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Dossier : 2004-4264(EI)

ENTRE :

ROMAIN DUMONT,

appelant,

et

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé.

____________________________________________________________________

Appel entendu le 26 juillet 2005, à Québec (Québec)

Devant : L'honorable S.J. Savoie, Juge suppléant

Comparutions :

Avocat de l'appelant :

Me Takioullah Eidda

Avocat de l'intimé :

Me Sylvain Ouimet

____________________________________________________________________

JUGEMENT

          L'appel est rejeté et la décision rendue par le Ministre est confirmée selon les Motifs du jugement ci-joints.

Signé à Grand-Barachois (Nouveau-Brunswick), ce 4e jour d'octobre 2005.

« S.J. Savoie »

Juge suppléant Savoie


Référence : 2005CCI618

Date : 20051004

Dossier : 2004-4264(EI)

ENTRE :

ROMAIN DUMONT,

appelant,

et

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé.

MOTIFS DU JUGEMENT

Le juge suppléant Savoie

[1]      Cet appel a été entendu à Québec (Québec) le 26 juillet 2005.

[2]      Il s'agit d'un appel portant sur l'assurabilité de l'emploi de l'appelant lorsqu'au service de 9022-6903 Québec inc., le « payeur » , du 14 août au 15 décembre 2001, du 11 février au 28 décembre 2002 et du 9 juin au 24 octobre 2003, les périodes en litige.

[3]      Le 27 octobre 2004, le ministre du Revenu national (le « Ministre » ) a informé l'appelant de sa décision selon laquelle celui-ci n'occupait pas un emploi assurable pendant les périodes en litige. En rendant sa décision, le Ministre s'est appuyé sur les faits présumés suivants énoncés au paragraphe 5 de la Réponse à l'avis d'appel:

5.a)       Mme Sonia Tremblay détient toutes les actions comportant droit de vote du payeur; (admis)

b)          l'appelant est le conjoint de Mme Sonia Tremblay; (admis)

c)          l'appelant est lié à une personne qui contrôle le payeur. (admis)

[4]      Le Ministre a déterminé que l'appelant et le payeur avaient un lien de dépendance entre eux dans le cadre de l'emploi. En effet, le Ministre a été convaincu qu'il n'était pas raisonnable de conclure que l'appelant et le payeur auraient conclu entre eux un contrat de travail à peu près semblable s'ils n'avaient pas eu de lien de dépendance, compte tenu des circonstances suivantes énoncées au paragraphe 6 de la Réponse à l'avis d'appel :

6.a)       Le payeur, constitué en société le 3 juillet 1995, exploite une entreprise sous la raison sociale de Fabrico Nat. (depuis février 1999); (admis)

b)          le payeur offre des services d'ébénisterie et de rénovation et vend de la quincaillerie;

c)          le payeur possède une quincaillerie et un atelier d'ébénisterie; (admis avec précisions)

d)          le payeur exploitait ses entreprises à l'année longue avec une période plus active durant la saison estivale; (admis)

e)          les principales tâches de l'appelant consistaient à faire des travaux d'ébénisterie tels que le décapage de meubles et la fabrication d'escaliers et d'armoires, des travaux de rénovation et de préparer des soumissions pour les contrats de rénovation; (nié)

f)           pour les travaux de rénovation, le payeur employait l'appelant et M. Simon Charron, occasionnellement il a employé quelques ouvriers supplémentaires; (admis)

g)          en 2001, l'appelant a été inscrit au livre des salaires du payeur, entre le 23 juin et le 15 décembre, pendant 26 semaines consécutives; (admis)

h)          durant cette période, il a reçu 14,75 $ de l'heure durant les 8 premières semaines et 8,00 $ de l'heure durant les autres semaines et ce, pour 40 heures de travail par semaine; (admis)

i)           en 2002, l'appelant a été inscrit au livre des salaires du payeur une semaine à la mi-février, une semaine à la fin février et une semaine en juin avant d'être inscrit durant 11 semaines consécutives de la mi-octobre au 22 décembre; (nié)

j)           durant cette année, il était habituellement rémunéré 12,00 $ de l'heure; (admis)

k)          en 2003, l'appelant a été inscrit au livre des salaires du payeur une semaine en janvier, 2 semaines en juin, 3 semaines en juillet, 2 semaines en août, 2 semaines en septembre et 5 semaines en octobre; (admis)

l)           en 2003, il était rémunéré 15,00 $ de l'heure; (admis)

m)         les heures de travail de l'appelant n'étaient pas comptabilisées par le payeur; (nié)

n)          la rémunération de l'appelant variait selon la capacité de payer du payeur et non en fonction des tâches accomplies; (nié)

o)          durant les années en litige, l'appelant a rendu de nombreux services au payeur en dehors des semaines ou des périodes où il était inscrit au livre des salaires du payeur et ce, sans rémunération; (nié)

p)          les périodes de travail de l'appelant ne correspondent pas aux périodes les plus actives du payeur ni aux périodes réellement travaillées par l'appelant. (nié)

[5]      La preuve recueillie à l'audition a supporté les faits présumés par le Ministre énoncés aux alinéas 6e), i) et m). En effet, les documents au dossier d'assurabilité ont révélé que l'appelant avait travaillé de façon continue, 26 semaines à partir de celle finissant le 23 juin 2001 jusqu'à celle du 15 décembre, à raison de 14,75 $ l'heure pour les huit premières semaines et 8,00 $ par la suite pour 40 heures par semaine. Ces documents ont établi, par ailleurs, que le livre des salaires pour l'année 2002 indique que l'appelant n'avait travaillé qu'une semaine à la mi-février, une à la fin février et une en juin avant de travailler onze semaines consécutives de la mi-octobre au 22 décembre, à raison de 12,00 $ l'heure majoritairement.

[6]      En outre, le livre des salaires pour l'année 2003 indique que l'appelant a travaillé le même nombre de semaines que le travailleur Simon Charron, c'est-à-dire 14. Cependant, toujours selon le livre des salaires, les périodes d'emploi de l'appelant et de Simon Charron ne sont pas les mêmes alors que, faut-il le préciser, certains travaux de rénovation devaient être exécutés avec un travailleur possédant une carte de compétence, ce dont Simon Charron était titulaire et non l'appelant.

[7]      La preuve a révélé que l'appelant a déclaré lors d'une entrevue avec l'agent des appels de l'Agence des douanes et du revenu du Canada, le 6 octobre 2004, qu'aucune heure travaillée n'était enregistrée par le payeur puisque sa conjointe et actionnaire, Sonia Tremblay, savait quand celui-ci travaillait car elle se trouvait au commerce la plupart du temps pour répondre aux clients et au téléphone et il lui arrivait qu'elle l'assiste au besoin.

[8]      L'appelant a également nié les faits présumés du Ministre énoncés aux alinéas 6.n), o) et p). Cependant, les enquêteurs ont recueilli certains faits tirés des déclarations statutaires signées par le payeur et l'appelant ou lors d'entrevues avec ces derniers.

[9]      Il convient de reproduire ici quelques extraits de ces déclarations notés au rapport sur un appel, daté du 27 octobre 2004, préparé par l'agent des appels (pièce A-9) :

[...]

9.          Je ne suis pas toujours payé pour ce que je fais. Par exemple, je prépare les soumissions parce que Sonia n'a pas l'expertise pour le faire. Comme ça ne rapporte rien à la compagnie je ne suis pas payé pour cela.

10.        Depuis que j'ai arrêté de travailler en octobre je suis venu faire le ménage de l'atelier, nettoyer les outils, poser des tablettes dans le camion de la cie. Je ne serai pas payé pour cela.

11.        Concernant mon salaire, il varie selon les capacités financières de l'entreprise. Ça ne me donne rien d'avoir un gros chèque de paie si je ne peux pas le changer.

[...]

25.        Romain Dumont a déjà rendu des services non rémunérés mais pas souvent, comme par exemple faire une soumission, faire des commissions, accueillir les livraisons à la maison (ça arrive régulièrement) quand le commerce est fermé car c'est livré au garage.

[...]

30.        La période la plus active du payeur débute à partir de l'été jusque vers octobre-novembre, alors que de novembre à avril c'est plus tranquille sauf pour les jobs de dernière minute.

[...]

38.        En 2003 Simon est au livre de paie avant Romain parce que Romain a préparé plusieurs soumissions cet été et il n'est pas payé pour cela.

39.        Comme on est tous les deux actionnaires, chacun doit faire sa part en bénévolat. Il sort donc la quantité de matériaux requis pour la soumission et moi j'effectue les calculs.

40.        Le salaire de Romain a varié au cours des années parce que son salaire est fixé en fonction des revenus de l'entreprise, de même que du genre de travail à faire. Par exemple il est payé un peu moins lorsqu'il travaille dans l'atelier en ébénisterie.

[...]

46.        Quand je lui fais une paie dans une semaine donnée, c'est qu'il a fait des heures dans cette semaine là. Je n'accumule pas les heures non plus. Cependant Romain peut travailler sans être payé certaines semaines, mais pas à temps plein. (à l'occasion à la maison pour préparer les soumissions).

[...]

75.        Le nombre de factures mensuelles d'achat de matériel et fournitures signées par l'appelant lorsqu'il ne figurait pas au livre des salaires pour les années 2002 et 2003 est le suivant : (Onglets K, K.1)

Mois

2002

2003

janvier

11

11

février

9

5

mars

20

13

avril

16

13

mai

17

19

juin

14

6

juillet

19

20

août

18

7

septembre

17

5

octobre

10

3

novembre

17

décembre

2

Total

153

119

[10]La question en litige est de savoir si l'appelant occupait un emploi assurable aux fins de la Loi sur l'assurance-emploi (la « Loi » ) La disposition est l'alinéa 5(1)a) de la Loi, qui énonce ce qui suit :

Sous réserve du paragraphe (2), est un emploi assurable :

a) l'emploi exercé au Canada pour un ou plusieurs employeurs, aux termes d'un contrat de louage de services ou d'apprentissage exprès ou tacite, écrit ou verbal, que l'employé reçoive sa rémunération de l'employeur ou d'une autre personne et que la rémunération soit calculée soit au temps ou aux pièces, soit en partie au temps et en partie aux pièces, soit de toute autre manière;

[...]

[11]L'article précité contient la définition du contrat assurable. C'est celui que l'on occupe en vertu d'un contrat de louage de services, c'est-à-dire un contrat de travail. Cependant, la Loi ne définit pas ce qui constitue un tel contrat. Dans l'affaire qui nous préoccupe, il n'existe aucun contrat écrit, mais, à l'audition, une preuve testimoniale et documentaire a été offerte quant à l'intention des parties qui s'est manifestée pendant les périodes en litige. C'est à l'analyse des faits présentés à l'audition que la Cour sera en mesure d'établir le type de contrat auquel sont liées les parties en cause.

[12]Le contrat de louage de services est une notion de droit civil que l'on trouve dans le Code civil du Québec. C'est donc en vertu des dispositions pertinentes du Code civil qu'il faudra déterminer la nature de ce contrat. Je reproduis ci-dessous les dispositions pertinentes du Code civil du Québec :

Contrat de travail

2085     Le contrat de travail est celui par lequel une personne, le salarié, s'oblige, pour un temps limité et moyennant rémunération, à effectuer un travail sous la direction ou le contrôle d'une autre personne, l'employeur.

2086     Le contrat de travail est à durée déterminée ou indéterminée.

Contrat d'entreprise ou de service

2098     Le contrat d'entreprise ou de service est celui par lequel une personne, selon le cas l'entrepreneur ou le prestataire de services, s'engage envers une autre personne, le client, à réaliser un ouvrage matériel ou intellectuel ou à fournir un service moyennant un prix que le client s'oblige à lui payer.

2099     L'entrepreneur ou le prestataire de services a le libre choix des moyens d'exécution du contrat et il n'existe entre lui et le client aucun lien de subordination quant à son exécution.

[13]     L'analyse des faits à la lumière des dispositions reproduites ci-haut m'a amené à conclure qu'il existait entre l'appelant et le payeur, un véritable contrat de louage de services, c'est-à-dire, un contrat de travail.

[14]     Il a été établi que les parties au contrat de travail étaient liées selon les dispositions pertinentes de la Loi de l'impôt sur le revenu. Il reste donc à déterminer si l'emploi de l'appelant est exclu en vertu du paragraphe 5(2) de la Loi, en raison du lien mentionné ci-haut. À ce propos, voici les dispositions pertinentes de la Loi :

(2) N'est pas un emploi assurable :

[...]

i) l'emploi dans le cadre duquel l'employeur et l'employé ont entre eux un lien de dépendance.

[...]

(3) Pour l'application de l'alinéa (2)i) :

[...]

            b) l'employeur et l'employé, lorsqu'ils sont des personnes liées au sens de cette loi, sont réputés ne pas avoir de lien de dépendance si le ministre du Revenu national est convaincu qu'il est raisonnable de conclure, compte tenu de toutes les circonstances, notamment la rétribution versée, les modalités d'emploi ainsi que la durée, la nature et l'importance du travail accompli, qu'ils auraient conclu entre eux un contrat de travail à peu près semblable s'ils n'avaient pas eu de lien de dépendance.

[15]     Donc, le Ministre a dû exercer son mandat que lui a prescrit le législateur sous l'alinéa 5(3)b) de la Loi et il a déterminé que les parties n'auraient pas été liées par un contrat à peu près semblable s'il n'y avait pas eu entre elles un lien de dépendance.

[16]     Dans l'exercice de son mandat, le Ministre a mené son analyse de l'emploi de l'appelant selon les critères énoncés à l'alinéa 5(3)b) de la Loi et selon les faits suivants notés au rapport sur un appel (pièce A-9) et tirés de documents inclus au dossier d'assurabilité :

Rétribution :

Durant l'année 2001 l'appelant avait été payé au tarif horaire de 14,75 $ durant 6 semaines alors que pour les 20 semaines suivantes il était rémunéré au tarif horaire de 8,00 $.

Durant l'année 2002 l'appelant était payé au tarif horaire de 8,00 $ durant 4 semaines alors que pour les 13 semaines suivantes (juin, octobre à décembre) il était rémunéré au tarif horaire de 12,00 $, alors que l'employé Simon Charron recevait soit 12,00 $, 15,00 $ ou 26,46 $ de l'heure.

Durant l'année 2003 Romain Dumont recevait 15,00 $ l'heure alors que le travailleur Simon Charron recevait soit 15,00 $ ou 27,25 $ selon les périodes de travail.

Il est à remarquer que selon le guide des salaires selon les professions au Québec, Emploi-Québec, le salaire moyen versé en l'année 2002 pour un menuisier-charpentier était de 18,95 $ de l'heure et celui d'un ébéniste était de 13,61 $ de l'heure, alors que l'appelant recevait moins que cela.

Aussi les deux actionnaires ont admis que l'appelant n'était pas toujours payé lorsqu'il travaillait (faits #9, 10, 25 et 46), que chacun d'eux devait faire sa part de bénévolat (fait #39). Quant à l'autre actionnaire, Sonia Tremblay, même si elle travaille à l'année pour le payeur elle ne se prend pas de salaire afin de donner une chance à la compagnie.

Également l'appelant a même ajouté que son salaire variait selon les capacités financières de l'entreprise (fait #11) et qu'il pouvait se contenter d'un salaire moins élevé mais que c'était impossible pour un étranger (fait #13). D'ailleurs, durant plusieurs périodes de travail en 2002 et 2003 le travailleur Simon Charron recevait un tarif horaire plus élevé que celui de l'appelant.

Enfin, l'appelant était payé par chèque à toutes les semaines travaillées, ils étaient encaissés normalement. Par contre pour l'année 2001 tous les numéros de chèque étaient successifs alors qu'en 2002 et 2003 il y en avait plusieurs.

Donc, les faits ci-haut mentionnés viennent confirmer qu'une personne étrangère n'accepterait pas un salaire variable selon les capacités financières du payeur et aurait été payée au tarif horaire normal.

Durée de l'emploi :

L'appelant ne travaillait pas à l'année longue alors que le payeur déclare des ventes à l'année (sauf décembre 2003). De plus, durant certaines périodes de travail le payeur préfère travailler le travailleur Martin Rodrigue (2001), Claude Bérubé (2002) et Simon Charron (2002-2003) au lieu de l'appelant.

En 2001, l'appelant avait travaillé de façon consécutive 26 semaines de la mi-juin au 9 décembre, alors qu'en 2002 il n'a travaillé que 1 semaine en février, mars et juin et reprise de façon consécutive pour 11 semaines de la mi-octobre à la fin décembre.

En 2003, il n'a travaillé que 5 semaines consécutives du 8 juin au 10 juillet, 3 semaines en août et 6 semaines consécutives du 14 septembre au 23 octobre.

Modalités d'emploi :

Romain Dumont travaillait soit à titre d'ébéniste dans un atelier au commerce ou soit à la rénovation chez les clients, et à cette occasion il arrivait qu'il travaillait en même temps que Simon Charron qui avait sa licence et qui était répondant pour le payeur.

Romain Dumont n'enregistrait aucunement ses heures de travail car l'autre actionnaire savait quand il travaillait. Son horaire de travail était normalement du lundi au vendredi de 8 h à 17 h totalisant 40 heures par semaine.

Romain Dumont avait investi plus de 30,000 $ d'outils personnels dans la compagnie et tout le matériel et équipement de menuiserie utilisé par l'appelant appartenait au payeur.

Romain Dumont rendait des services bénévolement en dehors de ses périodes de travail, ce que ne ferait pas une personne étrangère. De plus, nous avons relevé plusieurs factures sur lesquelles apparaît le nom de l'appelant alors qu'il n'était plus à l'emploi du payeur et que le payeur déclarait des recettes, soit 141 factures (sauf les semaines du 10 février, 3 mars, 23 juin où l'appelant travaillait).

En 2003, de janvier au début juin l'appelant ne travaillait pas et il avait signé 61 factures, en juillet il n'a travaillé qu'une semaine et il en a signé 20, alors qu'en novembre il ne travaillait pas et en avait signé 17.

Nature et importance du travail :

Les tâches de l'appelant étaient utiles à la bonne marche des affaires du payeur.

[17]     L'analyse de cette Cour doit porter sur la méthodologie du Ministre dans l'exercice de son mandat sous l'alinéa 5(3)b) de la Loi. Dans cette tâche, la Cour est guidée par le principe établi par la Cour d'appel fédérale dans l'arrêt Légaré c. Canada (ministre du Revenu national - M.R.N.) [1999] (A.C.F.) no 878 où le juge Marceau prononçait ce qui suit :

            La Loi confie au ministre le soin de faire une détermination à partir de la conviction à laquelle son examen du dossier peut le conduire. L'expression utilisée introduit une sorte d'élément de subjectivité et on a pu parler de pouvoir discrétionnaire du ministre, mais la qualification ne devrait pas faire oublier qu'il s'agit sans doute d'un pouvoir dont l'exercice doit se fonder pleinement et exclusivement sur une appréciation objective des faits connus ou supposés. Et la détermination du ministre n'est pas sans appel. La Loi accorde, en effet, à la Cour canadienne de l'impôt le pouvoir de la réviser sur la base de ce que pourra révéler une enquête conduite, là, en présence de tous les intéressés. La Cour n'est pas chargée de faire la détermination au même titre que le ministre et, en ce sens, elle ne saurait substituer purement et simplement son appréciation à celle du ministre : c'est ce qui relève du pouvoir dit discrétionnaire du ministre. Mais la Cour doit vérifier si les faits supposés ou retenus par le ministre sont réels et ont été appréciés correctement en tenant compte du contexte où ils sont survenus, et après cette vérification, elle doit décider si la conclusion dont le ministre était "convaincu" paraît toujours raisonnable.

[18]     Au terme de cet exercice, je dois conclure que les faits supposés ou retenus par le Ministre sont réels et ont été appréciés correctement en tenant compte du contexte où ils sont survenus.

[19]     En conséquence, la conclusion dont le Ministre était convaincu paraît toujours raisonnable, compte tenu des faits révélés à l'audition.

[20]     La preuve produite à l'audition par l'appelant n'a révélé aucun fait nouveau. Par contre, les témoignages de l'appelant et de sa conjointe, Sonia Tremblay, la seule actionnaire du payeur avec droit de vote, ont contredit leurs déclarations statutaires faites à Daniel Michaud, agent d'enquête au Développement des ressources humaines Canada sur plusieurs points importants dans ce litige.

[21]     En outre, ils ont tenté de discréditer le rôle qu'a joué l'agent Michaud dans son enquête. En voici quelques exemples; Madame Sonia Tremblay, en parlant de sa déclaration, a témoigné à l'audition :

Je n'avais pas le temps de donner des informations supplémentaires. Une question n'attendait pas l'autre. J'ai pas eu assez de temps. L'enquêteur a écrit ce qu'il a voulu. J'étais nerveuse, c'était des réponses qu'on me donnait, non des questions.

Madame Tremblay a été questionnée à l'audition sur la déclaration faite par l'appelant concernant le travail bénévole qu'il avait fait dans la préparation des soumissions pour la payeuse en 2003. Elle déclarait à l'audition :

Je comprends pas pourquoi c'est là... J'ai pas pu m'expliquer comme j'aurais voulu... Le bénévolat, c'est faux... Le salaire de Romain... c'est faux que c'est basé sur la capacité de la payeuse, c'est selon le contrat... J'ai signé la déclaration... Je l'ai lue, oui, mais... je ne me souviens pas de l'avoir lue.

On lui a demandé d'expliquer l'affirmation contenue dans sa déclaration selon laquelle, en raison des conditions financières parfois précaires du payeur, elle et l'appelant devaient tous les deux faire leur part de bénévolat. Elle a tout simplement affirmé que cette déclaration était fausse. Elle a ajouté que pendant l'entrevue avec l'enquêteur, elle était nerveuse.

[22]     Pour sa part, l'appelant a affirmé qu'en présence de l'enquêteur, il se sentait sous pression et il a qualifié de faux cette partie de sa déclaration qui parlait de bénévolat. Cependant, il a déclaré avoir signé la déclaration, même s'il n'en comprenait pas certains termes. Il a ajouté qu'il avait demandé des explications à l'enquêteur Michaud.

[23]     L'agent d'enquête Daniel Michaud a témoigné à l'audition. Il a confirmé que c'est lui qui a rédigé la déclaration signée par l'appelant. Il a expliqué qu'avant que celui-ci ne signe sa déclaration, il lui a donné le choix d'en faire la lecture lui-même ou de la lui relire. L'appelant a choisi d'en faire la lecture. Par la suite, il a demandé à l'appelant s'il désirait apporter des changements ou des additions à celle-ci. C'est alors que l'appelant lui a demandé de lui fournir des éclaircissements sur certains points, ce qui a amené l'agent à modifier la déclaration selon sa demande. Le témoignage de l'agent d'enquête Michaud a révélé à l'audition que ce sont là les circonstances entourant le recueil de la déclaration statutaire signée par l'appelant.

[24]     Les témoins Romain Dumont et Sonia Tremblay se sont déclarés nerveux devant l'agent d'enquête. Ils ont déclaré que les questions de l'agent se succédaient rapidement et qu'ils n'avaient pas vraiment la chance de s'expliquer.

[25]     Pourtant, en contre-interrogatoire, à l'audition, ils n'ont pas paru indûment nerveux, en dépit de la rigueur de l'interrogatoire.

[26]     L'appelant avait le fardeau de prouver la fausseté des présomptions du Ministre. Il ne l'a pas fait. Dans sa démarche, il a, à mon avis, injustement mis en cause l'intégrité de l'agent d'enquête. L'enquêteur Michaud a eu l'occasion d'expliquer à la Cour la procédure qu'il a suivi lors de son enquête. Son témoignage est manifestement digne de foi et je l'accepte comme tel.

[27]     Pour tous ces motifs, cette Cour ne reconnaît aucunement le bien-fondé d'intervenir dans la décision prise par le Ministre qui, à mon avis, a exercé son mandat selon que le prescrit le législateur.

[28]     Donc, l'appel est rejeté et la décision rendue par le Ministre est confirmée.

Signé à Grand-Barachois, Nouveau-Brunswick, ce 4e jour d'octobre 2005.

« S.J. Savoie »

Juge suppléant Savoie


RÉFÉRENCE :                                   2005CCI618

N º DU DOSSIER DE LA COUR :       2004-4264(EI)

INTITULÉ DE LA CAUSE :               Romain Dumont et M.R.N.

LIEU DE L'AUDIENCE :                    Québec (Québec)

DATE DE L'AUDIENCE :                  le 26 juillet 2005

MOTIFS DE JUGEMENT PAR :        L'honorable S.J. Savoie, Juge suppléant

DATE DU JUGEMENT :                    le 4 octobre 2005

COMPARUTIONS :

Avocat de l'appelante :

Me Takioullah Eidda

Avocat de l'intimé :

Me Sylvain Ouimet

AVOCAT INSCRIT AU DOSSIER :

       Pour l'appelant:

                   Nom :                              Me Takioullah Tidda

                   Étude :                             Eidda et Boudreau

                                                          Québec (Québec)

       Pour l'intimé :                              John H. Sims, c.r.

                                                          Sous-procureur général du Canada

                                                          Ottawa, Ontario

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