Jugements de la Cour canadienne de l'impôt

Informations sur la décision

Contenu de la décision

 

 

 

Dossier : 2003-1948(IT)I

ENTRE :

VINCENT ESPOSITO,

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

 

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

____________________________________________________________________

 

Appel entendu le 7 janvier  2004 à Toronto (Ontario)

 

Devant : L’honorable juge J.M. Woods

 

Comparutions :

 

Représentant de l’appelant :

Ian DiNovo

 

Avocats de l’intimée :

Annette Evans

Jonathon Penney, étudiant en droit

____________________________________________________________________

 

JUGEMENT

 

L’appel concernant la cotisation établie en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu (la Loi) pour l’année d’imposition 2001 est rejeté.

 


Signé à Ottawa, Canada, ce 24e jour de février 2004.

 

 

 

« J.M. Woods »

Juge J.M. Woods

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 28e jour d’avril 2005.

 

 

 

Colette Dupuis-Beaulne, traductrice


 

 

 

Référence : 2004TCC102

Date : 20040224

Dossier : 2003-1948(IT)I

ENTRE :

VINCENT ESPOSITO,

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

[ TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE ]

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

Le Juge Woods

 

[1]     Vincent Esposito est  un policier des services de la police régionale de Peel. En octobre 2000, il a été accusé de voies de fait sur un prisonnier et, après un long procès, il a été acquitté et entièrement disculpé. La question qui se pose dans la présente affaire est de savoir si les frais judiciaires de 4 600 $ payés par M. Esposito à son avocat au cours de l’année d’imposition 2001 sont déductibles dans le calcul du revenu tiré d’un emploi.

 

[2]     En Octobre 2000, M. Esposito et son confrère ont été accusés, en vertu  du Code criminel, de voies de fait causant des lésions corporelles contre l’un des prisonniers alors qu’ils étaient agents de poste chargés d’assurer la surveillance des prisonniers entrant dans les cellules et sortant des cellules. Au moment de leur arrestation, les policiers ont été suspendus temporairement. En novembre 2000, ils ont été réintégrés et affectés à des tâches différentes. En avril ou mai 2003, M. Esposito a été acquitté des  accusations au criminel après un procès de onze jours, et il travaille encore dans les services de la police régionale de Peel.

 

[3]     En plus des accusations au criminel, des accusations portées en vertu de la Loi sur les services policiers pesaient également contre M. Esposito. Plutôt que de faire face à d’autres batailles judiciaires, M. Esposito a plaidé coupable à ces accusations. Il a été condamné à 20 jours de travail sans solde. Il a aussi eu une rétrogradation d’une année – passant de constable de première classe à constable de deuxième classe, qui était accompagnée d’une réduction de salaire. La rétrogradation a pris effet vers juin  2003.

 

[4]     Si  M. Esposito avait été trouvé coupable des accusations au criminel, il aurait été renvoyé et n’aurait pas pu travailler en tant que policier. Selon les procédures policières, M. Esposito a reçu la directive de recourir à un avocat pour se défendre dans le cadre de ces accusations.  Les frais judiciaires engagés étaient d’environ 72 000 $, dont 40 000 $ ont été remboursés par le syndicat des policiers, ce qui fait que M. Esposito a en réalité dépensé environ 32 000 $. Un montant de 4 600 $ de ces dépenses a été engagé par M. Esposito au cours de l’année d’imposition 2001. C’est la déduction de ce montant qui fait l’objet du présent appel. Le montant des dépenses et le fait que celles-ci aient été engagées dans le cadre des accusations au criminel ne sont pas en cause.

 

Analyse

 

[5]     Le représentant de M. Esposito soutient que les frais judiciaires ont été engagés pour permettre à M. Esposito de travailler à titre de policier et que de ce fait, ils sont déductibles en vertu de l’alinéa 8(1)b) de la Loi de l’impôt sur le revenu parce qu’ils se rapportent à des activités productives de revenu.

 

[6]     L’alinéa 8(1)b) permet une déduction pour les frais judiciaires engagés pour recouvrer un salaire qui est dû à un contribuable. Voici ce qu’il stipule :

 

 

(1) Sont déductibles dans le calcul du revenu d'un contribuable tiré, pour une année d'imposition, d'une charge ou d'un emploi ceux des éléments suivants qui se rapportent entièrement à cette source de revenus, ou la partie des éléments suivants qu'il est raisonnable de considérer comme s'y rapportant : […]

 

b)         les sommes payées par le contribuable au cours de l'année au titre des frais judiciaires ou extrajudiciaires qu'il a engagés pour recouvrer le traitement ou salaire qui lui est dû par son employeur ou ancien employeur ou pour établir un droit à ceux-ci.

 

 (je souligne)

 

[7]     Lors de l’audience, M. Esposito n’a pas indiqué que les frais judiciaires avaient été engagés pour recouvrer le salaire ou le traitement qui lui était dû par l’employeur, et ceci porte un coup fatal à sa demande de déduction en vertu de l’alinéa 8(1)b). La formulation de l’alinéa 8(1)b) est claire quant à ce critère (passage souligné), et les tribunaux ont systématiquement rejeté toute demande de déduction en vertu de ces dispositions législatives, à moins que cette exigence ne soit satisfaite : Turner-Lienaux v. The Queen, [1997] 2 C.T.C. 344 (C.A.F.) et Wilson v. The Queen, 91 DTC 5407 (C.A.F.). Selon la preuve présentée à l’audience, les frais judiciaires engagés par la défense pour les accusations au criminel l’ont été pour protéger une source de revenus futurs. Ils n’ont pas été engagés pour recouvrer un salaire qui était dû.

 

[8]     Le représentant de M. Esposito laisse entendre que la déduction en vertu de l’alinéa 8(1)b) est appuyée par le numéro trois du bulletin d’interprétation IT-99R5 (Consolidé), Frais juridiques et comptables, daté du 14 décembre 2000. Ce bulletin n’apporte aucune aide. Le numéro trois indique que les frais juridiques sont déductibles s’ils sont engagés pour tirer un revenu d’une entreprise ou d’un bien. Les frais juridiques engagés par M. Esposito se rapportent à un emploi et non à une entreprise ou un bien.

 

[9]     Au cours de la plaidoirie, le représentant de M. Esposito a fait valoir qu'il pourrait y avoir d’autres articles de la Loi qui appuient la déduction. Dans une déclaration écrite reçue après l’audience, le représentant affirme qu’une déduction est permise en vertu de l’alinéa 8(1)i). Il déclare que cet alinéa autorise une déduction pour toute dépense engagée par un contribuable pour gagner un revenu tiré d’un emploi.

 

[10]    L’alinéa 8(1)i) n’a pas une portée aussi large que le prétend le représentant de M. Esposito. Il autorise une déduction pour des dépenses précises, notamment les cotisations de membre, le coût des fournitures, le loyer de bureau et le salaire d’un adjoint. Ces dépenses ne comprennent pas les frais judiciaires; par conséquent, l’alinéa 8(1)i) n’est d’aucune aide pour la présente affaire.

 

[11]    La déclaration écrite présente aussi une autre  argumentation basée sur l’alinéa 8(1)b). Elle laisse entendre qu’au cours de l’année 2001, année à laquelle se rapportent les frais judiciaires, M. Esposito a été rétrogradé et a reçu une rémunération moindre à la suite de l’incident en question. Aucune preuve n’a été présentée à l’audience concernant la rétrogradation et la rémunération moindre en 2001. Voici un extrait de la transcription du témoignage de M. Esposito concernant la  suspension temporaire au moment de l’arrestation :

 

                   [TRADUCTION]

 

… nous avons été officiellement arrêtés et accusés de cette infraction. On nous a pris les empreintes, photographiés et mis en suspension temporaire à ce moment. … J’ai été affecté au palais de justice pour un travail régulier à des fonctions différentes, mais avec la qualité complète de policier en novembre 2000.

 

Tiré du même témoignage, l’extrait suivant se rapporte aux accusations portées en vertu de la Loi sur les services de police  :

 

                  [TRADUCTION]

 

J’ai aussi été rétrogradé et je suis passé de constable de première classe à constable de deuxième classe, ce qui équivaut approximativement à une diminution de salaire d’environ 7 000,00 à 8 000,00 $, et ce, pendant une année, et je pense que c’était à partir de juin 2003.

 

[12]    Selon ce témoignage, M. Esposito a été affecté à d’autres tâches peu après son arrestation en octobre 2000, mais il n’y a aucune preuve qu’il a été rétrogradé et que sa rémunération a été diminuée avant 2003. En conséquence, il n’y a en ce qui me concerne aucune preuve clairement établie pour appuyer une déduction en vertu de l’alinéa 8(1)b) en se fondant sur le fait que les frais judiciaires engagés en 2001 ont été engagés pour recouvrer un salaire gagné ou établir un droit à celui-ci.

 

[13]    Le représentant de M. Esposito prétend aussi que la déduction de ce type de frais devrait être acceptée comme conforme à l’esprit de la Loi. Je ne peux accepter son point de vue. Au sens du paragraphe 8(2) de la Loi, la déduction des dépenses dans le calcul du revenu tiré d’un emploi est limitée aux montants explicitement prévus par l’article 8. Le paragraphe 8(2) stipule :

 

(2) Seuls les montants prévus au présent article sont déductibles dans le calcul du revenu d’un contribuable tiré, pour une année d’imposition, d’une charge ou d’un emploi.

 

En plus de l’article 8, l’article 60 de la Loi permet la déduction de certains frais judiciaires. Par exemple, l’alinéa 60(o.1) autorise la déduction, dans certaines limites, des frais judiciaires engagés pour recouvrer une allocation de retraite ou pour établir un droit à celle-ci, telle qu’elle est définie au paragraphe 248(1). Le représentant de M. Esposito n’a pas indiqué que cet article s’applique et, compte tenu des faits présentés à l’audience, il est clair qu’il ne s’applique pas.

 

[14]    L’appel est rejeté.

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 24e jour de février 2004.

 

 

 

« J.M. Woods »

Juge J.M. Woods

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 28e jour d’avril 2005.

 

 

 

Colette Dupuis-Beaulne, traductrice

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.