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Date: 20000809

Dossiers : 1999-4717-IT-I

ENTRE :

YVON BEAUCHESNE,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Motifs du jugement

La juge Lamarre Proulx, C.C.I.

[1]            Il s'agit d'un appel selon la procédure informelle concernant les années d'imposition 1995 et 1996.

[2]            La question en litige est de savoir si pendant ces années l'appelant exerçait une activité de nature commerciale sous le nom de « Mini-Excavation Y.B. Enr. » .

[3]            Les faits sur lesquels le ministre du Revenu national (le « Ministre » ), s'est fondé pour établir ses nouvelles cotisations sont décrits au paragraphe 10 de la Réponse à l'avis d'appel (la « Réponse » ) comme suit :

a)              l'appelant, pendant les années en litige, exerçait le métier de soudeur;

b)             l'appelant, pendant les années en litige, a exploité une activité, à titre de propriétaire unique, sous la raison sociale de « Mini-Excavation Y.B. Enr. » ;

c)              pendant les années en litige, a exploité une activité, à titre de propriétaire unique, sous la raison sociale de « Mini-Excavation Y.B. Enr. » ;

d)             l'appelant, en 1993, a fait l'acquisition d'un tracteur de marque Kubota avec pelle avant, rétrocaveuse, bêcheuse, débroussailleuse, souffleur à neige, tarière et une remorque, le tout pour une valeur totale de 25 000 $;

e)              l'appelant ne consacrait pas beaucoup d'heures de travail à l'égard de son activité pendant les années en litige, car il travaillait à temps plein (semaines de 40 heures);

f)              en prévision d'une retraite en l'année 2001, l'appelant a l'intention de travailler, comme soudeur, le plus grand nombre d'heures possibles pour qu'il puisse jouir d'une pleine pension;

g)             pendant les années s'échelonnant de 1993 à 1997, l'appelant n'a exécuté que 16 contrats dans le cadre de l'exploitation de son activité;

h)             plus spécifiquement, le ministre a compilé le nombre d'heures suivantes, à l'égard de l'exploitation de l'activité de l'appelant :

                i)               72 heures facturées en 1995,

                ii)              aucune heure facturée en 1996,

                iii)             28 heures facturées en 1997;

i)               l'appelant ne possède pas une carte d'apprenti (opérateur) ou un permis d'entrepreneur en excavation;

j)               l'exploitation de l'activité de l'appelant a généré constamment des pertes :

                i)               1993                                         5 025 $

                ii)              1994                                         8 480 $

                iii)             1995                                         6 897 $

                iv)            1996                                         11 553 $

                v)             1997                                         51 $;

k)              le chiffre d'affaires provenant de l'exploitation de l'activité de l'appelant était annuellement le suivant :

                i)               1993                                         205 $

                ii)              1994                                         3 635 $

                iii)             1995                                         1 843 $

                iv)            1996                                         0 $

                v)             1997                                         1 120 $;

l)               suite au vol du tracteur de marque Kubota en 1996, l'appelant a attendu 14 mois avant d'acheter une machinerie de remplacement;

m)             le tracteur de marque Kubota n'était pas assuré commercialement, l'appelant se croyait couvert par sa police d'assurance-habitation, aucune indemnité ne lui fut versée;

n)             en 1995, la perte est principalement engendrée par la réclamation d'une somme de 6 654 $, au titre de dépense pour amortissement;

o)             en 1996, une perte finale de 11 186 $ a été calculée suite au vol du tracteur de marque Kubota;

p)             en 1997, l'appelant a fait l'acquisition d'une excavatrice de marque John Deere pour une somme de 16 000 $ environ;

q)             aucune publicité (affiche, enseigne) n'était affichée à la résidence de l'appelant, là où se trouvaient les équipements pendant les années en litige;

r)              l'appelant n'avait aucun espoir raisonnable de tirer un profit dans l'exploitation de son activité;

s)              les pertes réclamées, à l'égard de son activité constituaient des frais personnels pour les années en litige.

[4]            Les faits sur lesquels l'appelant s'appuie sont décrits à l'Avis d'appel aux paragraphes 6 à 19, et 22 comme suit :

                ...

6.              En effet, pour les années en question, l'appelant travaillait principalement dans le domaine de la construction et cherchait à se constituer une entreprise comme revenu d'appoint.

7.              Ainsi, connaissant l'intérêt de l'appelant pour la machinerie, un de ses amis lui a proposé de soumissionner sur un projet d'excavation d'un sentier, ce que l'appelant a fait.

8.              Pour ce faire, l'appelant a acheté un tracteur servant à faire des travaux légers d'excavation.

9.              Malheureusement, l'ami en question n'a pas obtenu le contrat mais l'appelant a, tout de même, décidé de lancer son entreprise.

10.            C'est ainsi que l'appelant a, tout d'abord, communiqué avec la Commission de la Construction du Québec afin de déterminer l'étendue des travaux qu'il avait légalement le droit d'exécuter.

11.            Ensuite, l'appelant a enregistré son lieu d'affaires et son entreprise auprès de la Ville de Bécancour afin de respecter la réglementation municipale.

12.            De plus, l'appelant a fait imprimé une série de cartes d'affaires pour pouvoir faire la promotion de son entreprise.

13.            Par la suite, afin d'assurer le bon démarrage de l'entreprise, l'appelant a fait une campagne de promotion dans la région de Bécancour et ce, notamment, en prenant des espaces publicitaires sur des blocs-notes distribués dans la région, sur des menus de relais pour motoneigistes et dans différents autres documents ayant une distribution à l'échelle du territoire qu'il souhaitait couvrir.

14.            De plus, l'appelant a enregistré son entreprise aux fins de la TPS et de la TVQ.

15.            En 1995, l'appelant a eu des revenus bruts de mille huit cent quarante-trois dollars (1,843.00$) et des dépenses de neuf mille quatre cent quarante dollars (9,440.00$), incluant une déduction pour amortissement de six mille six cent cinquante-quatre dollars (6,654.00$) dans le cadre de son entreprise.

16.            En 1996, l'appelant a subi une perte de onze mille cinq cent cinquante-trois dollars (11,553.00$) parce qu'il n'a pas de revenus de son entreprise, suite au vol de son tracteur.

17.            Ainsi, onze mille cent quatre-vingt cinq dollars (11,185.00$) de cette perte, soit quatre-vingt-seize oint huit pour-cent (96.8%) résulte de la perte terminale subie suite audit vol du tracteur.

18.            L'appelant n'a pu récupérer aucune somme de ses assureurs.

19.            Le vol du tracteur est un événement fortuit que ne pouvait raisonnablement prévoir l'appelant et qui est la cause principale de la perte subie cette année-là.

...

22.            En 1997, l'appelant a d'ailleurs acheté un autre tracteur et poursuit encore, en date des présentes, son entreprise.

...

[5]            L'appelant a témoigné pour la partie appelante. Monsieur Robert Gaudreau, vérificateur à Revenu Canada, a témoigné pour la partie intimée.

[6]            L'appelant a admis les alinéas 10a) à 10d) et 10j) à 10p) de la Réponse.

[7]            L'appelant est un soudeur qui fait partie d'une union ou d'un syndicat : le local 144. C'est par l'intermédiaire de cette union qu'il obtient ses emplois de soudeur.

[8]            L'appelant participe au plan de retraite de cette union. En 1993, l'appelant avait 42 ans. À l'âge de 50 ans il aurait droit de prendre une retraite avec pension réduite. À l'âge de 55, il aurait droit à la pleine pension. Il a expliqué que c'est dans le but de complémenter sa pension qu'il a commencé cette activité d'excavation.

[9]            Un tampon encreur indiquant le nom de l'entreprise, son numéro de téléphone et les numéros de T.P.S. et T.V.Q. a été produit comme pièce A-1 pour faire la preuve de l'allégué du paragraphe 14 de l'Avis d'appel. Bien que ce ne soit pas l'élément déterminant de ma décision, il me semble que la meilleure preuve aurait été la correspondance entre l'appelant et les autorités gouvernementales visant à l'obtention de cette inscription.

[10]          La pièce A-2 est une carte d'affaires avec la photo du tracteur acquis en 1993. Il n'y a pas de facture qui prouve la date d'achat de ces cartes. Cette carte indique comme activités : mini-pépine et rotoculteur.

[11]          La pièce A-3 est un contrat d'achat de publicité en date du 19 avril 1995. Il y a une note sur ce contrat indiquant d'ajouter, à ce qui est écrit sur la carte d'affaires, ce qui suit : tarière, débroussailleuse, spécialité bêchage de jardin. Le coût de ce contrat serait de 250 $. La pièce A-4 serait le résultat du contrat. Il s'agit d'un bloc-notes comprenant diverses cases publicitaires dont l'une pour « Mini-Excavation Y.B. Enr. » .

[12]          La pièce A-6 est constituée de deux reçus du Club Motoneige Riv-Bec Inc. au montant de 25 $ chacun. Ces reçus pour publicité sont signés par l'appelant. Il a expliqué qu'à cette époque il était le président du Club. La pièce A-5 est le résultat de cet achat de publicité. Il s'agit d'une carte indiquant les sentiers de motoneige à l'endos de laquelle il y a plusieurs cartes d'affaires dont celle de « Mini-Excavation Y.B. Enr. »

[13]          La pièce A-7 est un document émanant de la Ville de Bécancour en date du 28 février 1995. Il s'agit de l'autorisation d'un bureau d'affaires dans la résidence. Il y est spécifiquement mentionné que la pépine ne doit pas être entreposée sur le terrain de la résidence car il s'agit d'un zonage agricole.

[14]          Lors de son témoignage l'appelant a repris les faits décrits aux paragraphes 6 à 9 de l'Avis d'appel. En ce qui concerne l'énoncé du paragraphe 10 de l'Avis d'appel, il relate que la Commission de la construction du Québec ( « CCQ » ) lui aurait dit qu'il avait droit de creuser des solages de maison. Aucun document écrit n'est venu confirmer cette affirmation. De toute façon, il n'y a eu aucun contrat à cet effet.

[15]          En ce qui concerne le vol du tracteur en avril 1996, l'appelant a expliqué qu'il avait été volé alors qu'il était à l'intérieur du garage. Il a acheté une pelle excavatrice en 1997. Lors de l'achat, la pelle nécessitait des travaux de réparation. Ce qu'il a fait.

[16]          En contre-interrogatoire, l'appelant a relaté que lors des années en litige, il travaillait comme soudeur pour l'entretien de la machinerie de Prometal, à Bécancour. Il n'était donc disponible que les soirs et les fins de semaine. De plus pour les fins de sa retraite il avait intérêt à accumuler le plus d'heures possibles. Ceci confirme les énoncés des alinéas 10e) et 10f) de la Réponse. En d'autres années il peut être appelé à travailler en régions éloignées.

[17]          Il a admis l'énoncé de l'alinéa 10i) de la Réponse. L'appelant n'avait pas de carte d'apprenti (opérateur) ni un permis d'entrepreneur en excavation. Il n'a pas le droit d'exercer sur un chantier de construction. Avant 1993, l'appelant ne possédait aucune formation ni expérience dans le domaine de l'excavation, du terrassement ou du déneigement.

[18]          Il a admis que de 1993 à 1997 il n'avait eu que 16 contrats tel que mentionné à l'alinéa 10g) de la Réponse, alinéa qui au début de l'audience avait été nié. De ces 16 contrats, il n'y en avait que quatre qui venaient de personnes qui ne provenaient pas de l'entourage immédiat de l'appelant. Son taux horaire quand il travaillait avec le tracteur était de 25 $ à 30 $ et avec la pelle de 40 $.

[19]          Quoiqu'il ait nié l'alinéa 10h) de la Réponse, il a admis que c'était exact. Sur une base normale de journées de sept heures par jour, cela signifierait qu'en 1995, il aurait travaillé dix jours, aucun jour en 1996 et quatre jours en 1997. L'appelant n'a pas contesté ce résultat.

[20]          En ce qui concerne le défaut d'assurance du premier tracteur il explique qu'il était en négociation avec un agent d'assurances mais qu'il trouvait la prime trop élevée. En ce qui concerne la pelle, elle serait assurée au montant de 600 $ ou de 700 $ par année. Il serait maintenant assuré pour vol, feu et responsabilité.

[21]          Il a admis avoir utilisé le tracteur pour des fins personnelles. Son fils qui tentait de s'inscrire à des cours en machinerie lourde se pratiquait sur le tracteur.

[22]          L'appelant soutient qu'en 1998 et 1999 il opérait à profit.

[23]          Monsieur Robert Gaudreau a expliqué que l'élément de l'utilisation personnelle n'a pas été considéré pour déterminer l'expectative raisonnable de profit. Il s'est fondé sur les faits de cette affaire : peu d'efforts et peu de résultats. Durant toutes ces années il n'y a eu que 16 contrats, peu de jours travaillés. Il n'y avait pas d'affiches à la maison pour indiquer l'activité. Si de 1997 à 1999, l'appelant avait continué à réclamer l'allocation du coût en capital, la perte aurait été de 2 601 $ en 1997, 4 384 $ en 1998 et 3 035 $ en 1999. À ceci, il faut ajouter que l'appelant ne réclame à peu près plus de dépenses pour ces années. Ainsi le coût des assurances n'est même pas inscrit aux dépenses.

[24]          L'avocat de l'appelant a fait valoir les connaissances de l'appelant dans le domaine de la construction, qu'il s'agissait d'une petite entreprise et qu'il fallait lui donner le temps d'établir sa rentabilité et qu'en fait à partir de 1997, elle était à peu près rentable. Il a aussi fait valoir que personne n'est obligé de prendre l'allocation du coût en capital et que si l'appelant ne l'a pas réclamée depuis 1997, c'était son droit. Il a fait valoir que l'appelant s'était informé auprès de la CCQ. S'il n'avait pas pris d'assurance cela pouvait être une erreur de jugement mais cette décision avait été prise dans un contexte d'affaires parce que l'appelant avait déterminé que cela coûtait trop cher. On ne pouvait pas lui reprocher le vol du tracteur qui a été un événement hors de son contrôle. Il avait pris des mesures de redressement en diminuant ses dépenses.

[25]          L'avocate de l'intimée a fait valoir le peu d'efforts accordés par l'appelant sur son activité. En fait les efforts sont plutôt de la nature du passe-temps. De 1995 à 1997, il y aurait eu 14 jours de travail et en 1998, deux jours. Il ne s'agit évidemment pas là d'une entreprise. Il n'a pas d'employés alors qu'il n'est pas disponible le jour. On parle de diminution de dépenses à partir de 1997, mais le seul état des dépenses que l'on puisse voir pour ces années ne fait pas état des dépenses engagées comme le coût de l'assurance. S'il y a profits pour les années subséquentes il s'agit de profits artificiels. L'appelant n'a pas la formation ni les permis nécessaires au genre d'entreprise.

Conclusion

[26]          Le nombre infime de jours travaillés, le revenu brut minime, l'absence de formation de l'appelant et l'absence conséquente des permis nécessaires d'exploitation, de l'année 1993 à l'année 1995 font qu'il est impossible de conclure à l'existence d'une activité commerciale. L'appelant ne s'est évidemment pas consacré à son entreprise comme la personne qui veut en tirer son gagne-pain l'aurait fait. Il est particulièrement étrange que l'appelant ne se soit pas assuré pour les activités du tracteur non seulement à l'encontre du vol mais particulièrement en ce qui concerne la responsabilité. Il est douteux qu'une personne puisse faire affaires sans ce genre d'assurance. Si elle le peut, ce n'est sûrement pas une caractéristique d'une entreprise commerciale. En fait dans cette affaire, la preuve n'a révélé aucune caractéristique d'une affaire de nature commerciale qui est la recherche de la rentabilité et de l'efficacité.

[27]          Je conclus donc que le Ministre a correctement, en fait et en droit, refusé d'accorder les pertes d'entreprise réclamées en 1995 et en 1996 parce que l'appelant n'exploitait pas une entreprise au sens de ce mot aux articles 3, 9 et à l'alinéa 18(1)a) de la Loi. Les appels sont en conséquence rejetés.

Signé à Ottawa, Canada ce 9e jour d'août 2000.

« Louise Lamarre Proulx »

J.C.C.I.

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