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Dossier : 2005-4323(EI)

ENTRE :

VALÉRIE RODRIGUE,

appelante,

et

 

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé.

 

____________________________________________________________________

Appel entendu le 24 août 2006 à Québec (Québec)

 

Devant : L'honorable S.J. Savoie, juge suppléant

 

Comparutions :

 

Avocat de l'appelante :

Me Jérôme Carrier

 

Avocate de l'intimé :

Me Stéphanie Côté

____________________________________________________________________

 

JUGEMENT

 

          L'appel est accueilli et la décision rendue par le Ministre est annulée selon les motifs du jugement ci-joints.

 

Signé à Grand-Barachois (Nouveau-Brunswick), ce 24e jour d'octobre 2006.

 

 

 

« S.J. Savoie »

Juge suppléant Savoie


 

 

 

 

Référence : 2006CCI547

Date : 20061024

Dossier : 2005-4323(EI)

ENTRE :

VALÉRIE RODRIGUE,

appelante,

et

 

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé.

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

 

Le juge suppléant Savoie

 

[1]     Cet appel a été entendu à Québec (Québec), le 24 août 2006.

 

[2]     Il s'agit d'un appel de la décision du ministre du Revenu national (le « Ministre ») en date du 16 août 2005 selon laquelle l’appelante occupait un emploi assurable durant la période du 16 mars 2003 au 13 mars 2005 (la « période en litige »), alors qu'elle était au service de Jacomau Inc., le payeur.

 

[3]     En rendant sa décision à l'effet que l'emploi de l'appelante était assurable, le Ministre s'est appuyé sur les faits présumés suivants :

 

5.a)      le payeur a été constitué en société le 7 juin 1995; (admis)

 

b)         le payeur se spécialise dans la fabrication de moulures, de composantes de portes et fenêtres et de revêtements extérieurs; (admis)

 

c)         le payeur exploite son entreprise à l'année longue et connaît une période de pointe entre les mois de mars à octobre; (admis)

 

d)         le payeur a une clientèle au Québec, en Ontario et aux États-Unis; (admis)

 

e)         en 2004, le payeur a eu un chiffre d'affaires de 6,5 $ millions qui devait atteindre 7,2 $ millions en 2005; (admis)

 

f)          le payeur embauche plus ou moins 30 personnes dont la plupart sont des journaliers ou opérateurs de machinerie travaillant à l'usine; (admis)

 

g)         Jean-Marc Rodrigue, père de l'appelante, est directeur de la production, Gaétane Veilleux, mère de l'appelante est directrice des opérations et l'appelante est contrôleur de la production et de la qualité; (admis)

 

h)         l'appelante travaille à plein temps pour le payeur depuis juin 2002; (admis)

 

i)          en tant que contrôleur, l'appelante était en charge de :

 

            la planification, le suivi, le rendement et changement de la production,

            le suivi des livraisons,

            le transport,

            l'inventaire et l'achat de bois,

            la réception et l'expédition de la marchandise,

            le contrôle de la qualité,

            le comité Santé et Sécurité au travail; (admis – à parfaire)

 

j)          l'appelante travaillait généralement de 7 h à 18 h, du lundi au jeudi, de 7 h à 16 h le vendredi et de 8 h à 12 h ou 13 h le samedi; (nié)

 

k)         les heures de travail de l'appelante n'étaient pas comptabilisées, mais elle faisait régulièrement de 50 à 60 heures par semaine; (nié)

 

l)          l'appelante recevait une rémunération brute de 600 $ par semaine; (admis)

 

m)        la rémunération de l'appelante lui était versée par dépôt direct à chaque semaine; (admis)

 

n)         l'appelante n'a bénéficié d'aucune semaine de vacance depuis ses débuts avec le payeur; (admis)

 

o)         en 2004, l'appelante a reçu un boni de 5 000 $ du payeur en remerciement pour son bon travail; (nié)

 

p)         si l'appelante avait à se déplacer dans le cadre de son travail, elle utilisait son automobile et le payeur lui remboursait 0,35 $ du kilomètre parcouru; (nié)

 

q)         l'appelante travaillait presque exclusivement à la place d'affaires du payeur et sous sa supervision; (nié)

 

r)          l'appelante recevait une rémunération fixe du payeur et n'avait pas de dépenses à encourir dans le cadre de son travail; (nié)

 

[4]     L'appelante et le payeur sont des personnes liées au sens de la Loi de l'impôt sur le revenu car :

 

6.a)      Jean-Marc Rodrigue était l'unique actionnaire du payeur; (admis)

 

b)         l'appelante est la fille de M. Jean-Marc Rodrigue; (admis)

 

c)         l'appelante est liée à une personne qui contrôle le payeur. (admis)

 

[5]     Le Ministre a déterminé aussi que l’appelante et le payeur étaient réputés ne pas avoir de lien de dépendance entre eux dans le cadre de cet emploi car il a été convaincu qu'il était raisonnable de conclure que l’appelante et le payeur auraient conclu entre eux un contrat de travail à peu près semblable s'ils n'avaient pas eu de lien de dépendance, compte tenu des circonstances suivantes :

 

7.a)      lappelante recevait une rémunération hebdomadaire fixe de 600 $ par semaine qui, considérant ses tâches et responsabilités auprès du payeur, était raisonnable; (nié)

 

b)         malgré un horaire de travail variable, l’appelante travaillait entre 50 et 60 heures par semaine; (nié)

 

c)         les fonctions exercées par l'appelante étaient essentielles à la bonne marche de l'entreprise du payeur; (admis)

 

d)         l'appelante, tout comme les autres travailleurs du payeur, était couverte par une assurance-groupe du payeur (salaire, médicaments et vie) pour laquelle elle contribuait à 50%; (admis)

 

e)         l'appelante a choisi de ne pas prendre son congé parental, c'est son conjoint qui l'a pris. (admis)

 

[6]     La preuve a révélé que l'appelante a débuté son travail à l'entreprise du payeur à l'âge de 12 ans, les soirs, après l'école et les fins de semaine. Elle a débuté son emploi à temps plein en 2002 et depuis ses débuts jusqu'à la fin de la période en litige, son salaire est passé de 14 104,00 $ à 35 473,00 $ par année.

 

[7]     L'appelante est contrôleur de la production et de la qualité à l'entreprise du payeur. Pendant la période en litige, elle avait pour tâches :

 

1)       la planification, le suivi, le rendement et le changement de la production;

 

          2)       le suivi des livraisons;

 

          3)       le transport;

 

          4)       l'inventaire et l'achat de bois;

 

          5)       la réception et l'expédition de la marchandise;

 

          6)       le contrôle de la qualité, et;

 

          7)       le Comité santé et sécurité au travail.

 

[8]     Dès le début de son emploi à temps plein, l'appelante s'est chargée de régler les problèmes liés à la production.  Elle a mis sur pied un système de gestion, ce qui, au début, n'a pas plu à tout le monde. Elle a su démontrer à son père que l'entreprise, en raison de certaines lacunes, perdait de l'argent. Puisque la gestion n'avait pas beaucoup d'intérêt pour son père, l'appelante a discuté avec lui et sa mère, puis, avec l'aide d'un consultant, elle a mis sur pied un système visant à régler le problème lié à la production, soit le P.V.A. (Production en valeur ajoutée). Le tout étant informatisé, le problème de production était réglé.

 

[9]     Dès son jeune âge, elle visait la direction de l'entreprise du payeur. Elle a appris l'anglais pour pouvoir soutenir la clientèle américaine et la développer davantage puisque son père ne parle pas l'anglais. Déjà en 2002, à l'âge de 18 ans, son père lui montrait les rouages de l'usine. Elle est familière avec toutes les composantes des opérations et fréquemment elle remplace son père comme contremaître, puisqu'elle a déjà travaillé sur la chaîne de production.

 

[10]    L'appelante a réussi à convaincre son père de faire l'acquisition d'un logiciel fait sur mesure pour l'entreprise, ce qui lui permet de réduire son temps apporté à ses multiples tâches de façon à être en mesure de voir davantage à l'ensemble des opérations. « J'ai pris cette initiative», a-t-elle affirmé. Elle a ajouté : « J'ai dû le faire puisque mon père ne veut pas s'occuper de gestion.»

 

[11]    L'appelante travaille de 50 à 60 heures par semaine, mais elle est aussi responsable des urgences qui se présentent fréquemment en dehors des heures de travail et les fins de semaine, et qui exigent une dizaine d'heures additionnelles de travail par semaine. C'est elle qui s'occupe des problèmes associés au conflit du bois d'œuvre avec les États-Unis et des problèmes aux douanes.

 

[12]    L'appelante a affirmé qu'elle investissait son temps pour l'avenir, confiante que l'entreprise allait lui appartenir un jour. « Sans ça, » a-t-elle affirmé, « je ne travaillerais pas dans de telles conditions et un étranger, non lié, non plus. » L'appelante a ajouté que son père ne ferait pas son travail. La mère de l'appelante a confirmé que celle-ci était destinée à prendre la relève de l'entreprise.

 

[13]    Dans son travail au quotidien, à l'usine, monsieur Rodrigue ne dit pas à l'appelante quoi faire. Elle a toute la latitude d'exécuter ses tâches comme elle le veut. C'est plutôt elle qui dit à son père quelles commandes il faut sortir. Elle n'a de comptes à rendre à personne.

 

[14]    Dans une lettre en date du 27 avril 2005 adressée à la Division des appels de l’Agence des douanes et du revenu du Canada, madame Maude Boivin, conseillère, Service à la clientèle, Conseil Taxes Inc., Division des personnes liées, écrivait que l'appelante recevait un salaire nettement inférieur à celui du marché de l'emploi. Le salaire d'un autre employé non lié à la famille, qui effectuerait le même travail serait, selon elle, au moins 50 000,00 $ par année. Il ne faut pas oublier, par ailleurs, que le représentant des ventes de l'entreprise, Laurent Lessard, est payé par l'entreprise à raison de 80 000,00 $ par année, réalité que le Ministre a ignoré dans son évaluation. En 2004, le payeur a versé un boni de 5 000,00 $ à l'appelante, en remerciement pour son bon travail. Il faut signaler qu'elle a été la seule parmi les employés à recevoir un tel traitement, sauf Laurent Lessard qui, lui, a reçu un boni de plus de 50 000,00 $.

 

[15]    L'appelante n'a pas bénéficié de vacances depuis qu'elle est au service du payeur, soit depuis 2002, si ce n'est que quelques jours. Celle-ci n'a encouru que très peu de dépenses dans l'exercice de ses fonctions. Il lui arrive à l'occasion de devoir se déplacer chez un client avec son propre véhicule et le payeur lui verse alors une compensation de 35 cents du kilomètre. Le payeur a fourni à l'appelante un téléphone cellulaire, ce qui lui permet de communiquer avec les clients et d'être accessible à ceux-ci, souvent après les heures de travail, c'est-à-dire, les soirs et les fins de semaine. Lorsqu'elle travaille à partir de sa résidence, elle utilise un portable et un télécopieur qui lui sont fournis par le payeur.

 

[16]    Il a été établi que l'appelante a accouché de son premier enfant le 29 mars 2005. Elle avait cessé de travailler au bureau du payeur le 13 mars 2005, mais elle travaillait plutôt à partir de sa résidence de 20 à 30 heures par semaine sans rémunération. Elle a pris quelques jours, c'est-à-dire trois ou quatre, de congé, après son accouchement et a repris le travail au bureau le 4 avril 2005 selon son horaire habituel. Cependant, pendant ces journées de congé, elle a travaillé pour l'entreprise avec son portable, même le jour de l'accouchement, où elle a travaillé jusqu'à 13 heures à l'hôpital pour l'entreprise.

 

[17]    L'objet du débat ne consiste pas à déterminer s'il existait un contrat de travail entre l'appelante et le payeur. Il faut admettre que l'appelante recevait un revenu d'emploi fixé par le payeur et payé par celui-ci. Le lien de subordination a été établi, selon la preuve, même si l'appelante jouit d'une certaine autonomie en raison de sa compétence et de son expérience au sein de l'entreprise. Il reste que son père, monsieur Rodrigue, est l'unique actionnaire de l'entreprise. Il s'agit plutôt de déterminer si l'emploi de l'appelante est exclu des emplois assurables, selon la Loi sur l'assurance-emploi (la « Loi »), qui stipule ce qui suit :

 

EMPLOI ASSURABLE

 

5.(2)     N'est pas un emploi assurable :

 

[...]

 

i)          l'emploi dans le cadre duquel l'employeur et l'employé ont entre eux un lien de dépendance.

 

5.(3)     Pour l’application de l’alinéa (2)i) :

 

[...]

 

b)         l’employeur et l’employé, lorsqu’ils sont des personnes liées au sens de cette loi, sont réputés ne pas avoir de lien de dépendance si le ministre du Revenu national est convaincu qu’il est raisonnable de conclure, compte tenu de toutes les circonstances, notamment la rétribution versée, les modalités d’emploi ainsi que la durée, la nature et l’importance du travail accompli, qu’ils auraient conclu entre eux un contrat de travail à peu près semblable s’ils n’avaient pas eu de lien de dépendance.

 

[16]    Le Ministre soutient qu'il a exercé, à bon droit, son pouvoir discrétionnaire qui lui est conféré sous le paragraphe 5(3) de la Loi et que les conditions de travail de l'appelante auraient été à peu près semblables si l'appelante et le payeur n'avaient pas eu entre eux de lien de dépendance.

 

[17]    Dans le cas sous étude, la preuve a été faite que l'appelante a grandi dans cette entreprise qui a connu ses débuts avec son père, quelques années plus tôt. Quant à l'appelante, elle s'est intéressée à l'entreprise dès son jeune âge et c'est dans l'intention de prendre la relève à la tête de cette entreprise qu'elle est allée chercher son diplôme d'études professionnelles et fait l'apprentissage de l'anglais.

 

[18]    Il incombe maintenant à cette Cour d'examiner toutes les circonstances décrites à l'alinéa 5(3)b) de la Loi qui ont fait l'objet de l'analyse du Ministre.

 

RÉTRIBUTION VERSÉE

 

[19]    Le Ministre a produit sous la cote I-3 un extrait d'un document préparé et publié par Ressources humaines et Développement des compétences Canada qui vise à supporter la conclusion que le salaire versé à l'appelante se compare à celui de la norme dans l'industrie pour ceux qui oeuvrent dans la catégorie identifiée comme « commis à la production ».

 

[20]    Le procureur de l'appelante a exprimé l'opinion que les tâches de l'appelante étaient loin d'être comparables à celles d'un « commis ». Cette Cour est d'avis que cette opinion est bien fondée puisque la preuve a révélé que les tâches de l'appelante ressemblent davantage à celles d'un directeur ou d'un gestionnaire. Son titre d'ailleurs est celui de « contrôleur de la production et de la qualité ».

 

[21]    Par ailleurs, l'appelante a fait la preuve de son rôle primordial dans l'entreprise, des progrès réalisés par celle-ci ainsi que de l'efficacité améliorée grâce à son initiative.

 

[22]    Il a été établi que l'appelante a investi du temps dans l'entreprise en considération de son avenir qui prévoit son ascension comme propriétaire de celle-ci.

 

[23]    Les heures de travail, le faible salaire versé, le degré de responsabilités qu'on lui a confiées, son expérience malgré son jeune âge et la main de maître qu'elle a mise aux dossiers problématiques de l'entreprise soutiennent sa prétention qu'un étranger non lié, possédant les mêmes qualifications, n'aurait pas conclu un contrat de travail à peu près semblable, ni pour ce même salaire.

 

[24]    Il faut souligner que monsieur Lessard, le représentant des ventes de l'entreprise gagne un salaire qui se situe, avec son boni, au niveau des 80 000,00 $ par année. Pourtant le Ministre n'a pas tenu compte de cette réalité dans son analyse.

 

MODALITÉS ET DURÉE DE L'EMPLOI

 

[25]    Lorsque l'appelante exécute du travail à partir de sa résidence pour le payeur, ce dernier lui fournit un téléphone cellulaire. Elle passe de nombreuses heures par semaine à régler les urgences associées aux problèmes du bois d'œuvre, des douanes et du transport. Elle n'a pris que quelques jours de congé pour son accouchement. Le jour même de celui-ci, elle a travaillé avec son portable de l'hôpital jusqu'à 13 heures.

 

[26]    Elle travaille à temps plein depuis 2002, ayant commencé à temps partiel en l'année 1986, à l'âge de 12 ans. Elle gère l'entreprise avec ses parents parce qu'elle possède l'expertise et l'expérience pour le faire et elle a toute la confiance de ses parents.

 

[27]    La prépondérance de la preuve a établi que l'entreprise ne serait pas rendue où elle est sans l'apport de l'appelante.

 

NATURE ET IMPORTANCE DU TRAVAIL

 

[28]    Le payeur exploite une entreprise de fabrication de moulures, de composantes de portes et fenêtres et de revêtement extérieur. Quarante pour cent de sa clientèle se situe aux États-Unis. L'appelante occupe un poste de gestion. Elle est seule dans l'entreprise qui peut communiquer avec cette clientèle en anglais. Elle a appris depuis son enfance tous les rouages de l'entreprise, incluant les opérations à l'usine où elle a elle-même travaillé.

 

[29]    Elle s'est montrée innovatrice et informée. Elle a su adapter l'entreprise à l'ère moderne et l'informatiser. Sa contribution est telle qu'elle est devenue l'âme dirigeante de cette entreprise.

 

[30]    La question qu'il faut poser est celle-ci : un étranger aurait-il travaillé comme l'appelante pour un salaire très inférieur à la moyenne dans l'industrie, compte tenu de son horaire? Cet étranger aurait-il travaillé autant d'heures supplémentaires sans rémunération, sans vacances, et sans journées de congé? Pour ne pas répéter toutes les conditions et modalités de l'emploi de l'appelante, il convient d'examiner cette détermination du Ministre et se demander s'il est raisonnable de conclure que l'appelante et le payeur auraient conclu entre eux un contrat de travail à peu près semblable s'ils n'avaient pas eu de lien de dépendance.

 

[31]    Après avoir examiné de près de toutes les circonstances entourant l'emploi de l'appelante, notamment la rétribution versée, les modalités d'emploi ainsi que la durée, la nature et l'importance du travail accompli, cette Cour est d'avis que les faits ne supportent pas cette conclusion.

 

[32]    La Cour d'appel fédérale a énoncé les principes d'application quant à la solution au problème présenté à cette Cour dans l'arrêt Légaré c. Canada (ministre du Revenu national – M.R.N.), [1999] A.C.F. no 878, où le juge Marceau au paragraphe 4 statuait ce qui suit :

 

La Loi confie au ministre le soin de faire une détermination à partir de la conviction à laquelle son examen du dossier peut le conduire. L'expression utilisée introduit une sorte d'élément de subjectivité et on a pu parler de pouvoir discrétionnaire du ministre, mais la qualification ne devrait pas faire oublier qu'il s'agit sans doute d'un pouvoir dont l'exercice doit se fonder pleinement et exclusivement sur une appréciation objective des faits connus ou supposés. Et la détermination du ministre n'est pas sans appel. La Loi accorde, en effet, à la Cour canadienne de l'impôt le pouvoir de la réviser sur la base de ce que pourra révéler une enquête conduite, là, en présence de tous les intéressés. La Cour n'est pas chargée de faire la détermination au même titre que le ministre et, en ce sens, elle ne saurait substituer purement et simplement son appréciation à celle du ministre : c'est ce qui relève du pouvoir dit discrétionnaire du ministre. Mais la Cour doit vérifier si les faits supposés ou retenus par le ministre sont réels et ont été appréciés correctement en tenant compte du contexte où ils sont survenus, et après cette vérification, elle doit décider si la conclusion dont le ministre était « convaincu » paraît toujours raisonnable.

 

[33]    En raison de la preuve recueillie, cette Cour doit conclure que les faits supposés ou retenus par le Ministre ne sont pas réels et n'ont pas été appréciés correctement en tenant compte du contexte où il sont survenus. La preuve présentée à l'audition porte à la détermination que la conclusion dont le Ministre était « convaincu » ne paraît plus raisonnable.

 

[34]    En conséquence, l'appel est accueilli et la décision rendue par le Ministre est annulée.

 

Signé à Grand-Barachois (Nouveau-Brunswick), ce 24e jour d'octobre 2006.

 

 

 

 

« S.J. Savoie »

Juge suppléant Savoie


 

 

RÉFÉRENCE :

2006CCI547

 

No DU DOSSIER DE LA COUR :

2005-4323(EI)

 

INTITULÉ DE LA CAUSE :

Valérie Rodrigue et M.R.N.

 

LIEU DE L'AUDIENCE :

Québec (Québec)

 

DATE DE L'AUDIENCE :

Le 24 août 2006

 

MOTIFS DE JUGEMENT PAR :

L'honorable S.J. Savoie,

juge suppléant

 

DATE DU JUGEMENT :

Le 24 octobre 2006

 

COMPARUTIONS :

 

Pour l'appelante :

Me Jérome Carrier

 

Pour l'intimé :

Me Stéphanie Côté

 

AVOCAT INSCRIT AU DOSSIER:

 

Pour l'appelante :

 

Nom :

Me Jérôme Carrier

 

Étude :

Jérôme Carrier, avocat

Lévis (Québec)

 

Pour l'intimé :

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

Ottawa, Canada

 

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