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Dossier : 2004-4280(IT)G

ENTRE :

GABRIEL LEGER,

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

____________________________________________________________________

 

Appel entendu sur preuve commune avec

l’appel de Gabriel Leger (2004‑4274(GST)G)

le 17 janvier 2007, à Moncton (Nouveau-Brunswick).

 

Devant : L’honorable juge François Angers

 

Comparutions :

 

Avocat de l’appelant :

Me Jack M. Blackier

Avocat de l’intimée :

Me Marcel Prévost

____________________________________________________________________

 

JUGEMENT

 

          L’appel à l’encontre de la cotisation établie en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu pour les périodes du 1er avril au 30 juin 1997, du 1er juillet au 30 septembre 1997, du 1er octobre au 31 décembre 1997, du 1er avril au 30 juin 1998 et du 1er octobre au 31 décembre 1998, est accueilli et la cotisation est déférée au ministre du Revenu national pour nouvel examen et nouvelle cotisation selon les motifs du jugement ci-joints. Chaque partie devra assumer ses propres dépens.

 

Signé à Québec (Québec), ce 27e jour de juin 2007.

 

 

« François Angers »

Juge Angers

 

Traduction certifiée conforme

ce 3e jour de mars 2008.

 

 

 

Mario Lagacé, jurilinguiste


 

Dossier : 2004-4274(GST)G

ENTRE :

GABRIEL LEGER,

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

____________________________________________________________________

Appel entendu sur preuve commune avec

l’appel de Gabriel Leger (2004‑4280(IT)G)

le 17 janvier 2007, à Moncton (Nouveau-Brunswick).

 

Devant : L’honorable juge François Angers

 

Comparutions :

 

Avocat de l’appelant :

Me Jack M. Blackier

Avocat de l’intimée :

Me Marcel Prévost

____________________________________________________________________

JUGEMENT

 

          L’appel à l’encontre de la cotisation établie en vertu de la Loi sur la taxe d’accise, dont l’avis est daté du 2 octobre 2002, pour les périodes du 1er avril au 30 juin 1997, du 1er juillet au 30 septembre 1997, du 1er octobre au 31 décembre 1997, du 1er avril au 30 juin 1998 et du 1er octobre au 31 décembre 1998, est rejeté selon les motifs du jugement ci-joints. Chaque partie devra assumer ses propres dépens.

 


Signé à Québec (Québec), ce 27e jour de juin 2007.

 

 

« François Angers »

Juge Angers

Traduction certifiée conforme

ce 3e jour de mars 2008.

 

 

 

Mario Lagacé, jurilinguiste


 

 

 

Référence : 2007CCI322

Date : 20070627

Dossiers : 2004-4280(IT)G

2004-4274(GST)G

 

ENTRE :

GABRIEL LEGER,

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

Le juge Angers

 

[1]     Ces deux appels ont été entendus sur preuve commune. Des cotisations ont été établies à l’égard de l’appelant en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu (LIR) et de la Loi sur la taxe d’accise (LTA) le 2 octobre 2002. Ces cotisations ont été établies à l’égard de l’appelant en sa qualité d’administrateur de Sécurité Richard Limitée (« SRL ») concernant le défaut de cette entité de verser l’impôt sur le revenu, les cotisations d’assurance-chômage et les cotisations au Régime de pensions du Canada (retenues salariales) pour ses employés et son défaut de verser la taxe sur les produits et services/la taxe de vente harmonisée (TPS/TVH) pour les périodes du 1er avril au 30 juin 1997, du 1er juillet au 30 septembre 1997, du 1er octobre au 31 décembre 1997, du 1er avril au 30 juin 1998 et du 1er octobre au 31 décembre 1998 (les « périodes »). Des cotisations ont été établies à l’égard de SRL le 20 janvier 1995 et le 1er septembre 1995 pour des déductions salariales impayées. Dans le relevé joint à la réponse à l’avis d’appel, le montant indiqué comme étant non versé à la date de la cotisation du 1er septembre 1995 s’élève à 58 012,18 $ pour l’année 1994. Les autres montants en souffrance sont des pénalités et des intérêts accumulés jusqu’en 1999, quelques chèques de versement régulier retournés pour insuffisance de fonds et un montant de 4 915,21 $ au titre de l’impôt fédéral non versé et de 2 998,25 $ au titre de l’impôt provincial non versé pour 1998. Il est difficile de déterminer le moment de l’établissement de la cotisation de SRL pour la TPS/TVH non versée à l’égard des périodes ci-dessus. Mais dans les deux cas, le ministre du Revenu national (le « ministre ») a déposé un bref et un certificat auprès de la Cour fédérale, comme l’exigent à la fois la LIR et la LTA, et tous deux ont été retournés non exécutés. Le certificat de l’obligation fiscale nette de SRL en vertu de la LTA s’élève à 39 193,35 $, plus la pénalité et les intérêts, et le certificat de l’obligation fiscale nette de SRL en vertu de la LIR s’élève à 69 530,37 $, plus les intérêts. Aucun montant n’est contesté dans les présents appels.

 

[2]     Voici les questions que l’appelant a présentées à la Cour pour que cette dernière les tranche :

 

a)       L’appelant a-t-il cessé d’être un administrateur de SRL en vertu de la dissolution de SRL le 9 mars 1998?

b)      Si l’appelant a cessé d’être un administrateur de SRL à la suite de la dissolution de la société le 9 mars 1998, l’appelant est-il devenu administrateur de SRL à la suite de la reconstitution de SRL le 18 septembre 1998?

c)       La cotisation a-t-elle été établie à l’égard de l’appelant plus de deux ans après qu’il a cessé pour la dernière fois d’être un administrateur de SRL, et dans l’affirmative, l’obligation de l’appelant est-elle écartée en vertu du paragraphe 227.1(4) de la LIR et du paragraphe 323(5) de la LTA?

d)      Si l’appelant est déclaré avoir agi, pendant toute la période pertinente, à titre d'administrateur de SRL et si la cotisation établie à l’égard de l’appelant n’est pas par ailleurs frappée de prescription, l’appelant devrait-il être autorisé à invoquer la défense de diligence raisonnable prévue au paragraphe 323(3) de la LTA et au paragraphe 227.1(3) de la LIR?

 

[3]     L’intimée a formulé la question en litige comme suit : l’appelant est-il responsable en vertu des articles pertinents du défaut de SRL de verser au receveur général un montant de taxe nette, avec les pénalités et les intérêts à son égard, comme l’exige le paragraphe 228(2) de la LTA, et de verser l’impôt fédéral sur le revenu (retenues salariales) avec les intérêts et les pénalités, comme l’exige l’article 153 de la LIR?

 

[4]     SRL a été constituée le 6 août 1987 en vertu de la Loi sur les corporations commerciales du Nouveau-Brunswick. Norbert Richard et l’appelant sont devenus administrateurs de SRL le 18 août 1987, mais l’appelant est devenu l’unique administrateur le 14 janvier 1994. Le 9 mars 1998, le directeur des Affaires corporatives a prononcé la dissolution de SRL pour défaut de présenter ses rapports annuels. Toutefois, SRL a par la suite été reconstituée le 18 septembre 1998, lorsque des articles de reconstitution ont été déposés auprès du directeur. Le formulaire d’articles de reconstitution indique le nom de l’appelant comme demandeur et porte sa signature. Selon l’appelant, il ne s’agit pas de sa signature.

 

[5]     Les activités de SRL consistaient à fournir des agents ou des gardiens de sécurité à divers endroits selon les besoins des clients. L’appelant dit qu’il a été pressenti pour devenir investisseur par un collègue médecin, soit l’autre administrateur nommé ci-dessus et un nommé Edmond Richard, qui œuvrait dans le domaine de la sécurité.

 

[6]     L’appelant est pédiatre. Il a fait des études en sciences : il a obtenu un baccalauréat et une maîtrise en sciences, après lesquels il a suivi un cours de médecine et s’est spécialisé. Il ne possède aucun diplôme dans le domaine des affaires, ni n’a suivi de cours sur le sujet. Pendant toutes les périodes pertinentes, il a consacré son temps à exercer la médecine, travaillant à l’hôpital ou à son cabinet et étant de garde trois ou quatre jours par semaine, ce qui signifiait en moyenne une semaine de travail de 90 heures, outre les urgences lorsqu’il était de garde.

 

[7]     Pendant toutes les périodes pertinentes, SRL a employé en moyenne 30 personnes et les activités quotidiennes étaient gérées par un employé, assisté par un aide-comptable. Edmond Richard a occupé la fonction de gestion jusqu’en mars 1995, lorsqu’il a démissionné. Sa démission s’est produite lorsque l’appelant a été informé qu’il était possible que M. Richard ait détourné des fonds depuis 1990. Un relevé des détournements possibles de M. Richard indique qu’il peut avoir privé SRL d’une somme de 187 725 $ pendant ces années. M. Richard a été remplacé par René Martin, qui avait été superviseur de SRL pendant plusieurs années et qui possédait des antécédents en comptabilité. Il est demeuré chez SRL jusqu’en mars 1998 et a été remplacé par un nommé Jean-Guy Richard, qui a géré la société jusqu’à ce qu’elle cesse ses activités en décembre de la même année.

 

[8]     L’assistante de l’aide-comptable était Pauline Lajoie. Elle a occupé cette fonction jusqu’en 1994. Lorsqu’on lui a demandé de partir, elle a été remplacée par une nommée Jeannine Maillet, à qui on a également demandé de partir en 1996. René Martin a pris la relève de la tenue de la comptabilité jusqu’à son départ en mars 1998, puis Jean-Guy Richard a assumé les deux fonctions jusqu’à ce que SRL cesse ses activités en décembre 1998. L’appelant a été informé de ce dernier fait par Jean-Guy Richard lorsqu’il a rencontré celui-ci par hasard dans un centre commercial en janvier ou en février 1999. Chose assez curieuse, l’appelant ignore ce qui s’est produit pour que SRL cesse ses activités en décembre 1998.

 

[9]     L’appelant a tout d’abord dit qu’il croyait avoir été mis au courant du défaut de SRL de verser la TPS/TVH en 1994, mais a par la suite admis que c’était plus tôt. En septembre 1993, il a signé une lettre adressée à Revenu Canada Douanes et Accise, comme le ministère s’appelait alors, reconnaissant qu’il était administrateur de SRL, que SRL avait une dette envers la Couronne au titre de la taxe non versée et qu’il était au courant de la responsabilité d’un administrateur en vertu de la LTA. La lettre a été fournie en contrepartie du consentement du ministre du Revenu national à libérer l’appelant de l’ordre de paiement qui avait été délivré.

 

[10]    En ce qui concerne le défaut de verser les retenues salariales, l’appelant en a été informé par M. Richard au cours des mois qui ont précédé la démission de ce dernier en mars 1995. M. Richard lui a dit que SRL avait besoin de fonds supplémentaires pour couvrir les retenues salariales. À la fin de 1994, et comme il a été mentionné plus tôt, SRL avait omis de verser des retenues salariales totalisant 58 012,18 $, y compris les pénalités et les intérêts, malgré le fait que l’appelant avait injecté d’autres fonds dans l’entreprise pour éponger la dette de TPS/TVH en souffrance.

 

[11]    Environ à ce moment-là, l’appelant a informé son comptable personnel, Pierre Cormier, du défaut de SRL d’effectuer les versements et lui a demandé de prendre des mesures pour éviter que cela ne se reproduise. Pierre Cormier devait surveiller le personnel et faire en sorte que les versements soient faits en temps opportun. Au même moment, l’appelant a également informé René Martin (qui avait remplacé Edmond Richard) de la situation et lui a demandé de rester en communication avec Pierre Cormier. De plus, au cours de la même année, l’appelant a demandé aux membres de son personnel de gestion de suivre un cours en comptabilité et en administration, offert par la province du Nouveau-Brunswick, afin d’améliorer leurs compétences et de connaître leurs obligations et responsabilités en tant que gestionnaires d’une entreprise. Ils se sont inscrits au cours.

 

[12]    L’appelant a également demandé à l’aide-comptable interne de dresser tous les mois un état des résultats pour SRL. Ces états détaillaient également les dépenses mensuelles et indiquaient ainsi à l’appelant le profit brut ou les pertes. Ces états ont été dressés de manière assez régulière pendant les périodes visées. Autrement, l’appelant n’a vu aucun état financier annuel de SRL ni ses livres, mais il comprenait que les dépenses étaient payées. L’appelant ne signait pas de chèques pour SRL, ni ses déclarations de revenus. C’était le responsable de la gestion quotidienne qui le faisait.

 

[13]    À compter de ce moment et jusqu’en avril 1997, SRL a effectué ses versements de TPS/TVH. Lorsque SRL a fait défaut de faire les versements pour les périodes du 1er avril au 30 juin et du 1er juillet au 30 septembre 1997, et lorsque l’appelant a eu connaissance du défaut de faire les versements de TPS/TVH pour cette période, le 11 septembre 1997, il a écrit une lettre à Aimé Gallant de Revenu Canada dans laquelle il mentionnait les versements en retard et expliquait les difficultés financières de SRL et les problèmes avec les gestionnaires, et demandait une renonciation aux intérêts et pénalités à l’égard des versements de retenues salariales pour 1994.

 

[14]    L’appelant et René Martin ont rencontré des représentants de Revenu Canada. À ce moment-là, l’appelant avait demandé à René Martin de vérifier les comptes débiteurs et de s’assurer de payer Revenu Canada. Il était informé par René Martin que tout était fait, à savoir que les versements étaient effectués. Selon l’appelant, chaque fois qu’il demandait si SRL était à jour dans ses versements, René Martin répondait toujours oui. L’appelant se fiait à René Martin, car celui-ci avait reçu une attestation de sécurité de la Gendarmerie royale du Canada (GRC) et il était agréé comme enquêteur. De plus, l’appelant dit qu’il connaissait René Martin personnellement et le croyait être une personne honnête. En fait, l’appelant dit qu’il croyait la même chose à propos d’Edmond Richard, qui avait également fait l’objet d’une forme de vérification par la GRC. Malgré cela, SRL a omis de verser la TPS/TVH dans les mois qui ont suivi septembre 1997, sauf pour les périodes du 1er janvier au 31 mars 1998 et du 1er juillet au 30 septembre 1998.

 

[15]    René Martin est parti en 1998 et a été remplacé par Jean-Guy Richard, qui était avec SRL depuis longtemps en tant que gardien et qui avait également suivi le cours mentionné plus tôt. M. Richard s’est occupé des activités quotidiennes de SRL jusqu’à son départ à la fin de 1998 et a décidé de mettre fin à toutes les activités de SRL sans consulter l’appelant ni le lui dire.

 

[16]    Selon l’appelant, M. Jean-Guy Richard est la personne qui a entrepris de reconstituer la société lorsqu’elle a été dissoute en mars 1998 pour défaut de déposer ses rapports annuels. Selon l’appelant, M. Richard a signé son nom (celui de l’appelant) sur les articles de reconstitution datés du 16 septembre 1998. L’appelant n’a jamais été informé ni mis au courant de ce fait jusqu’à quelques jours avant l’instruction. L’appelant n’a eu aucune discussion avec M. Richard concernant la dissolution ou la reconstitution de la société. L’appelant n’a autorisé ni approuvé aucune de ces actions. Il en va de même du rapport annuel déposé le même jour que les articles de reconstitution. L’appelant déclare qu’il n’a pas été renommé en tant qu’administrateur de SRL après la dissolution de la société en mars 1998.

 

[17]    L’appelant a également investi dans trois autres sociétés ou entreprises au fil des ans, mais ne peut dire s’il en était un administrateur. Son seul intérêt à leur égard était d’y investir. Il laissait tous les autres aspects aux soins de ses avocats ou comptables, sur lesquels il comptait pour l’aider. Il n’avait aucune connaissance de la structure d’une société ni des attributions d’un administrateur.

 

[18]    La preuve révèle également que la comptabilité de SRL était médiocrement tenue pendant les années en cause. En effet, un comptable dont les services avaient été retenus par Jean-Guy Richard n’a pas été en mesure de réunir tous les renseignements.

 

[19]    La première question en litige est celle de savoir si l’appelant a cessé d’être administrateur de SRL à compter de la dissolution de la société le 9 mars 1998. Dans l’affirmative, il s’agit de savoir s’il est interdit au ministre d’établir des cotisations à l’égard de l’appelant en raison du paragraphe 227.1(4) de la LIR et du paragraphe 323(5) de la LTA, qui prévoient que l’action ou les procédures visant le recouvrement d’une somme payable par un administrateur d’une société en vertu du paragraphe (1) de la LIR ou du paragraphe (4) de la LTA se prescrivent par deux ans à compter de la date à laquelle l’administrateur a cessé pour la dernière fois d’être un administrateur de cette société.

 

[20]    L’appelant ignorait que le directeur des Affaires corporatives avait délivré un certificat de dissolution à l’égard de SRL le 9 mars 1998, et n'était pas au courant que son gestionnaire avait signé son nom (celui de l’appelant) sur les articles de reconstitution le 16 septembre 1998. Il me semble que cette situation est compatible avec le témoignage de l’appelant selon lequel il déléguait les activités quotidiennes de SRL à ses gestionnaires et qu’ils étaient ainsi autorisés à signer les états financiers et les déclarations de revenus de SRL. Je peux uniquement supposer qu’une demande de reconstitution de la société aurait été approuvée par l’appelant, fait que l’avocat de ce dernier n’a pas énergiquement contesté, et ce, à juste titre.

 

[21]    Cela dit, le paragraphe 136(5) de la Loi sur les corporations commerciales du Nouveau-Brunswick (LCCNB) porte sur les droits et privilèges d’une corporation au moment de sa reconstitution. Il prévoit ce qui suit :

 

136(5) Sous réserve du paragraphe (6), une corporation ou un corps constitué est reconstitué à la date figurant sur le certificat de reconstitution et recouvre dès lors, sous réserve des droits acquis après sa dissolution par toute personne, tous ses droits et privilèges ainsi que ses obligations comme s’il n’avait pas été dissout ni déchu.

 

[22]    L’avocat de l’appelant a mentionné deux décisions du Nouveau-Brunswick, à savoir H.A.R. Construction Ltd. v. DeMerchant Construction Ltd., [1990] N.B.R. (2d) 343, et ADI Ltd. v. 052987 N.B. Inc., [2000] N.B.J. No. 467 (QL). Ces deux décisions portaient sur le statut des corporations dissoutes en ce qui concerne leurs obligations contractuelles, mais étaient muettes sur le statut de leurs administrateurs au moment de la dissolution. L’avocat a également mentionné le jugement de la Cour dans Dello c. Canada, [2003] A.C.I. no 342 (QL). Toutefois, encore ici, la question dans cette affaire visait l’effet du statut de la corporation une fois celle-ci reconstituée, mais cet aspect a été abordé sous l’angle de savoir si la corporation en cause était en mesure d’exercer ses activités rétroactivement pendant les années d’imposition visées et de savoir si la Couronne avait acquis, pendant la dissolution de la corporation, le droit d’établir une cotisation à l’égard de l’appelant concernant le revenu d’entreprise gagné. Cette décision ne porte pas sur la question dont est maintenant saisie la Cour.

 

[23]    La plupart des décisions dans ce domaine visent les dispositions correspondantes de la Loi canadienne sur les sociétés par actions (LCSA) et de la Loi sur les sociétés par actions de l’Ontario (LSAO). La disposition correspondante de la LCSA est le paragraphe 209(4), qui prévoit ce qui suit :

 

209.(4) Sous réserve des modalités raisonnables imposées par le directeur, des droits acquis par toute personne après sa dissolution et de tout changement aux affaires internes de la société survenu après sa dissolution, la société reconstituée recouvre, comme si elle n’avait jamais été dissoute :

 

a)         la même situation juridique, notamment ses droits et privilèges, indépendamment de leur date d’acquisition;

 

b)         la responsabilité des obligations qui seraient les siennes si elle n’avait pas été dissoute, indépendamment de la date où elles ont été contractées.

 

[24]    L’article correspondant de la LSAO est le paragraphe 241(5), qui prévoit ce qui suit :

 

241.(5) En cas de dissolution d’une société aux termes du paragraphe (4) ou d’une disposition qu’il remplace, le directeur peut, à la demande de toute personne intéressée et à sa discrétion, reconstituer la société aux conditions qu’il estime opportunes. Dès lors, sous réserve des conditions que le directeur impose et des droits éventuels acquis par toute personne après la dissolution, la société est réputée à toutes fins ne jamais avoir été dissoute. 

 

[25]    Dans une décision récente de la Cour supérieure de justice de l’Ontario, Litemor Distributors (Ottawa) Ltd. v. W.C. Somers Electric Ltd, 73 O.R. (3d) 228, le juge Panet a examiné l’état du droit dans ce domaine et a déclaré ce qui suit concernant le paragraphe 209(4) de la LCSA et le paragraphe 241(5) de la LSAO, aux paragraphes 27 à 31 :

 

          [traduction]

 

[27] À la simple lecture du libellé de la disposition, il semble que l’intention du législateur a été d’assortir la reconstitution d’un effet rétroactif, de sorte que la reconstitution remonte au moment de la dissolution. La dissolution est réputée ne pas avoir eu lieu. Cela signifie qu’à la reconstitution, toute action prise au nom de la société par ses dirigeants pendant la période de dissolution est « remédiée », de telle sorte qu’une telle action est réputée avoir été prise par la société elle-même, même si celle-ci était dissoute à ce moment-là.

 

[28] Cette interprétation du paragraphe 209(4) de la LCSA est renforcée par une décision des tribunaux de l’Ontario portant sur des dispositions libellées de manière semblable dans la Loi sur les sociétés par actions de l’Ontario, L.R.O. 1990, chap. B.16 (la « LSAO »). Le paragraphe 241(5) de la LSAO prévoit qu’à la reconstitution, une société « est réputée à toutes fins ne jamais avoir été dissoute. » Les tribunaux de l’Ontario ont constamment conclu que ce libellé signifie que la reconstitution d’une société est rétroactive à la date de sa dissolution : voir plus particulièrement 602533 Ontario Inc. v. Shell Canada Ltd. (1998), 37 O.R. (3d) 504, 155 D.L.R. (4th) 562 (C.A.); voir aussi Zangelo Investments Ltd. v. Glasford State Inc., [1988] O.J. No. 1167, 63 O.R. (2d) 542n (C.A.); 546672 Ontario Ltd. v. Perricciolo (1991), 3 O.R. (3d) 774, [1991] O.J. No. 1034 (Div. gén.); Stein‑Peters v. Ontario (Municipal Board), [2001] O.J. No. 1839, 20 M.P.L.R. (3d) 1 (C. div.). La conclusion d’un effet rétroactif de la reconstitution d’une société en vertu de la LSAO apporte un appui solide à une conclusion de reconstitution rétroactive en vertu de la LCSA, compte tenu particulièrement que la loi de l’Ontario ne contient pas le libellé plus explicite de la loi fédérale.

 

[29]      Cela est logique d’un point de vue stratégique, puisque toute autre conclusion entraînerait de graves conséquences économiques et logistiques pour les sociétés dissoutes et les parties qui engageraient des opérations avec elles. Il arrive que des sociétés soient dissoutes, parfois sans la connaissance de leurs dirigeants. Si la société est reconstituée par la suite, cela créerait une confusion et une incertitude injustifiées quant aux droits et obligations de la société reconstituée et des tiers si les tribunaux devaient tenir les dirigeants personnellement responsables des actions prises au nom de la société pendant sa dissolution : voir les commentaires du juge Hanssen sur le sujet dans Helcor Enterprises Ltd. v. Moore & James Food Services Ltd., [1990] 5 W.W.R. 596, 66 Man. R. (2d) 221 (B.R.).

 

[30] Interpréter la reconstitution comme ayant un effet rétroactif à la date de dissolution serait également compatible avec l’objet des dispositions sur la reconstitution de la LCSA, qui consiste à assurer la certitude et la continuité des affaires d’une société malgré la dissolution temporaire de celle-ci.

 

[31] De plus, il est possible d'écarter deux décisions qui indiquent que la LCSA n’a pas d’effet rétroactif. En effet, elles visaient une version antérieure du paragraphe 209(4) de la LCSA, qui contenait les mots « dès lors » et ne contenait pas le libellé explicite de l’actuelle version du paragraphe 209(4) : voir Wolf Offshore Transport Ltd. v. Sulzer Canada Inc., [1992] N.J. No. 82, 318 A.P.R. 178 (1re inst.), et Dello v. Canada, [2003] 4 C.T.C. 2331, [2003] A.C.I. no 342.

 

[26]    Il s’ensuit donc que la reconstitution d’une société est rétroactive à la date de sa dissolution et que, à toutes fins utiles, la société est réputée n’avoir jamais été dissoute. Dans ces conditions, la position de la Couronne selon laquelle l’appelant n’a jamais cessé d’être un administrateur de SRL après sa nomination originale le 18 août 1987 est juste. Cette démarche est conforme au paragraphe 136(5) de la LCCNB et à la jurisprudence pertinente. La position de l’appelant à titre d’administrateur de SRL était en état de suspension pendant la période entre la dissolution de SRL et sa reconstitution. Puisque la reconstitution de SRL a ramené cette société à la même position que celle dans laquelle elle aurait été si elle n’avait pas été dissoute, l’appelant a également repris son poste d’administrateur. L’appelant n’a jamais démissionné en tant qu’administrateur de SRL même si SRL a cessé ses activités en décembre 1998. Aucune preuve n’indique qu’elle a cessé d’exister en tant que société après cette date.

 

[27]    En conséquence, le délai de prescription de deux ans imposé par le paragraphe 227.1(4) de la LIR et le paragraphe 323(5) de la LTA n’est pas expiré et il n’est donc pas interdit au ministre d’établir des cotisations à l’égard de l’appelant. Cette conclusion tranche les trois premières questions soulevées par l’appelant. Il reste la question de savoir si l’appelant devrait être en mesure d’invoquer la défense de diligence raisonnable.

 

[28]    Dans l’arrêt Soper v. R., [1997] 3 C.T.C. 242, la Cour d’appel fédérale a indiqué une démarche qui consiste à analyser la responsabilité d’un administrateur selon qu’il est un administrateur interne ou externe et selon les normes applicables aux deux. Le juge Robertson énonce ce qui suit au début de son analyse :

 

41        Je tiens tout d’abord à souligner qu’en adoptant cette démarche analytique, je ne donne pas à entendre que la responsabilité est simplement fonction du fait qu’une personne est considérée comme un administrateur interne par opposition à un administrateur externe. Cette qualification constitue plutôt simplement le point de départ de mon analyse. Mais cependant, il est difficile de nier que les administrateurs internes, c’est-à-dire ceux qui s’occupent de la gestion quotidienne de la société et qui peuvent influencer la conduite de ses affaires, sont ceux qui auront le plus de mal à invoquer la défense de diligence raisonnable. Pour ces personnes, ce sera une opération ardue de soutenir avec conviction que, malgré leur participation quotidienne à la gestion de l’entreprise, elles n’avaient aucun sens des affaires, au point que ce facteur devrait l’emporter sur la présomption qu’elles étaient au courant des exigences de versement et d’un problème à cet égard, ou auraient dû l’être. Bref, les administrateurs internes auront un obstacle important à vaincre quand ils soutiendront que l’élément subjectif de la norme de prudence devrait primer l’aspect objectif de la norme.

 

42        Dans certaines affaires, il est facile de voir pourquoi les administrateurs internes ont été tenus responsables. C’est vrai pour l’affaire Barnett, précitée, qui est la première affaire dans laquelle la défense de diligence raisonnable a été examinée. Dans cette affaire, le contribuable, à titre d’administrateur et d’unique actionnaire de la société, avait retenu les services d’un contrôleur. Quand celui-ci a avisé le contribuable que la société était à court d’argent, le contribuable lui a répondu que les principaux fournisseurs devraient être payés en premier. Dans les circonstances, la Cour de l’impôt a rejeté l’appel interjeté par le contribuable contre la cotisation du ministre qui tenait le contribuable personnellement responsable des retenues à la source qui avaient été faites mais n’avaient pas été versées. Il est également compréhensible que des administrateurs internes aient été tenus responsables dans les affaires suivantes : Quantz c. M.R.N., 88 DTC 1201 (C.C.I.); et Beutler c. M.R.N., 88 DTC 1286 (C.C.I.).

 

43        De même, le contribuable dans l’affaire Fraser (Syndic de faillite de) c. M.R.N., 87 DTC 250 (C.C.I.), constitue un bon exemple d’un administrateur interne négligent qui a légitimement été tenu responsable. Ce contribuable était un administrateur, un actionnaire minoritaire et le vice-président des opérations de fabrication d’une société. À un moment donné, il a découvert que la société était en retard dans ses paiements à Revenu Canada. Malgré cela, le contribuable n’a rien fait d’autre pour régler ce problème que de se fier aux promesses des administrateurs internes responsables du volet financier de l’entreprise, selon lesquels il n’y avait pas lieu de s’inquiéter. Comme le contribuable n’avait pas essayé de prévenir d’autres manquements, il a été tenu personnellement responsable des sommes que la société aurait dû verser à l’État.

 

44        Ce ne sont évidemment pas tous les administrateurs internes qui ont été tenus responsables. La Cour de l’impôt a refusé de retenir la responsabilité d’un administrateur interne dans des affaires où il était une partie innocente qui a été induite en erreur ou trompée par d’autres administrateurs : voir Bianco c. M.R.N., 91 DTC 1370 (C.C.I.); Edmondson c. M.R.N., 88 DTC 1542 (C.C.I.); Shindle c. M.R.N., 95 DTC 5502 (C.F. 1re inst.); et Snow c. M.R.N., 91 DTC 832 (C.C.I.). Il existe également d’autres exemples d’un administrateur interne qui échappe à la responsabilité : voir Fitzgerald et autres c. M.R.N., 92 DTC 1019 (C.C.I.).

 

[29]    La distinction entre un administrateur interne et externe est importante, car elle permet de définir le degré de la norme de prudence qui peut être applicable à chacun au moment de l’analyse de la responsabilité. L’intimée a indiqué que, dans les cas où une société ne compte qu’un seul administrateur, implicitement cette personne est un administrateur interne. Pour étayer sa position, l’intimée a cité la décision de la présente Cour dans Weyand v. R., 2004 G.T.C. 306. Il est donc plus difficile pour un administrateur unique d’invoquer la défense de diligence raisonnable. Dans une autre décision de la Cour, à savoir Sziklai v. The Queen, 2006 DTC 2798, le juge Hershfield a fait une analyse intéressante de la question de l’administrateur unique étant implicitement un administrateur interne, de même qu’une analyse de la norme de prudence pour les administrateurs internes et externes. Il a de plus fourni un rappel utile de la norme applicable.

 

 

[10]      Le mandat inévitable dont le juge Mogan parle est, selon lui, ce qui fait en sorte que l’unique administrateur est un administrateur interne et qu’il assume la responsabilité des omissions de faire les versements nécessaires. Malgré tout le respect que je lui dois, il s’agit d’une inférence qui pose problème. Dans l’arrêt Soper c. Sa Majesté la Reine, le juge Robertson explique, au paragraphe 44, le fondement de la distinction qu’il convient de faire entre les administrateurs internes et les administrateurs externes :

 

[...] les administrateurs internes, c’est-à-dire ceux qui s’occupent de la gestion quotidienne de la société et qui peuvent influencer la conduite de ses affaires, sont ceux qui auront le plus de mal à invoquer la défense de diligence raisonnable. Pour ces personnes, ce sera une opération ardue de soutenir avec conviction que, malgré leur participation quotidienne à la gestion de l’entreprise, elles n’avaient aucun sens des affaires, au point que ce facteur devrait l’emporter sur la présomption qu’elles étaient au courant des exigences de versement et d’un problème à cet égard, ou auraient dû l’être. Bref, les administrateurs internes auront un obstacle important à vaincre quand ils soutiendront que l’élément subjectif de la norme de prudence devrait primer sur l’aspect objectif de la norme.

 

Pour ce qui est des administrateurs externes qui ne participent pas directement à l’exploitation de l’entreprise, il dit, aux paragraphes 52 et 53, qu'ils peuvent :

 

[…] compter sur les personnes qui s'occupent de la gestion quotidienne de la société pour payer des dettes comme les créances de Sa Majesté. […]

 

À mon avis, l’obligation expresse d’agir prend naissance lorsqu’un administrateur obtient des renseignements ou prend conscience de faits qui pourraient l’amener à conclure que les versements posent, ou pourraient vraisemblablement poser, un problème potentiel. En d’autres termes, il incombe vraiment à l’administrateur externe de prendre des mesures s’il sait, ou aurait dû savoir, que la société pourrait avoir un problème avec les versements.

 

[11]      Par conséquent, les administrateurs internes, par définition, participent à la gestion de l’entreprise. Imputer la participation à la gestion de l’entreprise à une personne qui ne participait pas à celle-ci est incompatible avec ce facteur déterminant. De plus, le fait d’imputer à l’administrateur unique de la société la participation à la gestion de celle-ci et la conduite de la personne qui s’est soustraite à ses obligations implique qu’aucune défense fondée sur la diligence raisonnable ne peut être invoquée par les administrateurs uniques. Il est clair qu’il ne peut en être ainsi, et, à mon avis, il ne faut pas non plus supposer que le juge Mogan voulait que sa conclusion soit considérée comme étant une règle immuable dans tous les cas.

 

[12]      Cela ne veut pas dire que la norme de diligence à laquelle l’appelant est assujetti n'est pas plus stricte que celle à laquelle les administrateurs externes sont assujettis. La démarche qui consiste à établir une distinction entre les administrateurs « internes » et les administrateurs « externes » sert à déterminer ce qu’une personne raisonnablement prudente aurait fait dans les mêmes circonstances. Dans ce contexte, il serait peut être mieux de se poser simplement la question de savoir si, compte tenu de sa position et de son niveau de participation, l’appelant était en mesure de détecter des problèmes éventuels et de les résoudre. Le juge Bonner a adopté cette approche dans la décision Mariani c. La Reine. Au paragraphe 19, il a dit ce qui suit:

 

Je ne peux souscrire au point de vue de l’intimée. La distinction entre les catégories d’administrateurs internes et externes ne fait pas partie d’un processus mécanique de classification dans des catégories définies de manière rigide de gagnants et de perdants. Il s’agit plutôt d’une reconnaissance qui va de soi. Certains administrateurs, généralement parce qu’ils participent à la gestion au jour le jour de l’entreprise, sont en meilleure position que d’autres pour détecter la possibilité de manquements et y faire face. Il s’agit là d’un élément pertinent.

 

Le juge Hershfield a poursuivi en disant ce qui suit :

 

[14]      Toutefois, il y a malgré tout une certaine souplesse dans l’application des critères, même lorsqu’il s’agit des administrateurs internes. La norme est celle du raisonnable et non celle de la perfection, même à l’égard des administrateurs internes d’une entreprise à peine rentable. La question qu’il faut se poser est toujours la même et il s’agit de savoir ce que, dans les circonstances, une personne raisonnablement prudente qui se trouverait dans la même position que l’appelant devrait faire. Dans l’arrêt Smith c. La Reine, la juge Sharlow de la Cour d’appel fédérale a dit qu’il faut se rappeler que la norme n'est pas celle de la perfection.

 

[12]      La souplesse inhérente à la défense de diligence raisonnable peut créer des situations où une norme de prudence plus élevée s’impose à certains administrateurs d’une société par rapport à d’autres. Par exemple, il peut être approprié d’imposer une norme plus élevée à un « administrateur interne » (par exemple, un directeur ayant l’habitude de la gestion au jour le jour) qu’à un « administrateur externe » (comme un directeur qui connaît assez peu les affaires de la société et n’est impliqué que de façon superficielle).

 

[30]    Le degré de la norme de prudence applicable en réponse à la question de ce que doit faire une personne raisonnablement prudente dans la position de l’appelant dans les circonstances est fonction de la situation et des circonstances de chaque cas. Les antécédents d’un appelant et sa participation dans les affaires d’une société dont il est un administrateur, ainsi que sa connaissance des affaires de celle-ci, sont tous des éléments dont il faut tenir compte, plus particulièrement lorsque l’appelant est l’unique administrateur de la société. Telle que le juge Hershfield l’a formulée, la question est toujours celle de savoir si l’administrateur, en raison de sa position et de sa participation, était en mesure de déceler le problème potentiel et de le régler.

 

[31]    Il ne fait pas de doute en l’espèce que l’appelant a investi d’importantes sommes d’argent dans des entreprises, dont SRL, en vue d’obtenir un rendement sur ces investissements et non dans l’intention de diriger les entreprises lui-même au quotidien. L’appelant consacrait tout son temps à l’exercice de la médecine et confiait les activités quotidiennes de SRL en particulier à deux ou trois employés clés pendant toute la période pendant laquelle cette société a exercé ses activités. L’appelant ne possède pas d’antécédents dans le domaine des affaires ni d’autre expérience que celle de diriger son cabinet de médecin, dont la gestion est confiée à sa secrétaire. L’absence de sens des affaires de l’appelant est presque troublante, compte tenu des sommes d’argent investies dans les entreprises susmentionnées et particulièrement dans SRL. Mais ses raisons et ses explications relatives au fait d’avoir confié ses affaires à des employés clés et à son comptable sont dans une certaine mesure compréhensibles.

 

[32]    L’appelant a pour la première fois appris ce qu’était la responsabilité de l’administrateur au titre de taxes non versées en vertu de la LTA en septembre 1993. Le 1er septembre 1993, dans une lettre à Revenu Canada mentionnée ci-dessus, l’appelant a reconnu qu’il était solidairement responsable de la taxe non versée avec SRL. Le montant faisant l’objet de la cotisation à ce moment-là s’élevait à 77 443,31 $. Ce dernier a été payé en totalité et ne fait pas l’objet du présent appel. Aucun autre défaut de verser les taxes ne s’est produit au cours des périodes ultérieures d’activité de SRL jusqu’à la première période faisant maintenant l’objet du présent appel, qui commençait en avril 1997 et à l’égard de laquelle il y avait un défaut de versement à la fin de juin 1997. Avant la fin de la deuxième période, à savoir juillet, août et septembre 1997, l’appelant a eu connaissance des défauts de versement de la taxe de SRL et, le 11 septembre 1997, il a de nouveau écrit une lettre à Revenu Canada, demandant son indulgence concernant le versement de taxes en retard. SRL a néanmoins fait défaut de verser la taxe pour la dernière période de 1997. Aucune explication n’a été fournie concernant les mesures que l’appelant peut avoir prises pour s’assurer que les versements étaient faits, mis à part le fait d’avoir demandé à ses employés clés de faire les versements de TPS/TVH. La taxe a été versée pour les périodes de janvier à mars 1998 et de juillet à septembre 1998. Les versements pour la dernière période de 1998 n’ont pas été effectués.

 

[33]    Il ressort clairement de la preuve que l’appelant savait en septembre 1997 que SRL avait fait défaut de verser la taxe et que la situation exigeait plus que la formulation d’une directive demandant aux employés clés de faire les versements. Je ne peux que supposer que les versements de taxe ont été faits pour les deux périodes en 1998 parce que SRL disposait des fonds et non en raison des mesures que l’appelant peut avoir prises pour régler le problème et s’assurer que les versements de taxes étaient réellement faits. À mon avis, l’appelant devait faire plus que simplement s’appuyer sur une réponse affirmative de René Martin lorsqu’il demandait à ce dernier si les versements étaient faits.

 

[34]    Selon le témoignage de l’appelant, il a tout d’abord appris le défaut de SRL de verser les retenues salariales dans les mois qui ont précédé la démission d’Edmond Richard en mars 1995. À la fin de 1994, les retenues salariales non versées pour cette année s’élevaient à 58 012,18 $, y compris les intérêts et les pénalités. Toujours selon le témoignage de l’appelant, c’est pendant cette période qu’il a été mis au courant de certaines irrégularités et du détournement de fonds par son employé clé, Edmond Richard, et plus tard par son comptable interne. Le montant d’argent détourné était important et peut facilement expliquer le défaut de SRL, par ses employés clés, de verser les retenues salariales.

 

[35]    L’appelant avait demandé à la GRC de vérifier les antécédents de M. Richard et il avait obtenu une attestation de sécurité; l’appelant lui faisait confiance. SRL exerçait ses activités depuis sa création et n’avait connu aucune mauvaise expérience avec ses employés clés en ce qui concerne la façon dont ils dirigeaient l’entreprise. Il semblait à l’appelant que tout se déroulait comme cela se devait et qu’il n’était pas nécessaire d’intervenir ni de prendre quelques mesures que ce soit.

 

[36]    Au début de 1995, lorsque tous ces problèmes sont apparus, l’appelant a informé son comptable personnel du défaut de SRL de verser les retenues salariales et a demandé à celui-ci de prendre les mesures pour éviter que cela ne se reproduise. Il a également informé les membres du personnel et René Martin de la situation et leur a demandé de demeurer en communication avec son comptable. Il a également demandé aux membres du personnel de suivre un cours, offert par la province du Nouveau-Brunswick, afin d’améliorer leurs compétences et leur faire connaître leurs obligations et responsabilités en tant que gestionnaires d’une entreprise et, finalement, il a demandé de recevoir un relevé des revenus et des dépenses tous les mois. À la suite de ces mesures, y compris le changement de gestionnaires, il n’y a plus eu de défaut de versements à l’exception d’un montant de 912,81 $, y compris les intérêts et les pénalités, en 1997 et d’un montant de 11 093,90 $, y compris les intérêts et les pénalités, en 1998. Cinq chèques ont été retournés pour insuffisance de fonds pendant la période de novembre 1996 à avril 1998. L’appelant n’était pas au courant de ces chèques retournés. 

 

[37]    Vu ces circonstances, il est difficile de conclure que l’appelant était, en raison de sa position et de sa participation, en mesure de déceler l’existence du défaut de SRL de verser les retenues salariales. L’appelant était l’unique administrateur de SRL, mais avait choisi de se fier à un employé clé pour diriger les activités quotidiennes de l’entreprise, à l’égard desquelles ni son intégrité ni celle du comptable interne n’ont jamais été mises en doute. À mon avis, l’obligation d’agir de l’appelant a pris naissance lorsqu’il a eu connaissance du défaut de SRL de verser les retenues salariales. En ce qui a trait à celles-ci, tous les versements ont été faits, à l’exception de quelques chèques retournés pour insuffisance de fonds et un solde en souffrance à l’égard des versements de 1997 et de 1998. Bien que l’appelant participait d’une certaine façon à l’entreprise, même si c’était de manière quelque peu détachée, je conclus qu’il était permis à l’appelant de s’appuyer dans les circonstances sur son gestionnaire et ses employés clés pour effectuer les versements de retenues salariales requis, même s’il était le seul administrateur, auquel une norme plus élevée est parfois applicable. 

 

[38]    Je ne crois pas, cependant, que les mesures prises par l’appelant en 1995 étaient adéquates et suffisantes pour éviter que le défaut de versement ne se reproduise. La preuve n’indique pas ce que le comptable personnel de l’appelant a concrètement fait pour empêcher le défaut ni les autres mécanismes mis en place pour l’empêcher. Je ne crois pas que le relevé mensuel des revenus et des dépenses fourni à l’appelant indiquait de quelque manière que les retenues salariales étaient réellement versées, pas plus que je ne crois que l’appelant a fait preuve de diligence raisonnable après 1995 pour s’assurer qu’elles étaient versées, et je dis ceci même si les versements ont été effectués pour la plupart. 

 

[39]    Ayant connu de mauvaises expériences concernant la manière dont SRL était gérée par ses employés clés en ce qui concerne les versements de TPS et de retenues salariales, l’appelant ne peut plus invoquer qu’il s’appuyait sur ces employés pour effectuer les versements après 1995. Il est évident qu’au cours de la dernière année d’activité de SRL, l’appelant était si détaché de l’entreprise qu’il a uniquement découvert par hasard qu’elle n’était plus en activité.

 


[40]    L’appel dans le dossier 2004-4274(GST)G est donc rejeté. L’appel dans le dossier 2004-4280 (IT)G est accueilli et la cotisation est déférée au ministre du Revenu national pour nouvel examen et nouvelles cotisations compte tenu du fait que l’appelant est uniquement responsable des retenues salariales non versées au montant de 912,81 $, y compris les intérêts et les pénalités, pour l’année 1997 et de 11 093,90 $, y compris les intérêts et les pénalités, pour l’année 1998, de même que des chèques retournés pour insuffisance de fonds en novembre 1996 et par la suite. Chaque partie devra assumer ses propres dépens.

 

 

Signé à Québec (Québec), ce 27e jour de juin 2007.

 

 

« François Angers »

Juge Angers

Traduction certifiée conforme

ce 3e jour de mars 2008.

 

 

 

Mario Lagacé, jurilinguiste


RÉFÉRENCE :                                  2007CCI322

 

NOS DES DOSSIERS DE LA COUR :          2004-4280(IT)G,

                                                          2004-4274(GST)G

 

INTITULÉ :                                       Gabriel Leger c. Sa Majesté La Reine

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                   Moncton (Nouveau-Brunswick)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                 Le 17 janvier 2007

 

MOTIFS DU JUGEMENT :               L’honorable juge François Angers

 

DATE DU JUGEMENT :                   Le 27 juin 2007

 

COMPARUTIONS :

 

Avocat de l’appelant :

Me Jack M. Blackier

Avocat de l’intimée :

Me Marcel Prévost

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

       Pour l’appelant 

 

                          Nom :                      Me Jack M. Blackier

 

                            Cabinet :                Barry Spalding

                                                          Saint John (Nouveau-Brunswick)

 

       Pour l’intimée :                            John H. Sims, c.r.

                                                          Sous-procureur général du Canada

                                                          Ottawa, Canada

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