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Dossier : 2006-2782(IT)I

ENTRE :

PINA GARCEA ZAFFINO,

appelante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

____________________________________________________________________

Appels entendus le 23 avril 2007, à Toronto (Ontario).

 

Devant : L’honorable juge E.A. Bowie

 

Comparutions :

 

Pour l’appelante :

L’appelante elle-même

Avocate de l’intimée :

Me Stacey Sloan

____________________________________________________________________

JUGEMENT

 

          Les appels interjetés à l’encontre des nouvelles cotisations établies en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu pour les années d’imposition 2003, 2004 et 2005 sont accueillis, avec dépens le cas échéant, et les nouvelles cotisations sont déférées au ministre du Revenu national pour nouvel examen et nouvelles cotisations au motif que l’appelante a le droit d’inclure dans le calcul de ses frais médicaux les montants qu’elle a payés au cours de ces années au titre de services d’entretien ménager et qu’elle a le droit de déduire de son revenu pour 2004 un montant de 1 814 $ au titre d’honoraires juridiques.

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 29e jour de juin 2007.

 

« E.A. Bowie »

Juge Bowie

Traduction certifiée conforme

ce 17e jour d’août 2007

 

Johanne Brassard, trad. a.


 

 

 

Référence : 2007TCC388

Date : 20070629

Dossier : 2006-2782(IT)I

ENTRE :

PINA GARCEA ZAFFINO,

appelante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

Le juge Bowie

 

[1]     Depuis plusieurs années, l’appelante est atteinte d’incapacités graves qui découlent d’un accident d’automobile. Par conséquent, il lui est très difficile d’accomplir les activités qui, pour la plupart des gens, sont simplement les activités courantes de la vie quotidienne et elle y met beaucoup de temps. Elle a beaucoup de difficulté à faire des activités comme prendre son bain, s’habiller, faire ses courses, cuisiner, faire le ménage et se rendre aux rendez-vous médicaux, pour ne nommer que celles-là. Elle peut accomplir bon nombre de ces activités, sinon la plupart, mais elles lui prennent beaucoup plus de temps qu’avant l’accident et elles lui causent fréquemment des douleurs considérables qui durent au-delà de la période de l’activité.

 

[2]     Au cours des années d’imposition 2003, 2004 et 2005, une société de nettoyage venait à la maison de l’appelante pour accomplir plusieurs tâches de nettoyage que l’appelante avait l’habitude d’accomplir elle-même. Les appels dont je suis saisi se rapportent à ses demandes de crédit d’impôt pour ces années en vertu de l’article 118.2 de la Loi de l’impôt sur le revenu (la « Loi ») en fonction de la rémunération qu’elle a versée pour ces services. Les montants en cause s’élèvent à 1 391 $, à 5 275 $ et à 4 412 $, respectivement, pour les trois années visées. Elle réclame également, au titre de frais médicaux en 2004, le montant de 120 $ qu’elle a été tenue de payer à un médecin avec lequel elle avait un rendez-vous auquel elle n’a pu se rendre. Lorsqu’il a établi les cotisations à son égard, le ministre du Revenu national a refusé tous ces montants et ceux-ci font maintenant l’objet des présents appels.

 

[3]     Je suis également saisi de sa demande de déduction de frais juridiques de 1 814 $ que l’appelante a versés en 2004 pour faire valoir sa demande de pension d’invalidité. L’intimée reconnaît maintenant qu’il s’agit d’un montant que l’appelante a le droit de déduire en vertu de l’alinéa 8(1)b) de la Loi.

 

[4]     Comme c’est trop souvent le cas dans des appels selon la procédure informelle, la réponse à l’avis d’appel déposée par le sous-procureur général du Canada est loin d’être claire mais, si j’ai bien compris, l’intimée ne conteste pas que les montants réclamés par l’appelante pour le nettoyage et pour le rendez-vous manqué ont été réellement payés. Ce qui est en litige est simplement la question de savoir si ces montants peuvent à juste titre être qualifiés de « soins de préposé » et de « services médicaux » au sens des alinéas 118.2(2)b.1) et 118.2(2)a), respectivement. J’examinerai en premier lieu la réclamation à l’égard des soins de préposé. L’alinéa 118.2(2)b.1) de la Loi est rédigé comme suit :

 

118.2(2)           Pour l’application du paragraphe (1), les frais médicaux d’un particulier sont les frais payés:

[…]

 

b.1)      à titre de rémunération pour les soins de préposé fournis au Canada au particulier, à son époux ou conjoint de fait ou à une personne à charge visée à l’alinéa a), dans la mesure où le total des sommes payées ne dépasse pas 10 000 $ (ou 20 000 $ en cas de décès du particulier dans l’année) et si les conditions suivantes sont réunies:

(i)         le particulier, l’époux ou conjoint de fait ou la personne à charge est quelqu’un pour qui un montant est déductible en application de l’article 118.3 dans le calcul de l’impôt payable par un contribuable en vertu de la présente partie pour l’année d’imposition au cours de laquelle les frais sont engagés,

(ii)        aucune partie de la rémunération n’est incluse dans le calcul d’une déduction demandée pour le particulier, l’époux ou conjoint de fait ou la personne à charge en application des articles 63 ou 64 ou des alinéas b), b.2), c), d) ou e) pour une année d’imposition,

(iii)       au moment où la rémunération est versée, le préposé n’est ni l’époux ou conjoint de fait du particulier ni âgé de moins de 18 ans,

(iv)       chacun des reçus présentés au ministre comme attestation du paiement de la rémunération est délivré par le bénéficiaire de la rémunération et comporte, si celui-ci est un particulier, son numéro d’assurance sociale;

 

118.2(2)           For the purposes of subsection 118.2(1), a medical expense of an individual is an amount paid

(b.1)     as remuneration for attendant care provided in Canada to the patient if

(i)         the patient is a person in respect of whom an amount may be deducted under section 118.3 in computing a taxpayer’s tax payable under this Part for the taxation year in which the expense was incurred,

(ii)        no part of the remuneration is included in computing a deduction claimed in respect of the patient under section 63 or 64 or paragraph (b), (b.2), (c), (d) or (e) for any taxation year,

(iii)       at the time the remuneration is paid, the attendant is neither the individual’s spouse or common- law partner nor under 18 years of age, and

(iv)       each receipt filed with the Minister to prove payment of the remuneration was issued by the payee and contains, where the payee is an individual, that individual’s Social Insurance Number,

to the extent that the total of amounts so paid does not exceed $10,000 (or $20,000 if the individual dies in the year);

 

Il n’est pas contesté en l’espèce que les diverses conditions que contiennent les sous-alinéas (i) à (iv) sont remplies. La seule question en litige porte sur la signification à donner à l’expression « les soins de préposé » (« attendant care »).

 

[5]     Il ne fait pas de doute que l’invalidité de l’appelante découlant de l’accident est grave. L’intimée ne le conteste pas, et en vertu des nouvelles cotisations à l’égard de 2003 et de 2004, le crédit d’impôt pour déficience en vertu de l’article 118.3 de la Loi lui a été accordé. Un crédit pour frais médicaux lui a également été accordé à l’égard d’un chien aidant qui l’accompagne à temps plein pour lui offrir divers types d’aide. Selon la position de l’appelante, celle-ci a besoin de beaucoup d’aide pour ses activités quotidiennes et je ne doute pas que cela soit le cas. Elle ne dispose pas d’un aide familial à temps plein, mais elle reçoit de l’aide de son époux, de ses parents, d’autres membres de sa famille, de plusieurs amis et voisins et évidemment de son chien aidant. Toutes ces personnes ont contribué à son bien-être en fournissant de l’aide à divers titres du genre que fournirait un préposé à temps plein, si elle en avait un.

 

[6]     Chose curieuse, selon la position de l’intimée, si l’appelante avait payé pour qu’un préposé accomplisse différents genres de tâches pour elle — des tâches pour lesquelles l’appelante reçoit l’aide de ses parents, de ses amis et de ses voisins — y compris le nettoyage qu’elle cherche maintenant à inclure dans sa réclamation de frais médicaux, ce coût lui serait alors accordé en vertu de l’alinéa 118.2(2)b.1). Mais les services fournis par les sociétés de nettoyage ne sont pas admissibles à titre de « soins de préposé » parce que le seul genre d’aide qu’elles fournissent est le nettoyage. Selon le point de vue du ministre, si je le comprends bien, un « préposé » fournit toute une gamme de services pour aider une personne atteinte d’une invalidité, et pas un service unique. Ainsi, une personne qui fournit uniquement un genre de services ne peut fournir de « soins de préposé » dans le sens où l’expression est employée à l’alinéa 118.2(2)b.1). Cela était ainsi formulé dans une lettre à l’appelante provenant de la Division des appels de l’Agence du revenu Canada qui contenait l’avis de ratification :

 

[traduction] … les soins de préposé sont des soins fournis par un préposé qui accomplit les tâches personnelles que la personne handicapée ne peut  accomplir par elle-même. Selon la situation, ces tâches peuvent comprendre la préparation des repas, les services de ménage et de nettoyage et le transport. Toutefois, si une personne est employée pour effectuer une tâche en particulier, par exemple, pour fournir des services de ménage, la prestation de ces services n’est pas considérée comme des « soins de préposé ».

 

Je dois avouer que s’il existe une logique dans cette analyse, celle-ci m’échappe. J’aurais cru que l’expression « soins de préposé » désigne la totalité des services fournis par un préposé et que si un service en particulier appartient à cette catégorie lorsqu’il est fourni avec d’autres services, il doit nécessairement appartenir à cette catégorie lorsqu’il est fourni seul. Le fait qu’un contribuable donné ait besoin d’obtenir commercialement seulement un des services ne modifie assurément pas la nature de ce service, le transformant de « soins de préposé » en autre chose.

 

[7]     Le point de vue de l’intimée exige une interprétation indûment étroite de l’expression « soins de préposé » (« attendant care »). Selon la définition du Canadian Oxford Dictionary, le mot « attendant » (« préposé ») désigne [traduction] « une personne employée pour servir d’autres personnes ou pour fournir un service » et parmi les nombreuses significations du mot « care » (« soins »), mentionnons [traduction] « le processus de s’occuper d’une personne …; la fourniture de ce qui est nécessaire pour la santé ou la protection ». L’expression « soins de préposé » utilisée dans la version française de la Loi a une signification tout aussi étendue : voir Le Nouveau Petit Robert aux pages 1766, 2104; Harrap’s Shorter Dictionary aux pages 720, 861. La signification ordinaire de l’expression, dans l’une ou l’autre langue officielle, englobe le genre de services de nettoyage que l’appelante réclame en l’espèce, comme l’admet l’intimée. Ces services ne peuvent alors pas être exclus de cette signification simplement parce que l’appelante a la chance d’obtenir les autres services de préposé dont elle a besoin d’autres sources, et ce, sans frais. Si le nettoyage de la maison est un « service de préposé » lorsqu’il est fourni avec d’autres services, il doit alors assurément être un « service de préposé » lorsqu’il est fourni seul.

 

[8]     Dans l’arrêt Johnston v. The Queen[1], la Cour d’appel fédérale a cité en les approuvant les passages suivants du jugement du juge Bowman, tel était alors son titre, dans Radage v. The Queen[2] :

 

L’intention du législateur semble être d’accorder un modeste allégement fiscal à ceux et celles qui entrent dans une catégorie relativement restreinte de personnes limitées de façon marquée par une déficience mentale ou physique. L’intention n’est pas d’accorder le crédit à quiconque a une déficience ni de dresser un obstacle impossible à surmonter pour presque toutes les personnes handicapées. On reconnaît manifestement que certaines personnes ayant une déficience ont besoin d’un tel allégement fiscal, et l’intention est que cette disposition profite à de telles personnes.

 

[…]

 

Pour donner effet à l’intention du législateur, qui est d’accorder à des personnes déficientes un certain allégement qui atténuera jusqu’à un certain point les difficultés accrues avec lesquelles leur déficience les oblige à composer, la disposition doit recevoir une interprétation humaine et compatissante.

 

Ces déclarations ont été faites dans le contexte des articles 118.3 et 118.4 de la Loi, mais elles doivent s’appliquer avec autant de force lorsqu’il s’agit d’interpréter l’alinéa 118.2(2)b.1), dont l’objet est le même.

 

[9]     Je constate également que dans la définition des activités courantes de la vie quotidienne mentionnées au paragraphe 118.4(1), le législateur a expressément exclu les « travaux ménagers » dans l’alinéa d). Il aurait aisément pu exclure les travaux ménagers de l’expression « soins de préposé », s’il avait choisi de le faire.

 

[10]    Pour tous ces motifs, l’appelante a gain de cause à l’égard de sa prétention selon laquelle elle a le droit d’inclure les montants qu’elle a payés pour des services de nettoyage dans le calcul de ses frais médicaux en vertu de l’article 118.2 de la Loi.

 

[11]    J’examinerai maintenant la prétention de l’appelante selon laquelle elle devrait avoir le droit d’inclure dans le calcul de ses frais médicaux la somme de 120 $ qu’elle a été tenue de payer à un médecin lorsqu’elle n’a pu se rendre à un rendez-vous. Elle soutient que la raison pour laquelle elle n’a pu se rendre au rendez-vous était que le jour du rendez-vous, elle souffrait à un point tel qu’elle n’a pu se déplacer jusqu’au bureau du médecin. Par conséquent, elle attribue le rendez-vous manqué directement à son état de santé et dit qu’il serait injuste de ne pas l’inclure dans les frais médicaux.

 

[12]    Je suis sensible à la situation de l’appelante, mais le libellé de la Loi est très clair. La disposition pertinente est l’alinéa 118.2(2)a).

118.2(2)           Pour l’application du paragraphe (1), les frais médicaux d’un particulier sont les frais payés:

a)         à un médecin, à un dentiste, à une infirmière ou un infirmier, à un hôpital public ou à un hôpital privé agréé, pour les services médicaux ou dentaires fournis au particulier, à son époux ou conjoint de fait ou à une personne à la charge du particulier (au sens du paragraphe 118(6)) au cours de l’année d’imposition où les frais ont été engagés;

 

118.2(2)           For the purposes of subsection 118.2(1), a medical expense of an individual is an amount paid

(a)        to a medical practitioner, dentist or nurse or a public or licensed private hospital in respect of medical or dental services provided to a person (in this subsection referred to as the "patient") who is the individual, the individual’s spouse or common-law partner or a dependant of the individual (within the meaning assigned by subsection 118(6)) in the taxation year in which the expense was incurred;

[Non souligné dans l’original.]

 

[13]    Les versions française et anglaise de la Loi indiquent très clairement que pour qu’un montant soit considéré comme des frais médicaux aux fins de l’article 118.2, il ne suffit pas qu’il ait été payé à un médecin  —  il doit avoir été payé « pour les services médicaux » (« … in respect of medical … services … »). Dans son argumentation, l’appelante a qualifié le service du médecin à qui le paiement a été versé comme étant la disponibilité de celui-ci à son égard pendant la durée du rendez-vous. À mon avis, le libellé de la Loi ne peut tout simplement pas recevoir cette interprétation. Un service médical exige quelque chose de plus qu’être simplement disponible pour voir une patiente si elle décide de se présenter à son bureau à une heure déterminée.

 

[14]    Les appels sont accueillis, avec dépens le cas échéant, et les cotisations sont déférées au ministre du Revenu national pour nouvel examen et nouvelles cotisations au motif que l’appelante a le droit d’inclure dans le calcul de ses frais médicaux les montants qu’elle a payés au cours de ces années au titre de services d’entretien ménager et qu’elle a le droit de déduire de son revenu pour 2004 un montant de 1 814 $ au titre d’honoraires juridiques.

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 29e jour de juin 2007.

 

 

« E.A. Bowie »

Juge Bowie

Traduction certifiée conforme

ce 17e jour d’août 2007

 

Johanne Brassard, trad. a.


 

 

RÉFÉRENCE :                                  2007TCC388

 

NO DE DOSSIER DE LA COUR :      2006-2782(IT)I

 

INTITULÉ :                                       Pina Garcea Zaffino c.

                                                          Sa Majesté la Reine

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                   Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                 Le 23 avril 2007

 

MOTIFS DU JUGEMENT :               L’honorable juge E.A. Bowie

 

DATE DU JUGEMENT :                   Le 29 juin 2007

 

COMPARUTIONS :

 

Pour l’appelante :

L’appelante elle-même

Avocate de l’intimée :

Me Stacey Sloan

 

AVOCAT INSCRIT AU DOSSIER :

 

       Pour l’appelante :

 

                          Nom :                      S.O.

 

                            Cabinet :                S.O.

 

       Pour l’intimée :                            John H. Sims, c.r.

                                                          Sous-procureur général du Canada

                                                          Ottawa, Canada



[1]           [1998] 2 C.T.C. 262.

 

[2]           [1996] 3 C.T.C. 2510.

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