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Dossier : 2004-3050(GST)APP

ENTRE :

4028490 CANADA INC.,

requérante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

____________________________________________________________________

Demande entendue le 18 octobre 2004 à Montréal (Québec).

 

Devant : L'honorable juge Paul Bédard

 

Comparutions :

 

Avocat de la requérante :

Me Christopher Mostovac

 

Avocate de l'intimée :

Me Judith Kucharsky

____________________________________________________________________

ORDONNANCE

 

          Vu la demande faite en vue d'obtenir une ordonnance prolongeant le délai dans lequel un avis d’opposition à la cotisation établie en vertu de la Loi sur la taxe d'accise, dont l’avis porte le numéro 03110730 et est daté du 5 juin 2003, peut être signifié;

 

          Et vu les allégations des parties;

 

          La demande est rejetée selon les motifs de l’ordonnance ci-joints.

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 23e jour de février 2005.

 

 

 

 

« Paul Bédard »

Juge Bédard


 

 

 

Référence : 2005CCI50

Date : 20050223

Dossier : 2004-3050(GST)APP

ENTRE :

4028490 CANADA INC.,

requérante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

 

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

 

Le juge Bédard

 

[1]     Il s'agit d'une demande faite en vertu de l'article 304 de la Loi sur la taxe d'accise (la « Loi ») en vue d'obtenir une ordonnance portant prorogation du délai duquel la requérante peut loger un avis d'opposition. La principale question en litige dans la présente affaire est la suivante : est-ce que la requérante avait la capacité juridique pour faire une telle demande étant donné son statut de faillie?

 

[2]     La requérante a fait faillite le 4 février 2003.

 

[3]     H.H. Davis & Assoc. Inc. (le « syndic ») a été nommé syndic de l'actif de la faillite de la requérante par le séquestre officiel.

 

[4]     Au moment de la faillite, le seul administrateur de la requérante était monsieur Brian Gray.

 

[5]     Le 5 juin 2003, le ministre du Revenu national (le « ministre ») a établi une cotisation à l'égard de la requérante pour la période s'étendant du 1er juin 2002 au 4 février 2003.

 

[6]     L'avis de cotisation a été envoyé au syndic.

 

[7]     Le ou vers le 18 décembre 2003, la firme de comptable Schlesinger Newman Goldman (« SNG ») a présenté une demande de prorogation du délai pour loger une opposition. Par lettre datée du 18 décembre 2003, la requérante avait autorisé SNG à présenter une telle demande.

 

[8]     Par un avis de décision daté du 21 juin 2004, le ministre avisait la requérante de sa décision de refuser la demande de prorogation du délai pour loger une opposition. Tel qu'il appert de l'avis de décision, la demande a été refusée pour le motif suivant :

 

[traduction]

 

Il ne serait ni juste ni équitable de faire droit à la demande de prorogation du délai pour loger une opposition à l’encontre d’une cotisation de TPS en raison du fait que la demande ne repose sur aucun motif raisonnable, puisque vous n’êtes pas un représentant légitime pouvant agir au nom de la société en faillite.

 

Position de l'intimée

 

[9]     Puisque la preuve a révélé :

 

i)        que le syndic n'a jamais donné le mandat à quiconque,

 

ii)       qu'il n'a jamais été demandé de transférer le mandat du syndic à quiconque, et

 

iii)      qu'il n'a jamais été demandé par quiconque de faire des représentations pour le failli relativement à l'avis de cotisation en litige, ni d'utiliser des procédures ou d'agir par le failli dans toutes contestations relativement à l'avis de cotisation,

 

l'intimée a soutenu que la requérante n'avait pas la capacité juridique de présenter une telle demande de prorogation du délai pour loger une opposition et que seul le syndic, qui est réputé le mandataire du failli, pouvait donc présenter une telle demande en l'espèce.

 

[10]    L'avocate de l'intimée a invoqué l'article 2 (définition de « bien »), l'article 37, le paragraphe 71(2) de la Loi sur la faillite et l’insolvabilité (LFI) pour appuyer sa prétention à l'effet que seul le syndic pouvait en l'espèce faire une telle demande de prorogation du délai pour loger une opposition. De plus, elle a invoqué les affaires Bellram[1], McNeill[2], Biron[3], Sinnott[4] et Kalef[5] pour appuyer ses prétentions. Elle a aussi ajouté que la requérante aurait pu, ce qu'elle n'a pas fait, demander au syndic le mandat de faire des représentations relativement à l'avis de cotisation, ou s'opposer à la cotisation, de présenter une demande de prorogation du délai pour loger une opposition et si nécessaire d'en appeler à la Cour. Enfin, elle a soutenu que la requérante aurait pu, ce qu'elle n'a pas fait, se prévaloir de l'article 37 de la LFI et ainsi s'adresser à la Cour Supérieure du Québec pour lui demander la permission de contester l'avis de cotisation en cas de refus du syndic d'accéder à une telle demande.

 

Position de la requérante

 

[11]    L'avocat de la requérante a soutenu essentiellement que le fait que, aux fins de la Loi, le syndic est le mandataire du failli ne prive pas ce dernier du droit de faire opposition et d'interjeter un appel lorsque le syndic a décidé de ne pas agir. L'avocat de la requérante a invoqué les affaires Sinnott[6] et Leith[7] pour appuyer ses prétentions.

 

[12]    Enfin, il convient de souligner que l'avocat de la requérante a fait part à la Cour du problème potentiel de responsabilité solidaire auquel pourrait faire face monsieur Gray en tant qu'administrateur de la requérante. En effet, dans cette autre affaire le ministre tenterait, selon l’avocat de la requérante, de tenir monsieur Gray solidairement responsable de la dette fiscale de la requérante qui fait l'objet du présent litige. Il a soutenu que la décision récente rendue par le juge Bowie de cette Cour dans l'affaire Zaborniak[8] à l'effet que les dispositions de l'article 323 de la Loi ne permettent pas à un administrateur de contester le quantum de la cotisation établie à l'égard de la société dont il est administrateur, faisait en sorte qu'il était d'autant plus important que j'accorde la présente demande de prorogation du délai pour loger un avis d’opposition de façon à ce que la requérante puisse contester la cotisation faisant l'objet du présent litige. Autrement dit, l'avocat de la requérante a soutenu qu'il craignait, compte tenu de la décision rendue dans l’affaire Zaborniak, que monsieur Gray ne puisse éventuellement contester dans l'autre affaire le quantum de la cotisation établie à l'égard de la requérante. Il devenait donc impératif que la requérante puisse s'opposer à la cotisation établie à son égard car la présente affaire constituerait peut-être, selon lui, le seul forum où monsieur Gray pourrait indirectement contester le quantum de la cotisation établie à l'égard de la requérante et ainsi limiter sa responsabilité en tant qu'administrateur de cette dernière.

 

Analyse

 

[13]    À mon avis, malgré les prétentions de la requérante, la LFI est incontournable. Selon la LFI, la faillite opère le dessaisissement de l'ensemble des biens du failli lesquels sont dévolus au syndic. Lorsque la faillite survient, le syndic acquiert, par l'effet du paragraphe 71(2) de cette Loi, tous les droits d'action du failli, sauf ceux de nature personnelle et ceux affectant ses biens insaisissables. Le failli non libéré n'ayant pas le pouvoir d'ester en justice, c'est au syndic qu'est dévolu ce pouvoir. La requérante n'avait donc pas la capacité de faire une telle demande de prorogation. Non seulement la requérante n'a‑t‑elle pas démontré avoir obtenu du syndic l'autorisation de faire une telle demande, mais encore la preuve a démontré que la requérante n'avait même pas tenté d'obtenir une telle autorisation.

 

[14]    Quant aux affaires Leith[9] et Sinnott[10] sur lesquelles l'avocat de la requérante s'est appuyé pour soutenir que le fait que, aux fins de la Loi, le syndic soit le mandataire du failli ne prive pas ce dernier de ses droits de faire opposition, je tiens d'abord à souligner que le juge en chef adjoint Bowman de cette Cour a reconnu dans l'affaire Sinnott, le droit à un failli de s'opposer à une cotisation ou d'interjeter appel à l'encontre de cette dernière en vue d'obtenir un remboursement qui appartient au failli et qui donc ne constitue pas ce bien divisible entre les créanciers du failli. Dans cette affaire, il s'agissait d’un remboursement d'impôt sur le revenu concernant des salaires ou autres rémunérations du failli qui lui avait été versés après la faillite, remboursements qui selon les dispositions de la Loi de l'impôt sur le revenu alors en vigueur, appartenaient clairement au failli et non au syndic. Je suis d'avis que le juge en chef adjoint Bowman a conclu en ce sens compte tenu des faits très particuliers de l'affaire dont il fut saisi et que l'avocat de la requérante ne pouvait donc s'appuyer sur les conclusions de l'affaire Sinnott dans la présente affaire.

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 23e jour de février 2005.

 

 

 

 

 

 

« Paul Bédard »

Juge Bédard


 

 

RÉFÉRENCE :

2005CCI50

 

No DU DOSSIER DE LA COUR :

2004-3050(GST)APP

 

INTITULÉ DE LA CAUSE :

4028490 Canada Inc. et Sa Majesté la Reine

 

LIEU DE L'AUDIENCE :

Montréal (Québec)

 

DATE DE L'AUDIENCE :

Le 18 octobre 2004

 

MOTIFS DE L'ORDONNANCE PAR :

L'honorable juge Paul Bédard

 

DATE DE L'ORDONNANCE :

Le 23 février 2005

 

COMPARUTIONS :

 

Pour l'appelante :

Me Christopher Mostovac

 

Pour l'intimée :

Me Judith Kucharsky

 

AVOCAT(E) INSCRIT(E) AU DOSSIER:

 

Pour l'appelante :

 

Nom :

Me Christopher Mostovac

 

Étude :

Ravinsky Ryan

Montréal (Québec)

 

Pour l'intimée :

John H. Sims

Sous-procureur général du Canada

Ottawa, Canada

 



[1]           Bellham v. Strider and al., C-BR. (1985), 57 C.B.R. (N.S.) 171.

[2]           Re McNeill, (1986), 39 C.B.R. (3e) 290 (C.S.C.-B.).

[3]           Biron v. M.N.R., 98 DTC 1186 (C.C.I.)

Biron v. The Queen, 2000 DTC 6675 (C.A.F.).

[4]           Sinnott v. The Queen, 2000 DTC 2459 (C.C.I.).

[5]           The Queen v. Kalef, 96 DTC 6132 (C.A.F.).

[6]           Sinnott c. Canada, supra note 4.

[7]           Leith v. Minister of National Revenue, 1979 CarswellNat 46, [1970] Tax A.B.C. 204.

[8]           Zaborniak v. The Queen, 2004 TCC 560.

[9] Leith v. Minister of National Revenue, 1979 CarswellNat 46, [1970] Tax A.B.C. 204.

[10] Sinnott v. The Queen, supra note 4.

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