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Dossier : 2006-2143(IT)I

ENTRE :

CHERYL THORPE,

appelante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

 

intimée.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

____________________________________________________________________

Appel entendu le 9 juillet 2007, à Vancouver (Colombie‑Britannique)

 

Devant : L’honorable juge D.W. Beaubier

 

Comparutions :

 

Avocat de l’appelante :

Me Max Weder

Avocate de l’intimée :

Me Lise Walsh
Aman Sandhu (étudiante en droit)

____________________________________________________________________

 

JUGEMENT

 

Les appels interjetés à l’encontre des nouvelles cotisations établies en application de la Loi de l’impôt sur le revenu à l’égard des années d’imposition 2002 et 2003 sont accueillis et l’affaire est déférée au ministre du Revenu national pour qu’il procède à un nouvel examen et établisse de nouvelles cotisations conformément aux motifs du jugement ci‑joints.

 

Les dépens, du début à la fin, sont adjugés à l’appelante.

 

Signé à Vancouver (Colombie‑Britannique), ce 12e jour de juillet 2007.

 

 

« D.W. Beaubier »

Juge suppléant Beaubier

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 22e jour d’août 2007.

 

 

Hélène Tremblay, traductrice


 

 

 

 

 

Référence : 2007CCI410

Date : 20070712

Dossier  : 2006-2143(IT)I

ENTRE :

CHERYL THORPE,

appelante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

 

intimée.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

Le juge Beaubier

 

[1]     Les présents appels, interjetés sous le régime de la procédure informelle, ont été entenduws à Vancouver (Colombie‑Britannique), le 9 juillet 2007. L’époux de l’appelante, Micheal Thorpe, a témoigné. L’intimée a appelé Diana Townley, l’agente des appels de l’Agence du revenu du Canada chargée du dossier, à témoigner.

 

[2]     Les points en litige sont énoncés aux paragraphes 12 à 19 et 22 à 25 de la réponse à l’avis d’appel et sont rédigés en ces termes :

 

          [TRADUCTION]

                  

12.          Le 19 août 2005, le ministre a avisé l’appelante qu’elle avait droit à des paiements de Prestation fiscale canadienne pour enfants (la « PFCE ») pour l’année de base 2002 s’élevant à 6 421,88 $, comme l’indique l’annexe A.

 

13.          Le 19 août 2005, le ministre a avisé l’appelante qu’elle avait droit à des paiements de PFCE pour l’année de base 2003 s’élevant à  6 715,65 $, comme l’indique l’annexe B.

 

14.          Le ministre a ultérieurement constaté que lorsqu’il avait calculé le montant des paiements de PFCE, il n’avait pas tenu compte du revenu de l’époux de l’appelante.

 

15.          Le 20 octobre 2005, le ministre a avisé l’appelante qu’il avait revu le calcul du montant de PFCE auquel elle avait droit pour l’année de base 2002. Par conséquent, le ministre a demandé à l’appelante de rembourser le montant de 6 421,88 $ de PFCE pour l’année de base 2002, comme l’indique l’annexe A.

 

16.          Le 20 octobre 2005, le ministre a avisé l’appelante qu’il avait revu le calcul du montant de PFCE auquel elle avait droit pour l’année de base 2003. Par conséquent, le ministre a demandé à l’appelante de rembourser le montant de 6 715,65 $ de PFCE pour l’année de base 2003, comme l’indique l’annexe B.

 

17.          Dans un avis d’opposition que le ministre a reçu le 30 novembre 2005, l’appelante a signifié son opposition aux nouvelles déterminations pour les années de base 2002 et 2003 datées du 20 octobre 2005.

 

18.          Le 11 avril 2006, le ministre a avisé l’appelante qu’il avait ratifié la nouvelle détermination pour l’année de base 2002 au motif que l’appelante n’avait pas fourni d’attestation du revenu de son époux pour cette même année.

 

19.          Le 20 avril 2006, le ministre a avisé l’appelante qu’elle avait droit à des paiements de PFCE pour l’année de base 2003 s’élevant à  185,40 $, comme l’indique l’annexe B. Le calcul de ce montant tenait compte du revenu de l’époux de l’appelante pour cette même année.

 

[…]

 

Hypothèses

 

22.     Lorsqu’il a déterminé l’admissibilité de l’appelante à la PFCE et ratifié la nouvelle détermination de PFCE pour les années de base 2002 et 2003 dans des avis datés du 11 avril 2006 et du 20 avril 2006, respectivement, le ministre s’est fondé sur les hypothèses de fait ci‑dessous :  

 

a) l’appelante était mariée à Michael Thorpe (l’« époux ») pendant toute la période en cause;

 

b) l’appelante n’a jamais été séparée de son époux pour cause d’échec de leur mariage pendant la période en cause;

 

c) l’époux était un non‑résident pendant toute la période en cause;

 

d) l’appelante et son époux sont parents de deux enfants, soit Christopher, né le 20 août 1990, et Hilary, née le 18 janvier 1993;

 

e) aux fins du calcul de la PFCE pour l’année de base 2002, le revenu net de l’appelante était de 22 556 $ et le revenu net de son époux était de 73 769 $. Le revenu familial net était de 96 325 $, comme l’indique l’annexe A;

 

f) aux fins du calcul de la PFCE pour l’année de base 2003, le revenu net de l’appelante était de 23 317 $ et le revenu net de son époux était de 67 448 $. Le revenu familial net était de 90 765 $, comme l’indique l’annexe B.

 

23.          Les hypothèses de fait énoncées aux alinéas e) et f) ci‑dessus ont d’abord été formulées par le ministre lorsqu’il a ratifié la nouvelle détermination pour l’année de base 2002 et lorsqu’il a établi la nouvelle détermination pour l’année de base 2003.

 

B.      POINTS EN LITIGE

 

24.          Il s’agit de savoir si :

 

a) le ministre a correctement calculé l’admissibilité de l’appelante à la PFCE, le cas échéant, pour les années de base 2002 et 2003;

 

            b) l’appelante a droit au crédit pour taxe sur les produits et services (le « CTPS ») pour l’année de base 2002.

 

C.      DISPOSITIONS LÉGISLATIVES INVOQUÉES

 

25.          Il se fonde sur les articles 3, 114, 115 et 122, 122.5 et 122.6 ainsi que sur les paragraphes 122.5(6.2), 122.61(3) et 248(1) de la Loi de l’impôt sur le revenu.

 

[3]     Aucune des hypothèses n’a été réfutée par la preuve. La question concernant le crédit de taxe sur les produits et services n’a pas été traitée lors de l’audience.

 

[4]     L’appelante soutient que, parce que son époux était un non‑résident du Canada pendant toute l’année et toute la période en cause, son revenu net ne devrait pas être inclus dans le calcul de la Prestation fiscale canadienne pour enfants (la « PFCE ») pour les années de base visées par les présents appels.

 

[5]     L’avocat de l’appelante a fait un renvoi au paragraphe 122.61(3) de la Loi de l’impôt sur le revenu (la « Loi »), qui est rédigé en ces termes :

 

(3) Non-résidents et résidents pendant une partie de l’année – Pour l'application du présent article, les règles suivantes s'appliquent lorsqu'une personne ne réside pas au Canada tout au long d'une année d'imposition :

 

a) il est entendu que le revenu de la personne pour l'année est réputé égal au montant qui aurait correspondu à son revenu pour cette année si elle avait résidé au Canada tout au long de l'année;

 

b) le revenu gagné de la personne pour l'année ne peut dépasser la fraction du montant qui, sans le présent alinéa, correspondrait à son revenu gagné inclus, en application de l'article 114 ou du paragraphe 115(1), dans le calcul de son revenu imposable ou de son revenu imposable gagné au Canada, pour l'année.

 

Le paragraphe 122.61(1) est rédigé en ces termes :

 

122.61 (1) Présomption de paiement en trop [Prestation fiscale pour enfants] – Lorsqu'une personne et, sur demande du ministre, son époux ou conjoint de fait visé à la fin d'une année d'imposition produisent une déclaration de revenu pour l'année, un paiement en trop au titre des sommes dont la personne est redevable en vertu de la présente partie pour l'année est réputé se produire au cours d'un mois par rapport auquel l'année est l'année de base. Ce paiement correspond au résultat du calcul suivant :

 

[…]

 

[6]     Dans le Shorter Oxford English Dictionary (1993), le mot « cohabiter » signifie [traduction] « habiter ensemble » et [traduction] « vivre sous le même toit une union d’époux ». La définition d’« époux visé » au paragraphe 122.6 de la Loi est rédigée en ces termes :

 

« époux ou conjoint de fait visé » Personne qui, à un moment donné, est l'époux ou conjoint de fait d'un particulier dont il ne vit pas séparé à ce moment. Pour l'application de la présente définition, une personne n'est considérée comme vivant séparée d'un particulier à un moment donné que si elle vit séparée du particulier à ce moment, pour cause d'échec de leur mariage ou union de fait, pendant une période d'au moins 90 jours qui comprend ce moment.

 

Les Thorpe sont donc des époux visés aux fins de la PFCE.

 

[7]     Pendant la période en cause, Michael Thorpe était considéré comme un résident des États‑Unis, tant par les autorités fiscales du Canada que par celles des États‑Unis, en application de la Convention fiscale de 1980 entre le Canada et les États‑Unis d’Amérique (la « Convention »). Au sens de l’article IV de la Convention, il est donc « une personne physique » qui  « a une présence importante aux États‑Unis, y possède un foyer d’habitation permanent ou […] y séjourne de façon habituelle […] ».

 

[8]     M. Thorpe se rendait à la demeure de l’appelante à Victoria (Colombie‑Britannique) un week-end sur deux. L’appelante et les deux enfants se rendaient à l’appartement que louait M. Thorpe à Seattle (Washington) pendant les longs week-ends et pendant tout le mois d’août. Le revenu de M. Thorpe ne servait pas à subvenir aux besoins de la famille. Cependant, un véhicule a été acheté au nom de l’appelante en 2001. C’est l’appelante qui en faisait l’usage, mais c’est M. Thorpe qui effectuait les importants paiements mensuels. L’appelante était locataire d’une maison à Victoria dans laquelle elle habitait avec les deux enfants du couple.

 

[9]     L’avocate de l’intimée fait valoir que d’accueillir le présent appel reviendrait, essentiellement, à accorder à l’appelante et à M. Thorpe un allègement dont d’autres couples qui ont deux résidences au Canada ne peuvent pas se prévaloir. En l’espèce, le couple avait les moyens de se payer deux résidences plutôt qu’une. Une des résidences se trouvait dans un autre pays parce que M. Thorpe, un architecte, ne trouvait pas de travail au Canada.

 

[10]    L’avocat de l’appelante soutient que le paragraphe 122.61(3) s’appliquerait seulement si M. Thorpe résidait au Canada pendant une partie de l’année. Il fait valoir qu’il ne s’applique pas en l’espèce parce que M. Thorpe résidait aux États‑Unis tout au long de l’année. 

 

[11]    Il importe de souligner que, de l’avis de la Cour, les dispositions en question devraient recevoir une interprétation généreuse afin de permettre aux enfants de bénéficier de la PFCE.

 

[12]    Le mot « throughout » (« tout au long de » dans la version française de la Loi) est défini en ces termes dans le Shorter Oxford English Dictionary (1993) :

 

[TRADUCTION]

 

2a : D’un bout à l’autre, de part en part; au milieu de, parmi.

 

Le sens de la version française du paragraphe 122.61(3) est semblable. Il ressort de la preuve dont dispose la Cour que le seul revenu gagné par M. Thorpe au cours des années en cause a été gagné aux États‑Unis. Les notes explicatives concernant le paragraphe 122.61(3) sont rédigées en ces termes :

 

Mai 1992 NE (Prestation fiscale pour enfants) : Le paragraphe 122.61(3) stipule que, lorsqu’une personne ne résidait pas au Canada à un moment donné pendant une année, le revenu de cette personne pour l’année est égal au montant qui aurait été son revenu pour l’année si elle avait résidé au Canada. Ce paragraphe prévoit aussi que, aux fins du supplément du revenu gagné, le revenu gagné de la personne pour l’année dans ce cas ne comprend que le revenu qui était imposable au Canada.

 

Ce qui précède vient étayer l’argument de l’avocat de l’appelante. L’article 114 concerne les particuliers résidant au Canada pendant une partie de l’année seulement, et le paragraphe 115(1) s’applique au revenu imposable au Canada d’un non‑résident. Aucune de ces dispositions ne s’applique à Michael Thorpe.

 

[13]    Compte tenu du libellé du paragraphe 122.61(3) et du renvoi que font les notes explicatives précitées à ce paragraphe, l’appel est accueilli.

 

[14]    Les dépens, du début à la fin, sont adjugés à l’appelante.

 

 

Signé à Vancouver (Colombie‑Britannique), ce 12e jour de juillet 2007.

 

« D.W. Beaubier »

Juge suppléant Beaubier

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 22e jour d’août 2007.

 

 

 

Hélène Tremblay, traductrice


RÉFÉRENCE :                                  2007CCI410

 

N° DU DOSSIER :                             2006-2143(IT)I

 

INTITULÉ :                                       Cheryl Thorpe c. La Reine

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                   Vancouver (Colombie‑Britannique)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                 Le 9 juillet 2007

 

MOTIFS DU JUGEMENT PAR :       L’honorable juge D.W. Beaubier

 

DATE DU JUGEMENT :                   Le 12 juillet 2007

 

COMPARUTIONS :

 

Avocat de l’appelante :

Me Max Weder

Avocate de l’intimée :

Me Lise Walsh
Aman Sandhu (étudiante en droit)

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

       Pour l’appelante :

 

                          Nom :                      Me Max Weder

 

                        Cabinet :                    Borden Ladner Gervais LLP

                                                          Vancouver (Colombie‑Britannique)

 

       Pour l’intimée :                            John H. Sims, c.r.

                                                          Sous-procureur général du Canada

                                                          Ottawa, Canada

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