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Référence : 2007CCI412

Date : 20070815

Dossier : 2006-2126(IT)I

ENTRE :

HOLLY WILLISTON,

appelante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

 

Pour l’appelante : L’appelante elle-même

Avocate de l’intimée : Me Chantal Roberge

____________________________________________________________________

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

(Rendus oralement à l’audience le 26 janvier 2007,

à Montréal (Québec).)

 

Le juge McArthur

 

[1]     Les présents appels se rapportent aux années d’imposition 1997, 1998, 1999, 2000, 2001, 2002, 2003, 2004 et 2005. En résumé, les questions litigieuses sont notamment les suivantes :

 

          a)       L’appelante peut‑elle déduire des pertes locatives de 14 970 $ subies au cours de l’année d’imposition 1998 à l’égard du 2030, avenue Patricia, à Montréal, et faire imputer rétrospectivement une perte autre qu’en capital de l’année d’imposition 1999 aux années d’imposition 1997 et 1998?

 

          b)      L’appelante avait‑elle des revenus additionnels de 9 515 $ en 1998, de 8 640 $ en 1999, de 15 031 $ en l’an 2000, de 6 211 $ en 2001 et de 8 747 $ en 2002?

         

          c)       Le revenu imposable de l’appelante pour l’année d’imposition 2003 s’élevait‑il à 29 050 $ et le ministre pouvait‑il établir une cotisation à l’égard de l’année d’imposition 2003, même si l’appelante n’avait pas produit de déclaration de revenus pour l’année, comme elle était tenue de le faire?

         

          d)      Le ministre a‑t‑il eu raison de refuser la déduction de dépenses s’élevant à 8 095 $, à 23 958 $, à 23 842 $, à 19 918 $ et à 15 004 $ pour les années d’imposition 1998 à 2002 respectivement?

         

          e)       Le ministre a‑t‑il eu raison d’imposer des pénalités?

 

[2]     L’intimée a soulevé des objections préliminaires selon lesquelles la Cour n’était pas dûment saisie des années 1997, 2004 et 2005; j’examinerai maintenant ces questions. Je suis d’accord avec l’intimée pour dire que l’appelante ne peut pas interjeter appel de l’année d’imposition 1997 parce qu’elle ne s’est pas conformée au paragraphe 169(1) de la Loi de l’impôt sur le revenu (la « Loi »), qui prévoit notamment ce qui suit :

 

169(1)  Lorsqu’un contribuable a signifié un avis d’opposition à une cotisation, prévu à l’article 165, il peut interjeter appel auprès de la Cour canadienne de l’impôt pour faire annuler ou modifier la cotisation :

           

            a)         [...]

 

toutefois, nul appel prévu au présent article ne peut être interjeté après l’expiration des 90 jours qui suivent la date où avis a été expédié par la poste au contribuable, en vertu de l’article 165, [...].

 

La Loi renferme une disposition prévoyant qu’une demande de prorogation de délai peut être présentée, ce que l’appelante a omis de faire. L’appelante a invoqué ce qui était en fait un argument de préclusion. Cet argument doit être rejeté étant donné que la préclusion ne peut pas l’emporter sur une disposition législative qui est claire. Les actes des représentants du ministre ne peuvent pas modifier le droit. Le délai imparti pour appeler de la cotisation relative à l’année d’imposition 1997 était d’un an et 90 jours après la ratification de la cotisation par le ministre. La cotisation a été ratifiée le 5 avril 2001. Toutefois, l’appelante a interjeté appel le 26 juin 2006, bien après l’expiration du délai prévu par la loi.

 

[3]     Le ministre a établi une cotisation à l’égard de l’année d’imposition 2004 le 27 mars 2006. L’appelante n’a pas déposé d’avis d’opposition, et elle n’a pas non plus demandé une prorogation du délai y afférent conformément au paragraphe 165(1) de la Loi; son prétendu appel concernant l’année 2004 est donc annulé. En outre, l’appel concernant l’année d’imposition 2005 est également annulé, et je suis d’accord avec le ministre pour dire qu’il n’a pas établi de cotisation à l’égard de l’année d’imposition conformément au paragraphe 152(1) de la Loi et que, par conséquent, aucun avis d’opposition valide et aucun avis d’appel ne peuvent être déposés.

 

[4]     Le ministre a établi une cotisation à l’égard de l’année d’imposition 1998 de l’appelante après l’expiration du délai de trois ans. Je ne vois pas d’inconvénient à autoriser la cotisation après la période normale de nouvelle cotisation conformément au paragraphe 152(4), en ce sens que l’appelante a fait une présentation erronée des faits par négligence ou inattention, bien que, à mon avis, il n’y ait pas eu omission volontaire ni fraude. L’appelante avait tenté de déduire le coût d’éléments qui n’étaient clairement pas liés à l’entreprise de télémarketing, notamment les éléments énumérés dans la pièce R‑14, soit un évier de Réno‑Dépôt, des billets de bingo d’Obonsoins, un seul repas pris dans un restaurant, ainsi que des vêtements qui étaient de toute évidence de nature personnelle.

 

[5]     Au cours de l’audience, j’ai conclu que l’appelante s’occupait de vente par télémarketing à titre d’entrepreneure indépendante et non à titre d’employée pour les années d’imposition 2000, 2001 et 2002. Je crois que l’appelante s’occupait de télémarketing dans la région de Montréal depuis la fin des années 1980.

 

[6]     Dans son avis d’appel, l’appelante affirme que lorsqu’elle a traité avec l’ARC, elle a continuellement subi du harcèlement et des atteintes aux droits qui lui sont reconnus à titre de citoyenne canadienne. Le vérificateur du ministre, M. Roy, a fait l’objet d’un interrogatoire principal approfondi et il a été contre‑interrogé par l’appelante. Je ne puis constater aucune preuve de harcèlement ni aucun déni de droits. Au contraire, M. Roy a présenté un rapport fort détaillé. Quoi qu’il en soit, la compétence qui m’est conférée se limite à l’examen du bien‑fondé des cotisations et je n’ai pas à tirer de conclusion au sujet des allégations de harcèlement.

 

[7]     L’immeuble situé au 2030, avenue Patricia appartenait à Edward Hopley, conjoint de fait de l’appelante. Il s’agissait d’un immeuble de rapport comportant huit logements; l’appelante et M. Hopley occupaient trois des huit unités. Je conclus que l’appelante n’avait aucun droit légal sur l’immeuble et qu’elle ne peut pas déduire de dépenses à titre de propriétaire à 50 p. 100. La Cour suprême du Canada a examiné des questions matrimoniales et de biens matrimoniaux se posant au moment d’une séparation ou d’un divorce, ce qui n’est pas ici le cas. Par conséquent, l’appelante ne peut pas bénéficier des pertes en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu.

 

[8]     Pour les motifs invoqués par l’avocate de l’intimée, les appels concernant les années 1998 et 1999 sont rejetés étant donné que l’appelante ne satisfait pas aux critères énoncés à l’alinéa 18(12)a) de la Loi, qui est en partie rédigé comme suit :

 

18(12)  [...] dans le calcul du revenu d’un particulier tiré d’une entreprise pour une année d’imposition :

 

a)         un montant n’est déductible pour la partie d’un établissement domestique autonome où le particulier réside que si cette partie d’établissement :

 

i)          soit est son principal lieu d’affaires,

 

ii)         soit lui sert exclusivement à tirer un revenu d’une entreprise et à rencontrer des clients ou des patients sur une base régulière et continue dans le cadre de l’entreprise;

b)         [...]

 

Jusqu’à l’an 2000, le principal lieu d’affaires de l’appelante était situé dans les locaux du propriétaire de l’entreprise de télémarketing. L’appelante utilisait le téléphone, le bureau et le matériel de bureau se trouvant dans ces locaux. Elle avait un bureau à domicile, mais ce bureau n’était pas exclusivement utilisé pour l’entreprise de télémarketing. L’appelante a utilisé le bureau pour les activités de location de son conjoint jusqu’en 1998 au moins, ainsi que pour d’autres activités de promotion des ventes, en plus du télémarketing. Je ne doute aucunement qu’au cours de ces années, le principal lieu d’affaires de l’appelante était situé dans les locaux du propriétaire de l’entreprise de télémarketing pour qui elle travaillait alors.

 

[9]     J’examinerai maintenant les années d’imposition 2000, 2001 et 2002, à commencer par les revenus additionnels que le ministre a ajoutés au revenu de l’appelante, de 15 031 $, 6 211 $ et 8 747 $ respectivement. Le ministre a ajouté ces sommes en se fondant sur des dépôts effectués dans le compte bancaire de l’appelante, à l’égard desquels aucune explication n’avait selon lui été donnée. Étant donné que le conjoint de l’appelante ne travaillait pas au cours de ces années‑là, l’intimée a conclu que les seuls dépôts effectués dans le compte provenaient de l’appelante. L’appelante a reconnu certaines sommes, mais elle a affirmé que certains dépôts provenaient de son conjoint sans emploi, M. Hopley, qui déposait de temps en temps le produit de la vente d’outils, ainsi que d’autres sommes. M. Hopley s’était occupé de réparation de voitures avant 1998, et il avait fermé l’atelier pour des raisons de santé. M. Hopley et l’appelante ont tous deux témoigné qu’il déposait également dans le compte des montants gagnés à la loterie ou au casino ainsi que des fonds empruntés. Tout cela n’a pas été corroboré, mais je suis prêt à admettre qu’une partie des sommes que le ministre a ajoutées au revenu de l’appelante avaient été déposées par M. Hopley.

 

[10]    La pièce A‑6 est une feuille de calcul intitulé [traduction] « Contre‑preuve à l’égard du revenu », que l’appelante a soumise. L’appelante a indiqué que M. Hopley avait déposé 11 109 $ en l’an 2000, 4 754 $ en 2001 et 7 006 $ en 2002. J’accepte que des montants moindres de 7 416 $ en l’an 2000, de 3 300 $ en 2001 et de 5 000 $ en 2002 ont été déposés par M. Hopley, et qu’ils ont été ajoutés à tort au revenu de l’appelante, ce qui ramène le revenu de l’appelante de 46 347 $ à 38 931 $ pour l’année d’imposition 2000, de 35 965 $ à 32 665 $ pour l’année 2001, et de 34 747 $ à 29 747 $ pour l’année 2002.

 

[11]    J’examinerai maintenant les dépenses pour les trois années qui sont selon moi en litige. J’ai conclu que l’appelante n’était pas une employée, mais qu’elle était plutôt une entrepreneure indépendante. Au cours des années d’imposition 2000, 2001 et 2002, l’appelante utilisait un bureau à domicile exclusivement afin d’exploiter son entreprise, conformément au paragraphe 18(12). Je ne crois qu’il serve à grand‑chose d’analyser en détail la demande de déduction de dépenses telles qu’il en est fait état à la dernière page du rapport de vérification. Il s’agit ici d’un appel interjeté sous le régime de la procédure informelle et non d’une vérification, et je ne suis certes pas vérificateur. En me fondant sur les volumineux documents et sur la preuve orale qui ont été présentés, je suis arrivé à certaines conclusions, qui sont parfois quelque peu arbitraires, et qui, selon moi, sont plus conformes à la réalité commerciale que les montants présentés. La déduction d’un grand nombre de dépenses a été refusée, mais l’appelante avait sans doute engagé des dépenses d’entreprise légitimes qui devraient être reconnues conformément au paragraphe 18(1) de la Loi.

 

[12]    En ce qui concerne les dépenses dans leur ensemble, je conclus que le ministre a refusé les dépenses dont la déduction était demandée par l’appelante de 23 842 $ en l’an 2000, de 19 119 $ en 2001 et de 15 004 $ en 2002. Quant au bureau à domicile, je conclus qu’un montant mensuel de 400 $, soit un montant annuel de 4 800 $, sera admis pour l’utilisation de ce bureau. Cela comprend, entre autres choses, le coût du local servant de bureau, lequel pourrait être qualifié de loyer, les frais d’électricité, de téléphone, de publicité, les taxes professionnelles, les droits, les frais de livraison, d’assurance, d’entretien et de réparation, les repas et les frais de représentation et diverses dépenses de bureau. Comme il en a ci‑dessus été fait mention, aucune perte locative n’est de toute façon admise. Je ne crois pas que les pertes locatives aient été déduites pour les trois années pertinentes. L’appelante n’avait aucun droit légal sur l’immeuble locatif, qui appartenait à M. Hopley jusqu’à la fin de l’année 1998, lorsque l’immeuble a été saisi par la Banque Laurentienne, cette dernière détenant l’hypothèque en souffrance. J’admets en outre un montant annuel de 2 000 $ pour les trois années, à savoir les années 2000, 2001 et 2002, en vue de couvrir toutes les autres dépenses d’entreprise.

 

[13]    Dans les présents appels, je conclus que les pénalités pour production tardive seront maintenues telles qu’elles ont été établies. L’appelante n’a pas sérieusement contesté les dates de production des déclarations de revenu qui sont mentionnées à la page 2 de la réponse, que j’accepte. Je ne possède aucun pouvoir discrétionnaire en vertu du paragraphe 162(1) de la Loi une fois qu’il a été établi que les déclarations n’ont pas été produites comme l’exige le paragraphe 152(1). Toutefois, les pénalités pour faute lourde prévues au paragraphe 163(2) doivent être supprimées. Je conclus que l’appelante était fondamentalement honnête, bien qu’elle ait manqué de jugement. Elle a énergiquement demandé la déduction de dépenses, mais somme toute, elle n’a pas intentionnellement cherché à enfreindre la loi. Dans la décision Venne v. The Queen, 84 DTC 6247, le juge Strayer, de la Section de première instance de la Cour fédérale, a notamment dit ce qui suit :

 

            Quant à la possibilité d’une faute lourde, j’ai conclu, après hésitation, qu’elle n’a pas non plus été établie ici. La « faute lourde » doit être interprétée comme un cas de négligence plus grave qu’un simple défaut de prudence raisonnable. Il doit y avoir un degré important de négligence qui corresponde à une action délibérée, une indifférence au respect de la loi. Je ne conclus pas à l’existence d’un tel degré de négligence en rapport avec les faux énoncés de revenus commerciaux. […]

 

Je conclus que cette remarque s’applique également à l’appelante, eu égard aux présentes circonstances et, par conséquent, les pénalités imposées conformément au paragraphe 163(2) seulement ne doivent pas être imposées.

 

[14]    En résumé, les prétendus appels concernant les années d’imposition 1997, 2004 et 2005 sont annulés. Les appels concernant les années 1998 et 1999 sont rejetés en ce sens que l’appelante n’avait pas la propriété légale de l’immeuble situé au 2030, avenue Patricia, et par conséquent, elle ne peut pas déduire de dépenses pour un bureau à domicile conformément au paragraphe 18(12) pour ces années‑là. Les montants ont été modifiés pour les années 2000, 2001 et 2002 de la façon dont il est ci‑dessus fait mention, et ces appels sont accueillis. Le ministre a correctement déterminé et fixé le revenu de l’appelante au montant de 29 050 $ pour l’année d’imposition 2003 conformément au paragraphe 152(7) de la Loi, et cet appel est également rejeté. En outre, les pénalités imposées conformément au paragraphe 163(2) sont supprimées, mais les pénalités pour production tardive sont maintenues telles qu’elles ont été établies.

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 15e jour d’aoû2007.

 

 

« C.H. McArthur »

Juge McArthur

 

Traduction certifiée conforme

ce 17e jour de septembre 2007.

 

Johanne Brassard, trad. a.


RÉFÉRENCE :                                  2007CCI412

 

No DU DOSSIER DE LA COUR :      2006-2126(IT)I

 

INTITULÉ :                                       HOLLY WILLISTON

                                                          c.

                                                          SA MAJESTÉ LA REINE

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                   Montréal (Québec)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                 Le 15 décembre 2006 et

                                                          les 25 et 26 janvier 2007

 

MOTIFS DU JUGEMENT :               L’honorable juge C.H. McArthur

 

DATE DU JUGEMENT MODIFIÉ :   Le 17 avril 2007

 

COMPARUTIONS :

 

Pour l’appelante :

L’appelante elle-même

Avocate de l’intimée :

Me Chantal Roberge

 

AVOCAT INSCRIT AU DOSSIER :

 

       Pour l’appelante :

 

                   Nom :                             s.o.

 

                   Cabinet :                         s.o.

 

       Pour l’intimée :                            John H. Sims, c.r.

                                                          Sous-procureur général du Canada

                                                          Ottawa, Canada

 

 

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