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Dossier : 2002-2257(IT)G

ENTRE :

LA COMPAGNIE PÉTROLIÈRE IMPÉRIALE LIMITÉE,

appelante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

____________________________________________________________________

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

Renvoi entendu le 25 novembre 2003 à Toronto (Ontario)

Devant : L’honorable juge Campbell J. Miller

 

Comparutions :

 

Avocats de l’appelante :

Al Meghji et Lara H. Pella

Avocats de l’intimée :

Luther Chambers, c.r., et

Rhonda L. Nahorniak

____________________________________________________________________

 

DÉCISIONS SUR DES QUESTIONS

EN APPLICATION DU PARAGRAPHE 173(1) DE LA LOI DE L’IMPÔT SUR LE REVENU

 

Sur entente des parties déposée le 14 octobre 2003, la Cour doit se prononcer sur les questions suivantes en application du paragraphe 173(1) de la Loi de l’impôt sur le revenu :

 

a)       Quelle fraction, s’il en est, de ladite somme de 27 831 712 $CAN est déductible en application du sous‑alinéa 20(1)f)(i) de la Loi?

 

b)      Quelle fraction, s’il en est, de ladite somme de 27 831 712 $CAN est déductible en application du sous‑alinéa 20(1)f)(ii) de la Loi?

 

c)       Quelle fraction, s’il en est, de ladite somme de 27 831 712 $CAN est une perte en capital selon le paragraphe 39(2) de la Loi?

 

Les avocats des parties ayant été entendus :

 

Il est statué sur les questions de la façon suivante :

 

a)       La somme de 1 548 325 $CAN est déductible en vertu du sous‑alinéa 20(1)f)(i).

 

          b)      Aucune somme n’est déductible selon le sous‑alinéa 20(1)f)(ii).

 

c)       La somme de 26 283 387 $CAN est la perte en capital selon le paragraphe 39(2) de la Loi.

 

          Aucuns dépens ne seront adjugés.

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 10e jour de mars 2004.

 

 

 

"Campbell J. Miller"

Le juge Miller

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 5e jour de mai 2005.

 

 

 

Colette Dupuis-Beaulne, traductrice


 

 

 

 

Référence : 2004CCI207

Date : 20040310

Dossier : 2002-2257(IT)G

ENTRE :

LA COMPAGNIE PÉTROLIÈRE IMPÉRIALE LIMITÉE,

appelante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

MOTIFS DES DÉCISIONS

 

Le juge Miller

 

[1]     Il s’agit d’un renvoi à la Cour canadienne de l’impôt pour qu’elle se prononce sur certaines questions soulevées dans l’appel conformément aux dispositions du paragraphe 173(1) de la Loi de l’impôt sur le revenu (la Loi). Les questions portent sur l’application adéquate de l’alinéa 20(1)f) et du paragraphe 39(2) de la Loi en ce qui a trait aux pertes sur change.

 

[2]     En 1989, la pétrolière Impériale a émis des débentures américaines pour une valeur nominale totale de 300 000 000 $US, selon un escompte de 1,199 p. 100. Dix ans plus tard, au moment du rachat d’une partie des débentures d’une valeur nominale de 87 130 000 $US, le dollars américain s’était apprécié vis‑à‑vis du dollar canadien pour passer d’un taux de 1,1766 $CAN à 1,48192 $CAN, ce qui a entraîné une perte sur rachat de 27 831 712 $CAN (voir l’annexe A). L’appelante soutient que cette somme est, en vertu de l’alinéa 20(1)f), intégralement déductible dans le calcul du revenu de 1999 de la pétrolière Impériale (voir l’annexe B). Le ministre du Revenu national (le ministre) affirme que seule la somme de 1 229 181 $CAN est déductible en application de l’alinéa 20(1)f), étant donné qu’elle seule correspond à l’escompte initial d’émission, le solde constituant une perte en capital selon les dispositions du paragraphe 39(2) (voir l’annexe C).

 

[3]     Renvoi est fait de trois questions :

 

a)       Quelle fraction, s’il en est, de ladite somme de 27 831 712 $CAN est déductible en application du sous‑alinéa 20(1)f)(i) de la Loi?

 

b)      Quelle fraction, s’il en est, de ladite somme de 27 831 712 $CAN est déductible en application du sous‑alinéa 20(1)f)(ii) de la Loi?

 

c)       Quelle fraction, s’il en est, de ladite somme de 27 831 712 $CAN est une perte en capital selon le paragraphe 39(2) de la Loi?

 

[4]     Il faut interpréter l’alinéa 20(1)f) dans son ensemble et, par référence à une méthode du professeur Elmer A. Driedger qu’on invoque souvent, dans son contexte, d’une manière qui s’harmonise avec l’esprit de la Loi, l’objet de la Loi et l’intention du législateur. Les positions des deux parties sont fondées sur ce qu’elles appellent le « principe Gaynor », qui, soutiennent‑elles, exige la conversion en dollars canadiens de chaque élément de la formule prévue à l’alinéa 20(1)f). En se fondant sur ce principe, elles restreignent alors leur désaccord au taux de change à appliquer (celui de 1989 ou celui de 1999?) à l’expression – « principal du titre ». Je conteste ce recours à l’arrêt Gaynor et je conclus, après examen de cet arrêt, de même que de précédents du Royaume‑uni, que les parties ont donné en cette espèce une interprétation trop large.

 

[5]     Je démontre qu’en mélangeant les taux de change dans la formule prévue à l’alinéa 20(1)f), les parties rendent la disposition ambiguë. Il devient alors nécessaire d’aller au‑delà du sens ordinaire et grammatical des termes pour se pencher sur l’objet et l’esprit de la Loi et sur l’intention du législateur. En suivant cette méthode, j’en infère que la disposition n’avait pas pour but de permettre une déduction des pertes sur change au titre du capital. La formule prévue à la disposition doit être calculée en dollars américains et le résultat converti en dollars canadiens, ou encore elle doit être entièrement calculée en dollars canadiens de 1999 (voir l’annexe D). Les deux méthodes permettent, l’une comme l’autre, d’établir que l’alinéa 20(1)f) s’applique pour autoriser la pétrolière Impériale à déduire l’escompte de 1,199 p. 100 en dollars canadiens de 1999, soit 1 548 145 $CAN, le solde constituant une perte en capital selon le paragraphe 39(2).

 

Les faits

 

[6]     Étant donné que les faits dont les parties ont convenu pour ce renvoi ne sont pas très longs, je reproduirai simplement les passages pertinents :[1]

 

(1)        Pendant toute la période pertinente, l’appelante était une société dont l’activité principale consistait à raffiner, à commercialiser et à transporter du pétrole et des produits pétroliers.

 

(2)        Le 16 octobre 1989, l’appelante a émis trois débentures à fonds d’amortissement à 100 000 000 $US chacune, pour une somme totale de 300 000 000 $US, à un taux d’intérêt de 8,75 p. 100 par année, remboursable en 2019.

 

(3)        Lesdites débentures ont été émises en vertu d’un contrat bilatéral, en date du 15 octobre 1989, entre l’appelante et la Société de fiducie Banque de Montréal (le « contrat bilatéral »).

 

[...]

 

(5)        Lesdites débentures ont été offertes au grand public à une valeur inférieure à leur valeur nominale, à savoir selon un escompte de 1,199 p. 100, correspondant globalement à 3 597 000 $US (l’« escompte »). Le montant obtenu de cette émission publique le 16 octobre 1989, exprimé en pourcentage de la valeur nominale des débentures, équivalait par conséquent à 98,801 p. 100, soit à un montant global en dollars de 296 403 000 $US (le « montant escompté »).

 

(6)        Le taux de rendement des débentures était de 8,86 p. 100.

 

(7)        Après déduction de la commission de placement de 2 625 000 $US du produit du montant escompté, l’appelante a tiré, de l’émission desdites débentures, une somme nette de 293 778 000 $US.

 

[..]

 

(9)        L’appelante a déposé ladite somme de 293 778 000 $US à la Banque Royale du Canada à New York (New York), et s’en est servie dans le cadre du refinancement de l’achat des actions de Texaco Canada Inc.

 

(10)      Aux termes desdites débentures, un intérêt était payable en dollars américains semestriellement, soit le 15 avril et le 15 octobre, à compter du 15 avril 1990. L’appelante a déduit l’équivalent en dollars canadiens de ces paiements d’intérêt conformément à l’alinéa 20(1)c) de la Loi. La déductibilité de ces intérêts ne soulève aucun différend entre l’appelante et l’intimée.

 

(11)      Aux termes desdites débentures, elles étaient rachetables en totalité ou en partie, au gré de l’appelant, à n’importe quel moment à partir du 15 octobre 1999, à des prix de rachat prédéterminés.

 

(12)      Le 15 octobre 1999, l’appelante a choisi de racheter une partie de ses débentures de 300 000 000 $US, à une valeur nominale de 87 130 000 $US (le « montant du rachat »).

 

[...]

 

(14)      La fraction de l’escompte ayant trait au montant du rachat s’établissait à 1 044 689 $US (87 130 000 $US x 0,01199), et la fraction du montant escompté se rapportant au montant du rachat était de 86 085 311 $US.

 

(15)      Le taux de conversion du dollar américain en dollar canadien de la Banque du Canada était de 1,17660 à midi le 16 octobre 1989. En conséquence, l’équivalent en dollars canadiens du montant du rachat ce jour‑là se chiffrait à 102 517 158 $CAN (87 130 000 $US x 1,17660). L’équivalent en dollars canadiens de la fraction du montant escompté se rapportant au montant du rachat s’établissait à 101 287 977 $CAN (86 085 311 $US x 1,17660).

 

(16)      Le 15 octobre 1999, l’appelante a acheté pour 87 130 000 $US au coût de 129 119 689 $CAN (87 130 000 $US x 1,48192) afin d’acquitter le montant du rachat payer les débentures rachetées. Le taux de change de 1,48192 du dollar américain par rapport au dollar canadien ce jour‑là ne donne lieu à aucun litige entre l’appelante et l’intimée.

 

Analyse

 

Introduction

 

[7]     Je vais tout d’abord reproduire le sous‑alinéa 20(1)f)(i) :

 

 

20(1)    Malgré les alinéas 18(1)a), b) et h), sont déductibles dans le calcul du revenu tiré par un contribuable d’une entreprise ou d’un bien pour une année d’imposition celles des sommes suivantes qui se rapportent entièrement à cette source de revenus ou la partie des sommes suivantes qu’il est raisonnable de considérer comme s’y rapportant :

 

            ...

 

f)          une somme payée au cours de l’année en acquittement du principal de quelque obligation, effet, billet, créance hypothécaire ou titre semblable émis par le contribuable après le 18 juin 1971 et sur lequel un intérêt a été déclaré payable, dans la mesure où la somme ainsi payée ne dépasse pas :

 

(i)         chaque fois que le titre a été émis pour une somme non inférieure aux 97 % de son principal et que le rendement du titre, exprimé en pourcentage annuel de la somme pour laquelle il a été émis (pourcentage annuel qui doit, si les conditions d’émission du titre ou les dispositions d’une convention y afférente donnaient à leur détenteur le droit d’exiger le paiement du principal du titre ou de la somme restant à rembourser sur ce principal avant l’échéance de ce titre, être calculé sur la base du rendement qui permet d’obtenir le pourcentage annuel le plus élevé possible soit à l’échéance du titre, soit sous réserve de l’exercice de tout droit de ce genre) ne dépasse pas les 4/3 de l’intérêt déclaré payable sur le titre, exprimé en pourcentage annuel :

 

(A)       du principal du titre, si aucune somme n’est payable sur le principal avant l’échéance du titre,

(B)       de la somme restant à rembourser sur le principal du titre, dans les autres cas,

 

l’excédent du moins élevé du principal du titre et du total des sommes payées au cours de l’année ou d’une année antérieure en acquittement du principal de ce titre sur la somme pour laquelle le titre a été émis,

 

(ii)        [...]

 

[8]     Les parties conviennent que les critères minimaux énoncés au sous‑alinéa 20(1)f)(i) ont été remplis en l’espèce, et que c’est par conséquent ce sous‑alinéa et non le sous‑alinéa 20(1)f)(ii) qui est en cause dans le présent renvoi.

 

[9]     Bien que cette disposition comporte 14 mentions du terme « somme », seules les sommes suivantes nous intéressent vraiment dans ce renvoi :

 

          (A)     le « principal du titre »;

          (B)     le « total des sommes payées au cours de l’année en acquittement du principal de ce titre »;

          (C)     la « somme pour laquelle le titre a été émis ».

 

La formule contenue à l’alinéa 20(1)f) peut être exprimée mathématiquement de la façon suivante :

X =    (le moindre de A et B) – C

 

X étant la somme déductible que nous tentons d’établir. Nul ne conteste que la somme doit être déterminée en dollars canadiens.

 

A       correspond au principal du titre. Nul ne conteste que le principal est de 87 130 000 $US. Il y a litige sur la question de savoir quel est l’équivalent en dollars canadiens, l’équivalent en dollars canadiens de 1989 (102 517 158 $) ou l’équivalent en dollars canadiens de 1999 (129 119 689 $), qui est en fait le seul point en litige selon les parties.

 

B       correspond à la somme payée au cours de l’année en acquittement du principal. Nul ne conteste que la somme est de 87 130 000 $US et 129 119 689 $CAN.

 

C       est la somme pour laquelle le titre a été émis. Il n’est pas contesté que la somme est de 86 085 311 $US. Les parties s’entendent aussi pour dire que cette somme représente 101 287 977 $CAN, étant donné le taux de change de 1,17660 au moment de l’émission. J’élaborerai sur ce sujet plus loin.

 

[10]    Le problème se pose du fait que, même si le principal est demeuré constant en dollars américains, le taux de change a fluctué de façon spectaculaire entre le moment de l’émission et celui du rachat.

 

La position des parties

 

[11]    Les deux parties ont tenté de motiver le taux de change approprié à appliquer à l’élément A. L’appelante affirme que les éléments A et B sont les mêmes, c’est‑à‑dire que le principal du titre et la somme payée en acquittement du principal doivent être déterminés tous les deux au moment du rachat lorsque le taux de change était de 1,48192. Le ministre soutient pour sa part que le principal du titre est établi au moment de l’émission, c’est‑à‑dire 87 130 000 $US au taux de change de 1,17660, et qu’il ne varie jamais. Bien entendu, les résultats diffèrent radicalement, comme on le constate aux annexes B et C.

 

[12]    L’appelante prétend que sa position respecte les principes fondamentaux d’interprétation des lois reconnus par le professeur Driedger et qu’elle tient compte du contexte de l’expression « le principal du titre ». M. Meghji recourt aussi abondamment à la logique. Il s’appuie en outre sur l’affaire Steffen E. Waltz c. La Reine,[2] dans laquelle il a été établi qu’en l’absence d’une disposition législative contraire, le « principal » doit être calculé au moment de la disposition, ou en l’espèce, au moment du rachat. L’appelante se fonde également sur la définition de « principal » au paragraphe 248(1) de la Loi, qui fait référence à « la somme maximale […] payable […] au titre de l’obligation ». L’appelante invoque enfin les propres politiques administratives du gouvernement du Canada par référence aux décisions anticipées rendues et aux interprétations techniques faites par l’Agence des douanes et du revenu du Canada (ADRC) sur l’application de l’alinéa 20(1)f) à d’autres titres, débentures échangeables, prêts basés sur le cours des produits agricoles et débentures convertibles. Dans tous ces cas, le « principal » a été calculé au moment du remboursement. Pour des motifs qui apparaîtront évidents, je ne m’étendrai pas sur les prétentions de M. Meghji autrement que pour préciser que je les estime convaincantes eu égard à l’interprétation particulière du terme « principal ».

 

[13]    L’intimée emprunte une voie semblable à celle de l’appelante en ce qu’elle juge elle aussi nécessaire de débattre le taux à appliquer au « principal » : le taux au moment de l’émission ou le taux au moment du rachat. Elle estime que c’est le taux au moment où la dette prend effet. Elle invoque à l’appui le paragraphe 248(26), qui porte ce qui suit :

 

248(26) Il est entendu que, dans le cas où une personne ou une société de personnes (appelées « débiteur » au présent paragraphe) devient obligée, à un moment donné, de rembourser de l’argent qu’elle a emprunté ou de payer un montant (sauf des intérêts) soit en contrepartie d’un bien qu’elle a acquis ou de services qui lui ont été rendus, soit qui est déductible dans le calcul de son revenu, l’obligation est considérée, pour l’application des dispositions de la présente loi concernant le traitement du débiteur par rapport à l’obligation, comme une dette émise par le débiteur à ce moment dont le principal, à ce moment, est égal au montant alors à rembourser ou à payer.

 

[14]    Cette disposition ne va pas aussi loin que l’intimée le prétend; elle précise seulement que le principal est établi au moment de l’émission. Elle ne prévoit pas que le principal sera toujours le principal établi au taux en vigueur au moment de l’émission d’une dette en devise étrangère. De plus, les Notes explicatives donnent à entendre que l’objet de cette disposition a davantage à voir avec le moment de l’émission d’une dette pour l’application de l’article 80, qu’avec toute application possible de l’alinéa 20(1)f)[3]. Mais, fait valoir l’intimée, l’utilisation de sa méthode conduit à un résultat logique, c’est‑à‑dire que seul le coût engendré par la pétrolière Impériale, qui s’oblige elle‑même à payer à son créancier une somme supérieure à celle qu’elle a reçue, constitue la dépense déductible au titre de la dette. La perte découlant du taux de change n’est rien d’autre qu’une perte sur change; elle n’est pas une perte découlant de l’escompte prévu au contrat.

 

[15]    L’intimée passe ensuite à une étude du paragraphe 39(2), qui traite précisément des gains et des pertes résultant des fluctuations des taux de change. Il porte ce qui suit :

 

39(1)    Pour l’application de la présente loi,

 

...

 

(2)        Malgré le paragraphe (1), lorsque, par suite de toute fluctuation, postérieure à 1971, de la valeur de la monnaie ou des monnaies d’un ou de plusieurs pays étrangers par rapport à la monnaie canadienne, un contribuable a réalisé un gain ou subi une perte au cours d’une année d’imposition, les règles suivantes s’appliquent :

 

a)         est réputé être un gain en capital du contribuable pour l’année, tiré de la disposition de la monnaie d’un pays étranger, gain en capital qui est le montant déterminé en vertu du présent alinéa, l’excédent éventuel :

(i)         du total de ces gains réalisés par le contribuable au cours de l’année (jusqu’à concurrence du montant de ceux‑ci qui, si l’article 3 était lu de la manière indiquée à l’alinéa 1a) du présent article, ne seraient pas inclus dans le calcul de son revenu pour l’année ou pour toute autre année d’imposition),

sur :

 

(ii)        le total des pertes subies par le contribuable au cours de l’année (jusqu’à concurrence des montants de celles‑ci qui, si l’ article 3 était lu de la manière indiquée à l’alinéa 1a) du présent article, ne seraient pas déductibles dans le calcul de son revenu pour l’année ou pour toute autre année d’imposition),

 

(iii)       si le contribuable est un particulier, 200 $;

 

b)         est réputée être une perte en capital du contribuable pour l’année, résultant de la disposition de la monnaie d’un pays étranger, perte en capital qui est le montant déterminé en vertu du présent alinéa, l’excédent éventuel :

 

(i)         du total déterminé en vertu du sous‑alinéa a)(ii),

 

sur :

 

(ii)        le total déterminé en vertu du sous‑alinéa a)(i),

(iii)       si le contribuable est un particulier, 200 $.

 

On suit facilement la logique de l’intimée lorsqu’elle conclut qu’une perte sur change est la différence entre la valeur en dollars canadiens du montant du rachat (87 130 000 $US) au moment du rachat, soit 129 119 689 $CAN (au taux de 1,48192), et la valeur en dollars canadiens du montant du rachat au moment de l’émission, soit 87 130 000 $US ou 102 517 158 $CAN (au taux de 1,17660). La différence est de 26 602 531 $CAN.

 

[16]    Toutefois, cette méthode revient à mettre la charrue devant les bœufs. Dans l’ordonnancement de la Loi, les pertes sur change prévues au paragraphe 39(2) viennent seulement après que la déduction pertinente prévue à l’article 20 a été faite. Je n’admets donc pas qu’on puisse calculer ce qui semble logique en vertu du paragraphe 39(2) et qu’on revienne en arrière pour restreindre une déduction prévue à l’alinéa 20(1)f). Il n’est pas question de dispositions particulières qui l’emportent sur des dispositions générales; il est davantage question de la façon dont la Loi fournit une feuille de route pour le calcul du revenu, principalement à l’article 3. Les déductions prévues à l’alinéa 20(1)f) sont prises en compte à l’alinéa 3a). Les gains et les pertes en capital prévues au paragraphe 39(2) le sont à l’alinéa 3b). En fait, les pertes déductibles au titre du revenu sont expressément exclues de la portée du paragraphe 39(2). Somme toute, je dois d’abord déterminer le bon montant déductible conformément à l’alinéa 20(1)f). C’est uniquement si la perte au complet n’est pas déductible que je peux alors me prévaloir du paragraphe 39(2).

 

[17]    Quelle est l’interprétation exacte de l’alinéa 20(1)f)? L’approche familière et moderne couramment utilisée à laquelle souscrit le professeur Driedger et qui a été adoptée par la Cour suprême du Canada m’amène à examiner les termes dans leur contexte global, en suivant leur sens ordinaire et grammatical qui s’harmonise avec l’esprit de la Loi, l’objet de la Loi et l’intention du législateur.

 

[18]    Il m’apparaît que la lecture de l’alinéa 20(1)f) dans son sens ordinaire et grammatical, et dans le contexte d’une déduction relative à des titres émis à escompte, ne pose aucune difficulté ou ambiguïté si le calcul est tout simplement fait en dollars américains et que seul le résultat est converti en dollars canadiens au taux en vigueur au moment du rachat. Le calcul serait alors celui présenté à l’option 1 de l’annexe D.

 

[19]    J’ai soumis aux parties cette interprétation plus simple de l’alinéa 20(1)f), qui m’apparaissait et me paraît encore sensée. Je n’ai pu infléchir les deux avocats. Ils s’entendaient pour dire que les principes d’interprétation des lois m’interdisaient de lire les termes selon leur sens ordinaire et grammatical. Je les ai donc priés de m’exposer par écrit les principes qui contrarieraient si aisément mes fins. Ils ne sont pas parvenus à me convaincre qu’il existe des principes d’une universalité d’application telle qu’ils réussiraient à transformer une disposition par ailleurs simple en un sac d’embrouilles pour l’interprétation.

 

[20]    Avant d’expliquer mon interprétation, je désire formuler des observations sur l’interprétation de l’appelante et de l’intimée. Toutes deux appliquent la formule prévue à l’alinéa 20(1)f), c’est‑à‑dire pour le calcul de A, B et C, en mélangeant les taux de change. Des connaissances sommaires en mathématique permettent de constater très vite que, selon cette façon de faire, un gain ou une perte sur change devient nécessairement partie intégrante du calcul prévu à l’alinéa 20(1)f). Je ne suis pas étonné que l’appelante adopte ce point de vue, étant donné que, selon l’argument de M. Meghji, la perte sur change est un coût d’emprunt, par ailleurs au titre du capital, censé être déductible en vertu de l’alinéa 20(1)f), à l’instar des autres coûts d’emprunt. Ce qui m’étonne, toutefois, c’est que l’intimée est d’avis que l’alinéa 20(1)f) n’est pas censé être touché par les opérations de change, et pourtant elle mélange ensuite les taux de change dans son interprétation de la formule. La faille dans la façon de voir de l’intimée se révèle quand on modifie les faits, de sorte que le dollar canadien s’apprécie plutôt que de se déprécier. Comme on peut s’y attendre, le résultat, selon l’interprétation de M. Meghji, serait que le gain sur change aurait pour effet d’effacer complètement la possibilité de tout escompte déductible conformément à l’alinéa 20(1)f). J’ai joint l’annexe E pour illustrer ce résultat. Mais si l’on applique l’interprétation de l’intimée au même cas, on obtient le même résultat. Le contribuable n’obtient pas de déduction pour un escompte. (Voir le numéro 2 de l’annexe E.)

 

[21]    L’annexe E illustre également l’effet de l’interprétation de l’alinéa 20(1)f), comme je le propose, selon son sens ordinaire et grammatical et de la simple conversion du résultat (numéro 3 - option (i)). De toute évidence, le contribuable obtient tout de même un escompte déductible, mais il réalise alors un gain en capital sur change qui est assujetti au paragraphe 39(2). Il semble que ce soit la seule approche où la réalité économique et la réalité juridique concordent si nettement.

 

[22]    Dans l’exemple de l’annexe E, il y a un coût d’emprunt engendré par l’escompte. Il est insensé d’éliminer ce coût déductible légitime en appliquant des principes d’interprétation qui ne se prêtent tout simplement pas à cette disposition. Je prétends que la réalité juridique veut que l’alinéa 20(1)f) n’ait jamais eu pour objet d’inclure les gains ou les pertes sur change dans le calcul qu’il prévoit, et qu’il n’est pas non plus logique de l’interpréter de cette façon selon son sens ordinaire. Je reviendrai tout à l’heure sur l’intention du législateur concernant cette disposition.

 

Le principe Gaynor

 

[23]    Je vais maintenant me pencher sur les principes qui, selon les parties, m’interdisent de faire le calcul en dollars américains et de convertir le résultat. La principale raison qu’on m’a fait valoir réside dans le principe d’interprétation des lois que les deux parties ont extrait de l’arrêt Gaynor. L’intimée a expliqué le principe de la façon suivante :[4]

 

          [TRADUCTION]

L’appelante et l’intimée s’entendent [...] . Ce principe veut que, selon la Loi, toutes les sommes soient déclarées en dollars canadiens, parce que l’impôt est payable en dollars canadiens et qu’il doit être calculé en dollars canadiens. En conséquence, chaque opération mettant en cause une monnaie étrangère et donnant lieu à un bien, une obligation, un poste de revenu ou une dépense doit être convertie en dollars canadiens au taux de change en vigueur à la date où elle a pris effet. Le principe Gaynor est donc axé sur l’opération, plutôt que sur les résultats définitifs.

 

M. Chambers fait en outre référence à l’affaire Shell Canada Ltée c. Canada[5] et aux observations du professeur Brian Arnold dans Timing and Income Taxation: The Principles of Income Measurement for Tax Purposes[6] pour étayer ce vaste principe. M. Meghji approuve la position de M. Chambers à ce sujet, et fait de plus valoir que, suivant une lecture attentive de l’arrêt Gaynor, le principe n’est pas limité aux calculs des gains en capital, mais s’étend au calcul du revenu d’entreprise. Il renvoie au passage suivant du juge Pratte de la Cour d’appel fédérale :[7]

 

[...] L’alinéa 40(1)a) de la Loi de l’impôt sur le revenu dit clairement que le gain en capital réalisé par la partie appelante dans chaque cas correspond au « montant » par lequel le produit de la disposition de ces titres excède le prix de base rajusté de ces titres. Lorsque cette disposition fait référence au « montant » du gain en capital, il s’agit évidemment du montant exprimé en devises canadiennes. Comme ce montant est le produit d’une comparaison entre deux autres montants, à savoir le montant représentant le coût des titres et le montant représentant la valeur du produit de la disposition, il s’ensuit nécessairement qu’à la fois, les titres et la valeur du produit de la disposition doivent être libellés en devises canadiennes, qui est le seul étalon de valeur monétaire reconnu en droit canadien. [...]

 

Dans les observations du juge Pratte, je ne relève rien qui étende le principe à autre chose qu’au calcul d’un gain en capital. Bien au contraire.

 

[24]    M. Meghji se fonde en outre sur l’interprétation technique 9907935 du gouvernement, en date du 7 juin 1999, dans laquelle l’ADRC déclare ce qui suit :[8]

 

          [TRADUCTION]

MOTIFS : 1) Revenu tel qu’utilisé à l’article 3 signifie le revenu en dollars canadiens et l’affaire Gaynor c. Canada, ... confirme qu’un montant est libellé en devises canadiennes ... La Loi est une loi canadienne et nous sommes ainsi généralement d’avis que le revenu imposable d’un contribuable doit être exprimé en dollars canadiens. La jurisprudence corrobore notre point de vue selon lequel les opérations doivent être établies en devises canadiennes soit au moment où elles sont effectuées, soit à un moment où essentiellement les mêmes montants en dollars auraient été obtenus si les opérations sous‑jacentes avaient été converties en devises canadiennes aux dates où elles ont été engagées. La décision rendue par la Cour d’appel fédérale dans l’affaire Hope R. Gaynor c. La Reine ... confirme qu’un montant s’entend d’un montant exprimé en monnaie canadienne.

 

[25]    En fait, la position des parties est que l’arrêt Gaynor appuie la proposition selon laquelle chaque fois que le terme « montant » apparaît dans la Loi, il doit s’entendre d’un montant en dollars canadiens. Je veux étudier plus en détail cette interprétation de l’arrêt Gaynor.

 

[26]    Selon les décisions rendues par la Cour canadienne de l’impôt et les deux cours fédérales dans l’affaire Gaynor et la jurisprudence du Royaume‑Uni portant sur le même sujet, la décision de la Cour d’appel fédérale dans l’arrêt Gaynor n’établit pas le principe général d’interprétation, comme le laissent entendre les parties. Les tribunaux canadiens et britanniques ont jugé que des considérations différentes s’appliquaient au moment de la conversion d’une monnaie étrangère selon qu’on calcule un gain en capital ou un montant au titre du revenu. La déduction prévue à l’alinéa 20(1)f) de la Loi est au titre du revenu, et non au titre du capital.

 

i.        La décision de la Cour canadienne de l’impôt dans l’affaire Gaynor[9]

 

[27]    Dans l’arrêt Gaynor, l’appelante possédait un portefeuille de titre américains au moment où elle est devenue résidente canadienne. Lorsqu’elle a ultérieurement vendu ses titres américains, elle a soutenu que son gain en capital devait être calculé sur la base de la différence entre le produit de disposition en dollars américains et le coût d’acquisition en dollars américains (c.‑à‑d. le coût en dollars américains à la date où elle est devenue résidente canadienne), et de la conversion en dollars canadiens du gain exprimé en dollars américains au taux de change en vigueur au moment de la disposition. Le juge Sarchuk a rejeté cette prétention et a établi que la méthode autorisée par la loi consistait à convertir le coût en dollars canadiens à la date où elle est devenue résidente, et à soustraire ce montant du produit en dollars canadiens calculé au moment de la disposition.

 

[28]    Le juge Sarchuk a également examiné et commenté la décision rendue en G.‑B. dans l’affaire Pattison v. Midland Marine Ltd.,[10] qui a été citée par la partie appelante, Mad. Gaynor. Dans l’arrêt Pattison, une banque britannique a emprunté 15 millions $US auprès de sa société mère américaine afin d’exercer ses activités bancaires en Europe. La banque britannique n’a pas réalisé de bénéfice autre que les intérêts gagnés en consentant des prêts au moyen des fonds américains empruntés, mais elle a fait un profit fictif (c.‑à‑d. sur change) sur les prêts en raison de la dépréciation de la livre sterling face au dollar américain au cours de la période. Le Inland Revenue a tenté d’assujettir à l’impôt le gain sur change que la banque britannique avait réalisé sur les prêts en dollars américains.

 

[29]    La Chambre des lords s’est prononcée en faveur du contribuable, Midland Marine, au motif que le remboursement à un débiteur de l’objet précis d’un emprunt ne peut jamais donner lieu à un profit pour l’emprunteur, même si la valeur de l’objet de l’emprunt a changé. En conséquence, le gain sur change n’était pas imposable à titre de bénéfice.[11]

 

[30]    Le juge Sarchuk a différencié le raisonnement suivi par la Chambre des lords dans l’arrêt Pattison au motif que celui‑ci ne s’appliquait pas au calcul d’un gain en capital. Il a affirmé ce qui suit :

 

[...] Dans l’affaire Pattison, les sommes d’argent ont été empruntées et remboursées. Ces sommes d’argent constituaient le bien, ce bien a été emprunté par la société contribuable et rembourse [sic] en temps voulu. Dans l’intervalle, sa valeur a augmenté.

 

[…] Les conclusions tirées dans l’arrêt Pattison ne peuvent s’appliquer aux faits de la présente affaire. Dans notre cas, l’imposition dépend de la détermination des gains ou pertes en capital que le législateur a définis comme étant la différence entre le prix de base rajusté et le produit de disposition. Dans l’affaire Pattison, il n’y a eu ni disposition, ni vente ni achat. Le bien a simplement été emprunté et sa valeur a augmenté tant que l’emprunteur l’a conservé. Ce n’est pas ce qui s’est produit ici, alors que des biens ont été vendus et que des gains et pertes ont été réalisés.[12]

 

Selon le juge Sarchuk, la disposition fait la différence.

 

ii.       La décision de la Cour fédérale, Section de première instance dans l’affaire Gaynor[13]

 

[31]    L’affaire Gaynor s’est poursuivie avec un procès de novo devant la Cour fédérale, Section de première instance, bien que les parties aient consenti à ce que la preuve soit la même que celle produite devant la Cour de l’impôt. Le sommaire de l’arrêt porte en partie ce qui suit :

 

[...] dans le calcul d’un gain ou d’une perte découlant de la disposition d’un bien comme ceux de la demanderesse, l’argent doit être la mesure, et cela est vrai à toutes les étapes ou stades qui doivent être pris en considération en vertu de la Loi pour l’établissement du gain ou de la perte. Ces gains ou pertes doivent être calculés en dollars canadiens au moment pertinent, c.‑à‑d. au taux de change moyen en vigueur au moment du gain ou de la perte, et au moment où est supporté le coût ou le prix.

 

Tout comme le juge Sarchuk avant lui, le juge Pinard a reconnu que l’affaire concernait un gain en capital. Il a fait observer ce qui suit :[14]

 

Il convient également de se rappeler que le gain en capital ne doit pas être calculé suivant les mêmes règles que le revenu tiré d’une entreprise ou d’un bien; du reste, la Loi de l’impôt sur le revenu comporte des règles spéciales pour le calcul du gain en capital (voir La Reine c. Geoffrey Sterling, 85 DTC 5199, p. 5200).

 

iii.      La décision de la Cour d’appel fédérale dans l’affaire Gaynor[15]

 

[32]    Le temps que la Cour d’appel fédérale rende une décision dans l’affaire Gaynor, l’importance que présentait une disposition pour la distinction à établir entre gain en capital et revenu était devenue un peu moins évidente. Veuillez toutefois examiner les commentaires du juge Pratte qui ont été cités plus haut et qui se trouvent au paragraphe 23 des présents motifs.

 

[33]    Contrairement à ce que croit M. Meghji, j’estime qu’une analyse attentive du déroulement de cette affaire devant les trois instances révèle qu’il y a une différence à observer entre la conversion d’un montant en devises étrangères aux fins du calcul d’un gain en capital et la conversion aux fins du calcul d’un montant de revenu.

 

iv.      La jurisprudence britannique

 

[34]    Il existe un ensemble de précédents anglais qui traitent de la question même que les tribunaux canadiens ont tenté de résoudre dans l’affaire Gaynor. Ils corroborent tous le point de vue selon lequel les conversions de devises étrangères doivent être traitées différemment selon qu’elles sont faites aux fins du calcul d’un gain en capital ou d’un revenu.

 

a)       Bentley v. Pike, 53 TC 590.

 

[35]    Dans l’arrêt Bentley, la Haute cour (Chambre de la chancellerie) d’Angleterre s’est penchée sur la même question que notre Cour d’appel fédérale dans l’affaire Gaynor, et en est venue aux mêmes conclusions. Le juge Vinelott a résumé de la façon suivante la position de l’appelante, Mad. Bentley :

 

          [TRADUCTION]

M. Englard allègue que si le gain imposable équivaut à la différence entre la valeur [...] au moment du décès de M. Rosenfeld et [...] le produit de la vente du bien au moment où il a été vendu, il faut néanmoins déterminer le gain en convertissant en livres sterling tant la valeur [...] au moment du décès de M. Rosenfeld, exprimée en deutsche mark, que le produit [...] de la vente au taux de change en vigueur le 6 juillet 1973.[16]

 

En d’autres termes, l’appelante prétendait qu’elle devait être autorisée à calculer le gain en capital en fonction du taux de change en vigueur au moment de la disposition, plutôt que de devoir calculer le coût en livres sterling au moment de l’acquisition et de le défalquer du produit calculé en livres sterling au moment de la disposition.

 

[36]    Toutefois, en poursuivant, le juge Vinelott rejette les prétentions de l’appelante et déclare ce qui suit :

 

          [TRADUCTION]

Bien que j’éprouve de la sympathie pour Mad. Bentley, qui est en grande partie tenue de payer un impôt sur un gain résultant de la dépréciation de la livre, je ne vois, dans la législation fiscale sur les gains en capital, aucune justification possible de cette façon de faire.[17]

 

Cette affaire concorde en tous points avec l’affaire Gaynor, et adopte la même démarche pour le calcul d’un gain en capital.

 

          b)      Pattison v. Marine Midland Ltd., [1984] 1 A.C. 362.

 

[37]    Comme il en a été question plus tôt, dans l’affaire Pattison, une banque britannique a emprunté 15 millions $US auprès de sa société mère américaine pour exercer ses activités bancaires en Europe. La banque britannique n’a pas réalisé de bénéfice autre que les intérêts gagnés en consentant des prêts au moyen des fonds américains empruntés, mais elle a fait un profit fictif (c.‑à‑d. sur change) sur les prêts en raison de la dépréciation de la livre sterling par rapport au dollar américain au cours de la période. Le Inland Revenue a tenté d’assujettir à l’impôt le gain sur change que la banque britannique avait « réalisé », en faisant valoir que l’emprunt en dollars américains devait être converti en livres sterling au taux de change en vigueur au moment où il a été contracté, et que le résultat devait être soustrait de la valeur en livres sterling de l’emprunt en dollars américains au moment du remboursement.

 

[38]    Par contre, l’appelante (Marine Midland) alléguait qu’elle n’avait réalisé aucun bénéfice puisqu’elle avait simplement remboursé la somme qu’elle avait empruntée. Elle estimait que la méthode qui convenait consistait à calculer le bénéfice ou la perte découlant du prêt dans la devise du prêt d’abord, puis à faire une conversion en livres sterling aux fins de l’impôt. En procédant ainsi, il n’y avait ni ni gain ni perte sur change puisqu’un montant de 15 millions $US était emprunté et qu’un montant de 15 millions $US était remboursé.

 

[39]    La décision de la Chambre des lords a été rendue par lord Templeman, qui s’est prononcé en faveur de l’appelante. Il a attaché beaucoup d’importance au fait que l’appelante n’avait jamais vraiment converti le prêt en livres sterling et qu’elle avait toujours conservé un actif suffisant en dollars américains pour assurer une couverture naturelle pendant toute la durée du prêt, ce qui a de fait neutralisé les effets de toute fluctuation monétaire. Dans l’affaire Pattison, les lords juristes ont abordé de façon réaliste et pratique le calcul du bénéfice que l’appelante a tiré de sa dette libellée en devises étrangères.[18] L’affaire Bentley ne semble même pas avoir été invoquée devant eux.

 

          c)       Capcount Trading v. Evans, 65 TC 545

 

[40]    Dans l’arrêt Capcount Trading, l’appelante considérait qu’il fallait calculer le gain en capital qu’elle avait réalisé à la disposition de ses actions dans une société canadienne en déduisant le coût en dollars canadiens des actions du produit de la disposition en dollars canadiens avant de convertir en livres sterling le montant en dollars canadiens au taux de change en vigueur au moment de la disposition. Le Inland Revenue alléguait que le coût d’acquisition et le produit de disposition devaient tous deux être convertis en livres sterling aux taux de change en vigueur à la date d’acquisition et à la date de disposition respectivement. L’appelante s’opposait à l’application du principe énoncé par les tribunaux anglais dans l’arrêt Bentley et par notre Cour d’appel fédérale dans l’arrêt Gaynor, en se fondant sur la décision rendue par la Chambre des lords dans l’affaire Pattison. Il semble que le contribuable a essayé d’exploiter les différences entre l’approche adoptée par la Chambre des lords dans l’affaire Pattison et celle adoptée par le juge Vinelott dans l’affaire Bentley. Le juge Nolan de la Chambre des lords a fait observer ce qui suit à la page 558 :

 

          [TRADUCTION]

[...] M. Park se fonde en particulier sur les décisions rendues par cette cour dans une affaire fiscale, Pattison v. Marine Midland Ltd, 57 TC 219. Cette affaire, pour laquelle la décision rendue par la Cour d’appel a été accueillie par la Chambre des lords, a été jugée après l’affaire Bentley v. Pike et est, dans le mémoire de M. Park, incompatible avec elle.

 

Le juge Nolan de la Chambre des lords a ensuite rejeté l’appel en concluant ce qui suit :

 

          [TRADUCTION]

[...] J’abonde dans le sens de la conclusion tirée par le juge Vinelott dans l’affaire Bentley v. Pike, selon laquelle la livre sterling est « la seule unité de compte admise » aux fins de l’impôt sur les gains en capital.[19]

 

Mais il a ajouté :

 

          [TRADUCTION]

Cette conclusion concorde‑t‑elle avec la décision de ce tribunal dans l’affaire Pattison v. Marine Midland Ltd (1983) 57 T.C. 219?

 

[...] À première vue, la réclamation du Revenue dans l’affaire Marine Midland a une ressemblance avec la réclamation faite contre l’appelante en l’espèce, mais il ne faut pas oublier que la première a trait à l’impôt sur les bénéfices d’exploitation, c’est‑à‑dire sur le revenu, alors que la deuxième concerne l’impôt en vertu des dispositions législatives sur les gains en capital.[20]

 

Le juge Nolan de la Chambre des lords a reconnu qu’il existait, dans ce contexte, une différence entre le revenu et les gains en capital.

 

[41]    Les arrêts laissent entendre qu’il existe une différence, mais aucun d’entre eux n’explique vraiment le fondement conceptuel de cette différence. Les dispositions relatives aux gains en capital doivent permettre de mesurer la valeur d’un bien à deux périodes différentes. Il est évident qu’une unité de mesure uniforme sera nécessaire, étant donné, comme le juge Nolan de la Chambre des lords le souligne fort à propos dans l’affaire Capcount Trading :

 

          [TRADUCTION]

[...] En appliquant (la disposition pertinente de la loi britannique) à une acquisition et à une disposition particulières, on ne peut pas, pour ainsi dire, mélanger des choux et des navets.[21]

 

Puisque le résultat définitif doit représenter un montant mesuré en dollars canadiens, et puisque l’unité de mesure doit être uniforme au fil du temps, il est facile de comprendre pourquoi les tribunaux ont statué que le coût d’acquisition et le produit de disposition devaient être convertis en devises canadiennes aux fins du calcul. Selon l’arrêt Gaynor, aux fins du calcul d’un gain en capital, la devise dans laquelle le calcul est effectué doit être canadienne, quelle que soit la devise dans laquelle l’opération a été conclue.

 

[42]    Il y a toutefois une différence distincte entre la mesure d’un gain en capital et la mesure d’un revenu « ordinaire ». Dans l’affaire Capcount Trading, le juge Nolan de la Chambre des lords fait également observer ce qui suit :

 

          [TRADUCTION]

[...] les dispositions en matière d’impôt sur le revenu, contrairement aux dispositions sur les gains en capital, ne s’intéressent généralement pas à la mesure d’un gain ou d’une perte au moment d’une simple disposition, mais au solde à la fin calculé selon les principes comptables.[22]

 

Et en se prononçant en faveur de l’appelante dans Pattison, le juge Nolan de la Chambre des lords a accordé une grande importante au fait qu’il n’y avait pas eu d’opération de conversion monétaire. C’est, a‑t‑il dit, l’opération de change qui a donné lieu au gain ou à la perte sur change.

 

[43]    En conséquence, la clé du traitement différent accordé aux gains en capital et au revenu eu égard aux opérations de change est, peut‑être, qu’un gain en capital repose sur l’acquisition et la disposition du bien. L’acquisition et la disposition entraînent forcément (du moins théoriquement) une opération de conversion monétaire.

 

[44]    Toutefois, une dépense au titre du revenu (comme l’escompte demandé en l’espèce en vertu de l’alinéa 20(1)f)) exige un coup d’oeil ponctuel sur le moment du paiement. Il n’y a pas d’accumulation de richesse pendant une période donnée, qui nécessiterait une mesure au fil du temps. La formule ne porte pas sur une hausse ou une baisse de valeur : elle est seulement destinée à être appliquée à un moment déterminé dans le temps pour qu’on puisse calculer un coût, une dépense.

 

[45]    J’en viens à la conclusion qu’il n’est pas nécessaire de convertir chaque « montant » compris dans cette formule particulière liée au calcul d’une dépense pour se conformer aux principes d’interprétation des lois. Il suffit, pour l’application de cette disposition, de convertir le résultat, soit le montant déductible, en dollars canadiens; ce faisant, on respecte ainsi le sens clair et ordinaire de la disposition.

 

[46]    Mais si mon application de l’arrêt Gaynor est erronée et que je doive convertir chaque montant de la formule en dollars canadiens, alors pour respecter l’objet de la disposition, les montants en dollars canadiens doivent tous être établis au même taux. Le taux ponctuel unique doit être celui de 1999. Lorsque le calcul prévu à la formule est fait de cette façon, le résultat est le même que si le résultat final seul avait été converti. De plus, si le taux en vigueur au moment du remboursement est utilisé dans l’exemple où le dollar canadien s’apprécie (annexe E), le résultat est ici aussi le même que si le calcul avait été fait en dollars américains et que le résultat final seul avait été converti – un résultat qui, comme je l’ai déjà mentionné, est le seul où la réalité juridique et la réalité économique concordent, c’est‑à‑dire une déduction au titre d’un escompte légitime, puis un gain en capital au titre d’un gain sur change.

 

[47]    Si l’on appliquait les montants en dollars canadiens de 1999 à l’affaire qui m’est soumise ici, le calcul serait celui qui figure à l’option 2 de l’annexe D.

 

[48]    Appliquer le taux de change de 1999 à la « somme pour laquelle le titre a été émis » en 1989 va‑t‑il à l’encontre du sens ordinaire de cette expression? Je dirais que non si la disposition est lue dans son contexte global, compte tenu de son objet. En extrayant simplement l’expression de la disposition et en la considérant de façon indépendante, il devient alors difficile, bien sûr, de motiver l’application d’un taux autre que le taux en vigueur au moment de l’émission. Et c’est en fait la façon dont les parties ont convenu de l’interpréter; et je dirais que c’est la raison pour laquelle une disposition relativement claire a été soumise à une analyse d’interprétation libérale, ce qui a semé la confusion et la discorde.

 

[49]    Aborder l’alinéa 20(1)f) de la Loi selon son sens ordinaire et habituel ne fonctionne tout simplement pas si, en mélangeant les taux, on fait entrer dans cette disposition particulière l’énigme du taux de change. Ce n’est que si l’on dissipe la confusion en effectuant le calcul dans la monnaie du titre et en convertissant le résultat, ou encore en effectuant le calcul au moyen de montants tous convertis au même taux en dollars canadiens que la disposition s’ouvre à son sens ordinaire et habituel.

 

Objet de l’alinéa 20(1)f)

 

[50]    Mes interprétations différentes sont‑elles justifiables si l’on examine la disposition en accord avec l’esprit de la Loi, l’objet de la Loi et l’intention du législateur?

 

[51]    L’alinéa 20(1)f) porte sur les titres émis pour une valeur inférieure à la valeur nominale, et il autorise la déduction de la différence de paiement. M. Meghji souligne, à juste titre, que le mot « escompte » n’est utilisé nulle part ailleurs que dans la marge. Mais cette disposition ne fait pas non plus directement allusion aux pertes sur change. Pourtant, en analysant les différents éléments de la formule et en mélangeant les taux, la pétrolière Impériale obtient un résultat positif. Je ne suis pas d’accord du tout. On ne m’a présenté aucune preuve donnant à entendre que le législateur souhaitait donner à l’alinéa 20(1)f) de la Loi une interprétation aussi libérale.

 

[52]    Si l’on analyse la disposition dans son contexte et compte tenu de l’objet et de l’intention qui s’y rattachent, la question devient en fait la suivante : les pertes sur change subies dans le cadre d’un emprunt en monnaie étrangère constituent‑elles un coût d’emprunt déductible en vertu de l’alinéa 20(1)f) s’apparentant aux autres coûts d’emprunt déductibles en vertu du paragraphe 20(1)? À mon avis, la réponse est non. M. Meghji fait valoir, en suivant le raisonnement exposé dans l’affaire Antosko et al. c. La Reine,[23] que lorsque les termes sont clairs et sans ambiguïté, il faut s’y conformer, même si le résultat peut déplaire à l’intimée. Mais le juge Iacobucci déclare ensuite dans l’arrêt Antosko :[24]

 

[...] En l’absence d’ambiguïté des termes de la disposition, il n’appartient pas à notre Cour de conclure que les appelants devraient se voir refuser une déduction parce qu’ils ne méritent pas une « aubaine », comme l’intimée le soutient. En l’absence d’une ambiguïté qui forcerait le tribunal à examiner le résultat de l’opération pour déterminer l’intention du législateur, l’évaluation normative des conséquences de l’application d’une disposition donnée relève du législateur et non des tribunaux. [...]

 

[53]    M. Meghji et M. Chambers ont, pendant la majeure partie de leur plaidoyer, expliqué comment la disposition peut être expliquée de façon tout à fait différente. Pour reprendre les termes du juge Iacobucci, il y a ambiguïté, et le tribunal doit donc examiner les résultats de l’opération pour établir l’intention avec précision. Cela n’a rien à voir avec les termes mêmes, qui permettent d’en arriver à un résultat simple (à moins, comme j’espère l’avoir clairement fait comprendre, que l’on extraie l’aspect du taux de change de tout le calcul prévu par la formule). Alors, quelle était l’intention du législateur?

 

[54]    D’abord, contrairement aux autres coûts d’emprunt prévus au paragraphe 20(1), les pertes sur change ne sont pas expressément désignés comme un élément de capital qu’il faut traiter à titre de dépense courante. Ce n’est que par une habile pirouette d’interprétation qu’on arrive à cette conclusion – ce n’est pas clair à première vue. Il ne s’agit pas d’un élément négligeable; en fait, on peut constater, à partir de la présente affaire seule, que la possibilité de déduire des pertes sur change dans un compte courant est exceptionnelle. Il faut faire un trop gros effort pour conclure que le législateur avait réellement l’intention d’enfouir une déduction si importante dans l’alinéa 20(1)f) sans fournir de commentaires, de rubriques ou d’orientation. Cela n’est pas plausible.

 

[55]    Examinons l’esprit de la Loi. Celle‑ci comporte une disposition portant sur les gains et les pertes sur change, le paragraphe 39(2). La disposition est claire. Pour pouvoir soustraire les pertes sur change à une telle disposition, il faudrait des termes tout aussi explicites. La substitution d’un traitement de dépense courante au traitement d’un élément de capital, expressément considéré comme tel dans la Loi, ne devrait pas s’appuyer sur une inférence.

 

[56]    Bien que j’accepte la prétention de M. Meghji selon laquelle les rubriques ne font pas partie de la Loi, ces dernières sont fournies à titre indicatif au lecteur. L’alinéa 20(1)f) porte en rubrique « Rabais sur émission de certains titres ». Examinons cette rubrique en rapport avec les seules notes techniques qui m’ont été soumises, qui ont été publiées par le gouvernement en 1988 dans le cadre des observations qu’il formulait au sujet des modifications au sous‑alinéa 20(1)f)(ii). Le gouvernement déclarait alors ce qui suit :

 

L’alinéa 20(1)f) régit la déductibilité des rabais payés par le contribuable en acquittement du principal de tout effet, obligation, billet, mortgage, hypothèque ou titre semblable émis par le contribuable et sur lequel un intérêt a été déclaré payable.[25]

 

Bien qu’ils soient limités, ces éléments ne donnent certainement pas à entendre que le gouvernement avait l’intention d’englober les pertes sur change dans l’alinéa 20(1)f).

 

[57]    Une autre différence existant entre les coûts d’emprunt visés par les dispositions adjacentes du paragraphe 20(1) et la perte sur change étranger est que les autres coûts résultent du contrat original et sont appelés les coûts encourus au moment du contrat. Le « coût » que représente l’opération de change ne découle pas du titre lui‑même – le titre était libellé en dollars américains. Le « coût » résulte de forces extérieures exercées par les fluctuations monétaires. De plus, au moment de l’émission du titre, la pétrolière Impériale ignore si elle encourra un coût ou réalisera un gain. Ce n’est pas un coût d’emprunt du genre de ceux qui peuvent être classés avec les autres coûts prévus au paragraphe 20(1). Je n’abonde pas dans le sens de M. Meghji, selon lequel le contexte permet d’établir que des pertes sur change ne constituent que des coûts s’apparentant aux autres coûts prévus au paragraphe 20(1). Ce n’est pas le cas.

 

[58]    On ne m’a pas convaincu qu’il était vraiment prévu que l’alinéa 20(1)(f) autorise des déductions du genre de la perte sur change demandée par la pétrolière Impériale. Mais c’est clairement prévu dans le cas des rabais. Il ne m’est pas nécessaire de préciser les autres « coûts » qui peuvent faire l’objet d’une déduction en vertu de l’alinéa 20(1)f).

 

[59]    Il résulte de la démarche que j’ai suivie que l’opération de change a bien une certaine incidence sur le résultat final. C’est ce qui explique la différence entre le chiffre de l’intimée, soit 1 229 181 $, et le mien, soit 1 548 325 $. La déduction supplémentaire approximative de 300 000 $ possible en vertu de l’alinéa 20(1)f) représente la fraction de la perte sur change qui se rapporte expressément aux rabais déductibles, c’est‑à‑dire la fraction de la perte sur change logiquement et sensément rattachée au revenu, par opposition au capital – le rabais.

 

Conclusion

 

[60]    En s’appuyant sur une vision large de l’arrêt Gaynor, la façon dont l’appelante et l’intimée interprètent toutes deux l’alinéa 20(1)f) de la Loi englobe forcément un élément d’opération de change. Leur désaccord au sujet de l’interprétation de l’alinéa 20(1)f) vient de ce mélange de taux de change. Il en résulte une ambiguïté qui empêche totalement de se fonder uniquement sur la méthode du « sens ordinaire et grammatical des termes »; elle m’oblige à discerner l’intention du législateur. Les parties se sont trompées dans la signification de l’expression « principal du titre », non sous l’angle du sens ordinaire de l’expression même, mais sous celui du taux de change à y appliquer. Ce mode d’interprétation étroit a donné un résultat contraire à l’objet de la disposition lue dans son ensemble. Le législateur n’avait pas l’intention de rendre les pertes sur change déductibles en vertu de l’alinéa 20(1)f) étant donné qu’elles ont trait à l’élément de capital d’un emprunt.

 

[61]    La dépense à établir aux termes de l’alinéa 20(1)f) est une dépense calculée selon une formule mathématique – une formule visant en fait à admettre une dépense courante d’un élément de capital. C’est tout. Appliquer la formule dans la devise du titre et convertir le résultat en dollars canadiens courants, c’est non seulement ce qui est le plus logique au sens ordinaire et grammatical, mais cela ne vas pas à l’encontre de principes bien établis d’interprétation des lois. Une telle approche est conforme à l’objet de la Loi, à l’esprit de la Loi et à l’intention du législateur. Subsidiairement, calculer tous les éléments de la formule énoncée à l’alinéa 20(1)f) en dollars canadiens de 1999 produit les mêmes résultats.

 

[62]    Les réponses aux questions soumises dans le présent renvoi sont les suivantes :

 

a)       La somme de 1 548 325 $CAN est déductible en vertu du sous‑alinéa 20(1)f)(i).

 

          b)      Aucune somme n’est déductible selon le sous‑alinéa 20(1)f)(ii).

 

c)       Le montant de 26 283 387 $CAN est la perte en capital selon le paragraphe 39(2) de la Loi.

 

[63]    Bien que ces réponses favorisent considérablement l’intimée, elles sont fondées sur un raisonnement qui n’est pas le sien. Je ne suis donc pas disposé à attribuer les dépens dans cette affaire.

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 10e jour de mai 2004.

 

 

 

"Campbell J. Miller"

Le juge Miller

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 5e jour de mai 2005.

 

 

 

Colette Dupuis-Beaulne, traductrice


 

ANNEXE A

 

CONVERSION MONÉTAIRE DE L’OPÉRATION

 

 

$US

$CAN (1989)

au taux de 1,1776

$CAN (1999)

au taux de 1,48192

 

(A) Principal du titre

 

87 130 000

102 517 158

129 119 689

(B) Somme versée en 1999

 

87 130 000

102 517 158

129 119 689

(C) Somme pour laquelle le titre a été émis

 

86 085 311

101 287 977

127 571 544

 

PERTE TOTALE

 

Somme réellement payée en 1999

 

129 119 689 $

Moins somme réellement reçue en 1989

101 287 977 $

 

 

Perte totale

27 831 712 $

 


 

ANNEXE B

 

CALCUL FAIT PAR L’APPELANTE EN VERTU DE L’ALINÉA 20(1)f)

 

X         =          Somme déductible en vertu de l’alinéa 20(1)f)

                        =          Le moindre du (A) principal du titre et de

                                    (B) la somme versée en 1999    moins

                                    (C) la somme pour laquelle le titre a été émis

 

                     = (A) 129 119 689 $ ($CAN de 1999) ou

                                    (B) 129 119 689 $ ($CAN de 1999) moins

                                    (C) 101 287 977 $ ($CAN de 1989)

 

                     = 27 831 712 $CAN


 

ANNEXE C

 

CALCUL FAIT PAR L’INTIMÉE EN VERTU DE L’ALINÉA 20(1)f)

 

         X         =             Somme déductible en vertu de l’alinéa 20(1)f)

                     = Le moindre du (A) principal du titre et de

                                    (B) la somme versée en 1999    moins

                                    (C) la somme pour laquelle le titre a été émis

 

                     = (A) 102 517 158 $ ($CAN de 1989    ou

                                    (B) 129 119 689 $ ($CAN de 1999     moins

                                    (C) 101 287 977 $ ($CAN de 1989)

 

                     = 1 229 181 $

 

 

CALCUL FAIT PAR L’INTIMÉE EN VERTU DU PARAGRAPHE 39(2)

 

 

Principal en $CAN de 1999

129 119 689 $

 

Moins le principal en $CAN de 1989

102 517 158 $

 

Perte en capital

  26 602 531 $

 

 

Déduction selon l’alinéa 20(1)f)

    1 229 181 $

 

Perte selon le paragraphe 39(2)

  26 602 531 $

 

Perte totale

  27 831 712 $

 


 

ANNEXE D

 

CALCUL DE LA DÉDUCTION PRÉVUE À L’ALINÉA 20(1)f) SELON LE TRIBUNAL

 

Option 1.         Calcul en $US et conversion du résultat

 

         X         = Le moindre de (A) et (B) – (C)

                     = (A) 87 130 000 $US ou (B) 87 130 000 $US moins (C) 86 085 311 $US

                     = 1 044 689 $US

                     = taux de 1,48192 de 1999 x 1 044 689 $

         X         =             1 548 325 $CAN

 

Option 2.         Calcul en $CAN après conversion de tous les éléments au taux de 1999

 

         X         = Le moindre de A et B - C

                     = (A) 129 119 689 $ ou (B) 129 119 689 $ moins (C) 127 571 544 $

                     = 1 548 325 $

 

Dans les deux cas, le solde de la perte totale (27 831 712 $ - 1 548 375 $)

         ou        26 283 387 $ est une perte en capital (conformément au paragraphe 39(2)).


 

ANNEXE E

 

CALCUL DE LA DÉDUCTION PRÉVUE À L’ALINÉA 20(1)f)

 

ADVENANT UNE APPRÉCIATION DU $CAN

 

Supposons qu’une obligation de 100 $US est émise selon une escompte de 2 % pour une somme de 98 $US en 1989, alors que le taux de change du dollar canadien par rapport au dollar américain est de 1,40. Supposons ensuite que l’obligation est rachetée en 1999 pour la somme de 100 $US alors que le taux de change du dollar canadien par rapport au dollar américain est de 1,10. (A) est le principal du titre. (B) est la somme versée en 1999 et (C) est la somme pour laquelle le titre a été émis.

 

1.      Calcul fait par l’appelante en vertu de l’alinéa 20(1)f)

 

         X         = Le moindre de A et B - C

                     = (A) 110 $ (taux de 1999) ou (B) 110 $ (taux de 1999) – C (98 $ x 1,40) (taux de 1989)

                     = 110 $ - 137,2 $

                     = 0 (aucune déduction au titre de l’escompte)

 

2.      Calcul fait par l’intimée en vertu de l’alinéa 20(1)f)

 

         X         = Le moindre de A et B - C

                     = 140 $ (taux de 1989) ou 110 $ (taux de 1999) – 137,2 $ (taux de 1989)

                     = 0 (aucune déduction au titre de l’escompte)

 

3.      Calcul fait par le tribunal en vertu de l’alinéa 20(1)f)

 

         Option (i)            X         =          Le moindre de A et B - C

                                                =          100 $US ou 100 $US moins 98 $US

                                                =          2 $US

                                                =          2,2 $CAN (taux de 1999)

 

         Option (ii)            X         =          110 $CAN ou 110 $CAN (tous deux au taux de 1999) –

                                                            (98 $ x 1,10 $ (taux de 1999))

                                                =          110 $ - 107,8 $

                                                                =          2,2 $CAN

 



[1]           Entente intervenue en vertu des dispositions du pararaphe 173(1) de la Loi le 14 octobre 2003.

[2]           2001 DTC 462 (CCI).

[3]           Voir les Notes explicatives du ministère des Finances, février 1995, page 123

[4]           Exposé supplémentaire des faits et du droit de l’intimée, numéro 4.

[5]           1999 3 R.C.S. 622, paragraphe 63.

[6]           Tax Paper No. 71, Association canadienne d’études fiscales, juillet 1983, pages 187 et 188.

[7]           Gaynor c. Canada, greffe A-988-88, page 2.

[8]           Exposé supplémentaire soumis par la partie appelante, page 5, numéro 14.

[9]           87 DTC 279.

[10]          [1984] 1 A.C. 362 (H.L.)

[11]          Veuillez prendre note qu’une distinction est faite implicitement entre revenu et gains en capital.

[12]          Précité, pages 281 et 282.

[13]          88 DTC 6394.

[14]          Précité, page 6396.

[15]          91 DTC 5228.

[16]          Page 595.

[17]          Ibidem

[18]          On ne peut s’empêcher de penser aux motifs de la Cour suprême dans l’affaire Canderel Limited c. La Reine, 98 DTC 6100 (CSC), dans laquelle celle‑ci a établi que la question était de savoir si la méthode de calcul du contribuable est conforme aux principes commerciaux reconnus et si elle est compatible avec la Loi de l’impôt sur le revenu ou avec les principes du droit.

[19]          Page 561.

[20]          Page 561.

[21]          Précité, page 560.

[22]          Ibidem, page 564.

[23]          94 DTC 6314.

[24]          Page 6321.

[25]          Ministère des Finances, Notes explicatives sur le projet de loi concernant l’impôt sur le revenu, juin 1988, page 42.

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