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Dossier : 2005-325(EI)

ENTRE :

RÉGIS FORTIN,

appelant,

et

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé.

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Appel entendu le 5 juillet 2005, à Chicoutimi (Québec).

Devant : L'honorable juge Alain Tardif

Comparutions :

Pour l'appelant :

L'appelant lui-même

Avocate de l'intimé :

Me Stéphanie Côté

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JUGEMENT

          L'appel interjeté en vertu du paragraphe 103(1) de la Loi sur l'assurance-emploi (la « Loi » ) est accueilli et la décision du ministre du Revenu national est modifiée au motif que l'appelant, lors des périodes du 16 avril 2001 au 19 octobre 2001 et du 21 novembre 2001 au 1er mai 2002, a exercé un travail assurable, au titre d'un véritable contrat de louage de services, selon les motifs du jugement ci-joints.

Signé à Ottawa, Canada, ce 27e jour de juillet 2005.

« Alain Tardif »

Juge Tardif


Référence : 2005CCI449

Date : 20050727

Dossier : 2005-325(EI)

ENTRE :

RÉGIS FORTIN,

appelant,

et

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé.

MOTIFS DU JUGEMENT

Le juge Tardif

[1]      Il s'agit d'un appel d'une décision du ministre du Revenu national en date du 12 janvier 2005 par laquelle l'intimé a décidé que le travail exécuté par l'appelant lorsqu'il était au service de 3094-1850 Québec inc., lors des périodes du 16 avril au 19 octobre 2001 et du 21 novembre 2001 au 1er mai 2002, n'était pas assurable.

[2]      L'appelant a témoigné d'une manière très franche et honnête. Il a admis la presque totalité des hypothèses de faits tenues pour acquis pour expliquer et justifier la décision. Situation assez particulière, tous les faits, mêmes ceux lui étant très préjudiciables, ont été obtenus de lui-même et cela, sans retenue aucune de sa part.

[3]      De façon très candide, l'appelant a expliqué qu'il voulait travailler dans le domaine de la construction. Pour obtenir les certificats de qualifications nécessaires, il devait suivre des cours tout en travaillant, préférablement dans ce domaine.

[4]      Selon son témoignage, totalement crédible, seule la société lui offrait la possibilité d'étudier tout en travaillant. La société en question avait mis sur pied un système de cumul d'heures ou de banque d'heures. Ainsi, toutes les heures de travail au-delà d'une semaine de travail normale étaient inscrites dans un registre de façon à compléter les semaines où il manquait des heures pour obtenir une paye complète.

[5]      L'intimé a soutenu que le travail exécuté par l'appelant devait être exclu des emplois assurables et cela, principalement parce que selon les divers constats, le travail litigieux avait été effectué dans le cadre d'un contrat d'entreprise et non pas d'un contrat de louage de services.

[6]      Le principal fondement de cette prétention a découlé de l'analyse de divers documents remis par l'appelant lui-même. Ces documents font état que l'appelant travaillait en compagnie d'un autre individu pour effectuer le travail, qui consistait à installer des portes et des fenêtres moyennant une rémunération à la pièce, soit tant pour une fenêtre et tant pour une porte.

[7]      L'équipe devait assumer tous les coûts pour l'achat de matériaux. Toutes ces dépenses étaient soustraites du montant convenu et le reste net était réparti sur des payes régulières de 40 heures.

[8]      L'appelant possédait également ses outils et utilisait son propre camion, dont les frais d'utilisation étaient totalement à sa charge.

[9]      Pour déterminer que le travail était non assurable, l'intimé a fait valoir, outre l'argument voulant qu'il s'agisse d'un contrat d'entreprise, que l'appelant a produit des relevés d'emploi qui ne reflétaient pas la réalité et qu'il avait de ce fait délibérément maquillé la réalité par de fausses et mensongères déclarations écrites, notamment relativement aux fiches qu'il avait complétées périodiquement pour recevoir des prestations d'assurance-emploi.

[10]     La preuve documentaire analysée par l'intimé et les renseignements fournis par l'appelant lui-même permettaient de tirer de telles conclusions, créant ainsi une forte présomption du bien-fondé de la décision.

[11]     Les témoignages de l'appelant et de sa conjointe ont cependant soulevé des éléments très particuliers. Témoignant avec une candeur et une franchise qui l'honorent, l'appelant a expliqué qu'il avait à coeur d'obtenir un jour tous ses certificats de qualification pour oeuvrer dans le domaine de la construction. Pour ce faire, il devait obtenir de l'expérience pratique, mais aussi suivre des cours.

[12]     Le fait de suivre des cours avait des conséquences sur les heures où il pouvait travailler et seulement la société 3094-1850 Québec inc., selon lui, voulait l'engager lorsqu'il n'avait pas à aller à des cours. Responsable d'une petite famille composée de sa compagne et de deux enfants, il était dans un carcan qui le rendait très vulnérable, le plaçant même dans une situation qu'il a lui-même décrite comme extrêmement difficile et contraire à ses principes d'homme honnête et responsable.

[13]     Au début, il recevait un salaire de 12 $ l'heure pour l'exécution de son travail, même s'il devait fournir outils et camions. Outre ces contraintes, il devait suivre ses cours et voir aux besoins de sa famille. N'étant manifestement pas en mesure de faire face à toutes ses obligations, il a demandé une augmentation de salaire à 15 $ l'heure.

[14]     Plutôt que de lui accorder l'augmentation réclamée, la société pour laquelle il travaillait a changé complètement la façon de le rémunérer, créant ainsi une présomption qu'il serait, dans les faits, un travailleur autonome.

[15]     Méfiant et très suspect quant à la façon de faire de son employeur, la société 3094-1850 Québec inc., l'appelant ne prend pas de risque et consigne dans un registre personnel toutes les données lui permettant de vérifier si son travail est correctement rémunéré. Il a d'ailleurs lui-même fourni ces documents à l'intimé qui les a utilisés pour affirmer que l'appelant était un travailleur autonome et que le travail exécuté l'a été dans le cadre d'un contrat d'entreprise.

[16]     Il ne s'agit pas d'un dossier où la décision consiste à choisir entre le blanc et le noir. Plusieurs éléments expliquent, voire même justifient la décision. Par contre, il est tout aussi évident que l'appelant s'est vu imposer certaines conditions avec lesquelles il n'était pas d'accord.

[17]     Doit-on appliquer la maxime « Qui ne dit mot, consent » ? L'appelant a-t-il tacitement accepté toutes les conditions? Le silence de l'appelant en cours d'exécution de ce travail doit-il être interprété comme étant une tacite complicité? S'agissait-il d'un aveuglement volontaire?

[18]     Ce sont là autant de questions auxquelles les réponses ne sont pas, en l'espèce, évidentes.

[19]     Par contre, la preuve a aussi établi que l'appelant était une personne très honnête, franche, et surtout manifestement responsable quant à ses obligations. À cela s'ajoutait sa ferme volonté d'obtenir un jour ses certificats de qualification. Il a d'ailleurs obtenu ses certificats et est devenu de ce fait plus indépendant.

[20]     Dans ce contexte très particulier, il m'est apparu assez évident que l'appelant n'avait pas, eu égard à l'importance des contraintes (peu de chance de travail disponible, volonté de terminer ses études, désir profond de faire face à ses responsabilités familiales), la liberté de refuser les conditions et la façon de faire de la société 3094-1850 Québec inc.

[21]     Pour toutes ces raisons, avec une certaine hésitation, je fais droit à l'appel et je détermine que l'appelant, lors des périodes en litige, a exécuté le travail litigieux au titre d'un véritable contrat de louage de services.

Signé à Ottawa, Canada, ce 27e jour de juillet 2005.

« Alain Tardif »

Juge Tardif


RÉFÉRENCE :                                             2005CCI449

NO DU DOSSIER DE LA COUR :                2005-325(EI)

INTITULÉ DE LA CAUSE :                         RÉGIS FORTIN et M.R.N.

LIEU DE L'AUDIENCE :                              Chicoutimi (Québec)

DATE DE L'AUDIENCE :                            le 5 juillet 2005

MOTIFS DE JUGEMENT PAR :                  L'honorable juge Alain Tardif

DATE DU JUGEMENT :                              le 27 juillet 2005

COMPARUTIONS :

Pour l'appelant :

L'appelant lui-même

Avocate de l'intimé :

Me Stéphanie Côté

AVOCAT(E) INSCRIT(E) AU DOSSIER :

       Pour l'appelant :

       Pour l'intimé :                              John H. Sims, c.r.

                                                          Sous-procureur général du Canada

                                                          Ottawa, Canada

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