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Dossier: 2003-4080(IT)I

ENTRE :

NIGEL TURNER,

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

____________________________________________________________________

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

Appel entendu le 2 juin 2004 à Toronto (Ontario) devant

 

L’honorable E.A. Bowie

 

Comparutions :

 

Avocat de l’appelant :

Howard Lastman

 

Avocate de l’intimée:

Sharon Stewart Guthrie (Avocate-stagiaire)

____________________________________________________________________

 

JUGEMENT

 

L'appel interjeté à l'encontre de la nouvelle cotisation établie en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu pour l'année d'imposition 1999 est admis, avec dépens, et la nouvelle cotisation est déférée au ministre du Revenu national pour nouvel examen et nouvelle cotisation au motif que l’appelant n’était pas tenu de déclarer le montant de  19 247 $ aux fins de calcul de son revenu pour l’année.

 

 

Signé à Ottawa (Canada), le 10 août 2004.

 

 

"E.A. Bowie"

Le juge Bowie

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 24e jour de mars 2005

 

François Brunet, traducteur


 

 

 

Référence : 2004TCC556

Date: 20040810

Dossier: 2003-4080(IT)I

ENTRE :

NIGEL TURNER,

Appelant,

Et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

Intimée.

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

Le juge Bowie

 

[1]     Lorsqu’il a fait sa déclaration d'impôt sur le revenu pour l'année d'imposition 1999, l’appelant n’a pas déclaré un montant de 19 247 $ qui constituait sa part du revenu d’une société de personnes, dont la raison sociale était Goldengate #5 Limited Partnership (la société), que celle-ci avait déclaré dans son état des revenus d’une société de personnes, conformément à l’article 229 du Règlement de l’impôt sur le revenu. La question dont je suis saisi est la suivante : la Loi sur l’impôt sur le revenu (la Loi) lui imposait-elle de le faire?

 

[2]     Les faits ne sont pas contestés. L’appelant a acheté une participation dans la société au début des années 80. Il possède et exploite un ou plusieurs immeubles d’habitation à logements multiples. Le 16 avril 1998, l’appelant a fait une cession de faillite. Conformément à l’article 2 de la Loi sur la faillite et l’insolvabilité[1], son syndic a été mis en possession de sa participation dans la société. Le 16 janvier 1999, l’appelant a obtenu sa libération pure et simple. Dans sa déposition, le syndic a déclaré que, lors de l’audition de l’appel en juin 2004, il n’avait pas encore été libéré, mais continuait à administrer l’actif du failli au profit des créanciers. L’un des actifs qui est resté dans ses mains était la participation dans la société. Certains éléments de preuve semblaient indiquer qu’elle pouvait avoir une valeur de 3 000 $; cependant, le syndic n’a pas été capable de trouver un quelconque acheteur à quelque prix que ce soit.

 

[3]     Le dernier élément de preuve important est la copie de la déclaration d’état des revenus d’une société de personnes, dans laquelle la société a déclaré que le revenu de l’appelant provenant de celle-ci pour l’année se terminant le 31 décembre 1999 était de 19 247,16 $. Ni l’appelant ni le syndic n’ont reçu quelque portion que ce soit de ce revenu de la part de la société. Le ministre du Revenu national a établi en juillet 2002 une nouvelle cotisation pour l’appelant afin d’inclure ce montant dans le revenu de ce dernier pour 1999.

 

[4]     En l’espèce, l’incidence de l’impôt sur le revenu est régie par le paragraphe 128(2) de la Loi. En voici les parties pertinentes :

 

128(2)  Where an individual has become a bankrupt, the following rules are applicable:

(a)   the trustee in bankruptcy shall be deemed to be the agent of the bankrupt for all purposes of this Act;

(b)   the estate of the bankrupt shall be deemed not to be a trust or an estate for the purposes of this Act;

(c)    the income and the taxable income of the individual for any taxation year during which the individual was a bankrupt and for any subsequent year shall be calculated as if

 

(i)    the property of the bankrupt did not pass to and vest in the trustee in bankruptcy on the receiving order being made or the assignment filed but remained vested in the bankrupt, and

(ii)    any dealing in the estate of the bankrupt or any act performed in the carrying on of the business of the bankrupt estate by the trustee was done as agent on behalf of the bankrupt and any income of the trustee from such dealing or carrying on is income of the bankrupt and not of the trustee;

 

(d)        except for the purposes of subsections 146(1), 146.01(4) and 146.02(4) and Part X.1,

(i)     a taxation year of the individual is deemed to have begun at the beginning of the day on which the individual became a bankrupt, and

(ii)    the individual's last taxation year that began before that day is deemed to have ended immediately before that day;

 

(e)        where the individual was a bankrupt at any time in a calendar year the trustee shall, within 90 days from the end of the year, file a return with the Minister, in prescribed form, on behalf of the individual of the individual's income for any taxation year occurring in the calendar year computed as if

(i)    the only income of the individual for that taxation year was the income for the year, if any, arising from dealings in the estate of the bankrupt or acts performed in the carrying on of the business of the bankrupt by the trustee,

(ii)    in computing the individual's taxable income for that taxation year, no deduction were permitted by Division C, other than

 

(A)       an amount under any of paragraphs 110(1)(d) to (d.3) and section 110.6 to the extent that the amount is in respect of an amount included in income under subparagraph (i) for that taxation year, and

(B)   an amount under section 111 to the extent that the amount was in respect of a loss of the individual for any taxation year that ended before the individual was discharged absolutely from bankruptcy, and

(iii)   in computing the individual's tax payable under this Part for that taxation year, no deduction were allowed

 

 

 

(A)   under section 118, 118.2, 118.3, 118.5, 118.6, 118.8 or 118.9,

(B) under section 118.1 with respect to a gift made by the individual on or after the day the individual became bankrupt,

(B.1) under section 118.62 with respect to interest paid on or after the day on which the individual became bankrupt, and

(C) under subsection 127(5) with respect to an expenditure incurred or property acquired by the individual in any taxation year that ends after the individual was discharged absolutely from bankruptcy,

and the trustee is liable to pay any tax so determined for that taxation year;

 

(f)     notwithstanding paragraph (e), the individual shall file a separate return of the individual's income for any taxation year during which the individual was a bankrupt, computed as if

(i)    the income required to be reported in respect of the year by the trustee under paragraph (e) was not the income of the individual,

 

(ii)    in computing income, the individual was not entitled to deduct any loss sustained by the trustee in the year in dealing with the estate of the bankrupt or in carrying on the business of the bankrupt,

(iii)   in computing the individual's taxable income for the year, no amount were deductible under any of paragraphs 110(1)(d) to (d.3) and section 110.6 in respect of an amount included in income under subparagraph (e)(i), and no amount were deductible under section 111, and

(iv)   in computing the individual's tax payable under this Part for the year, no amount were deductible under

 

(A) section 118.1 in respect of a gift made before the day on which the individual became bankrupt,

(B) section 118.62 in respect of interest paid before the day on which the individual became bankrupt, or

(C) section 118.61 or 120.2 or subsection 127(5),

and the individual is liable to pay any tax so determined for that taxation year;

 

(g) … [irrelevant]

 

 

(h)   where, in a taxation year commencing after an order of discharge has been granted in respect of the individual, the trustee deals in the estate of the individual who was a bankrupt or performs any act in the carrying on of the business of the individual, paragraphs (e), (f) and (g) shall apply as if the individual were a bankrupt in the year; and

 

(i) [irrelevant]

 

128(2) Lorsqu'un particulier est en faillite, les règles suivantes s'appliquent :

a)     pour l'application générale de la présente loi, le syndic de faillite est réputé être le mandataire du failli;

b)     l'actif du failli est, pour l'application de la présente loi, considéré comme ne constituant ni une fiducie ni une succession;

c)     le revenu et le revenu imposable du particulier pour toute année d'imposition au cours de laquelle il était en faillite et pour toute année postérieure doivent être calculés :

 

(i)     comme si le syndic de faillite n'était ni saisi ni mis en possession des biens du failli dès que l'ordonnance de séquestre est rendue ou que la cession est produite, mais comme si le failli en restait saisi,

(ii)    comme si le syndic accomplissait les opérations portant sur l'actif du failli ou les actes concernant la poursuite des activités de l'entreprise en faillite à titre de mandataire agissant pour le compte du failli et comme si tout revenu du syndic tiré de ces opérations ou actes était le revenu du failli et non du syndic;

d)     sauf pour l'application des paragraphes 146(1), 146.01(4) et 146.02(4) et de la partie X.1 :

(i)     l'année d'imposition du particulier est réputée avoir commencé au début du jour où il est mis en faillite,

 

(ii) sa dernière année d'imposition ayant commencé avant ce jour est réputée avoir pris fin immédiatement avant ce jour;

 

e)     lorsqu'un particulier était en faillite à un moment donné au cours d'une année civile, le syndic doit, dans les 90 jours qui suivent la fin de l'année, présenter au ministre, pour le compte de ce particulier, une déclaration selon le formulaire prescrit indiquant le revenu du particulier pour toute année d'imposition survenant au cours de l'année civile, calculé :

(i)    comme si le seul revenu du particulier pour une telle année d'imposition était le revenu de l'année éventuellement tiré des opérations portant sur l'actif du failli ou des actes dans le cadre de l'exploitation de l'entreprise du failli, accomplis par le syndic,

(ii)    comme si, dans le calcul du revenu imposable du particulier pour l'année d'imposition en question, il n'était permis de déduire selon la section C que les montants suivants :

(A)   un montant prévu par l'un des alinéas 110(1)d) à d.3) ou par l'article 110.6, dans la mesure où il se rapporte à un montant inclus dans le revenu en application du sous-alinéa (i) pour cette année,

 

 

(B)   un montant prévu par l'article 111, dans la mesure où il se rapporte à une perte du particulier pour une année d'imposition qui s'est terminée avant sa libération inconditionnelle,

 

(iii) comme si, dans le calcul de l'impôt payable en vertu de la présente partie par le particulier pour l'année d'imposition en question, aucune déduction n'était permise en application :

 

 

(A)   des articles 118, 118.2, 118.3, 118.5, 118.6, 118.8 ou 118.9,

 

(B)   de l'article 118.1 au titre d'un don fait par le particulier le jour de sa faillite ou postérieurement,

 

(B.1) de l'article 118.62 au titre des intérêts payés le jour de sa faillite ou postérieurement,

 

(C) du paragraphe 127(5) au titre d'une dépense engagée par le particulier, ou d'un bien acquis par lui, au cours d'une année d'imposition se terminant après sa libération inconditionnelle;

 

 

le syndic est en outre tenu d'acquitter tout impôt ainsi déterminé pour l'année d'imposition en question;

 

f)      malgré l'alinéa e), le particulier doit produire une déclaration distincte de son revenu pour toute année d'imposition durant laquelle il a été en faillite, calculé comme si :

(i)    le revenu que le syndic était tenu de déclarer pour l'année sous le régime de l'alinéa e) n'était pas le revenu du particulier,

 

(ii)    dans le calcul du revenu, le particulier n'avait pas le droit de déduire une perte quelconque subie par le syndic pour l'année dans le cadre de l'administration de l'actif du failli ou de l'exploitation de l'entreprise du failli,

(iii)   dans le calcul du revenu imposable du particulier pour l'année, aucun montant n'était déductible en application de l'un des alinéas 110(1)d) à d.3) ou de l'article 110.6 au titre d'un montant inclus dans le revenu en application du sous-alinéa e)(i), et aucun montant n'était déductible selon l'article 111,

 

(iv) dans le calcul de l'impôt payable par le particulier pour l'année en vertu de la présente partie, aucun montant n'était déductible selon les dispositions suivantes :

(A)   l'article 118.1 au titre d'un don effectué avant le jour de la faillite du particulier,

 

(B)   l'article 118.62 au titre des intérêts payés avant sa faillite,

 

(C)   les articles 118.61 ou 120.2 ou le paragraphe 127(5);

le particulier est en outre tenu d'acquitter tout impôt ainsi déterminé pour l'année d'imposition en question;

 

g) … [sans rapport]

 

h)     lorsque, au cours d'une année d'imposition commençant après qu'une ordonnance de libération a été rendue à l'égard du particulier, le syndic accomplit des opérations portant sur l'actif du particulier qui était en faillite, ou des actes dans le cadre de l'exploitation de l'entreprise de ce dernier, les alinéas e), f) et g) s'appliquent comme si ce particulier avait été en faillite au cours de l'année;

 

i) [sans rapport]

 

 

[5]     L’argument de la mandataire de l’intimée était on ne peut plus succinct. Sa position était que l’alinéa 128(2)c) dicte la réponse. Malheureusement, elle n’est pas allée plus loin et n’a pas étudié l’effet des alinéas 128(2)e) et f) : pour toute année au cours de laquelle le contribuable est en faillite, le syndic est responsable de la déclaration du revenu ayant pour source les anciens biens ou entreprises du failli, tant qu’il en assure le contrôle et la gestion, et du paiement de l’impôt pertinent, et le failli est tenu de déclarer le reste de son revenu pour l’année en question, et de payer l’impôt pertinent. Les montants totaux de revenu que déclarent le syndic et le failli conformément aux alinéas 128(2)e) et f) constituent le revenu du failli pour l’année, au sens de l’alinéa 128(2)c). Ce régime est non seulement celui qui se dégage clairement des termes de la Loi dans les deux langues officielles, il correspond aussi au simple bon sens. Il serait à la fois inéquitable et illogique d’obliger le failli à payer l’impôt sur le revenu relativement au revenu gagné par une entreprise ou des biens en possession du syndic, qui les gère au bénéfice des créanciers.

 

[6]     En l’espèce, l’appelant a été libéré le 16 janvier 1999, le passage introductif de l’alinéa 128(2)e) est satisfait. Le revenu en question provenait de la société relativement à son exercice ayant pris fin en décembre 1999; il s’agit donc du :

 

revenu de l'année éventuellement tiré des opérations portant sur l'actif du failli ou des actes dans le cadre de l'exploitation de l'entreprise du failli, accomplis par le syndic.

 

Ce revenu provient d’une société de personnes; par définition il est le produit d’une entreprise exploitée par le syndic en commun avec les autres associés. Il s’ensuit  que le syndic était tenu de faire une déclaration dans les 90 premiers jours de 2000, et il a déclaré un revenu de 19 247,16 $ alloué par la société à la participation de M. Turner dans celle-ci, et qu’il était tenu de payer l’impôt sur ce revenu. Je signale au passage que, pour les années postérieures à 2000, tant que le syndic continue à administrer cet actif au profit des créanciers, la situation est la même en raison de l’alinéa 128(2)h) de la Loi.

 

[7]     L’appel est donc accueilli, avec dépens.

 

Signé à Ottawa (Canada), le 10 août 2004.

 

 

"E.A. Bowie"

Le juge Bowie

 

Traduction certifiée conforme

ce 24e jour de mars 2005.

 

François Brunet, traducteur


 

 

RÉFÉRENCE :

2004CCI556

 

N° DE DOSSIER DE LA COUR :

2003-4080(IT)I

 

INTITULÉ DE LA CAUSE:

Nigel Turner et Sa Majesté la Reine

 

LIEU DE L’AUDIENCE:

Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE:

Le 2 juin 2004

 

MOTIFS DU JUGEMENT PAR :

L’honorable E.A. Bowie

 

DATE DU JUGMENT:

Le 10 août 2004

 

COMPARUTIONS :

 

Avocat de l’appelant:

Howard Lastman

 

Mandataire de l’intimée:

Sharon Stewart Guthrie (Avocate-stagiaire)

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Pour l’appelant:

 

Nom :

Howard Lastman

 

Cabinet :

 

 

Pour l’intimée:

Morris Rosenberg

Sous-procureur général du Canada

Ottawa, Canada

 



[1]           L.R. ch. B - 3

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