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Dossier : 2005-226(IT)I

ENTRE :

FRANK RASLER,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

____________________________________________________________________

Appel entendu le 22 juillet 2005 à Winnipeg (Manitoba)

Devant : L'honorable juge L.M. Little

Comparutions :

Pour l'appelant :

L'appelant lui-même

Avocat de l'intimée :

Me Julien Bédard

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JUGEMENT

          L'appel interjeté à l'encontre de la cotisation établie en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu pour l'année d'imposition 2003 est rejeté, sans dépens, conformément aux motifs du jugement ci-joints.

Signé à Vancouver (Colombie-Britannique) ce 29e jour de juillet 2005.

« L.M. Little »

Juge Little

Traduction certifiée conforme

ce 20e jour de janvier 2006.

Sara Tasset


Référence : 2005CCI472

Date : 20050729

Dossier : 2005-226(IT)I     

ENTRE :

FRANK RASLER,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

MOTIFS DU JUGEMENT

Le juge Little

A.       FAITS

[1]      En 2001, on a diagnostiqué un cancer de la gorge chez l'appelant.

[2]      Dans son témoignage, l'appelant a déclaré qu'après le diagnostic médical, il a subi des traitements de chimiothérapie et de radiothérapie et des interventions chirurgicales.

[3]      À cause de ses problèmes de santé, l'appelant doit prendre des médicaments prescrits par un médecin.

[4]      Pour l'année d'imposition 2003, la déduction pour frais médicaux de 1 824 $ demandée par l'appelant a été accordée.

[5]      En plus des frais médicaux accordés par le ministre du Revenu national (le « ministre » ), l'appelant a aussi engagé des frais pour acheter certains médicaments en vente libre sur les conseils de son chirurgien. L'appelant a témoigné avoir suivi les conseils de son chirurgien et avoir acheté plusieurs médicaments vendus en pharmacie. Cependant, une ordonnance n'est pas nécessaire pour acheter ces médicaments.

[6]      L'appelant dit débourser environ 100 $ par mois pour acheter ces médicaments.

[7]      L'appelant affirme avoir demandé une déduction de 906 $ pour les médicaments en vente libre qu'il a achetés au cours de l'année d'imposition 2003.

[8]      Le ministre a rejeté la prétention selon laquelle l'achat de ces médicaments en vente libre représentait des frais médicaux.

[9]      L'appelant a présenté une lettre rédigée par son chirurgien, le Dr Paul Kerr, M.D., F.R.C.S.C. (déposée sous la cote A-1) :

[TRADUCTION]

M. Rasler a subi un traitement radical en radiothérapie pour un cancer de la gorge diagnostiqué en 2001. Il souffre de xérostomie grave par suite de ce traitement. Il a eu comme consigne d'utiliser des médicaments en vente libre pour en soulager les symptômes. Parmi ces produits, on retrouve du rince-bouche Biotene, de la gomme à mâcher Biotene, du rince-bouche Oral Balance et des hydratants oraux tels que Mouth Kote et Moi-Stir.

Vu que ces produits sont une nécessité d'ordre médical pour ce patient, nous espérons que les frais connexes seront considérés comme des frais médicaux admissibles.

B.       QUESTION EN LITIGE

[10]     Dans le calcul de son revenu pour l'année d'imposition 2003, l'appelant a-t-il le droit selon l'article 118.2 de la Loi de l'impôt sur le revenu de déduire pour des frais médicaux un montant supérieur à celui de 1 824 $ accordé par le ministre?

C.       ANALYSE

[11]     L'arrêt de principe en ce qui concerne les frais médicaux est l'arrêt The Queen v. Ray, 2004 DTC 6029 (C.A.F.). Dans cette affaire, la contribuable avait demandé un crédit d'impôt pour frais médicaux de 6 555 $ pour des vitamines, des herbes, des aliments biologiques et naturels et de l'eau embouteillée prescrits par un médecin. Le ministre a rejeté la demande de l'appelante parce que ces frais ne constituaient pas des frais médicaux au sens du paragraphe 118.2(2) de la Loi. En accueillant l'appel de la contribuable (2004 DTC 2120), la Cour canadienne de l'impôt a conclu ce qui suit :

[TRADUCTION]

a)        l'alinéa 118.2(2)n) de la Loi définit les frais médicaux comme incluant les frais payés pour « les médicaments, les produits pharmaceutiques et les autres préparations ou substances [...] pour servir au diagnostic, au traitement ou à la prévention d'une maladie [...] achetés afin d'être utilisés par le particulier, par son époux ou conjoint de fait ou par une personne à charge visée à l'alinéa a), sur ordonnance d'un médecin ou d'un dentiste, et enregistrés par un pharmacien [...] » ;

b)       les substances en question sont des « médicaments » entrant dans le cadre du paragraphe 118.2(2) de la Loi;

c)        les substances étaient prescrites par un médecin, mais achetées hors d'une pharmacie, donc n'étaient pas enregistrées par un pharmacien. Le juge de la Cour de l'impôt a soutenu que l'exigence concernant un pharmacien n'est pas nécessaire dans le cas de produits qui sont prescrits par des médecins et qui guérissent réellement le patient et le rendent apte à vivre une vie normale;

d)       il peut être fait abstraction des mots «    enregistrés par un pharmacien » si la substance prescrite au contribuable fait une différence entre la vie et la mort ou entre la capacité de fonctionner et l'incapacité de fonctionner.

[12]     Le ministre a demandé à la Cour d'appel fédérale une révision judiciaire des conclusions de la Cour de l'impôt. La Cour d'appel fédérale a accueilli l'appel du ministre.

[13]     Dans Ray v. The Queen, madame la juge Sharlow a dit ce qui suit :

[5]     La question juridique qui se pose en l'espèce a été examinée à maintes reprises par la Cour de l'impôt. Dans tous les cas, sauf celui-ci, l'expression « enregistrés par un pharmacien » a été considérée comme un élément essentiel de l'alinéa 118.2(2)n) : voir Poesiat Canada, [2003] A.C.I. n º 503 (QL); Lajeunesse-Lebel c. Canada, [2002] A.C.I. n º 46 (QL); Succession Claussen c. Canada, [2003] A.C.I. n º 15 (QL); Bekker c. Canada, [2002] A.C.I. n º 670 (QL); Lundrigan c. Canada, [2002] A.C.I. n º 160 (QL); Melnychuk c. Canada, [2002] A.C.I. n º 84 (QL); Noaille c. Canada, [2001] A.C.I. n º 603 (QL); Bishoff c. Canada, [2001] A.C.I. n º 597 (QL); Mauro c. Canada, [2001] A.C.I. n º 415 (QL); Banman c. Canada, [2001] A.C.I. n º 111 (QL); Mantha c. Canada, [1999] A.C.I. n º 500 (QL); Williams c. Canada, [1997] A.C.I. n º 1346 (QL); Mongillo c. Canada, [1994] A.C.I. n º 831 (QL).

[...]

[11]    À mon avis, le juge de la Cour de l'impôt a commis une erreur de droit lorsqu'il a conclu qu'on pouvait omettre de tenir compte des mots « enregistrés par un pharmacien » figurant à l'alinéa 118.2(2)n). Je comprends pourquoi le juge estimait que ces mots constituaient un obstacle injustifiable lorsqu'il s'agissait d'accorder un allégement fiscal à Mme Ray. Je sympathise, comme lui, à la situation dans laquelle se trouve Mme Ray. Toutefois, il n'est pas loisible à la présente cour, ou à la Cour de l'impôt, de ne pas tenir compte des exigences législatives imposées par le Parlement, même s'il est difficile de les justifier en principe. Il appartient uniquement au Parlement de déterminer si les mots « enregistrés par un pharmacien » devraient être supprimés de l'alinéa 118.2(2)n).

[12] À mon avis, il est raisonnable d'inférer que l'exigence relative à l'enregistrement figurant à l'alinéa 118.2(2)n) vise à assurer qu'un allégement fiscal ne soit pas accordé pour le coût de médicaments achetés en vente libre. Il existe partout au Canada des lois qui régissent la pratique dans le domaine pharmaceutique. Les lois ne sont pas les mêmes dans chaque province et dans chaque territoire, mais elles comportent des éléments communs. En général, elles interdisent au pharmacien de délivrer certains médicaments sans ordonnance médicale et elles décrivent les documents qu'un pharmacien doit rédiger pour les médicaments d'ordonnance, y compris les renseignements qui identifient la personne qui prescrit le médicament et le patient. Il n'est pas établi que les pharmaciens, où que ce soit au Canada, soient obligés de rédiger pareils documents pour les substances ici en cause.

[13]    Je ne puis retenir la prétention selon laquelle, dans le cas d'un médicament qui est prescrit par un médecin, mais qui est acheté dans une pharmacie en vente libre, un reçu de caisse ou une facture du pharmacien constituerait un « enregistrement » suffisant pour satisfaire à l'exigence légale. Un document se présentant sous cette forme ne peut pas remplir la fonction apparente de l'exigence relative à l'enregistrement. Le pharmacien doit rédiger un document en sa qualité de pharmacien. Cela exclut nécessairement les substances, aussi utiles ou bénéfiques soient-elles, qui sont achetées en vente libre.

[14]     Même si j'éprouve beaucoup de sympathie pour l'appelant, je suis malgré tout en plein accord avec les propos de madame la juge Sharlow dans l'arrêt The Queen v. Ray, où elle déclare que la cour ne peut pas faire abstraction des mots « enregistrés par un pharmacien » de l'alinéa 118.2(2)n) de la Loi. En conséquence, l'appelant n'a pas droit à un crédit d'impôt pour frais médicaux en ce qui concerne les produits en vente libre qu'il a achetés en 2003.

[15]     Je suis aussi en accord avec le commentaire de la juge Sharlow lorsqu'elle dit au paragraphe 11 de l'arrêt Ray :

[...] il n'est pas loisible à la présente cour, ou à la Cour de l'impôt, de ne pas tenir compte des exigences législatives imposées par le Parlement, même s'il est difficile de les justifier en principe. Il appartient uniquement au Parlement de déterminer si les mots « enregistrés par un pharmacien » devraient être supprimés de l'alinéa 118.2(2)n).

[16]     Avant de conclure mes observations, j'aimerais dire que j'ai été très impressionné par le témoignage de l'appelant. J'ai aussi été impressionné par le témoignage de Heather Sulkers (coprésidente du Head and Neck Cancer Support Group, un groupe de soutien à but non lucratif pour cancéreux), et je comprends leur position. Cependant, mon rôle en tant que juge de la Cour canadienne de l'impôt est d'interpréter la loi. Je n'ai pas le pouvoir de modifier la loi.

[17]     Si l'appelant souhaite approfondir la question d'avantage, je lui suggère fortement de s'adresser à son député.

[18]     L'appel est rejeté sans dépens.

Signé à Vancouver (Colombie-Britannique) ce 29e jour de juillet 2005.

« L.M. Little »

Juge Little

Traduction certifiée conforme

ce 20e jour de janvier 2006.

Sara Tasset


RÉFÉRENCE :

2005CCI472

N º DU DOSSIER DE LA COUR :

2005-226(IT)I

INTITULÉ :

Frank Rasler et

Sa Majesté la Reine

LIEU DE L'AUDIENCE :

Winnipeg (Manitoba)

DATE DE L'AUDIENCE :

Le 22 juillet 2005

MOTIFS DU JUGEMENT :

L'honorable juge L.M. Little

DATE DU JUGEMENT :

Le 29 juillet 2005

COMPARUTIONS :

Pour l'appelant :

L'appelant lui-même

Avocat de l'intimée :

Me Julien Bédard

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Pour l'appelant :

Nom :

Cabinet :

Pour l'intimée :

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

Ottawa, Canada

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