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Dossier : 2006-3579(IT)G

ENTRE :

BANQUE HSBC CANADA,

appelante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

____________________________________________________________________

 

Requête entendue le 27 avril 2007, à Ottawa (Ontario).

 

Devant: L’honorable juge en chef D.G.H. Bowman

 

Comparutions:

 

Avocat de l’appelante :

Me Edwin Kroft

 

 

Avocats de l’intimée :

Me John Shipley

Me Justine Malone

____________________________________________________________________

ORDONNANCE

 

Vu la requête que les avocats de l’intimée ont présentée afin d’obtenir une ordonnance radiant le paragraphe 19 de l’avis d’appel en vertu de l’alinéa 53a) des Règles de la Cour canadienne de l’impôt (procédure générale);

 

La Cour ordonne que la requête visant la radiation du paragraphe 19 soit rejetée. Il reviendra au juge du procès d’adjuger les dépens de la requête. La Couronne dispose d’un autre délai de 30 jours après la date de la présente ordonnance pour déposer une réponse à l’avis d’appel.

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 19e jour de juin 2007.

 

 

« D.G.H. Bowman »

Juge en chef Bowman

 

Traduction certifiée conforme

ce 29e jour de novembre 2007.

 

Johanne Brassard, trad. a.


 

 

 

Référence : 2007CCI307

Date : 20070619

Dossier : 2006-3579(IT)G

ENTRE :

BANQUE HSBC CANADA,

appelante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE

 

Le juge en chef Bowman

 

[1]     Dans la présente requête, l’intimée demande une ordonnance radiant le paragraphe 19 de l’avis d’appel, lequel est rédigé comme suit :

 

[traduction]

 

Les fonctionnaires du ministère du Revenu national ont examiné les montants qui avaient été facturés à l’appelante au titre de l’assurance‑dépôts de la HBAP au cours des vérifications annuelles. Aucun rajustement n’a été fait au montant déduit par l’appelante à l’égard de chacune de ses années d’imposition, de l’année d’imposition 1986 jusqu’au 31 août de l’année d’imposition 1996, la première année visée par le présent avis d’appel.

 

[2]     Selon les moyens invoqués à l’appui de la requête, le paragraphe 19 contient des allégations de fait qui :

 

a)   peuvent compromettre ou retarder l’instruction équitable de l’appel, aux termes de l’alinéa 53a) des Règles de la Cour canadienne de l’impôt (procédure générale) (les « Règles »);

 

b)   sont scandaleuses, frivoles ou vexatoires, aux termes de l’alinéa 53b) des Règles;

 

c)   constituent un recours abusif à la Cour, aux termes de l’alinéa 53c) des Règles.

 

[3]     L’article 53 des Règles est ainsi rédigé :

Radiation d’un acte de procédure ou d’un autre document

Striking out a Pleading or other Document

    53.  La Cour peut radier un acte de procédure ou un autre document ou en supprimer des passages, en tout ou en partie, avec ou sans autorisation de le modifier parce que l’acte ou le document :

   a) peut compromettre ou retarder l’instruction équitable de l’appel;

   b) est scandaleux, frivole ou vexatoire;

   c) constitue un recours abusif à la Cour.

     53.  The Court may strike out or expunge all or part of a pleading or other document, with or without leave to amend, on the ground that the pleading or other document,

     (a) may prejudice or delay the fair hearing of the action,

     (b) is scandalous, frivolous or vexatious, or

     (c) is an abuse of the process of the Court.

 

[4]     L’intimée s’oppose au paragraphe 19 parce qu’il fait référence au fait que, au cours d’années antérieures aux années frappées d’appel, le ministre du Revenu national n’a pas rajusté le montant que l’appelante avait versé à sa société mère, la Hongkong and Shanghai Banking Corporation Limited (« HBAP »), afin de garantir ses dépôts. Selon la position de l’intimée, il n’est pas pertinent de connaître les décisions rendues par le ministre à l’égard de la contribuable pour d’autres années lorsqu’il s’agit de décider s’il a rendu des décisions correctes pour les années frappées d’appel. J’en conviens. Il est bien établi en droit que ce qui a pu être ou ne pas être fait au cours d’autres années ne lie pas le ministre ni ne donne ouverture à préclusion. Ce principe a été reconnu récemment dans Ludco Enterprises Ltd. v. The Queen, [1996] 3 C.T.C. 74, mais il s’agit d’un principe de longue date.

 

[5]     L’avocat de l’appelante ne conteste pas le principe et reconnaît que la référence aux décisions rendues au cours d’années précédentes n’est pas pertinente quant à la question de la cotisation d’impôt. Il déclare toutefois que cette référence est pertinente quant à la question des pénalités qui ont été imposées pour les années 1999 et 2000 en vertu du paragraphe 247(3) de la Loi de l’impôt sur le revenu, lequel est rédigé comme suit :

 

(3) Pénalité — Tout contribuable (sauf celui dont la totalité du revenu imposable pour l’année est exonéré de l’impôt prévu à la partie I) est passible, pour une année d’imposition, d’une pénalité égale à 10 % du montant déterminé à son égard pour l’année selon l’alinéa a), si l’excédent visé à l’alinéa a) est supérieur au montant visé à l’alinéa b) :

        a) l’excédent éventuel :

           (i) du total des montants suivants

                  (A) le redressement de capital du contribuable pour l’année,

                  (B) le redressement du revenu du contribuable pour l’année,

        sur le total des montants suivants :

           (ii) le total des montants représentant chacun la partie du redressement de capital ou du redressement de revenu du contribuable pour l’année qu’il est raisonnable de considérer comme se rapportant à une opération donnée si :

                  (A) l’opération est un arrangement admissible de participation au coût auquel prend part le contribuable ou une société de personnes dont il est un associé,

                  (B) dans les autres cas, le contribuable ou une société de personnes dont il est un associé a fait des efforts sérieux pour déterminer les prix de transfert de pleine concurrence ou les attributions de pleine concurrence relativement à l’opération et pour les utiliser pour l’application de la présente loi,

           (iii) le total des montants représentant chacun la partie du redressement compensatoire de capital ou du redressement compensatoire de revenu du contribuable pour l’année qu’il est raisonnable de considérer comme se rapportant à une opération donnée si :

                  (A) l’opération est un arrangement admissible de participation au coût auquel prend part le contribuable ou une société de personnes dont il est un associé,

                  (B) dans les autres cas, le contribuable ou une société de personnes dont il est un associé a fait des efforts sérieux pour déterminer les prix de transfert de pleine concurrence ou les attributions de pleine concurrence relativement à l’opération et pour les utiliser pour l’application de la présente loi;

        b) le moins élevé des montants suivants :

           (i) 10 % du montant qui représenterait le revenu brut du contribuable pour l’année s’il n’était pas tenu compte du paragraphe (2), des paragraphes 69(1) et (1.2) ni de l’article 245,

           (ii) 5 000 000 $.

 

[6]     Le paragraphe 247(4) peut également être pertinent quant à la question des pénalités imposées en vertu du paragraphe 247(3). Il est ainsi rédigé :

 

(4) Documentation ponctuelle — Pour l’application du paragraphe (3) et de la définition de « arrangement admissible de participation au coût » au paragraphe (1), un contribuable ou une société de personnes est réputé ne pas avoir fait d’efforts sérieux pour déterminer et utiliser les prix de transfert de pleine concurrence ou les attributions de pleine concurrence relativement à une opération ou ne pas avoir pris part à une opération qui est un arrangement admissible de participation au coût, à moins d’avoir à la fois :

        a) établi ou obtenu, au plus tard à la date limite de production qui lui est applicable pour l’année d’imposition ou l’exercice, selon le cas, au cours duquel l’opération est conclue, des registres ou des documents contenant une description complète et exacte, quant à tous les éléments importants, de ce qui suit :

              (i) les biens ou les services auxquels l’opération se rapporte,

              (ii) les modalités de l’opération et leurs rapports éventuels avec celles de chacune des autres opérations conclues entre les participants à l’opération,

              (iii) l’identité des participants à l’opération et les liens qui existent entre eux au moment de la conclusion de l’opération,

              (iv) les fonctions exercées, les biens utilisés ou apportés et les risques assumés dans le cadre de l’opération par les participants,

              (v) les données et méthodes prises en considération et les analyses effectuées en vue de déterminer les prix de transfert, l’attribution des bénéfices ou des pertes ou la participation aux coûts, selon le cas, relativement à l’opération,

[...]

 

           b) pour chaque année d’imposition ou exercice ultérieur où se poursuit l’opération, établi ou obtenu, au plus tard à la date limite de production qui lui est applicable pour l’année ou l’exercice, selon le cas, des registres ou des documents contenant une description complète et exacte de chacun des changements importants dont les éléments visés aux sous‑alinéas a)(i) à (vi) ont fait l’objet au cours de l’année ou de l’exercice relativement à l’opération;

 

           c) fourni les registres ou documents visés aux alinéas a) et b) au ministre dans les trois mois suivant la signification à personne ou par courrier recommandé ou certifié d’une demande écrite les concernant.

 

[7]     La position de l’appelante est résumée dans le dossier de requête de l’appelante comme suit :

 

[traduction]

 

8.     L’appelante allègue que la requête de la Couronne doit être rejetée pour un certain nombre de raisons :

 

        a)       Les faits allégués au paragraphe 19 de l’avis d’appel modifié sont pertinents lorsqu’il s’agit d’évaluer l’exactitude de la dette de l’appelante selon la Loi de l’impôt sur le revenu (la « Loi ») pour certaines des années d’imposition en question, comme l’indiquent les questions en litige définies dans l’avis d’appel modifié. Si la requête de la Couronne est accueillie, la Couronne sera avantagée et l’appelante subira un préjudice;

 

        b)       L’Agence du revenu du Canada (l’« ARC ») a imposé des pénalités à l’encontre de l’appelante en vertu du paragraphe 247(3) de la Loi (pièce A de l’affidavit de Washbern). L’appelante a soulevé la question des pénalités dans certains paragraphes de son avis d’appel modifié (paragraphes 104, 105, 111, 123, 124, 130, 136 et 144);

 

        c)       La Couronne a le fardeau d’établir les faits qui justifient l’imposition de ces pénalités. Le paragraphe 19 de l’avis d’appel modifié a trait à ces faits et, par conséquent, il a un lien direct avec les questions en litige soulevées dans l’avis d’appel modifié;

 

        d)       Si l’honorable Cour devait accueillir la requête de la Couronne à cette étape‑ci de l’instance, avant les interrogatoires préalables et sans l’avantage que procurent ces faits et les éléments de preuve connexes, la Couronne recevrait une assistance inappropriée dans la tâche qui lui incombe de s’acquitter du fardeau de la preuve. En conséquence, le juge du procès serait privé d’une occasion d’apprécier des éléments de preuve qui pourraient influer sur la décision finale dans cet appel. Le juge du procès est le mieux placé pour apprécier convenablement les énoncés faits au paragraphe 19 de l’avis d’appel modifié ainsi que les autres faits en rendant une décision concernant l’application adéquate des pénalités prévues au paragraphe 247(3) de la Loi. Le rejet de la requête de la Couronne est particulièrement indiqué en l’espèce parce que l’application des paragraphes 247(3) et 247(4) de la Loi n’a pas encore été examinée par les tribunaux;

 

        e)       À cette étape précoce de l’instance, l’appelante ne peut savoir avec certitude si l’ARC s’est fondée sur des renseignements obtenus au cours des vérifications de l’impôt antérieures concernant les arrangements en matière d’assurance‑dépôts de l’appelante pour formuler les hypothèses qui sous‑tendent les nouvelles cotisations établies à l’égard de l’appelante pour les années d’imposition en question. La radiation du paragraphe 19 de l’avis d’appel modifié pourrait empêcher l’appelante de tirer ce point au clair. Si le paragraphe 19 est radié, la Couronne pourrait alors soutenir, au cours des interrogatoires préalables, que les renseignements découlant des anciennes vérifications de l’impôt sur lesquels l’ARC s’était fondée pour établir les nouvelles cotisations ne devraient pas être produits;

 

        f)        Le paragraphe 27 de ces observations indique que la radiation d’un paragraphe d’un acte de procédure devrait se limiter aux cas les plus évidents. Il convient davantage que les questions de poids et de pertinence soient déterminées par le juge du procès, qui aura entendu l’ensemble de la preuve (Gould c. La Reine, 2005 CCI 556, au paragraphe 23) (onglet 3 du dossier de requête);

 

        g)       De toute façon, la requête de la Couronne devrait être rejetée parce que la Couronne a pris une « autre mesure », aux termes de l’article 8 des Règles.

 

[8]     Je ne crois pas que je doive trop m’attarder sur ce point. À cette étape de l’instance, je ne crois pas qu’il soit approprié pour le juge des requêtes, avant la tenue des interrogatoires préalables, de décider de la sorte de preuve qui devrait être entendue au procès. La question de la pertinence doit être tranchée par le juge du procès dans le contexte de l’ensemble de la preuve. Il est évident qu’afin de savoir si l’imposition d’une pénalité en vertu du paragraphe 247(3) est appropriée, il faut décider si le contribuable a fait des « efforts sérieux » pour déterminer et utiliser les prix de transfert de pleine concurrence ou les attributions de pleine concurrence. Il reviendra au juge du procès de décider de ce qui constitue des « efforts sérieux ». Je n’ai pas l’intention en l’espèce de deviner ce que le juge du procès décidera. Le juge pourra décider qu’un aspect des efforts sérieux du contribuable est la considération d’une pratique de longue date du contribuable, qui n’a jamais été contestée. Je ne dis pas que je considérerais ce facteur comme un élément déterminant ou même persuasif si j’étais le juge du procès, mais un autre juge pourrait le faire.

 

[9]     Une requête de radiation d’un acte de procédure devrait être accueillie seulement s’il est évident et manifeste que l’acte est scandaleux, frivole ou vexatoire, ou qu’il constitue un recours abusif à la Cour. (Hunt c. Carey Canada Inc., [1990] 2 R.C.S. 959, à la page 980; Erasmus v. The Queen, 91 DTC 5415, à la page 5416; Gould v. The Queen, [2005] DTC 1311; Niagara Helicopters Limited v. The Queen, [2003] DTC 513, aux pages 514 et 515.) La décision Davitt v. The Queen, [2001] DTC 702, donne un exemple du type d’acte de procédure frivole et vexatoire visé par l’article 8 des Règles.

 

[10]    Il n’est assurément pas évident et manifeste pour moi que l’assertion relative à une pratique non contestée au cours d’années antérieures soit non pertinente dans le cadre de la question des efforts sérieux prévus au paragraphe 247(3) au point où elle doive être radiée en raison de son caractère frivole ou vexatoire. Je ne vois pas non plus en quoi l’allégation pourrait porter préjudice à l’intimée ou retarder indûment l’instruction.

 

[11]    La requête visant la radiation du paragraphe 19 est rejetée. Il reviendra au juge du procès d’adjuger les dépens de la requête. La Couronne dispose d’un autre délai de 30 jours après la date de la présente ordonnance pour déposer une réponse à l’avis d’appel.

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 19e jour de juin 2007.

 

 

 

« D.G.H. Bowman »

Juge en chef Bowman

 

Traduction certifiée conforme

ce 29e jour de novembre 2007.

 

Johanne Brassard, trad. a.


RÉFÉRENCE :

2007CCI307

 

NO DU DOSSIER DE LA COUR :

2006-3579(IT)G

 

INTITULÉ :

Banque HSBC Canada c.

Sa Majesté la Reine

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Ottawa (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 27 avril 2007

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE :

L’honorable juge en chef
D.G.H. Bowman

 

DATE DE L’ORDONNANCE ET DES MOTIFS DE L’ORDONNANCE :

 

 

 

Le 19 juin 2007

 

COMPARUTIONS :

 

 

Avocat de l’appelante :

 

Me Edwin Kroft

 

Avocats de l’intimée :

Me John Shipley

Me Justine Malone

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

 

Pour l’appelante :

 

 

Nom :

 

Cabinet :

Me Edwin G. Kroft

 

McCarthy Tétrault LLP, Avocats

B.P. 10424

1300 – 777, rue Dunsmuir

Vancouver (Colombie‑Britannique)  V7Y 1K2

 

 

Pour l’intimée :

 

John H. Sims, c.r.

Sous‑procureur général du Canada

Ottawa, Canada

 

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