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Dossier : 2004-4725(EI)

ENTRE :

3234339 CANADA INC. (CRÉDICO MARKETING INC.),

appelante,

et

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé.

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Appel entendu les 5 et 6 juillet 2005 à Montréal (Québec)

Devant : L'honorable juge Louise Lamarre Proulx

Comparutions :

Avocat de l'appelante :

Me Christopher R. Mostovac

Avocate de l'intimé :

Me Suzanne Morin

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JUGEMENT

          L'appel établi en vertu de la Loi sur l'assurance-emploi concernant les décisions du ministre du Revenu national en date du 27 septembre 2004 est rejeté et les décisions du Ministre sont confirmées, selon les motifs du jugement ci-joints.

Signé à Ottawa, Canada, ce 15 e jour de septembre 2005.

« Louise Lamarre Proulx »

Juge Lamarre Proulx


Référence : 2005CCI607

Date : 20050915

Dossier : 2004-4725(EI)

ENTRE :

3234339 CANADA INC. (CRÉDICO MARKETING INC.),

appelant,

et

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé.

MOTIFS DU JUGEMENT

La juge Lamarre Proulx

[1]      Il s'agit d'un appel de 27 décisions rendues le 27 septembre 2004 par le ministre du Revenu national (le « Ministre » ) voulant que les travailleurs mentionnés au paragraphe suivant exerçaient un emploi assurable au sens de la Loi sur l'assurance emploi (la « Loi » ).

[2]      Les travailleurs à l'égard desquels les décisions du Ministre ont été rendues sont : Besner, Pierrette; Brunette, Brigitte; Brunette-Poulin, Guyanne; Chouinard, Joanne; Côté, Karine; Delapaz, Joan; Desautels, Sylvie; Duguay, Ginette; Durocher, Denyse; Ferando, Jacqueline; Fiore, Élisabeth; Fleury, Madeleine; Gendron, Marjolaine; Haghighi, Parastoo; Martin, Heatherlyn; Hébert, Maurice; Leblanc, Louise; Lefebvre, Lise; Levac, Johanne; Loiselle, Diane; Mailhot, Claire; Mayer, Fernand; Mignacca, Laurence; Morais, Pierre; Taghi-Jifroodian-Haghighi, Mohammed; Trabelsi, Youcef; et Wasti, Syed.

[3]      À part des périodes qui pouvaient légèrement varier, le texte des décisions était identique. Je cite la décision relative à un des témoins en cette affaire, soit madame Denyse Durocher :

...

Madame,

Cette lettre fait suite à l'appel d'une décision concernant votre emploi chez Crédico Marketing Inc. du 01 janvier 2003 au 10 septembre 2003.

Il a été décidé que votre emploi était assurable pour la raison suivante : Vous étiez embauchée en vertu d'un contrat de louage de services et par conséquent, vous étiez employée de Crédico Marketing Inc.

Cette décision a été rendue en vertu du paragraphe 93(3) de la Loi sur l'assurance-emploi et s'appuie sur l'alinéa 5(1)a) de la Loi sur l'assurance-emploi.

Si vous n'êtes pas d'accord avec cette décision, vous pouvez interjeter appel à la Cour canadienne de l'impôt dans les 90 jours suivant la date de cette lettre. Le document ci-joint, intitulé Les appels à la Cour canadienne de l'impôt, fournit plus de renseignements à ce sujet.

...

[4]      Le 4 janvier 2005, chacun des travailleurs a reçu du Ministre une lettre l'informant de l'appel des décisions par l'appelante. Je reproduis celle envoyée à monsieur Maurice Hébert, un témoin en cette affaire :

...

Monsieur,

Nous tenons à vous informer, par la présente, que Crédico Marketing Inc. (3234339 Canada Inc.) a interjeté appel auprès de la Cour canadienne de l'impôt.

Cet appel fait suite à la décision rendue par le Ministre du Revenu national le 27 septembre 2004 concernant l'assurabilité de votre emploi chez eux pendant la période du 1er février 2003 au 11 septembre 2003.

Vous trouverez ci-joint copie de l'avis d'appel 2004-4725(EI). Si vous désirez participer à cet appel, veuillez produire un avis d'intervention et l'envoyer au greffier de la Cour canadienne de l'impôt, ou lui écrire, dans les 45 jours suivant la date de la présente lettre.

Veuillez en outre joindre une copie de cette lettre à votre avis ou votre lettre, et envoyez le tout à l'un des bureaux suivants :

200, rue Kent

2e étage

Ottawa, Ont. K1A 0M1

30, McGill

Montréal, C H2Y 3Z7

Sun Life Centre

200, rue King ouest

Bureau 902

Toronto, Ont. M5H 3T4

Pacific Centre

701, rue West Georgia

17e étage

C.P. 10091

Vancouver, BC V7Y 1K8

Tél.: (613)       992-0901

Télécopieur     957-9037

Tél.: (514)    283-9912

Télécopieur 496-1996

Tél.: (416)       973-9181

Télécopieur     973-5944

Tél.: (604)       666-7987

Télécopieur    666-7967

...

[5]      Il est à noter qu'aucun des travailleurs n'a fait appel de ces décisions et qu'aucun n'a intervenu au présent appel.

[6]      L'avis d'appel décrit ainsi les faits et la position de l'appelante :

A.         FAITS ET POSITION DE L'APPELANTE

1.          L'Appelante est une entreprise qui oeuvre dans le secteur financier et qui agit à titre d'intermédiaire pour différentes institutions financières et grandes corporations afin de recruter de nouveaux adhérents à leurs cartes de crédit.

2.          L'Appelante retient les services de sous-contractants, soit des représentants ou des agences pour faire compléter des formulaires de demande de carte de crédit.

3.          Lorsqu'il s'agit d'agences, celle-ci recrute en sous-traitance d'autres représentants pour la sollicitation de carte de crédit.

4.          À titre d'exemple, Mme Lyne Tremblay travaille avec l'Appelante comme représentante et agit aussi à titre d'agence (par le biais de sa corporation) par laquelle elle retient les services de d'autres représentants appelés « contacts » qui effectuent la sollicitation d'adhérents pour les cartes de crédit.

5.          Des vingt-sept (27) travailleurs énumérés ci-haut, vingt-deux (22) sont des représentants pouvant être qualifiés de « contacts » , de Mme Lyle Tremblay et/ou de sa corporation.

6.          Les travailleurs Syed Wasti, Heatherlyn Martin, Mohammad Taghi, Joan Dela Paz et Fernand Mayer ne travaillent pas directement avec Mme Lyle Tremblay et/ou sa corporation. Ils traitent soit directement avec l'Appelante ou agissent à titre de « contacts » pour un autre représentant.

7.          La position de l'Intimé est à l'effet que les travailleurs occupaient des emplois assurables et doivent être considérés comme étant des salariés de l'Appelante et non des travailleurs autonomes ou entreprises indépendantes.

8.          L'Appelante soutient que les travailleurs en question ne sont pas des salariés, qu'ils sont des travailleurs autonomes et que ces travailleurs n'ont pas de relation employeur/employé avec l'Appelante.

9.          De plus, la question en litige dans le présent appel a fait l'objet d'un jugement de la Cour du Québec rendu le 31 août 2004 par l'honorable juge Daniel Dortélus. La décision de la Cour du Québec est jointe aux présentes et l'Appelante soumet que les faits ainsi que la position relevée dans cette affaire reflètent les mêmes arguments et prétentions soumis dans la présente.

10.        La Cour du Québec a considéré que les représentants qui recrutent dans des lieux publics des adhérents pour les cartes de crédits émises par les institutions financières, ne sont pas des salariés au sens de l'article 1 de la Loi sur le Régime des Rentes du Québec et des articles 2085 et suivants du Code civil du Québec.

11.        En effet, la Cour du Québec a reconnu que sur le plan juridique, il existe entre les représentants et l'Appelante un degré réel d'autonomie ainsi qu'une intention claire de former un contrat d'entreprise au sens de l'article 2098 du Code civil du Québec.

12.        Ainsi, l'Appelante n'exerce aucun contrôle sur Mme Lyle Tremblay et/ou sa corporation, ni sur aucun représentant ou « contact » de qui que ce soit, si ce n'est qu'un contrôle de résultat sur une base de production et pour le bénéfice des clients (e.g. institutions financières) de l'Appelante.

13.        Les moments, fréquences, lieux et durée de travail des travailleurs sont déterminés exclusivement par les travailleurs et travailleuses.

14.        De plus, les directives que doivent respecter les travailleurs quant à la façon de compléter les formulaires de carte de crédit n'émanent pas de l'Appelante, mais bien des institutions financières, clients de l'Appelante.

15.        Les travailleurs ont peu ou pas d'outils de travail fournis par l'Appelante.

16.        Les travailleurs utilisent leur propre téléphone et/ou téléavertisseur et utilisent leur propre véhicule pour se rendre dans les lieux de sollicitation.

17.        Les cadeaux qui sont remis aux clients qui acceptaient de remplir les formulaires de carte de crédit sont fournis et payés par les institutions financières.

18.        Quant aux questions rattachées à la rémunération et à titre d'exemple, l'Appelante recevait le montant de 7,00 $ pour chaque formulaire de demande de carte crédit complétée qu'elle fournit à une institution financière, et elle versait généralement entre 4,00 $ à 5,50 $ aux travailleurs.

19.        Quant aux « contacts » de Lyle Tremblay, l'Appelante acceptait à ce que cette rémunération soit négociée entre le travailleur et Lyle Tremblay, et l'Appelante versait alors la somme convenue entre les parties.

20.        Les travailleurs assument tous un certain risque financier, compte tenu des déplacements pour différentes activités, foires, salons et festivals, mais contrairement à la position évoquée par l'Intimé la chambre d'hôtel, tout comme les autres dépenses n'étaient jamais assurées par l'Appelante.

21.        De façon générale, les travailleurs et l'Appelante considèrent qu'ils ont contracté de manière autonome sans avoir convenu d'une relation employeur/employé.

22.        Outre la volonté des parties à l'effet de maintenir une relation autonome, les critères traditionnels de propriété des outils, de chance de profit, de risque de perte et d'intégration à l'entreprise ne sont pas concluants pour qualifier les travailleurs de travailleurs salariés de l'Appelante.

[7]      Les faits sur lesquels le Ministre s'est appuyé pour rendre ses décisions sont décrits à la Réponse à l'avis d'appel comme suit :

a)          l'appelante exploite, depuis 1996, une entreprise de promotion de cartes de crédit dans les centres commerciaux, foires, festivals et salons;

b)          l'appelante exploite son entreprise au Québec, dans les Maritimes, en Ontario et dans l'ouest Canadien;

c)          durant la période en litige, M. Antoine Nohra était l'unique actionnaire de l'appelante;

d)          l'appelante embauche des personnes pour vendre les cartes de crédit;

e)          durant la période en litige, Mme Lyle Tremblay supervisait les travailleurs; elle avait dix ans d'expérience au sein de l'entreprise;

f)           initialement, l'appelante recrutait des travailleurs en publiant des annonces dans les journaux, par la suite, après avoir obtenu une liste suffisante de travailleurs, elle recrutait de bouche à oreille;

g)          durant la période en litige, Mme Tremblay faisait les entrevues pour l'embauche des travailleurs par l'appelante et organisait les activités dans chacun des endroits où l'appelante voulait faire de la promotion;

h)          durant la période en litige, les travailleurs impliqués ont travaillé pour l'appelante à faire la promotion de cartes de crédit d'institutions bancaires comme la banque de Montréal, la CIBC, Visa Desjardins et de grands magasins comme Canadian Tire;

i)           les travailleurs rendaient leurs services à l'appelante dans des salons, des festivals, des centres d'achat et des magasins Canadian Tire;

j)           lors de leur embauche, les travailleurs devaient signer une autorisation de certification et d'enquête afin d'autoriser l'appelante à mener une enquête sur l'existence d'un éventuel dossier criminel les concernant;

k)          les travailleurs devaient aussi signer une entente de confidentialité avec l'appelante;

l)           de plus, les travailleurs étaient soumis à un code d'éthique qu'ils devaient respecter, ils devaient avoir une tenue vestimentaire adéquate, être poli et courtois, être honnête, ne pas être agressif, etc.;

m)         l'appelante fournissait aux travailleurs tout l'équipement nécessaire à leur travail : le kiosque, la location de l'emplacement, les cadeaux promotionnels, les formulaires d'application et les formulaires de rapports hebdomadaires;

n)          Mme Tremblay communiquait avec les travailleurs pour leur désigner leur lieu de travail et leur horaire de travail;

o)          les travailleurs devaient soumettre des rapports quotidiens et hebdomadaires au superviseur de l'appelante;

p)          les travailleurs devaient suivre des instructions précises sur la façon de compléter les formules d'application de chaque client;

q)          les travailleurs devaient occasionnellement assister à des réunions dans les locaux de l'appelante pour obtenir de nouvelles directives concernant leur travail;

r)           les travailleurs recevaient entre 4,00 $ et 5,00 $ par application acceptée par l'appelante;

s)          lorsque les travailleurs avaient à travailler en dehors de Montréal, leur chambre d'hôtel était payée par l'appelante;

t)           les travailleurs étaient rémunérés par dépôt direct à toutes les 2 semaines;

u)          les travailleurs n'avaient pas de dépenses à encourir dans le cadre de leur travail pour l'appelante et cette dernière contrôlait entièrement leurs tâches.

[8]      Les alinéas 13 a) à 13 c), 13 h) et 13 i) ont été admis. Les alinéas 13 e)à 13 g), 13 l) à 13 n), 13 p), 13 q), 13 s) à 13 u) ont été niés. Les faits des autres alinéas ne sont pas connus de l'appelante.

[9]      Les témoins ont été, pour la partie appelante, monsieur Maurice Hébert, mesdames Claire Mailhot et Jacqueline Ferando. Mesdames Sylvie Desautels, Ginette Duguay et Denyse Durocher ont témoigné pour la partie intimée. Il s'agit des travailleurs. Par la suite, madame Lyle Tremblay et monsieur Antoine Nohra ont témoigné pour la partie appelante.

[10]     Monsieur Maurice Hébert a expliqué à la Cour que depuis huit ans, il agit dans le domaine de la sollicitation de clients pour les cartes de crédit. Depuis trois ans, il agit pour l'appelante.

[11]     L'appelante obtient des contrats de banques ou de magasins pour solliciter des personnes à devenir détentrices de leurs cartes de crédits.

[12]     Les lieux de sollicitation sont soient les magasins eux-mêmes ou encore les centres d'achat ainsi que les festivals. La participation aux festivals est environ de 50 p. 100 du temps de chacun des représentants.

[13]     C'est madame Lyle Tremblay qui lui a parlé alors qu'il faisait la représentation pour une autre agence et c'est ainsi qu'il a commencé à travailler pour l'appelante.

[14]     Il travaille environ deux ou trois jours par semaine pour l'appelante. Il fait part de ses disponibilités à madame Lyle Tremblay qui lui propose et assigne les endroits où doit se faire la sollicitation. S'il est malade, il doit appeler madame Tremblay.

[15]     Il a des dépenses comme l'essence de sa voiture, l'usage de sa voiture, sa nourriture, le téléphone et quelques fois des photocopies.

[16]     Le matériel de travail consiste en des formulaires que l'on fait remplir ou que l'on remplit pour les clients qui font des demandes de cartes de crédit. Il arrive souvent qu'on offre un cadeau à la personne qui complète un formulaire de demande. Les formulaires et cadeaux sont fournis par l'appelante par l'intermédiaire de madame Tremblay. Les cadeaux peuvent consister en porte-clés, jeux de cartes, ou bancs portatifs.

[17]     Il ne porte pas un uniforme mais doit porter une chemise et cravate. En fait, c'est le bon sens qui indique comment se vêtir pour attirer la confiance de la clientèle.

[18]     Madame Tremblay, au départ, lui a demandé son numéro d'assurance sociale afin de faire faire l'enquête sur la sécurité.

[19]     À chaque fin de journée, il y a un rapport verbal. Monsieur Hébert téléphone à madame Tremblay et rapporte sur son répondeur le nombre de demandes qui ont été remplies, les heures et le lieu du travail. Une fois par semaine, il envoie à ses frais par la poste prioritaire un rapport des formulaires remplis. Cet envoi est constitué d'un rapport ainsi que des formulaires remplis. Si un formulaire n'est pas bien rempli, il y a soit rejet ou soit pénalité, c'est-à-dire une diminution de deux dollars sur le paiement de chaque formulaire rempli. C'est l'appelante qui accomplit cette tâche de vérification des formulaires.

[20]     Du 1er janvier 2005 au 30 juin 2005, il a travaillé 90 jours. Il a dit en Cour que pour le reste de l'année, il désirait travailler 110 jours.

[21]     Le témoin explique que lorsqu'un représentant ou des représentants vont à des festivals ou à l'extérieur de la ville, il y a remboursement de la chambre d'hôtel ou encore la chambre d'hôtel est réservée à l'avance par madame Tremblay. Selon lui, c'est l'appelante qui en assume les frais.

[22]     Il est rémunéré par dépôt direct à toutes les deux semaines.

[23]     Jusqu'au jugement de la Cour du Québec, mentionné aux paragraphes 9, 10 et 11 de l'avis d'appel, un montant de 4 p. 100 de la rémunération annuelle était déposé dans son compte pour les vacances.

[24]     Monsieur Hébert affirme qu'il se considère comme un travailleur autonome. Il décide de ses propres jours de travail et dit décider dans une certaine mesure du site de son travail ainsi que de ses heures.

[25]     Madame Claire Mailhot, représentante, a expliqué ses tâches et son mode de travail. Ce n'est pas différent de ce qu'a expliqué le témoin précédent.

[26]     Elle a mentionné qu'elle aimait avoir la liberté de son emploi du temps. Elle a relaté que si un poste ou des heures lui avaient été assignés, elle se sentait libre de quitter avant la fin de son temps s'il n'y avait pas beaucoup de clientèle et de rester après les heures s'il y en avait plus. En contre-interrogatoire, elle admet toutefois que si elle ne s'est pas présentée au poste assigné pour cause de maladie, elle doit présenter un certificat du médecin à madame Tremblay.

[27]     Elle dit qu'il peut y avoir une vérification de son travail par l'appelante. Elle doit porter des vêtements noirs ou bleu marine. Il y a des réunions chez Crédico environ à tous les deux mois. Elle se dit libre d'y aller ou pas.

[28]     Il peut y avoir des concours parmi les représentants organisés par l'institution bancaire en collaboration avec l'appelante.

[29]     Madame Jacqueline Ferando a également relaté qu'elle aimait avoir le choix de son temps de travail et de son horaire. Elle se dit non supervisée. En contre-interrogatoire, elle admet que si elle quitte le poste qui lui a été assigné, elle téléphone à madame Tremblay. Elle avise également cette dernière pour les vacances qu'elle veut prendre.

[30]     Madame Sylvie Desautels est représentante chez Crédico depuis quatre ans. Elle dit qu'elle travaille à plein temps pour l'appelante. Elle peut refuser les assignations, mais une fois qu'elle a accepté, elle doit les respecter. S'il y a maladie, elle doit en informer madame Tremblay. Cette dernière participe habituellement aux festivals.

[31]     Elle confirme, comme ont admis les témoins précédents, que l'appelante a tenu la semaine précédant l'audience une réunion avec les travailleurs en cause concernant la présente audience. Elle dit qu'on ne lui a pas demandé de mentir. Il y avait toutefois une certaine pression de la part de l'appelante que les représentants se déclarent satisfaits de la position de l'appelante qu'ils étaient des travailleurs autonomes et non pas des employés.

[32]     Elle considère que le statut d'employé lui offre une meilleure protection que celui de travailleur autonome. Elle est satisfaite de la décision la concernant dont il y a appel. Elle regrette la décision de la Cour du Québec dont il y a eu mention précédemment car à partir de cette décision, l'appelante a cessé de lui verser 4 p. 100 de sa rémunération à titre de paie de vacances.

[33]     Elle n'exerce aucune activité rémunérée autre que celle exercée auprès de l'appelante.

[34]     Madame Ginette Duguay a relaté que madame Tremblay lui demandait de respecter les heures. Il y avait un guide du représentant. Elle ne pouvait pas se faire remplacer.

[35]     Madame Denyse Durocher a relaté pour sa part que c'était madame Tremblay qui était la superviseure. Elle sait quatre ou cinq jours d'avance où elle travaillera. Elle doit aviser de ses absences. Elle décide du temps de ses vacances. Ainsi, chaque année, en hiver, elle et son mari partent quatre mois en Floride.

[36]     Madame Lyle Tremblay fait affaires sous le nom de Les Promotions Lyle Tremblay. Elle est une coordonnatrice sous-traitante pour l'appelante. Elle a confirmé que lors des festivals ou des événements spéciaux, elle paie la chambre d'hôtel des représentants. Elle demande à ce que les représentants aient une tenue vestimentaire professionnelle.

[37]     Les emplacements dans les festivals, événements ou centre commerciaux sont payés par Crédico. Elle s'occupe de faire les réservations pour les événements à venir, au nom de l'appelante.

[38]     Elle a confirmé qu'elle demande le numéro de sécurité sociale du représentant. Il s'agit d'une mesure de sécurité pour s'assurer que la personne n'a pas de casier judiciaire. Il y a une entente de confidentialité qui est signée par le représentant. Il y a vérification du travail des représentants soit par l'appelante ou par les clients de l'appelante, pour lesquels le travail de recrutement est fait. Elle-même vérifie régulièrement le travail fait par ses représentants. Il y a une certaine formation d'un représentant qui ne serait pas expérimenté. Elle peut rembourser le coût de l'essence si le parcours est plus de 100 kilomètres.

[39]     Les représentants lui font part de leur disponibilité. Elle leur assigne les postes qui ont été déterminés par l'appelante. Chacun travaille un nombre de jours différents. Pour quelques uns cela peut être sept jours par semaine, pour un autre, trois jours. Si un représentant est malade, il doit l'informer pour qu'elle puisse assigner quelqu'un d'autre à ce poste de travail. Elle souhaite qu'un représentant travaille le nombre d'heures qui lui a été assigné.

[40]     Monsieur Antoine Nohra, président de l'appelante, a expliqué que le seul contrôle que l'appelante exerce sur les représentants est un contrôle de la qualité. La rémunération est selon le nombre de personnes recrutées et non au tarif horaire. Les cadeaux sont habituellement des cadeaux fournis par l'institution financière. Il a une équipe d'employés qui vérifient les formulaires envoyés par les représentants. La vérification sur place du travail des représentants peut se faire par des agents de ses clients mais l'appelante ne le fait pas.

Argument

[41]     L'avocat de l'appelante fait valoir que si l'on étudie l'intention des parties, que dans la présente affaire, l'intention d'une des parties était d'établir avec les travailleurs un contrat d'entreprise et non un contrat de travail.

[42]     Il fait remarquer que l'on doit noter dans les circonstances de travail beaucoup de liberté de la part des travailleurs.

[43]     Il y a à l'égard des travailleurs une certaine chance de profit ou de perte. Ce sont eux qui paient leur essence, les frais de leur téléphone et leurs repas. Les travailleurs sont payés au nombre de personnes recrutées.

[44]     En ce qui concerne la propriété des outils, à part les formulaires et les cadeaux, les représentants fournissent leurs propres outils, comme téléphones, ordinateurs etc.

[45]     Le contrôle exercé par l'appelante est sur les résultats et non pas sur la manière d'exercer son rôle. La vérification quant à la manière si elle est faite serait faite par les clients de l'appelante et non par cette dernière.

[46]     Il reprend le témoignage de madame Desautels qui est le travailleur qui a exprimé son souhait d'être considérée une employée. Il fait noter qu'elle est laissée à elle-même. Elle n'a pas de patron. Si le travail n'est pas bien fait, c'est-à-dire si les formulaires ne sont pas bien remplis, il y a une diminution de la rétribution. Il s'agit toujours d'un contrôle quant aux résultats.

[47]     Les représentants peuvent prendre le nombre de mois de vacances qu'ils souhaitent ainsi madame Durocher passe quatre mois en Floride à l'hiver.

[48]     L'avocat de l'appelante se réfère aux décisions suivantes :

Vulcain Alarme Inc. c. M.N.R., [1999] A.C.F. no 749 (Q.L.)

671122 Ontario Ltd c. Sagaz Industries Canada Inc., [2001] 2 R.C.S. 983

Wolf. c. La Reine, 2002 DTC 6853 (C.A.F.)

3234339 Canada Inc. c. S.M.R.Q., C.Q. no : 500-80-000127-028, 26 août 2004, j. Daniel Dortélus

Livreur Plus Inc. c. Ministre du Revenu national, 2004 CAF 68.

[49]     De la décision de la Cour d'appel fédérale dans Vulcain Alarme Inc. (supra), il cite le passage suivant :

14         Nous ne croyons pas que le fait que la société Service Électronique Enr. et M. Blouin aient choisi d'exécuter des contrats exclusivement pour le compte de la demanderesse ait fait de M. Blouin un employé de cette dernière. Certes, la Société Électronique Enr. et M. Blouin étaient, par choix, devenus des entrepreneurs dépendants en s'imposant eux-mêmes une subordination économique.    Mais ils n'étaient pas liés juridiquement par un contrat d'exclusivité et ne cessaient pas d'être des entrepreneurs. M. Blouin ne travaillait pas aux bureaux ou ateliers de la demanderesse. Au surplus, ses allées et venues, ses jours et ses heures de travail n'étaient aucunement intégrées ou coordonnées avec les opérations de la demanderesse.

[50]     Ainsi, l'avocat fait valoir que si certains travailleurs travaillaient exclusivement pour l'appelante, c'était leur choix et non pas une exigence de l'appelante.

[51]     Il se réfère aux paragraphes 47 et 48 de la décision de la Cour Suprême du Canada dans Sagaz (supra) :

47         Bien qu'aucun critère universel ne permette de déterminer si une personne est un employé ou un entrepreneur indépendant, je conviens avec le juge MacGuigan que la démarche suivie par le juge Cooke dans la décision Market Investigations, précitée, est convaincante. La question centrale est de savoir si la personne qui a été engagée pour fournir les services les fournit en tant que personne travaillant à son compte. Pour répondre à cette question, il faut toujours prendre en considération le degré de contrôle que l'employeur exerce sur les activités du travailleur. Cependant, il faut aussi se demander, notamment, si le travailleur fournit son propre outillage, s'il engage lui-même ses assistants, quelle est l'étendue de ses risques financiers, jusqu'à quel point il est responsable des mises de fonds et de la gestion et jusqu'à quel point il peut tirer profit de l'exécution de ses tâches.

48         Ces facteurs, il est bon de le répéter, ne sont pas exhaustifs et il n'y a pas de manière préétablie de les appliquer. Leur importance relative respective dépend des circonstances et des faits particuliers de l'affaire.

[52]     Du jugement du juge Dortélus de la Cour du Québec, il se réfère aux passages suivants :

29         Credico n'exerce pas de contrôle, ni supervision sur le travail du représentant. Le seul contrôle qu'elle exerce, consiste à vérifier les formulaires complétés que lui transmet le représentant avant de l'acheminer à la banque ou l'institution financière.

...

41         Les représentants peuvent faire de la sollicitation pour d'autres banques ou institutions financières que celles pour lesquelles, il existe une entente avec Credico, c'est ce qui ressort des témoignages de M. Nora, de Lyle Tremblay et de M. Desjardins.

42         En 1998, les représentants se considèrent comme travailleurs autonomes. Ils ne s'identifient pas comme des employés de Credico. Mis à part, un certain entraînement qui leur est fourni au début portant sur comment solliciter les clients et comment remplir le formulaire de demande de carte de crédits, ils ne reçoivent aucune formation de Credico.

...

67         Il ressort des questionnaires complétés, après la décision de l'intimé sur l'opposition de la requérante, que la majorité des travailleurs affirment qu'ils étaient, en 1998, des travailleurs autonomes.

...

72         Les représentants établissent eux-mêmes leur propre horaire de travail. Ils décident eux-mêmes quand ils veulent travailler ainsi que le lieu de leur travail. Ils peuvent faire effectuer leur travail par d'autres. Ils sont payés pour chaque formulaire complété, selon un tarif préétabli par contrat et assument eux-mêmes la perte quand un formulaire n'est pas bien complété.

...

74         Les directives quant à la façon de compléter le formulaire, émanant des institutions financières qui doivent émettre les cartes de crédit en fonction des informations contenues dans les formulaires, ne peuvent être considérées comme des ordres ou instructions émanant de Credico dans l'exercice d'un contrôle sur les représentants.

...

87         Les représentants utilisent leur téléphone pour communiquer avec Crédico, ils utilisent leur propre véhicule pour se rendre dans les centres d'achat et les lieux publics où ils font du recrutement d'adhérents pour les cartes. Il ne s'agit pas d'outils de travail, fournis par l'employeur.

88         Quant au risque financier, selon les représentants entendus, ils assument un risque car lorsqu'ils passent des heures et qu'ils ne recrutent pas ou peu d'adhérents, ils ne sont pas payés, selon le SMRQ, ils n'assument pas de risques financiers. Une telle situation, qui s'apparente à celle des vendeurs à commission, ne suffit pas pour qualifier les représentants de salariés selon le Tribunal.

[53]     De la décision Livreur Plus (supra), il cite les paragraphes 18, 19 et 20 :

18         Dans ce contexte, les éléments du critère énoncé dans l'arrêt Wiebe Door Services Ltd. c. M.R.N., 87 DTC 5025, à savoir le degré de contrôle, la propriété des instruments de travail, les chances de bénéfices et les risques de pertes et enfin l'intégration, ne sont que des points de repère : Charbonneau c. Canada (ministre du Revenu national - M.R.N.) (1996), 207 N.R. 299, paragraphe 3. En présence d'un véritable contrat, il s'agit de déterminer si, entre les parties, existe un lien de subordination, caractéristique du contrat de travail, ou s'il n'y a pas, plutôt, un degré d'autonomie révélateur d'un contrat d'entreprise : ibidem.

19         Ceci dit, il ne faut pas, au plan du contrôle, confondre le contrôle du résultat ou de la qualité des travaux avec le contrôle de leur exécution par l'ouvrier chargé de les réaliser : Vulcain Alarme Inc. c. Le ministre du Revenu national, [1999] A.C.F. no 749, A-376-98, 11 mai 1999, paragraphe 10, (C.A.F.); D & J Driveway Inc. c. Le ministre du Revenu national, précité, au paragraphe 9. Comme le disait notre collègue le juge Décary dans l'affaire Charbonneau c. Canada (ministre du Revenu national - M.R.N.), précitée, suivie dans l'arrêt Jaillet c. Canada (ministre du Revenu national - M.R.N.), [2002] A.C.F. no 1454, 2002 FCA 394, « rares sont les donneurs d'ouvrage qui ne s'assurent pas que le travail est exécuté en conformité avec leurs exigences et aux lieux convenus. Le contrôle du résultat ne doit pas être confondu avec le contrôle du travailleur » .

20         Je suis d'accord avec les prétentions de la demanderesse. Un sous-entrepreneur n'est pas une personne libre de toute contrainte qui travaille à son gré, selon ses inclinations et sans la moindre préoccupation pour ses collègues co-contractants et les tiers. Ce n'est pas un dilettante à l'attitude cavalière, voire irrespectueuse, capricieuse ou irresponsable. Il oeuvre dans un cadre défini, mais il le fait avec autonomie et à l'extérieur de celui de l'entreprise de l'entrepreneur général. Le contrat de sous-traitance revêt souvent un caractère léonin dicté par les obligations de l'entrepreneur général : il est à prendre ou à laisser. Mais sa nature n'en est pas altérée pour autant. Et l'entrepreneur général ne perd pas son droit de regard sur le résultat et la qualité des travaux puisqu'il en assume la seule et entière responsabilité vis-à-vis ses clients.

[54]     L'avocate de l'intimée rappelle le rapport quotidien que le représentant doit faire à madame Tremblay. Elle soutient qu'il y a un contrôle quant à la manière d'exercer l'activité de travail car madame Tremblay se rend fréquemment sur les lieux de travail. Elle va également aux festivals et aux événements avec les représentants. Elle fait noter que les prix ne sont pas négociés comme un entrepreneur le ferait. Ils sont imposés par l'appelante. Le taux de rémunération est identique ou à peu près pour tous les représentants.

[55]     L'avocate se réfère aux paragraphes 30, 33 et 43 de la décision du juge Dortélus de la Cour du Québec pour faire valoir que la preuve n'a rien révélé de similaire :

30         Crédico n'impose aucun horaire de travail aux représentants, ces derniers décident eux-mêmes quand ils veulent travailler ainsi que l'endroit où ils veulent travailler.

...

33         Afin d'établir le montant de 4 $ à 5,50 $ payé pour chaque formulaire, Crédico tient compte du volume de formulaires traités par le représentant.

...

43         En 1998, les représentants facturent Crédico pour leurs services, en fonction du montant établi dans la convention de représentant (pièce R-1) auquel, ils ajoutent les taxes de ventes (TPS et TVQ).

[56]     Elle se rapporte à une décision du juge Archambault de cette Cour dans Les Promotions D.N.D. Inc c. Le ministre du Revenu national (intimé) et Serge Laverdière (intervenant), rendue le 18 juin 2003. Les motifs ont été prononcés oralement et n'ont pas été demandés. La décision fut de rejeter l'appel de l'appelante. La Réponse à l'avis d'appel a été produite par l'avocate de l'intimée pour montrer que les faits étaient identiques à ceux en cause. Il s'agit en effet d'une société concurrente de l'appelante exerçant à peu près de la même manière en tout cas en ce qui concerne les modalités de travail des représentants.

[57]     Cette réponse fait également état d'un autre jugement de cette Cour, en date du 18 juillet 2001, à l'égard du travailleur Pierre Lalonde, travaillant pour la même société, Promotions DND Inc. c. Canada (ministre du Revenu national - M.R.N.), [2001] A.C.I. no 480 (Q.L.). Ce jugement a été rendu par le juge suppléant Somers. À la lecture des motifs, les faits sont fort semblables à ceux de la présente affaire.

[58]     Le même juge a rendu un jugement pour une société différente mais exerçant le même domaine d'activité dans l'affaire Promotions G. Bibeau Inc. c. Canada (Ministre du Revenu national - M.R.N.), [2003] A.C.I. no 367 (Q.L.). L'appel de la société a été rejeté et le travailleur a été déclaré être un employé.

[59]     L'avocate de l'intimée se rapporte à la décision Marathon Electric Ltd. v. Canada (Minister of National Revenue - M.N.R.), [2003] T.C.J. No. 577 (Q.L.), confirmée le 20 octobre 2004 par la Cour d'appel fédérale ([2004] A.C.F. no 1791 (Q.L.)), comme suit :

3           Nous ne sommes pas d'accord non plus pour dire que le juge a commis une erreur dans son appréciation des critères juridiques pertinents à appliquer. En réponse à l'argument suivant lequel le juge n'a pas donné suffisamment d'importance à l'intention des parties relativement à leurs contrats, nous notons que dans l'arrêt Wolf c. Canada, [2002] 4 C.F. 396, au paragraphe 124, le juge Noël a fait la remarque suivante : "Ce n'est pas un cas où les parties qualifiaient leur relation d'une façon telle que cela leur procure un avantage fiscal. »

[60]     Elle fait valoir que dans Marathon, les travailleurs étaient des électriciens auxquels Marathon faisait appel de temps à autres pour des travaux. La décision de cette Cour était à l'effet que ces personnes exerçaient leur travail ou leur métier comme des employés et non pas comme des gens en affaires.

[61]     L'avocate se rapporte également aux décisions suivantes de la Cour d'appel fédérale : Productions Petit Bonhomme Inc. c. Canada (Ministre du Revenu national - M.R.N.), [2004] A.C.F. no 238 (Q.L.) et Ambulance St-Jean c. Canada (Ministre du Revenu national - M.R.N.), [2004] A.C.F. no 1680 (Q.L.). De la décision Productions Petit Bonhomme Inc., elle cite le passage suivant :

7           Dans la foulée des opinions émises par cette Cour dans Wolf c. Canada, [2002] 4 F.C. 396 (C.A.F.), la qualification juridique d'un contrat doit être déterminée en tenant compte de la relation globale réelle des parties dans un monde du travail en pleine évolution. Les travailleurs, ici, sont des pigistes aux aguets qui passent d'un producteur à un autre, d'une production à une autre, sur une base parfois journalière. Il est tout à fait possible, dans ces circonstances, de conclure que les relations de travail ne présentent pas ce degré de continuité, de loyauté, de sécurité, de subordination et d'intégration qui est généralement associé à un contrat de travail.

[62]     De la décision Ambulance St-Jean (supra), elle cite le passage suivant :

3           Bien que l'intention déclarée des parties ou leur entente apparente ne soit pas nécessairement déterminante quant à la nature de leur relation, il faut cependant accorder une grande importance à ces facteurs en l'absence d'une preuve contraire, par exemple un comportement qui trahit ou contredit cette intention ou cette entente. Lorsque les parties ont librement « choisi de conclure des accords commerciaux distincts [...] [et] choisissent d'agir de la sorte, plutôt qu'une des parties imposant arbitrairement ou artificiellement ce choix à l'autre, au point que cela constitue un trompe-l'oeil, on ne devrait pas intervenir dans leur choix et les autorités devraient le respecter » . Nous sommes d'accord avec cette affirmation, que le juge suppléant Porter a faite dans la décision Krakiwsky c. Canada (Ministre du Revenu national - M.R.N.), 2003 A.C.I. no 364.

[63]     Elle cite également les passages suivants de la décision du juge suppléant Cuddihy de cette Cour, où l'appelante était une partie, soit 9049-9955 Québec Inc. et 3234339 Canada Inc. c. Canada (ministre du Revenu national - M.R.N.), [2000] A.C.I. no 129 (Q.L.) :

57         La travailleuse qui s'est engagée à accomplir les tâches décrites dans la preuve, les accomplit-elle en tant que personne dans les affaires à son compte?

...

82         Pour répondre à la question du début, les appelantes n'ont pas démontré à la Cour que la travailleuse Johanne Denis était entre, le ou vers le 10 juin et le 28 août 1997, en affaire à son compte. La travailleuse était payée et sous le contrôle de Credico Marketing, par personnes interposées, comme les maillons d'une chaîne, du début jusqu'à la fin.

Conclusion

[64]La preuve dans la présente affaire n'a pas révélé des faits similaires à ceux mentionnés aux paragraphes 30, 33, 43 et 72 des motifs du jugement de la Cour du Québec (ci-dessus). Les représentants n'établissent pas eux-mêmes leur horaire de travail ni ne déterminent eux-mêmes leur lieu de travail. Ils ne peuvent pas se faire remplacer par une autre personne choisie par eux.

[65]Le contrôle est exercé par madame Tremblay pour l'appelante. C'est elle qui indique aux représentants la façon de se comporter et de se vêtir. Elle se rend à l'occasion sur les lieux de travail. Elle participe aux événements. C'est elle qui établit les horaires de travail. Il est vrai que les représentants peuvent manifester leur disponibilité mais ils doivent le faire à l'avance, ainsi que pour les vacances. Cette disponibilité doit être suffisante pour permettre à la répartitrice d'établir un nombre de représentants sur la présence desquels elle peut se fier. C'est madame Tremblay qui répartit les lieux de travail. Ces lieux de travail sont trouvés par l'appelante ou par madame Tremblay pour l'appelante. Les kiosques sont loués ou payés par l'appelante.

[66]À l'instar des travailleurs dans l'affaire Marathon Electric (supra), tel que mentionné au dernier paragraphe de la décision de notre Cour, je ne constate ici aucune caractéristique d'une entreprise commerciale de la part des travailleurs. Il n'y a pas de soumission quant à la contrepartie pour les services. Ce ne sont pas les travailleurs qui recherchent les clients. La rémunération est à la pièce et déterminée par l'appelante. Elle est identique pour tous ceux qui sont acceptés comme représentants. Les clients sont ceux de l'appelante. Je ne crois pas que la preuve ait révélé que l'appelante ait permis que les représentants puissent agir en même temps pour les autres sociétés concurrentes. En tout cas, dans les faits, un représentant s'attache à son groupe. Il fait le travail qu'on lui demande. Il se comporte comme un employé, diligent et manifestant de l'initiative, mais un employé tout de même.

[67]Il faut prendre en considération également que les représentants sont un élément essentiel et principal de l'entreprise de l'appelante et de sa source de profits.

[68]À l'exception d'une représentante qui à l'audience a clairement exprimé son souhait quant à son statut, les autres ne se sont pas clairement manifestés. Nous ne pouvons cependant que constater qu'aucun n'a contesté la décision voulant qu'il soit un employé et qu'aucun n'a intervenu au présent appel. En ce qui concerne l'intention de la partie appelante, je ne peux la prendre en considération car je n'ai aucune preuve qu'elle ait été partagée.

[69]De plus, il y a eu plusieurs décisions de cette cour à l'égard de l'appelante et à l'égard d'autres sociétés oeuvrant dans le même domaine que l'appelante. Ces décisions ont été mentionnées plus haut. Ces décisions vont toutes dans le même sens c'est à dire que les travailleurs sont des employés. Les circonstances économiques de l'appelante seront donc les mêmes, ni meilleures ni pires, que celles des sociétés concurrentes.

[70]Pour reprendre les mots du juge Décary dans les Productions Petit Bonhomme Inc. (supra), je suis d'avis que les relations de travail présentent ici un degré de continuité, de loyauté, de sécurité, de subordination et d'intégration qui est généralement associé à un contrat de travail.

[71]L'appel est en conséquence rejeté.

Signé à Ottawa, Canada, ce 15e jour de septembre 2005.

« Louise Lamarre Proulx »

Juge Lamarre Proulx


RÉFÉRENCE :                                   2005CC607

N º DU DOSSIER DE LA COUR :       2004-4725(EI)

INTITULÉ DE LA CAUSE :               3234339 CANADA INC. (CRÉDICO MARKETING INC.) ET M.R.N.

LIEU DE L'AUDIENCE :                    Montreal (Québec)

DATE DE L'AUDIENCE :                  les 5 et 6 juillet 2005

MOTIFS DE JUGEMENT PAR :        L'honorable juge Louise Lamarre Proulx

DATE DU JUGEMENT :                    le 15 septembre 2005

COMPARUTIONS :

Avocat de l'appelant :

Me Christopher R. Mostovac

Avocat de l'intimé :

Me Suzanne Morin

AVOCAT INSCRIT AU DOSSIER :

       Pour l'appelant:

                   Nom :                              Me Christopher R. Mostovac

                   Étude :                             Starnino Mostovac

                                                          Montréal (Québec)

       Pour l'intimé :                              John H. Sims, c.r.

                                                          Sous-procureur général du Canada

                                                          Ottawa, Ontario

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