Jugements de la Cour canadienne de l'impôt

Informations sur la décision

Contenu de la décision

 

 

 

 

Dossier : 2002‑3680(IT)G

 

ENTRE :

FREDERICK WILLIAM BROWN,

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

____________________________________________________________________

 

Décision relative à une question entendue le 15 mai 2006,

à Thunder Bay (Ontario).

Devant : L'honorable juge M. A. Mogan

 

Comparutions :

 

Avocat de l'appelant :

Me Brian R. MacIvor

Avocats de l'intimée :

Me Jeff Pniowsky et

Me Julien Bedard

____________________________________________________________________

 

ORDONNANCE

 

  Conformément à l'ordonnance rendue par l'honorable juge Gerald J. Rip, le 27 janvier 2006, selon laquelle la Cour doit tenir une audience distincte en application de l'alinéa 58(1)a) des Règles de la Cour canadienne de l'impôt (procédure générale) afin de se prononcer sur la question touchant la renonciation produite par l'appelant;

 

  La Cour déclare que la nouvelle cotisation établie par le ministre du Revenu national en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu pour l'année d'imposition 1996, à la suite de la présentation d'une renonciation en application du paragraphe 152(4) de la Loi, est conforme aux modalités de ladite renonciation.

 

  Les dépens de la décision suivent l'issue de la cause.

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 4e jour de juillet 2006.

 

 

« M. A. Mogan »

Le juge suppléant Mogan

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 25e jour de juillet 2007.

 

 

 

Yves Bellefeuille, réviseur


 

 

 

 

Référence : 2006CCI381

Date : 20060704

Dossier : 2002‑3680(IT)G

 

ENTRE :

FREDERICK WILLIAM BROWN,

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

 

Le juge suppléant Mogan

 

[1]  Le présent appel intéresse une cotisation d'impôt sur le revenu visant l'année d'imposition 1996. Le ministre du Revenu national (le « ministre ») a d'abord établi une cotisation d'impôt à l'égard de l'année d'imposition 1996 de l'appelant le 5 mai 1997, de sorte que la période normale de nouvelle cotisation applicable à ce dernier (36 mois) a expiré le 5 mai 2000.

 

[2]  En juillet 1997, le ministre a entrepris l'examen de certaines opérations intervenues entre l'appelant et Fred Brown Equipment (1987) Ltd. (la « société »), dont l'appelant est un important actionnaire. Les opérations étaient complexes et l'examen s'est déroulé sur une période de plus de deux ans. En avril 2000, l'appelant a présenté à l'Agence du revenu du Canada (l'« ARC ») une renonciation quant au respect de la période normale de nouvelle cotisation pour 1996. La renonciation (pièce R‑1, onglet 5) est datée du 18 avril 2000 et paraît avoir été présentée à l'ARC vers le 28 avril 2000.

 

[3]  L'ARC a fait parvenir à l'appelant un avis de nouvelle cotisation daté du 1er mars 2001 visant à ajouter au revenu déclaré de l'appelant pour 1996 la somme de 296 919 $, que l'ARC a qualifiée de dividende réputé. L'appelant a produit un avis d'opposition et le ministre a ensuite ratifié la nouvelle cotisation par un avis daté du 29 juin 2001. Après cette ratification, l'appelant a déposé un avis d'appel devant la Cour.

 

[4]  Dans son avis d'appel, l'appelant fait valoir deux arguments distincts :

 

(i)  la renonciation signée le 18 avril 2000 permet uniquement l'établissement d'une nouvelle cotisation au titre de la partie XI.3 et de la partie XVI de la Loi de l'impôt sur le revenu (la « Loi »), et ne permet pas l'établissement d'une nouvelle cotisation au titre de la partie I de la Loi;

 

(ii)  les opérations conclues en 1996 par l'appelant et la société ne violent pas la disposition générale anti‑évitement (« DGAÉ ») (article 245) de la Loi.

 

À la suite d'une conférence de gestion de l'instance qui a eu lieu en janvier 2006, et avec le consentement des parties, la Cour a ordonné la tenue d'une audience distincte afin de trancher la question de savoir si la renonciation présentée par l'appelant conformément au paragraphe 152(4) de la Loi empêchait le ministre d'agir comme il l'a fait lorsqu'il a établi une nouvelle cotisation à l'égard de l'appelant pour 1996. Des renonciations aux modalités analogues à celle présentée par l'appelant ont été signées par cinq autres contribuables qui ont conclu des opérations similaires quoique totalement sans rapport entre elles.

 

[5]  Lors de l'audience distincte de la Cour qui a eu lieu à Thunder Bay le 15 mai 2006, les avocats des parties ont convenu que seule la question de la renonciation touchant l'appel de Frederick William Brown (dossier de la Cour numéro 2002‑3680(IT)G) serait examinée, et que les cinq autres contribuables se conformeraient à la décision qui serait rendue dans l'appel de M. Brown en ce qui concerne la question de la renonciation. Maître MacIvor, l'avocat de l'appelant, a rédigé la question suivante, qu'il a soumise à la Cour :

 

[TRADUCTION]

 

Conformément à l'article 58 des Règles de la Cour canadienne de l'impôt (procédure générale), […] l'appelant a demandé à la Cour de se prononcer sur la question suivante, telle qu'elle est délimitée dans les actes de procédure :

 

La renonciation signée par l'appelant relativement à l'année d'imposition 1996 permettait‑elle au ministre du Revenu national d'établir une nouvelle cotisation à l'égard de l'appelant en application du paragraphe 152(4) de la Loi de l'impôt sur le revenu en ce qui a trait à la réorganisation de la société Fred Brown Equipment Limited, aux gains en capital qui ont été déclarés et à la déduction pour gains en capital qui a été demandée pour l'année d'imposition 1996?

 

[6]  Maître Pniowsky, avocat de l'intimée, a présenté des notes qui exposent ses observations et dans lesquelles il mentionne que [TRADUCTION] « […] l'appelant cherche à faire invalider la renonciation qu'il a signée ». Avant de me pencher sur les nombreux documents qui ont été produits comme pièces sur cette question, je vais examiner les thèses avancées par les avocats. En ce qui touche les observations formulées par l'intimée, j'estime qu'il est plus exact de dire que l'appelant tente de faire invalider la nouvelle cotisation parce qu'elle n'est pas conforme aux modalités d'une renonciation valable. Quant à la question de l'appelant, je crois qu'une renonciation (quelle qu'elle soit) n'a pas pour effet de « permettre » au ministre d'établir une nouvelle cotisation. Le ministre peut établir une nouvelle cotisation à tout moment mais, si une nouvelle cotisation donnée est établie après l'expiration de la « période normale de nouvelle cotisation », une renonciation peut dégager le ministre de la charge de la preuve lors d'un appel.

 

[7]  Ayant entendu la preuve et les observations faites par les avocats, je crois opportun de me demander si la nouvelle cotisation établie par le ministre le 1er mars 2001 était conforme aux modalités de la renonciation signée par Frederick William Brown le 18 avril 2000.

 

[8]  Le témoignage de M. Brown a duré un peu moins d'une heure. Il est un entrepreneur en exploitation forestière depuis de nombreuses années. Il était propriétaire unique de son entreprise jusqu'à ce qu'il constitue celle‑ci en société en 1987. À la fin des années 1970 et de nouveau au début des années 1980, il a fait l'objet d'une vérification par Revenu Canada. À chaque occasion, il a rencontré un vérificateur pour poser des questions et donner des réponses. La société a fait l'objet d'une vérification à la fin des années 1990. Un vérificateur de Revenu Canada s'est rendu à Fort Francis (où vivait l'appelant) et a téléphoné à l'appelant pour demander des documents. L'épouse de l'appelant a remis certains documents au vérificateur de Revenu Canada à son hôtel, mais aucune réunion de suivi n'a eu lieu. Lorsqu'on a montré à l'appelant la renonciation qu'il a signée le 18 avril 2000 (pièce R‑1, onglet 5), il a reconnu sa signature, mais il a ajouté qu'il croyait avoir signé pour le compte de la société. Il a toutefois admis que la dénomination de la société ne figurait pas au‑dessus de sa signature, contrairement à certains autres documents qui la concernent.

 

[9]  Raymond Halvorsen est le vérificateur de l'impôt des sociétés de l'ARC qui a procédé à l'examen des opérations conclues en 1996 par l'appelant et la société. Monsieur Halvorsen travaille aux bureaux de l'ARC situés à Thunder Bay. Dans son témoignage, il a déclaré que l'épouse de l'appelant lui avait apporté les documents de la société à son hôtel à Fort Francis, et qu'il n'avait pas rencontré l'appelant. Il a parlé avec M. Kelly (l'expert‑comptable de l'appelant) au téléphone, mais il ne l'a pas rencontré. Monsieur Halvorsen a mentionné qu'il avait traité avec l'expert‑comptable de l'appelant parce qu'il avait supposé que ce dernier était occupé à poursuivre les activités d'exploitation forestière de son entreprise.

 

[10]  Le 4 mars 1999, M. Halvorsen a adressé une lettre d'une page à l'appelant (pièce R‑1, onglet 1) et en a fait parvenir un double à l'avocat de ce dernier, Me MacIvor. Dans cette lettre, il fait état du rajustement qu'il entend apporter au revenu pour 1996 de l'appelant et il invite le contribuable à faire des observations. Il a en outre reconnu une lettre de cinq pages datée du 13 mars 2000 (pièce R‑1, onglet 4) que l'ARC a adressée à l'appelant (avec un double à Me MacIvor) afin de préciser et d'expliquer plus amplement les rajustements proposés relativement au revenu pour 1996. Monsieur Halvorsen a déclaré ce qui suit : (i) Me MacIvor a toujours agi comme s'il était le mandataire autorisé de l'appelant; (ii) la dernière lettre faisant état de la proposition de l'ARC et datée du 13 mars 2000 a été envoyée avant que l'appelant n'ait signé sa renonciation; (iii) en mars 2000, M. Halvorsen disposait de renseignements suffisants pour établir une nouvelle cotisation sans aucune renonciation; (iv) la renonciation visait à donner à l'appelant plus de temps pour présenter des observations; (v) les sommes mentionnées dans la nouvelle cotisation du 1er mars 2001 étaient en réalité identiques à celles énoncées dans la lettre de l'ARC du 13 mars 2000.

 

[11]  Une copie de la renonciation se trouve à la pièce A‑1, onglet C, et à la pièce R‑1, onglet 5. Il s'agit d'un formulaire type de l'ARC intitulé « Renonciation à l'application de la période normale de nouvelle cotisation ». Outre le nom de l'appelant, son adresse, son NAS et l'année d'imposition, les termes précis dactylographiés sur le formulaire de l'ARC relatif à l'appelant sont les suivants :

 

[TRADUCTION]

 

RENONCIATION

 

La période normale de nouvelle cotisation prévue au paragraphe 152(4) de la Loi de l'impôt sur le revenu pendant laquelle le Ministre peut établir une nouvelle cotisation ou des cotisations supplémentaires ou fixer des impôts, intérêts ou pénalités, en vertu de la partie  de la Loi est, par la présente, renoncée pour l'année d'imposition susmentionnée, à l'égard de :

 

Partie de la Loi

Renonciation à l'égard de ce qui suit :

 

Partie XI.3 et partie XVI

Les questions fiscales d'ordre personnel intéressant le contribuable susmentionné relativement à la réorganisation de la société Fred Brown Equipment Limited, notamment les gains en capital déclarés et la déduction pour gains en capital demandée au cours de l'année d'imposition 1996.

 

[12]  La lettre que l'ARC a adressée à l'appelant le 4 mars 1999 fait état d'évitement fiscal, et la lettre datée du 13 mars 2000 précise sans équivoque que la nouvelle cotisation proposée se fonde sur la DGAÉ contenue à l'article 245 de la Loi (partie XVI). La renonciation elle‑même fait mention de « gains en capital », lesquels sont uniquement assujettis à l'impôt de la partie I de la Loi. De plus, les « dividendes réputés » qui ont été ajoutés au revenu déclaré de l'appelant pour 1996 dans la nouvelle cotisation (pièce R‑1, onglet 7) ont été inclus en application de l'article 84, disposition qui se trouve dans la partie I de la Loi.

 

[13]  L'argument avancé par l'appelant au sujet de la renonciation repose pour l'essentiel sur le fait que les rajustements apportés à son revenu pour 1996 dans la nouvelle cotisation visée par le présent appel se fondent sur des dispositions contenues dans la partie I de la Loi, mais que cette partie n'est pas mentionnée dans la section pertinente de la renonciation. Voir le paragraphe 11 ci‑dessus.

 

[14]  Ni les faits ni le droit n'étayent l'assertion de l'appelant. Pour les raisons énoncées ci‑dessous, je conclus que l'argument de l'appelant selon lequel la nouvelle cotisation relative à 1996 n'a pas été établie en conformité avec les modalités de la renonciation est dénué de fondement.

 

Les faits

 

[15]  L'argument de l'appelant aurait pu avoir un certain fondement s'il avait été possible d'affirmer qu'il a été pris au dépourvu par les rajustements apportés à son revenu pour 1996 dans la nouvelle cotisation visée en l'espèce. Cependant, à la lumière de l'ensemble des documents connexes et concomitants, je suis convaincu que l'appelant ne peut raisonnablement avoir été pris au dépourvu par les rajustements touchant son revenu pour 1996 effectués dans la nouvelle cotisation frappée d'appel. En réalité, les sommes énoncées dans le formulaire T7W‑C (« explication des changements ») de l'ARC (pièce R‑1, onglet 7) sont les mêmes que celles qui figurent à la page 5 de la lettre datée du 13 mars 2000 (pièce R‑1, onglet 5) que l'ARC a envoyée à l'appelant avec un double à Me MacIvor. Cette lettre est antérieure à la signature de la renonciation.

 

[16]  Lorsque M. Halvorsen a conclu son examen de l'année d'imposition 1996, il a envoyé à l'appelant une lettre datée du 4 mars 1999 (pièce R‑1, onglet 1). Il est question dans ce document de modifier la qualification [TRADUCTION] « des sommes que vous avez reçues en les assimilant à des dividendes » et il fait état des sommes de 76 449 $ et de 161 086 $. La lettre invite en outre l'appelant à formuler des observations. L'onglet 2 de la pièce R‑1 consiste en des courriels échangés entre M. Halvorsen et Me MacIvor, par lesquels ils conviennent d'une prolongation de 90 jours du délai pour présenter un mémoire. À l'onglet 3 de la pièce R‑2 se trouvent les observations écrites de 26 pages datées du 27 août 1999 que Me MacIvor a envoyées à l'ARC.

 

[17]  Le 13 mars 2000, l'ARC a fait parvenir une lettre de cinq pages à l'appelant avec un double à Me MacIvor (pièce R‑1, onglet 4), dans laquelle elle expose en détail les rajustements proposés relativement au revenu pour 1996 de l'appelant. Cette lettre renvoie à la DGAÉ et à l'article 245 de la Loi, aux observations écrites du 27 août 1999 de Me MacIvor de même qu'à certaines décisions judiciaires portant sur la DGAÉ. À la page 5 de la lettre, l'ARC mentionne les sommes de 76 449 $ et de 161 086 $ qui ont fait l'objet d'une nouvelle qualification et ont été assimilées à des « dividendes ». Cette lettre du 13 mars 2000 a été envoyée environ un mois avant que l'appelant ne signe la renonciation le 18 avril 2000 (pièce R‑1, onglet 5).

 

[18]  Le 13 juin 2000, Me MacIvor a envoyé à l'ARC des observations de onze pages (pièce R‑1, onglet 6) qui, dans les faits, constituaient une réponse à la lettre de l'ARC datée du 13 mars 2000. L'avis de nouvelle cotisation pour 1996 a été envoyé à l'appelant le 1er mars 2001. L'onglet 7 de la pièce R‑1 consiste en le formulaire type T7W‑C de l'ARC, lequel présente une « explication des changements » apportés au revenu déclaré pour 1996 de l'appelant. Le formulaire T7W‑C montre la façon dont les « dividendes réputés » se fondent sur les sommes de 76 449 $ et de 161 086 $.

 

[19]  Les deux lettres adressées par l'ARC à l'appelant (pièce R‑1, onglets 1 et 4) et les deux observations écrites de Me MacIvor (pièce R‑1, onglets 3 et 6) prouvent que l'appelant et son avocat, Me MacIvor, savaient en quoi consisterait la nouvelle cotisation qui serait établie à l'égard de l'appelant après l'expiration de la « période normale de nouvelle cotisation » si ce dernier signait la renonciation (pièce R‑1, onglet 5). La nouvelle cotisation établie le 1er mars 2001 ne comportait aucun élément de surprise pour l'appelant ou pour Me MacIvor.

 

La jurisprudence

 

[20]  Dans la décision Bailey c. M.R.N., C.C.I., no 88‑2034(IT), 4 juillet 1989, 89 D.T.C. 416, le juge Rip de la Cour expose à la page 419 les situations dans lesquelles une renonciation peut être présentée :

 

Un contribuable adresse généralement une renonciation au Ministre lorsque la contestation est engagée sur une ou plusieurs questions spécifiques et que le délai de trois ans dans lequel le Ministre peut établir une nouvelle cotisation est sur le point d'expirer. L'envoi d'une renonciation permet d'éviter que le Ministre fixe une nouvelle cotisation à la hâte; elle permet au contribuable d'examiner encore une fois les rajustements que le Ministre entend effectuer et de formuler d'autres observations au soutien de sa réclamation.

 

[21]  Dans la décision Solberg c. La Reine, C.F. 1re inst., no T‑942‑89, 13 août 1992, 92 D.T.C. 6448, le contribuable avait produit une renonciation relativement à son année d'imposition 1979 et ce document renvoyait à la partie III de la Loi de l'impôt sur le revenu. Après la période normale de nouvelle cotisation, le contribuable a fait l'objet d'une nouvelle cotisation visant à augmenter le montant d'un gain en capital qu'il avait déclaré pour 1979. En appel, M. Solberg a soutenu que son gain en capital accru avait fait l'objet d'une nouvelle cotisation sous le régime de la partie I. Le juge Reed de la Cour fédérale, Section de première instance, a conclu que le renvoi, dans la renonciation, à la partie III constituait une erreur et qu'il aurait plutôt fallu y mentionner la partie I. C'est en ces termes que le juge Reed a rejeté l'argument avancé par M. Solberg :

 

À la page 6452 :

 

Ayant conclu que la mention de la partie III dans la renonciation était une erreur, je dois examiner si la renonciation est nulle aux fins de l'établissement à l'égard du contribuable d'une nouvelle cotisation portant sur l'impôt visé à la partie I. Je ne suis pas disposée à conclure de la sorte. À mon avis, l'erreur est un vice matériel qui ne nuit pas à la substance de la renonciation. Pour interpréter ce document, il convient de vérifier l'intention que les parties y ont exprimée en tenant compte de toutes les circonstances pertinentes au sujet desquelles il existe une preuve. […]

 

Également à la page 6452 :

 

[…] J'accepte l'argument de l'avocat selon lequel, contrairement au vice examiné dans le jugement CAL Investments, l'instruction selon laquelle il faut indiquer dans la renonciation la partie applicable de la Loi de l'impôt sur le revenu n'existe pas simplement au profit du ministre. Elle existe au profit aussi bien du ministre que du contribuable. Néanmoins, je ne peux pas conclure qu'une erreur dans cette indication entraîne la nullité de la renonciation étant donné que, à la lumière de tout le texte de la renonciation et des circonstances qui l'entourent, dans la mesure où la preuve desdites circonstances existe, les deux parties savaient quel était leur litige. L'erreur n'a entraîné aucun préjudice pour le demandeur.

 

[22]  Dans l'arrêt Mitchell c. Canada, [2003] 2 C.F. 767, la Cour d'appel fédérale était saisie d'une situation où certains contribuables étaient copropriétaires d'un terrain qui avait été exproprié. Lorsque de nouvelles cotisations ont été établies à leur égard relativement à des « intérêts de pénalisation », l'un d'eux a interjeté appel et les autres ont consenti à être liés par l'issue de cet appel à titre de précédent. Dans une lettre adressée à Revenu Canada, l'avocat de ces autres copropriétaires a répété que ces derniers consentaient à faire l'objet d'une nouvelle cotisation avant ou après l'expiration de la période de prescription. Le contribuable ayant interjeté appel a obtenu gain de cause. Revenu Canada a ensuite refusé d'établir de nouvelles cotisations à l'égard des autres contribuables au motif qu'aucune renonciation n'avait été présentée et que le délai pour produire des oppositions était expiré. Les autres contribuables ont présenté une demande de contrôle judiciaire afin d'obtenir une ordonnance enjoignant au ministre du Revenu national d'établir de nouvelles cotisations conformément à la décision rendue en appel en faveur du copropriétaire. La Section de première instance de la Cour fédérale a rejeté leur demande et ils ont donc interjeté appel à la Cour d'appel fédérale. Lorsqu'il a accueilli l'appel des copropriétaires, le juge Sexton a affirmé ce qui suit au nom de la Cour :

 

[34]  Revenu Canada a en outre concédé que par le passé il avait l'habitude d'accepter en tant que renonciations valables les formulaires prescrits comportant des modifications et les documents autres que le formulaire prescrit. En outre, il est clair que Revenu Canada a pris la position selon laquelle une renonciation valable peut être déposée même si elle contient peut‑être des renseignements cruciaux erronés. À cet égard, je mentionnerai les décisions suivantes.

 

[23]  Le juge Sexton a ensuite renvoyé à trois décisions (notamment la décision Solberg) dans lesquelles on a conclu que la présence, dans des renonciations, d'erreurs relatives à l'année d'imposition, au fait que le bien soit un terrain ou un immeuble, ou à une « partie » donnée de la Loi n'avait pas pour effet d'invalider les renonciations en ce qui a trait à une nouvelle cotisation subséquente. En particulier, la Cour d'appel fédérale a approuvé la décision Solberg lorsqu'elle a déclaré :

 

[37]  […] L'approche qu'il convient d'adopter à l'égard de l'interprétation de la renonciation consiste à chercher à déterminer l'intention des parties telle qu'elle est exprimée dans ce document ainsi que par les circonstances pertinentes pour lesquelles il existe des éléments de preuve. La Cour a conclu que la renonciation n'était pas nulle par suite de l'erreur parce que les circonstances de l'affaire et le texte de la renonciation dans son ensemble montraient que les deux parties savaient quelle était la question en litige. L'approche adoptée par la Cour dans la décision Solberg devrait s'appliquer dans le cas qui nous occupe.

 

[24]  Les quatre décisions suivantes ont également été invoquées par l'avocat de l'intimée pour affirmer qu'une erreur contenue dans une renonciation ne doit pas être interprétée d'une façon stricte pour tenter d'invalider une nouvelle cotisation subséquente au motif qu'elle ne respecte pas les modalités de la renonciation, si l'intention des parties peut être déterminée :

 

Placements T.S. inc. c. Canada, C.C.I., no 92‑1727(IT)G, 21 décembre 1993, 94 D.T.C. 1302

Charron c Canada, C.C.I., no 95‑1828(IT)I, 11 avril 1997, [1997] A.C.I. no 303

Gaouette c. Canada, C.C.I., no 2000‑5219(IT)I, 4 avril 2002, [2002] A.C.I. no 168

Chafatz c. Canada, C.C.I., no 2003‑797(IT)G, 20 décembre 2005, [2005] A.C.I. no 618

 

[25]  Pour l'essentiel, selon l'argument de l'appelant, une renonciation équivaudrait à une concession unilatérale dont seule l'ARC tirerait profit. Au contraire, il ressort de la jurisprudence que la renonciation est faite au bénéfice des deux parties. L'ARC a plus de temps pour examiner les opérations d'une année d'imposition donnée, ce qui lui permet d'éviter d'avoir à établir à la hâte de nouvelles cotisations qui pourraient se révéler draconiennes. Le contribuable a lui aussi plus de temps pour présenter des observations et expliquer pourquoi aucune nouvelle cotisation n'est requise.

 

[26]  À mon avis, une renonciation n'est pas un contrat conclu entre un contribuable et Revenu Canada qui aurait pour effet d'écarter des éléments de preuve extrinsèques quant à son interprétation. Bien au contraire. Les circonstances pertinentes de l'espèce sont importantes pour décider si une nouvelle cotisation subséquente respecte les modalités de la renonciation.

 

[27]  À la lumière des faits de la présente affaire et de la jurisprudence, je suis convaincu que la nouvelle cotisation établie par le ministre le 1er mars 2001 était conforme aux modalités de la renonciation signée par l'appelant le 18 avril 2000. Une ordonnance sera donc rendue en faveur de l'intimée sur la question touchant la renonciation, et les dépens suivront l'issue de l'instance.

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 4e jour de juillet 2006.

 

 

« M. A. Mogan »

Le juge suppléant Mogan

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 25e jour de juillet 2007.

 

 

 

Yves Bellefeuille, réviseur

 


RÉFÉRENCE :  2006CCI381

 

NO DU DOSSIER DE LA COUR :  2002‑3680(IT)G

 

INTITULÉ DE LA CAUSE :  FREDERICK WILLIAM BROWN ET SA MAJESTÉ LA REINE

 

LIEU DE L'AUDIENCE :  Thunder Bay (Ontario)

 

DATE DE L'AUDIENCE :  Le 15 mai 2006

 

MOTIFS DE L'ORDONNANCE PAR :  L'honorable M.A. Mogan

 

DATE DU JUGEMENT :  Le 4 juillet 2006

 

COMPARUTIONS :

 

Avocat de l'appelant :

Me Brian R. MacIvor

Avocats de l'intimée :

Me Jeff Pniowsky et Me Julien Bedard

 

AVOCAT(E) INSCRIT(E) AU DOSSIER :

 

  Pour l'appelant :

 

  Nom :  Me Brian R. MacIvor

 

  Cabinet :  Brian MacIvor Law Office

 

  Pour l'intimée :  Me John H. Sims, c.r.

  Sous‑procureur général du Canada

  Ottawa, Canada

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.