonnance annulant l'appel et, subsidiairement, une ordonnance prorogeant le délai imparti à l'intimée pour le dépôt de la réponse à l'avis d'appel.

[17]     L'intimée fait valoir comme moyen à l'appui de sa requête qu'il n'y a aucun impôt en cause et donc aucune question en litige que la Cour puisse trancher en vertu de l'article 171 de la Loi. Subsidiairement, l'intimée soutient qu'il serait raisonnable dans les circonstances que lui soit accordée une prorogation du délai prévu pour le dépôt de la réponse à l'avis d'appel.

B.       LES QUESTIONS EN LITIGE

[18]     Est-ce que l'avis de requête déposé par l'intimée doit être accueilli?

[19]     Si l'avis de requête est rejeté, est-ce que la prétention subsidiaire de l'intimée doit être accueillie?

C.       ANALYSE ET DÉCISION

[20]     La société Interior soutient qu'en établissant ses prévisions financières, elle cherche à savoir, avec le plus de précision possible, quelle sera sa situation financière avant impôts et après impôts pour chaque année. La société Interior affirme qu'elle fait constamment des prévisions, non seulement pour l'année en cours, mais aussi pour les années à venir, afin de savoir le plus tôt possible quelle sera sa situation financière au cours des années à venir. La société Interior soutient qu'elle doit prendre des décisions plusieurs années à l'avance (par exemple, elle doit décider quel sera le montant des dividendes qu'elle devra verser, si elle soit tenter d'attirer de nouveaux membres et de nouveaux dépôts et si elle doit élargir sa gamme de produits) en fonction des résultats financiers avant impôts et après impôts qu'elle prévoit enregistrer dans les prochaines années.

[21]     La société Interior soutient aussi qu'il est important pour elle de savoir aussitôt que possible si son MITR est aussi faible qu'elle le croit ou aussi élevé que le prétend l'ARC. La société Interior fait valoir que, pour elle, l'important n'est pas de savoir si elle doit payer immédiatement des impôts pour l'année 2004 en raison de l'évaluation plus élevée que prévu du MITR, mais plutôt de pouvoir prévoir précisément le montant des crédits d'impôt auxquels elle aura droit pour les prochaines années. Selon la société Interior, si elle doit attendre jusqu'au moment où elle aura à payer des impôts supérieurs aux prévisions, puis déposer une opposition, puis interjeter appel, et s'il faut des mois ou des années pour trancher cet appel, la capacité de la société Interior à prévoir précisément sa situation financière sera grandement compromise. C'est pour cette raison que la société Interior a interjeté appel de la cotisation qui visait l'année d'imposition 2004 au moment où elle l'a fait, même si, par suite de l'augmentation du MITR, elle n'était pas immédiatement tenue de payer des impôts pour son année d'imposition 2004. (Voir l'affidavit de Mme Stevenson, au paragraphe 26.)

[22]     La société Interior fait valoir que puisque le MITR est un montant cumulatif, son augmentation dans la cotisation pour une année d'imposition donne automatiquement lieu à une augmentation identique du MITR établi dans les cotisations pour chacune des années subséquentes. (Voir l'affidavit de Mme Dirksen, aux paragraphes 11, 12, 14 et 16.)

[23]     La société Interior allègue que l'intimée fait valoir, comme moyen à l'appui de sa requête en annulation de l'appel, qu'aucun impôt n'est en cause dans le litige portant sur le MITR pour l'année d'imposition 2004. La société Interior soutient qu'il ne s'agit pas d'un motif valable pour annuler l'appel.

[24]     En me fondant sur les commentaires faits par l'avocat de l'appelante et sur les documents présentés à la Cour, je suis convaincu que la société Interior a besoin de recevoir à l'avance des renseignements sur des questions financières afin de pouvoir exploiter convenablement son entreprise.

Interjeter appel d'une cotisation portant qu'aucun impôt n'est payable

[25]     En vertu du paragraphe 152(4) de la Loi, le ministre peut soit établir une « cotisation » à l'égard du contribuable, soit lui « donner avis par écrit qu'aucun impôt n'est payable » . Cet avis est souvent appelé une « cotisation portant qu'aucun impôt n'est payable » .

[26]     Le paragraphe 169(1) de la Loi permet à un contribuable d'interjeter appel d'une « cotisation » . Une cotisation portant qu'aucun impôt n'est payable n'est pas une « cotisation » . Donc, la règle générale est que le contribuable ne peut pas interjeter appel d'une cotisation portant qu'aucun impôt n'est payable.

[27]     À l'appui de son argument selon lequel toute cotisation peut être portée en appel, l'avocat de l'appelante a invoqué la décision Imperial Oil Limited c. La Reine, no 2002-2257(IT)G, 14 février 2003, 2003 D.T.C. 179, rendue par le juge en chef adjoint Bowman (tel était alors son titre).

[28]     Dans cette affaire, le ministre a déposé une requête en annulation de l'appel parce que, selon lui, les contribuables avaient accéléré le processus d'appel avant que le ministre ne complète sa vérification. Le juge en chef adjoint Bowman a rejeté la requête présentée par le ministre et a dit au paragraphe 28 :

[...] Il faudrait des raisons éminemment impérieuses pour décider que les droits du contribuable en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu peuvent être implicitement limités lorsque ces droits lui sont explicitement conférés et des restrictions sont exprimées explicitement.

Le juge en chef adjoint Bowman a aussi dit au paragraphe 32 :

[...] Si le législateur avait voulu limiter le type de cotisation qui peut faire l'objet d'une opposition ou d'un appel, il aurait été parfaitement capable de l'exprimer. Il serait inopportun de lire la loi de telle façon à lui donner une signification tendue que les termes simples ne portent pas raisonnablement.

[29]     Le juge en chef adjoint Bowman a rejeté la requête formée par le ministre, et le ministre a interjeté appel devant la Cour d'appel fédérale.

[30]     Dans l'arrêt R. c. Compagnie pétrolière Impériale Ltée et Inco Ltée, 2003 CAF 289, no A-103-03, 26 juin 2003, 2003 D.T.C. 5485, l'appel interjeté par la Couronne a été rejeté.

[31]     Madame le juge Sharlow a dit au paragraphe 3 :

[3]         Le juge de la Cour canadienne de l'impôt a rejeté les arguments de la Couronne et a rendu des motifs détaillés à l'appui. À notre avis, son analyse de chacun des arguments de la Couronne se fonde sur une interprétation juste des dispositions applicables de la Loi de l'impôt sur le revenu [...]

[32]     Au paragraphe 5, le juge Sharlow a affirmé :

[5]         Premièrement, elle soutient qu'un contribuable ne devrait pas pouvoir s'opposer à une cotisation fondée sur l'acceptation globale de sa déclaration de revenus. Cet argument doit être rejeté. Suivant les paragraphes 165(1) et 169(1) de la Loi de l'impôt sur le revenu, le droit d'opposition [...]

[33]     Au paragraphe 6, le juge Sharlow a dit :

[6]         Deuxièmement, la Couronne soutient qu'un contribuable ne devrait pas pouvoir s'opposer ou interjeter appel avant que la vérification ne soit terminée, car cela n'est ni pratique ni efficace. Si cet argument était jugé valide, le droit de s'opposer à une cotisation et d'en appeler ferait l'objet d'une restriction supplémentaire non prévue par la loi. Aucune disposition de la Loi de l'impôt sur le revenu n'exige du contribuable qu'il retarde l'exercice de son droit de s'opposer à une cotisation ou d'en appeler pour tenir compte des contraintes administratives du ministre.

[34]     En me fondant sur le raisonnement employé dans les décisions Imperial Oil, j'en suis venu à la conclusion que la requête formée par l'intimée doit être rejetée.

Modification de la règle relative aux cotisations portant qu'aucun impôt n'est payable

[35]     Même si le litige portant sur le MITR avait pour objet une « cotisation portant qu'aucun impôt n'est payable » (ce qui n'est pas le cas), une cotisation portant qu'aucun impôt n'est payable n'entraînerait pas l'annulation du présent appel. Déjà en 1988, la Cour canadienne de l'impôt avait modifié la règle selon laquelle un appel ne peut pas être interjeté à l'encontre d'une cotisation portant qu'aucun impôt n'est payable. En particulier, des crédits d'impôt peuvent être portés en appel pour une année visée par une cotisation portant qu'aucun impôt n'est payable. (Voir la décision Joshi c. La Reine, no 2003-1605(IT)I, 4 septembre 2003, 2003 D.T.C. 1550 (C.C.I.), au paragraphe 6; voir aussi la décision Corriveau c. La Reine, 2004 D.T.C. 3100 (C.C.I.), au paragraphe 11, note de bas de page n º 2.)

[36]     À la lumière de l'argument présenté ci-dessus, il est aussi clair que la société Interior fait constamment des prévisions, qu'elle est tenue légalement d'avoir un capital de base adéquat et qu'il est crucial, pour elle, de savoir aussitôt que possible quel est son MITR. La nécessité d'attendre jusqu'à ce qu'elle perde ses crédits d'impôt additionnels pourrait lui poser de grands problèmes. (Voir la loi intitulée Financial Institutions Act (Loi sur les institutions financières) de la Colombie-Britannique, au paragraphe 67(1).)

[37]     La requête de l'intimée est rejetée avec dépens sans égard à l'issue de l'instance.

Requête visant la production tardive de la réponse à l'avis d'appel

[38]     L'avis d'appel a été déposé le 17 mars 2006. L'intimée est tenue de déposer sa réponse à l'avis d'appel dans les 60 jours suivant la signification de celui-ci. Le certificat de signification indique que l'avis d'appel a été signifié à l'intimée le 23 mars 2006. La période de soixante jours s'écoulait le 22 mai 2006.

[39]     Le 21 avril 2006, l'intimée a demandé à la société Interior si elle consentait à une prorogation du délai prévu pour déposer la réponse à l'avis d'appel, et la société Interior a consenti à la prorogation de ce délai jusqu'au 22 juin 2006.

[40]     Le 12 juin 2006, l'intimée a avisé la société Interior qu'elle avait l'intention de former la présente requête. Le 12 juin 2006, la société Interior a répondu que si l'intimée introduisait la requête, la date d'expiration du délai imparti pour le dépôt de la réponse à l'avis d'appel serait toujours la même.

[41]     La société Interior est d'accord pour dire que l'intimée doit pouvoir déposer sa réponse à l'avis d'appel, mais elle fait valoir que le paragraphe 44(2) des Règles fait en sorte que les allégations de fait énoncées dans l'avis d'appel sont réputées vraies. (Voir le paragraphe 44(2) des Règles, à l'onglet 11, et la décision Cook c. La Reine, no 2002-1782(IT)G, 17 septembre 2002, 2003 D.T.C. 1 (C.C.I.), à la page 3, à l'onglet 12.)

[42]     Je suis arrivé à la conclusion que l'intimée a le droit de déposer sa réponse à l'avis d'appel au plus tard le 15 août 2006. J'en suis aussi venu à la conclusion que le paragraphe 44(2) des Règles est applicable en l'espèce.

Signé à Vancouver (Colombie-Britannique), ce 21e jour de juillet 2006.

« L. M. Little »

Le juge Little

Traduction certifiée conforme

ce 18e jour de janvier 2007.

Yves Bellefeuille, réviseur


RÉFÉRENCE :

2006CCI411

N º DU DOSSIER DE LA COUR :

2006-871(IT)G

INTITULÉ :

Interior Savings Credit Union et

Sa Majesté la Reine

LIEU DE L'AUDIENCE :

Vancouver (Colombie-Britannique)

DATE DE L'AUDIENCE :

Le 12 juillet 2006

MOTIFS DE L'ORDONNANCE :

L'honorable juge L.M. Little

DATE DE L'ORDONNANCE :

Le 21 juillet 2006

COMPARUTIONS :

Avocat de l'appelante :

Me Joel A. Nitikman

Avocate de l'intimée :

Me Lynn M. Burch

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Pour l'appelante :

Nom :

Me Joel A. Nitikman

Cabinet :

Fraser Milner Casgrain

Pour l'intimée :

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

Ottawa, Canada

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