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Dossier : 2004‑4046(EI)

ENTRE :

ALIREZA NAGHASH,

appelant,

et

 

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé,

et

 

L’UNIVERSITY OF ALBERTA,

intervenante.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

____________________________________________________________________

Appel entendu sur preuve commune avec l’appel d’Alireza Naghash (2004‑4047(CPP)) à Edmonton (Alberta), le 25 mai 2005

 

Devant : L’honorable D.W. Rowe, juge suppléant

 

Comparutions :

 

Pour l’appelant :

L’appelant lui‑même

 

Avocate de l’intimé :

Me Galina Bining

 

Représentant de l’intervenante :

 

M. Gordon Beck

____________________________________________________________________

 

JUGEMENT

 

          L’appel est rejeté et la décision du ministre est confirmée, conformément aux motifs du jugement ci‑joints.

 

Signé à Sidney (Colombie-Britannique), ce 4e jour de novembre 2005.

 

 

 

« D.W. Rowe »

Juge suppléant Rowe

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 25e jour de septembre 2006.

 

Christian Laroche, LL.B.


 

 

 

Dossier : 2004‑4047(CPP)

ENTRE :

ALIREZA NAGHASH,

appelant,

et

 

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé,

et

 

L’UNIVERSITY OF ALBERTA,

intervenante.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

____________________________________________________________________

Appel entendu sur preuve commune avec l’appel d’Alireza Naghash

(2004‑4046(EI)) à Edmonton (Alberta), le 25 mai 2005

 

Devant : L’honorable D.W. Rowe, juge suppléant

 

Comparutions :

 

Pour l’appelant :

L’appelant lui‑même

 

Avocate de l’intimé :

Me Galina Bining

 

Représentant de l’intervenante :

 

M. Gordon Beck

____________________________________________________________________

 

JUGEMENT

 

          L’appel est rejeté et la décision du ministre est confirmée, conformément aux motifs du jugement ci‑joints.

 

Signé à Sidney (Colombie‑Britannique), ce 4e jour de novembre 2005.

 

 

 

« D.W. Rowe »

Juge suppléant Rowe

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 25e jour de septembre 2006.

 

Christian Laroche, LL.B.


 

 

 

 

Référence : 2005CCI694

Date : 20051104

Dossiers : 2004‑4046(EI)

2004‑4047(CPP)

ENTRE :

ALIREZA NAGHASH,

appelant,

et

 

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé,

et

 

L’UNIVERSITY OF ALBERTA,

intervenante.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

 

Le juge suppléant Rowe

 

[1]     L’appelant, le Dr Alireza Naghash (le « Dr Naghash ») interjette appel de décisions rendues par le ministre du Revenu national (le « ministre ») le 28 juillet 2004, selon lesquelles l’emploi du Dr Naghash à l’University of Alberta (l’« U of A » ou le « payeur ») du 31 juillet 2001 au 31 juillet 2002 ne constituait ni un emploi assurable ni un emploi ouvrant droit à pension selon les dispositions de la Loi sur l’assurance‑emploi (la « LAE ») et du Régime de pensions du Canada (le « RPC »), parce qu’il n’était pas embauché aux termes d’un contrat de louage de services et qu’il n’était donc pas un employé de l’U of A.

 

[2]     Toutes les parties ont reconnu que les appels pouvaient être instruits ensemble.

 

[3]     À maintes reprises dans plusieurs documents, dans les témoignages, dans les observations ou dans les renvois à divers sites Web, le sigle BPD a été employé pour désigner à la fois la bourse postdoctorale – parfois épelée post‑doctorale – et le bénéficiaire de cette bourse. Dans les présents motifs, j’ai choisi d’utiliser le sigle BPD pour désigner la bourse elle‑même et le terme boursier pour désigner le bénéficiaire du financement accordé dans le cadre de la bourse.

 

[4]     Au cours de son témoignage, l’appelant a affirmé qu’il est employé à titre d’attaché de recherche à l’U of A. Renvoyant au paragraphe 10 de la réponse à l’avis d’appel (la « réponse ») produit dans l’appel 2004‑4046(EI), il a reconnu que les hypothèses suivantes étaient exactes :

 

[TRADUCTION]

 

a)         en mars 2001, le payeur a invité l’appelant à se joindre au groupe de recherche de son département de génie chimique et de génie des matériaux à titre de boursier postdoctoral;

 

b)         la bourse de recherche postdoctorale a été offerte à l’appelant pour qu’il réalise un projet de recherche dans le domaine des piles à combustible;

 

c)         la bourse de recherche postdoctorale offerte à l’appelant visait une période d’un an, soit du 31 juillet 2001 au 31 juillet 2002, et pouvait être renouvelée pour une autre année sous réserve du rendement satisfaisant de l’appelant et de la disponibilité de fonds pour la recherche;

 

d)         l’appelant a accepté la bourse offerte par le payeur;

 

[5]     Le Dr Naghash n’était pas d’accord avec les assertions formulées à l’alinéa 10e) de la réponse voulant que la somme de 28 000 $ par année que lui payait l’U of A ait constitué une « stipend » (« allocation ») et que cette somme ait uniquement visé à couvrir ses frais de subsistance pendant qu’il faisait de la recherche pour le payeur. À l’alinéa 10f) de ce document, le ministre avance l’hypothèse suivante :

 

[TRADUCTION]

 

f)          le payeur considère les boursiers postdoctoraux comme des personnes qui suivent une formation et qui profitent d’une occasion d’apprentissage, habituellement dans les cinq ans suivant l’obtention d’un doctorat et dans les dix ans suivant l’obtention d’un doctorat en médecine ou en chirurgie dentaire ou un grade équivalent;

 

[6]     L’appelant a nié l’assertion selon laquelle les boursiers ne font que suivre une formation et bénéficier d’une occasion d’apprentissage, mais il a reconnu que les BPD étaient habituellement versées pour une période définie (alinéa 10g)). Le ministre a supposé ce qui suit à l’alinéa 10h) :

 

[TRADUCTION]

 

h)         la bourse postdoctorale reçue par l’appelant a principalement pour objet d’aider ce dernier à poursuivre ses études et sa formation en vue d’accroître ses connaissances et son expérience, plutôt que de bénéficier au payeur;

 

[7]     L’appelant s’est inscrit en faux contre cette assertion, mais il a convenu que le financement des BPD provenait d’un certain nombre d’organismes externes et qu’il était géré par le payeur, comme il est mentionné à l’alinéa 10i). Le Dr Naghash ne pouvait accepter que le terme « allocation » serve à définir les paiements qu’il recevait du payeur et n’était pas d’accord pour dire que les sommes qu’il a reçues dans le cadre de la bourse étaient fixées par l’organisme de financement, contrairement à ce qu’a invoqué le ministre aux alinéas 10j) et 10k), respectivement. Le Dr Naghash a admis que ses activités de recherche à l’U of A étaient supervisées par un conseiller de faculté membre du personnel du payeur (alinéas 10l) et 10m), respectivement). Il a nié les conclusions du ministre énoncées sous forme d’hypothèses aux alinéas 10n) et 10o), respectivement, selon lesquelles [TRADUCTION] « la relation entre le conseiller de faculté et l’appelant s’apparentait à celle existant entre un éducateur et un étudiant et le contrôle exercé par le conseiller de faculté à l’égard de l’appelant découlait de cette relation » et [TRADUCTION] « le payeur n’avait pas l’intention d’embaucher l’appelant aux termes d’un contrat de louage de services ».

 

[8]     Le Dr Naghash a déclaré que le 15 janvier 2001, il avait communiqué avec un membre du corps enseignant de l’U of A au sujet d’une BPD. On lui avait répondu que l’université attendait de recevoir du financement et, dans l’intervalle, on lui avait demandé de fournir une lettre de recommandation. Le Dr Naghash a reçu une lettre d’invitation (pièce A‑1) datée du 14 mars 2001 et signée par K.T. Chuang, Ph.D., professeur, et J.L. Luo, Ph.D., professeur agrégé. Cette lettre est ainsi libellée :

 

[TRADUCTION]

 

Après avoir soigneusement évalué votre rendement universitaire et votre expérience pertinente en matière de recherche, nous avons le plaisir de vous inviter à vous joindre à notre groupe de recherche à l’University of Alberta, à Edmonton, au Canada, à titre de boursier postdoctoral pour réaliser un projet de recherche d’une période d’un an, renouvelable pour une autre année, sous réserve du rendement satisfaisant de votre recherche et de la disponibilité des fonds de recherche.

 

Nous espérons que vous serez en mesure de débuter ce projet en avril 2001 ou peu de temps après, selon le moment où votre visa sera délivré. La présente offre sera nulle si vous ne pouvez vous présenter à l’University of Alberta avant le 30 juin 2001 (en raison de la date limite du projet). Comme il est mentionné dans notre courrier électronique antérieur, l’objet de la recherche touche au domaine des piles à combustible. Nous sommes en outre disposés à vous offrir une allocation de 28 000 $ par année (en monnaie canadienne) pour couvrir vos frais de subsistance pour la durée de vos travaux à l’University of Alberta.

 

Dans la mesure où vous projetez de rester pour une période d’au moins une année complète, vous devriez en principe pouvoir bénéficier de l’assurance‑santé de l’Alberta. Notre service des pensions et des avantages sociaux vous informera de la marche à suivre.

 

Veuillez nous faire connaître à l’avance de la date et de l’heure prévues de votre arrivée, du nom de votre transporteur aérien, etc. Nous pourrons alors aviser les autorités canadiennes de l’Immigration afin d’accélérer le processus d’admission au moment de votre arrivée.

 

[9]     L’appelant a fait état de ses réalisations universitaires, lesquelles englobent un baccalauréat en sciences avec spécialisation en ingénierie (Iran), une maîtrise en matériaux industriels (Australie) et un doctorat en génie chimique (Singapour, sous la supervision du Massachusetts Institute of Technology (MIT)) avec spécialisation dans le domaine des batteries au lithium. Il a affirmé que l’U of A avait dû lui accorder une prolongation de délai puisqu’un retard dans la délivrance de son visa d’entrée au Canada l’a empêché de respecter l’échéance du 30 juin 2001 fixée dans la lettre. Après son arrivée à Edmonton et à l’U of A, il a rencontré les professeurs Chuang et Luo et on lui a confié certaines tâches qui lui ont permis de se familiariser avec le matériel. Un mois plus tard, il a commencé à rencontrer, toutes les deux semaines, les professeurs Chuang et Luo ainsi que trois autres personnes participant au même projet de recherche. Le Dr Naghash a mentionné qu’il avait compris qu’il y avait certaines échéances à respecter et certains objectifs à atteindre pour remplir les conditions établies par l’organisme de financement et que des rapports d’étape étaient remis à cet organisme par le professeur qui avait demandé la subvention. Le Dr Chuang agissait comme conseiller de faculté pour le projet et, pendant les réunions habituelles avec les professeurs Chuang et Luo, l’appelant a déclaré qu’il recevait des instructions quant à certaines techniques qu’il devait appliquer pour sa recherche et qu’il arrivait souvent qu’on lui demandait d’exécuter une tâche précise d’une manière donnée ou qu’on lui donnait instructions de ne pas utiliser une méthode particulière. Le Dr Naghash a déclaré que, pendant les réunions, qui duraient entre une et deux heures, il présentait des documents écrits, des tableaux et des graphiques ainsi que des présentations orales concernant certains aspects de son travail. Il travaillait seul dans une partie du laboratoire réservée à son volet du projet de recherche. En contrepartie de son travail, il recevait tous les mois un chèque de 2 333,33 $. Selon lui, cette somme était fixée en fonction d’une semaine de travail de 35 heures. Le Dr Naghash a mentionné qu’il n’avait aucun lien avec l’organisme de financement et qu’à un certain moment, vers le mois de mars 2002, il avait compris que le professeur Chuang avait demandé que des modifications soient apportées à l’orientation de la recherche. La bourse a pris fin le 31 juillet 2002 et n’a pas été renouvelée. Le Dr Naghash a demandé une lettre confirmant son poste. Une lettre adressée à qui de droit, datée du 15 juillet 2002, a été écrite sur du papier à en‑tête de l’U of A et signée par Fraser Forbes, professeur et président. La lettre, déposée sous la cote A‑2, confirmait que l’appelant travaillait alors comme boursier dans le département du génie chimique et du génie des matériaux à l’U of A. Elle précisait que l’appelant travaillait sous la supervision du Dr Chuang et qu’il avait obtenu un congé autorisé de deux semaines du 17 au 31 juillet 2002 pour qu’il puisse se rendre à Singapour. L’appelant a déclaré qu’il avait travaillé à l’University of Singapore à titre d’ingénieur de recherches et qu’il recevait un salaire mensuel. Comme il était citoyen d’Iran, son épouse est demeurée à Singapore pendant qu’il participait au projet de recherche de l’U of A. Il a affirmé que ce n’est qu’après avoir travaillé à l’U of A pendant quelques mois qu’il s’est familiarisé avec le régime national de l’assurance‑emploi (l’« a.‑e. ») et le RPC. Même à ce moment, il n’a pas discuté de cette question avec le Dr Chuang, mais il en a parlé avec d’autres boursiers et il a constaté que, comme lui, aucun d’entre eux ne faisait l’objet de déductions au titre de l’a.‑e. ou du RPC, même si l’U of A payait 50 pour cent des primes relatives au régime de soins médicaux. L’appelant a mentionné qu’il connaissait deux sortes de BPD : les BPD externes et les BPD sous forme de subvention, selon le genre de financement accordé. Les boursiers travaillant dans le cadre d’une BPD externe poursuivent leurs activités de façon autonome après avoir obtenu du financement par leurs propres moyens. Ils ont donc toute latitude pour faire ce qu’ils veulent et ils rendent compte directement à l’organisme de financement, même s’ils sont néanmoins tenus de trouver, au sein du corps enseignant compétent, un mentor disposé à s’associer au projet visé. L’autre catégorie – les BPD sous forme de subvention – se caractérise par le fait que les boursiers travaillent sous la supervision directe d’un membre du corps enseignant qui a le droit de donner des instructions quant à la nature des tâches à effectuer et à la façon de les accomplir. Le Dr Naghash a affirmé qu’à son avis, les travailleurs de ce genre sont embauchés aux termes d’un contrat de louage de services en raison du contrôle exercé par le membre du corps enseignant comparativement aux BPD externes dans le cadre desquelles les fonds sont versés tous les six mois en fonction d’un budget présenté par le demandeur au cours du processus de financement. Cependant, seuls les citoyens canadiens et/ou les résidents permanents peuvent bénéficier de ce genre de BPD. Le Dr Naghash a ajouté qu’un boursier d’une université pouvait obtenir un financement suffisant pour un projet, puis réussir à convaincre une autre université de permettre la réalisation du projet de recherche dans ses installations, puisque le coût qu’elle aurait à assumer serait négligeable.

 

[10]    Pendant son contre‑interrogatoire par l’avocate de l’intimé, l’appelant a déclaré qu’il avait communiqué avec la Simon Fraser University, à Burnaby, en Colombie‑Britannique, de même qu’avec l’Université de Montréal et la St. Francis Xavier University, afin de vérifier comment ces institutions traitaient les boursiers.

 

[11]    (Le représentant de l’intervenante a informé la Cour que l’U of A reconnaissait que certaines universités canadiennes traitaient les boursiers bénéficiaires d’une subvention comme des employés – par opposition aux boursiers qui participaient à un projet financé dans le cadre d’une BPD externe – mais que l’intervenante ne faisait pas cette distinction et que les boursiers d’aucune des deux catégories ne sont considérés comme des employés.)

 

[12]    Plus loin dans son témoignage, l’appelant a mentionné qu’il avait commencé à chercher des occasions d’obtenir une BPD pendant qu’il travaillait à Singapore. Une fois rendu à l’U of A, il a commencé à travailler sur un projet de recherche touchant la conversion du gaz butane en une substance appelée butène à l’aide d’un processus tenant à un changement de structure. Toutefois, il a passé les deux ou trois premières semaines à se familiariser avec le laboratoire et le matériel. Le Dr Naghash a affirmé qu’il avait utilisé ses propres connaissances et sa propre expérience pour accomplir son travail et qu’il n’aurait pas accepté cette BPD particulière si elle avait été offerte uniquement pour des fins de formation et non à titre de rémunération. Avant d’accepter la BPD à l’U of A, il avait présenté d’autres demandes de BPD et posé sa candidature à des postes d’enseignement dans divers établissement d’enseignement. Concernant ses heures de travail, l’appelant a précisé qu’il travaillait tard, au besoin, lors des diverses étapes du projet. Il arrivait parfois que le Dr Chuang ou le Dr Luo le convoquaient à leur bureau pour lui confier une tâche donnée et des rapports étaient présentés aux deux professeurs pour que l’organisme de financement soit informé des progrès réalisés.

 

[13]    Le représentant de l’intervenante a contre‑interrogé l’appelant. Ce dernier a reconnu que, lorsqu’il rencontrait le Dr Chuang et/ou le Dr Luo pour rendre compte de l’évolution des travaux, il lui était loisible, au cours des discussions qui s’ensuivaient, de ne pas être d’accord avec leurs suggestions et d’exprimer ses propres opinions. Le Dr Naghash a mentionné que, selon son interprétation de ce que constitue une BPD sous forme de subvention, le bénéficiaire d’un tel financement n’a aucun droit à la propriété intellectuelle inhérente à sa recherche, recherche qui, dans son cas, était financée par une subvention du Conseil national de recherches en science et en génie (CNRSG), mais qu’un boursier externe est propriétaire des résultats de tout projet exécuté grâce au financement obtenu par ses propres moyens. Il a reconnu qu’une BPD externe permettait probablement à son bénéficiaire de jouir d’un degré d’autonomie plus élevé qu’une BPD sous forme de subvention, bien que la nature des discussions scientifiques soulevées par la recherche soit vraisemblablement la même dans le cadre des deux régimes. Même si sa thèse de doctorat avait pour objet les batteries au lithium‑ion, le Dr Naghash a affirmé qu’il possédait une certaine expérience dans le domaine de la recherche sur les piles à combustible. En ce qui concerne l’inscription de ses heures de travail, l’appelant a déclaré qu’il n’avait jamais rempli de feuille de temps dans aucun des postes qu’il avait antérieurement occupés au cours de sa carrière universitaire et professionnelle. Le Dr Naghash a affirmé qu’il avait discuté de sa situation professionnelle avec le Dr Stephen Bekhor, un autre boursier qui travaillait dans des conditions semblables à l’U of A et qui avait également interjeté appel à la Cour canadienne de l’impôt pour que la décision du ministre selon laquelle il n’était pas un employé soit infirmée.

 

[14]    Le Dr Karl Chuang, Ph.D., a été appelé à la barre par le représentant de l’intervenante. Il a mentionné qu’il enseignait le génie chimique à la faculté de génie de l’U of A. Son domaine de compétence précis touche aux processus catalytiques ainsi qu’aux piles à combustible et il est considéré comme un spécialiste dans ce domaine. Il travaille à l’U of A depuis 1986 et c’est en 1987 qu’il a pour la première fois eu recours à un boursier travaillant dans le cadre d’une BPD. À son avis, les boursiers participent à un projet de recherche non pas pour contribuer directement à celui‑ci, mais davantage pour obtenir une formation supplémentaire. En moyenne, il supervise quatre ou cinq boursiers par année, lesquels travaillent sur différents aspects du même projet. Il a déclaré que les boursiers veulent être en mesure de publier leurs conclusions, parce qu’un des critères à l’aune desquels on les juge est le nombre de documents scientifiques qu’ils ont à leur actif. Par ailleurs, on a souvent recours à des attachés de recherche dans le cadre de projets financés par des sociétés qui ne veulent pas que ces chercheurs publient les résultats obtenus et/ou les conclusions tirées grâce à leurs travaux avant une date ultérieure à être fixée conformément à la stratégie de la société. Le Dr Chuang a précisé qu’il considérait les BPD comme un moyen d’obtenir une formation supplémentaire préparant le boursier à décrocher un emploi dans sa discipline. Il a mentionné que les sources de financement varient et comprennent les autorités gouvernementales fédérales et provinciales ainsi que des entités du secteur privé. Le financement de la BPD accordée à l’appelant provenait du CNRSG, lequel exigeait qu’un personnel de grande qualité soit associé au projet avant de fournir le financement nécessaire. Le Dr Chuang a précisé que le Dr Naghash travaillait au laboratoire et qu’il communiquait régulièrement avec lui. Il a reconnu que l’appelant n’était pas tenu, en soi, de remplir des feuilles de temps ni d’exécuter tous les jours les mêmes gestes. Selon lui, l’appelant avait besoin de formation supplémentaire dans le domaine du génie chimique. Comme la plupart des diplômés obtiennent un emploi dès la fin de leurs études, peu de subventions sont offertes dans le domaine du génie et la plupart des demandeurs de bourse viennent de l’étranger. Selon le Dr Chuang, il n’y a pas lieu d’établir une distinction entre ce qu’on appelle les BPD externes et les bourses du genre de celle offerte à l’appelant.

 

[15]    Pendant son contre‑interrogatoire par l’appelant, le Dr Chuang a convenu que la subvention versée par le CNRSG visait à financer une recherche « suscitée par la curiosité », genre de financement qui est parfois appelé « subvention à la découverte ». Le Dr Chuang a déclaré qu’il s’agissait de procéder à des recherches pendant une période de trois ans et qu’il n’était pas nécessaire de rendre compte de l’évolution des travaux au CNRSG. Cependant, comme de nouvelles BPD sont offertes tous les ans et que de nouveaux boursiers acceptent ces postes, la durée du poste offert à un boursier donné est limitée et habituellement fixée à un an. Pour être admissible à une subvention du CNRSG, l’U of A a dû s’engager à former des étudiants et à utiliser la totalité des fonds pour financer les BPD plutôt que de dépenser l’argent pour payer un attaché de recherche salarié. En effet, embaucher un salarié pourrait faire en sorte qu’une nouvelle demande de financement sur cinq ans soit mal vue. Le Dr Chuang a mentionné que l’U of A n’avait jamais eu l’intention de payer des cotisations d’a.‑e. ou des contributions au RPC pour le compte d’un boursier, puisque le CNRSG accorde simplement une somme précise en conformité avec les modalités de la demande et que le coût lié à l’a.‑e. et au RPC n’est pas inclus dans le budget. Le Dr Chuang a ajouté qu’à sa connaissance, le CNRSG n’avait jamais accordé de subventions englobant des fonds pour des avantages sociaux. De même, il n’a jamais vu une BPD prendre fin avant la date énoncée dans la lettre d’acceptation initiale.

 

[16]    Dans son témoignage, Jeffrey Goldberg, Ph.D., a déclaré qu’il était professeur et doyen associé à la faculté des études supérieures et de la recherche à l’U of A. Compte tenu du poste qu’il occupe, il connaît bien les BPD et les modalités de financement qui y sont afférentes. L’U of A compte en tout temps environ 300 à 400 personnes bénéficiaires d’une bourse et ce sont les départements au sein de la faculté qui gèrent les BPD. Selon lui, une BPD, c’est une activité de formation qui s’étend habituellement sur une période de deux à quatre ans et qui débute généralement dès que l’intéressé obtient un doctorat. La BPD a pour objet de permettre à son bénéficiaire d’acquérir une expérience supplémentaire à l’aide de techniques de recherche de pointe et de publier des documents en vue de consolider sa carrière, éventuellement à titre de professeur. Le Dr Goldberg a produit un document imprimé à partir du site Web de l’U of A qui s’intitule [TRADUCTION] « Politiques régissant les boursiers postdoctoraux » (pièce I‑1), lequel, selon lui, reflète avec précision la politique de l’U of A, à savoir que [TRADUCTION] « les boursiers postdoctoraux étant en formation, l’université considère qu’il s’agit de stagiaires plutôt que d’employés ». Le Dr Goldberg a mentionné que les fonds étaient détenus par un organisme de financement – comme le CNRSG – et parfois l’U of A ou qu’ils provenaient directement de la source de financement. Il arrive que les fonds soient détenus par l’U of A pour aider un professeur, qui est le chercheur principal, conformément aux modalités du financement accordé pour un projet de recherche donné. Le Dr Goldberg a ajouté que l’U of A ne faisait pas de distinction entre ceux qu’on appelle les boursiers externes, lesquels peuvent avoir trouvé leur propre source de financement, et le genre de subvention offerte à l’appelant. Comme il est signalé dans la partie mise en relief de la page 2 du document imprimé (pièce I‑1), l’enregistrement et les questions de gestion, pour tous les boursiers qui travaillent à l’université dans le cadre d’une BPD, que ce soit sur le campus ou à l’extérieur de celui‑ci, relèvent, peu importe la source de financement, du service des BPD. La sixième page du document concerne les avantages offerts aux boursiers à plein temps. Ces avantages comprennent les soins dentaires, les soins de santé complémentaires ainsi qu’un programme d’assistance à l’intention des boursiers et des membres de leur famille qui est distinct du régime des soins de santé de l’Alberta. Le Dr Goldberg a produit un formulaire de nomination et d’intervention de paye universitaire (pièce I‑2) visant l’appelant et, sous la rubrique relative aux « Employee Attributes » (« modalités propres à l’employé »), les cases cochées montrent que le Dr Naghash était un boursier postdoctoral à plein temps, qu’il recevait 28 000 $ par année et que le Dr Luo était désigné comme détenteur des fonds en fiducie pour ce qui concerne la source de financement. Le Dr Goldberg a mentionné que l’U of A utilisait ce formulaire par souci de commodité et pour des raisons d’efficacité administrative, parce qu’elle n’avait pas de formulaire distinct réservé expressément aux boursiers recevant des fonds par le truchement d’une BPD. Il a convenu que la politique touchant la situation des boursiers variait parmi les universités canadiennes : de nombreux établissements considèrent que les boursiers ayant obtenu leur propre financement ne sont pas des employés, puisqu’ils estiment que le projet qui en découle s’inscrit dans le cadre d’une BPD externe. Cependant, il y a plusieurs universités au Canada, notamment McGill et l’University of Toronto, qui appliquent la même politique que celle suivie par l’U of A et qui considèrent les boursiers comme des stagiaires.

 

[17]    Pendant son contre‑interrogatoire par l’appelant, le Dr Goldberg a reconnu que l’expression « bourse postdoctorale » s’entend d’un octroi monétaire financé par une entité donnée et pouvant englober une somme fournie par l’U of A. Le Dr Goldberg a convenu que, dans une partie du document de politique (pièce I‑1), à la page 5, sous la rubrique intitulée [TRADUCTION] « Réalisations », on emploie le terme boursier dans un contexte où un membre du corps enseignant expose certaines questions de façon explicite [TRADUCTION] « au début de l’emploi ». Le Dr Goldberg a précisé que les boursiers n’étaient pas des apprentis dans le sens habituel du terme et que leur conduite était régie par les règles adoptées par l’U of A sous le régime du [TRADUCTION] « Code de conduite des étudiants ».

 

[18]    L’avocate de l’intimé n’a appelé aucun témoin à la barre et a déclaré que l’intimé faisait sienne la thèse avancée par l’intervenante.

 

[19]    L’appelant a soutenu que la preuve établissait que l’U of A l’avait embauché aux termes d’un contrat de louage de services et qu’il exerçait à la fois un emploi assurable et un emploi ouvrant droit à pension.

 

[20]    Selon la thèse de l’intimé et de l’intervenante, l’intention des parties était manifeste dès le départ et c’est à la lumière de cette intention qu’il faut décider de la nature de leurs relations en l’absence de raisons sérieuses justifiant la Cour de tirer une conclusion contraire. L’avocate de l’intimé et le représentant de l’intervenante ont affirmé que les circonstances dans lesquelles l’appelant a participé au projet de recherche étaient visées par les modalités explicites afférentes à la BPD et ne constituaient pas un contrat de louage de services.

 

[21]    Toutes les parties savaient que la juge Lamarre Proulx avait réservé sa décision dans l’affaire Stephen Bekhor c. M.R.N., 2005CCI443, dossiers 2004‑3299(EI) et 2004‑3301(CPP), laquelle intéressait aussi l’U of A, qui y agissait comme intervenante. Il était donc entendu que les observations écrites seraient présentées après la publication de cette décision et que les arguments renverraient à ce jugement. Selon l’issue de cette affaire, chacune des parties aurait l’occasion de s’intéresser aux divergences, le cas échéant, entre les circonstances de cette affaire et celles des présents appels pour me convaincre d’en arriver à une conclusion différente.

 

[22]    La décision Bekhor, précitée, rendue par la juge Lamarre Proulx, a été publiée le 15 juillet 2005. À la fin de l’audition du présent appel, j’ai précisé que, dès la réception d’un double de cette décision, chacune des parties aurait 30 jours pour produire une réponse. L’appelant a demandé, et obtenu, que ce délai soit prorogé jusqu’au 15 septembre et il a produit de nombreux documents, éléments matériels et extraits que je vais examiner plus loin dans les présents motifs.

 

[23]    Dans l’affaire Bekhor, l’Agence des douanes et du revenu du Canada, maintenant l’Agence du revenu du Canada, avait rendu une décision voulant que M. Bekhor ait exercé un emploi assurable. Une décision semblable a été rendue dans le cadre des présents appels. Cependant, comme ce fut le cas dans l’affaire Bekhor, le ministre, saisi d’un appel de cette décision, a conclu que l’emploi de l’appelant à l’U of A ne constituait ni un emploi assurable ni un emploi ouvrant droit à pension suivant les dispositions de la LAE et du RPC, respectivement.

 

[24]    Aux paragraphes 7 à 16 inclusivement de son jugement, la juge Lamarre Proulx expose les faits suivants :

 

[7]        L’annonce d’un [TRADUCTION] « poste de travailleur scientifique postdoctoral et/ou d’invité en physique spatiale » a été déposée sous la cote A‑3. Elle mentionnait que le groupe de science spatiale du département de physique de l’University of Alberta offrait des postes de travailleur scientifique postdoctoral et/ou d’invité dans le domaine de la physique magnétosphérique.

 

[8]        La lettre d’offre datée du 13 septembre 2002 a été déposée sous la cote A‑2. Cette lettre, qui est signée par les professeurs Rankin et Marchand, est ainsi rédigée :

 

[TRADUCTION]

 

J’ai le plaisir de vous offrir une bourse postdoctorale au sein de notre département pour une période minimale de deux ans, sous réserve d’un examen satisfaisant après un an et de la disponibilité des fonds. Vous travaillerez sous la direction du Dr R. Rankin et du Dr R. Marchand du département de physique. Compte tenu de vos antécédents et de votre intérêt pour ce qui concerne le plasma spatial, je crois que cette occasion d’approfondir vos connaissances pourrait se révéler très avantageuse pour vous. Vos travaux engloberont l’élaboration de théories et de modèles touchant les procédés magnétosphériques ainsi que l’utilisation de modèles pour interpréter les données recueillies dans le cadre du programme canadien de surveillance géospatiale. Il importe de signaler que ce poste, si vous l’acceptez, nécessite un travail d’équipe et exige des échanges francs avec les autres membres du groupe.

 

Vous recevrez une allocation de 42 000,00 $CAN par année plus les avantages applicables habituellement offerts aux boursiers postdoctoraux. Si vous prévoyiez accepter la présente offre, veuillez nous en informer par écrit au plus tard le 23 septembre 2002.

 

Je crois savoir que vous êtes un citoyen canadien. Vous n’êtes donc pas assujetti aux conditions applicables aux ressortissants étrangers.

 

[9]        Le contrat conclu entre l’Agence spatiale canadienne et l’University of Alberta a été déposé sous la cote A‑4. Ce contrat a été signé pour le compte de l’University of Alberta par le directeur des recherches, Robert Rankin, par le directeur du département et par le doyen de la faculté. Il porte la date du 26 novembre 2001.

 

[10]      Le contrat prévoit notamment que le titulaire du contrat doit établir et présenter un rapport d’étape trimestriel. Ce rapport doit présenter une description des progrès accomplis relativement à chaque tâche, accompagnée de croquis, de schémas, de photographies, etc. Jointe au contrat se trouve une annexe explicitant les travaux à accomplir. Ces travaux se divisent en 13 tâches. Une autre annexe précise les étapes et le calendrier de livraison allant du 1er août 2001 au 31 juillet 2003.

 

[11]      L’appelant a déposé sous la cote A‑8 un document relatif aux boursiers postdoctoraux (les « BPD ») qui a été imprimé à partir du site Web de la Queen’s University. Ce document mentionne que les BPD sont considérés comme des employés de la Queen’s University, sauf s’ils reçoivent leur financement d’une source externe. Le document de politique concernant les boursiers postdoctoraux de la Simon Fraser University a été déposé sous la cote A‑9. Cet établissement suit les mêmes politiques que celles de la Queen’s University en ce qui a trait à la situation d’emploi des BPD. Les mêmes politiques semblent également avoir été adoptées par l’Université d’Ottawa (pièce A‑10).

 

[12]      Le document de politique régissant les boursiers postdoctoraux à l’University of Alberta a été déposé sous la cote I‑1. Le terme [TRADUCTION] « boursiers postdoctoraux » y est défini de la façon suivante :

 

[TRADUCTION]

 

« boursiers postdoctoraux » (les « BPD ») S’entend des personnes qui sont en formation normale dans les cinq ans suivant la date où elles ont obtenu leur doctorat (y compris la soutenance de thèse) et dans les dix ans suivant la date où elles ont obtenu un doctorat en médecine ou en chirurgie dentaire ou un grade équivalent. Comme les BPD sont en formation, l’université les considère comme des stagiaires plutôt que comme des employés.

 

[13]      L’expression [TRADUCTION] « source de financement » est ainsi définie :

 

[TRADUCTION]

 

« source de financement » S’entend de la provenance des fonds devant servir à payer l’allocation et les avantages du BPD nommé sous le régime des présentes politiques. Les fonds sont détenus par un « organisme de financement », soit l’université, soit un autre établissement ou un autre organisme (comme le CRSNG, le CRSH, l’AHFMR, les IRSC ou les bourses Killam), et peuvent être versés sous forme de subventions, de bourses, de bourses d’études ou de contrats.

 

[14]      Sous la rubrique intitulée [TRADUCTION] « Introduction », le document mentionne ce qui suit :

 

[TRADUCTION]

 

De façon générale, les BPD en sciences souhaitent étendre leurs connaissances et leurs compétences en matière de recherche sous la direction d’un chercheur reconnu. Pour les BPD en sciences humaines, il s’agit habituellement d’entreprendre un nouveau projet de recherche sous la direction d’un membre expérimenté du corps enseignant et en collaboration avec lui. Peu importe le domaine, un objectif important des BPD consiste à ajouter des publications à leur actif et à rehausser leur CV afin d’acquérir une réputation et d’accroître leurs chances d’obtenir un poste davantage permanent au sein d’une faculté ou dans le domaine de la recherche.

 

Le service responsable des BPD est chargé de l’enregistrement et de la gestion pour l’ensemble des BPD travaillant à l’université, que ce soit sur le campus ou non.

 

[15]      Concernant la résiliation, le document prévoit qu’il peut être mis fin à la nomination d’un BPD à tout moment pour un motif valable sur la recommandation du membre du corps enseignant responsable du BPD. Le BPD a droit à un avis d’un mois pour chaque année de service.

 

[16]      Le formulaire de commande remis au service de la comptabilité pour le paiement de l’allocation de l’appelant a été déposé sous la cote I‑2. Il s’intitule Academic Appointment/Pay Action Form et porte la date du 22 octobre 2002. Il précise qu’il s’agit d’une nouvelle nomination au poste de boursier postdoctoral, que la somme devant être payée est de 42 000,00 $ par année et que le détenteur de la fiducie est le Dr R. Rankin.

 

[25]    De toute évidence, les circonstances liées à la BPD offerte à M. Bekhor étaient en grande partie analogues à celles qui sont exposées devant moi relativement au Dr Naghash. On a soutenu dans la décision Bekhor, comme l’a fait l’appelant en l’espèce, qu’il existe des précédents dans certaines universités canadiennes selon lesquels les bénéficiaires de BPD sont considérés comme des employés, à moins que leur financement proviennent d’une source externe. Le Dr Jeffrey Goldberg a témoigné dans l’affaire Bekhor. La juge Lamarre Proulx a reproduit certains extraits de la transcription de son témoignage au paragraphe 20 de son jugement :

 

[20]      En ce qui concerne les politiques suivies par certaines autres universités, comme il est mentionné au paragraphe 5 de l’avis d’appel, M. Goldberg a déclaré qu’il était exact que le traitement réservé aux boursiers postdoctoraux, que ce soit à titre de stagiaires ou d’employés, n’était pas le même partout au pays (pages 26 à 29 de la transcription) :

 

[TRADUCTION]

 

Q. À votre connaissance, le fait de traiter les boursiers postdoctoraux à titre de stagiaires ou d’employés, ce traitement est‑il le même partout au pays?

 

R. Ce traitement n’est pas le même partout au pays. Ce qui est constant partout au pays, ce sont les fonctions, les responsabilités et les activités des boursiers postdoctoraux. Mais la façon dont les universités choisissent de traiter cette question n’est pas la même dans tout le pays.

 

Q. Donc, vous entendez probablement par l’expression « pas la même » que certaines universités traitent effectivement les boursiers postdoctoraux à titre d’employés et d’autres non?

 

R. Certaines universités choisissent de traiter comme des employés les boursiers postdoctoraux qui sont financés à l’aide des subventions de recherches versées à leur superviseur. Aucune université ne traite comme des employés les boursiers postdoctoraux qui reçoivent leurs fonds directement d’un organisme de financement, parce que ces organismes fédéraux ne vous autorisent pas à les traiter comme des employés; ils veulent que vous les traitiez comme des stagiaires. Donc, selon la catégorie d’allocation dont il s’agit, si cette dernière provient de la subvention de recherches du superviseur, certaines universités choisiront de qualifier ce boursier d’employé.

 

Q. Vous savez, pouvez‑vous informer la Cour de ce que font certaines de ces universités qui traitent les BPD financés indirectement comme des employés, pouvez‑vous nommer certaines de ces universités?

 

R. Les exemples qui me viennent à l’esprit sont Simon Fraser et Queen’s, je crois que cela est exact parce que j’ai examiné certains de leurs documents pendant la fin de semaine.

 

Q. Y a‑t‑il d’autres universités qui, à l’instar de l’University of Alberta, ne traitent aucun des BPD comme des employés?

 

R. Oui, à ma connaissance, il y en a plusieurs.

 

Q. Pouvez‑vous en nommer?

 

R. Autant que je sache, je crois que l’Université de Montréal fait partie de ces établissements. Je crois que l’University of Calgary fait aussi partie de ces établissements, mais je ne suis pas sûr qu’elle a tranché la question. En réalité, j’aurais aimé le savoir avant, notre service responsable des boursiers postdoctoraux a un tableau qui montre vraiment plusieurs établissements qui appliquent ce modèle et plusieurs autres qui suivent l’autre modèle. Donc, je ne veux pas me tromper, je ne veux pas donner des noms mais, ou d’autres noms, mais il y en a d’autres, il y en a plusieurs qui suivent ces modèles.

 

Q. Dr Goldberg, à votre connaissance, est‑ce qu’un quelconque tribunal judiciaire ou une autre autorité semblable a ordonné à l’University of Alberta de traiter les BPD comme des employés?

 

R. Pouvez‑vous répéter la question, s’il vous plaît?

 

Q. À votre connaissance, est‑ce qu’un quelconque tribunal judiciaire ou une autre autorité semblable a ordonné à l’University of Alberta de traiter les BPD, les boursiers postdoctoraux, comme des employés?

 

R. Non, pas à ma connaissance.

 

Q. Dr Goldberg, quel genre de financement les BPD reçoivent‑ils le plus souvent? Le financement remis directement au BPD par l’organisme externe ou celui versé à l’aide d’une subvention de recherches accordée à un professeur d’université?

 

R. L’hypothèse éclairée que je formulerais serait qu’il y en a autant dans une catégorie que dans l’autre. Je ne connais pas la réponse exacte à cette question mais, pour les trois cents (300) ou près de quatre cents (400) boursiers postdoctoraux se trouvant sur le campus en général, je pense qu’un grand nombre appartient à l’une ou l’autre de ces catégories.

 

[26]    Dans l’appel visant M. Bekhor, le Dr Rankin, professeur au département de physique de la faculté des sciences de l’U of A, a rendu témoignage. Il a mentionné que le Dr Bekhor était un boursier recruté par lui‑même et le Dr Marchand afin de travailler dans le cadre d’un projet scientifique suivant les conditions générales d’un contrat que leur avait accordé l’Agence spatiale canadienne. Selon le témoignage du Dr Rankin, l’objectif [TRADUCTION] « consistait à fournir une description générale des progrès en regard de l’ensemble des objectifs établis par le contrat et portant sur l’examen des processus météorologiques qui influent sur le proche espace extra‑atmosphérique entourant la terre. »

 

[27]    À partir du paragraphe 26 de ses motifs, la juge Lamarre Proulx analyse les faits et la jurisprudence pertinente avant de tirer une conclusion au paragraphe 40. En raison de la similitude des faits et des observations présentées, je reproduis cette partie du jugement :

 

[26]      La question en litige n’est pas celle de savoir si l’entente intervenue entre les parties constitue un contrat de travail ou un contrat d’entreprise (la situation d’un employé par opposition à celle d’un entrepreneur indépendant). La Cour doit plutôt se demander s’il s’agit d’un contrat de travail ou d’une entente d’aide financière au titre des études continues (la situation d’un employé par opposition à celle d’un étudiant ou d’un étudiant de troisième cycle).

 

[27]      Je vais d’abord me pencher sur les politiques suivies par d’autres universités en matière de bourses postdoctorales. Certaines pièces produites par l’appelant permettent de penser – et cela est confirmé par le témoignage du Dr Goldberg reproduit au paragraphe 19 des présents motifs – que des universités peuvent considérer comme un employé le stagiaire de troisième cycle se trouvant dans une situation de travail semblable à celle où se trouvait l’appelant. Il n’est nullement dans mon intention de laisser entendre, par la conclusion que je tire en l’espèce, que la décision de ces universités est erronée en droit. J’estime qu’il s’agit d’une situation juridique où l’intention des parties qui concluent le contrat est déterminante.

 

[28]      Sur ce point, je renvoie à l’arrêt Ambulance St‑Jean c. Canada (M.R.N.), [2004] A.C.F. no 1680 (Q.L.), de la Cour d’appel fédérale, au paragraphe 3 :

 

3          Bien que l’intention déclarée des parties ou leur entente apparente ne soit pas nécessairement déterminante quant à la nature de leur relation, il faut cependant accorder une grande importance à ces facteurs en l’absence d’une preuve contraire, par exemple un comportement qui trahit ou contredit cette intention ou cette entente. Lorsque les parties ont librement « choisi de conclure des accords commerciaux distincts [...] [et] choisissent d’agir de la sorte, plutôt qu’une des parties imposant arbitrairement ou artificiellement ce choix à l’autre, au point que cela constitue un trompe‑l’oeil, on ne devrait pas intervenir dans leur choix et les autorités devraient le respecter ». Nous sommes d’accord avec cette affirmation, que le juge suppléant Porter a faite dans la décision Krakiwsky c. Canada (ministre du Revenu national - M.R.N.), 2003 A.C.I. no 364.

 

[29]      Je dois examiner non seulement les conditions auxquelles les activités relatives au travail sont assujetties, mais également l’intention déclarée des parties telle qu’elle est constatée par leurs écrits et leur conduite.

 

[30]      Dans son témoignage, le Dr Goldberg, vice‑doyen des études supérieures, a mentionné que l’University of Alberta ne considère pas les postes de boursiers postdoctoraux comme des emplois, mais plutôt comme une formation, et qu’elle estime que les allocations versées ne constituent pas des salaires, mais plutôt une aide financière aux étudiants plus âgés. Cette assertion est corroborée par l’annonce faite du poste, le document de politique imprimé à partir du site Web de l’université, la lettre d’offre ainsi que la correspondance échangée entre le Dr Rankin, l’appelant et les membres de l’équipe.

 

[31]      À cet égard, je renvoie à un courrier électronique daté du 13 mars 2003 que le Dr Rankin a envoyé aux membres de l’équipe. (Ce document fait partie de la pièce I‑5). À mon avis, ce courrier électronique expose bien la situation d’un programme de recherche universitaire maintenu en existence grâce à la détermination et au travail des professeurs pour le bénéfice des jeunes travailleurs scientifiques postdoctoraux. Le document montre également l’importance accordée au fait de conserver la confiance des sources externes intéressées à promouvoir la recherche dans les universités canadienne dans leurs domaines d’activité particuliers.

 

[TRADUCTION]

 

L’ASC [l’Agence spatiale canadienne] vient juste de me demander de préparer un rapport d’étape concernant vos activités pour la période allant du 1er janvier 2003 au 31 mars 2003. Ce rapport doit être soumis vers le 1er avril 2003. Il est impératif que vous gardiez cette date à l’esprit, puisque je vous demanderai de bien vouloir m’envoyer des documents au plus tard le 31 mars.

 

Il convient de résumer la situation actuelle. Le contrat permettant de vous payer prend fin le 31 juillet 2003. À ce moment, j’aurai présenté une nouvelle proposition en vue d’obtenir le maintien du financement. Vous savez peut‑être que l’ASC n’a pas reçu de fonds supplémentaires dans le cadre du budget fédéral. Cela signifie que nous devons entièrement justifier tout financement postérieur au 31 juillet 2003. Pour être en mesure de le faire, je dois idéalement avoir deux ou trois documents sous forme de publications ou d’articles soumis par chacun d’entre vous (à l’exception de Stephen puisqu’il n’est ici que depuis quelques mois) dont je pourrai faire état dans mon rapport. Ces documents doivent avoir un lien direct avec les étapes du contrat, et non se fonder sur des travaux antérieurs dans d’autres établissements. Cette exigence est de la plus haute importance parce que les étapes approximatives fixées dans le contrat ne peuvent être justifiées que par l’existence de publications. À titre de comparaison, on s’attend à ce qu’un membre du corps enseignement moyen qui assume une pleine charge d’enseignement (3 cours) et des fonctions administratives publie deux ou trois articles par année.

 

Nous jouissons toutefois d’une certaine latitude à cet égard, puisque la plupart d’entre vous travaillez dans un nouveau domaine de recherche, lequel nécessite du temps (de l’ordre d’un an) avant d’être pleinement maîtrisé. Je ferai valoir ce point dans la nouvelle proposition que je vais préparer au cours des deux prochains mois environ. Cependant, à l’avenir, vous devez vraiment vous efforcer d’atteindre un rythme de publication comparable à celui fixé pour les membres du corps enseignant. Cela sera tout aussi important pour vos futures carrières.

 

Dans la nouvelle proposition, je vais demander une augmentation des salaires, mais une telle requête est toujours tributaire de la façon dont nous respectons les étapes générales du contrat.

 

[32]      Dans ce courrier électronique, on emploie le mot « salaires ». Il figure aussi dans quelques autres lettres et le terme « employeur » a également été utilisé une ou deux fois. Cela ne peut pourtant pas permettre d’établir la nature des relations qui existent entre les chercheurs et leur chef d’équipe. À mon sens, le contenu même du courrier électronique est autrement plus révélateur. Il fait état des étapes approximatives ou des étapes générales du contrat qui déterminent la façon dont les travaux de recherche doivent être faits. Le travail englobe des tâches qui sont loin d’être précises et qui doivent être effectuées tous les jours. Un rapport d’étape est requis après trois mois de recherche personnelle et collective. Les chercheurs bénéficient d’une grande latitude. Le courrier électronique ajoute que les articles à soumettre doivent présenter les résultats de la recherche effectuée au regard des étapes fixées par le contrat et non de recherches antérieures. Cette exigence montre que le programme de l’université vise à favoriser la recherche et à perfectionner les compétences des chercheurs, permettant ainsi à l’établissement de remplir son mandat en matière d’enseignement et de formation.

 

[33]      Je conclus que ce courrier électronique étaye la thèse de l’intervenante selon laquelle les boursiers postdoctoraux de l’University of Alberta sont des stagiaires et non des employés. Je tirerais cette même conclusion de l’ensemble de la preuve produite, y compris le témoignage rendu par l’appelant.

 

[34]      L’appelant a mentionné que les Drs Marchand et Rankin exerçaient sur lui un contrôle à titre d’employeurs. Ni le Dr Marchand ni les anciens collègues de l’appelant à l’université n’ont témoigné. Le Dr Rankin a témoigné à la demande de l’intervenante. À la lumière de la correspondance échangée entre l’appelant et le Dr Rankin et des autres documents mentionnés dans les présents motifs, j’arrive à la conclusion qu’il ne s’agit pas de relations entre employeur et employé, mais plutôt de relations entre directeur de programme de recherche et chercheur, c’est‑à‑dire enseignant et étudiant.

 

[35]      C’est le chef d’équipe qui dirige l’équipe de recherche. Les stagiaires sont des subalternes du chef d’équipe. Ils sont des subalternes parce qu’ils ont besoin d’être dirigés et souhaitent l’être. C’est la raison pour laquelle les stagiaires dans le cas présent avaient accepté leur poste. Il était précisé dans la lettre d’offre (pièce A‑2) : [TRADUCTION] « Vous travaillerez sous la direction du Dr R. Rankin et du Dr R. Marchand du département de physique. »

 

[36]      On s’attendait à ce que les boursiers postdoctoraux travaillent au projet de recherche. Ils ont reçu leurs allocations pour ces travaux. Cependant, grâce à ce travail et à la direction qu’ils ont reçue, ils ont également eu l’occasion d’apprendre. Dans son témoignage, l’appelant a affirmé qu’il voyait le Dr Marchand régulièrement, presque tous les jours, et qu’il était sous sa direction.

 

[37]      La même lettre (pièce A‑2) mentionne ce qui suit : [TRADUCTION] « Vous recevrez une allocation de 42 000,00 $CAN par année plus les avantages applicables habituellement offerts aux boursiers postdoctoraux. » L’appelant avait posé des questions quant à la nature de ces avantages et avait obtenu les renseignements demandés. Il n’a pas à ce moment demandé l’assurance‑emploi. Il n’a même pas demandé s’il était couvert par le régime d’assurance‑emploi. Les renseignements donnés sur le site Web de l’université sont explicites. Rien ne permet de penser que l’appelant cherchait un emploi assurable ou qu’il a été induit en erreur quant à la nature de l’entente.

 

[38]      L’appelant a également soulevé la question de la clause de résiliation mentionnée au paragraphe 15 des présents motifs. Il est tout à fait normal qu’une entente relative à une aide financière prévoit la possibilité de mettre fin à la convention pour un motif valable.

 

[39]      Pour tous ces motifs, je conclus que l’appelant et l’University of Alberta avaient une relation d’étudiant d’études supérieures et de professeur, et non d’employé et d’employeur. L’allocation reçue tenait d’une aide financière offerte à un boursier postdoctoral en formation, et non d’une rémunération pour des services rendus par un employé à un employeur.

 

[40]      L’appel doit être rejeté.

 

[28]    Dans ses observations écrites, l’avocate de l’intimé a fait valoir qu’il ressortait sans équivoque de la preuve que l’appelant avait accepté une BPD aux termes de laquelle il recevait une allocation de 28 000 $ par année pour couvrir ses frais de subsistance et que, selon l’annonce placée sur le site Web de l’U of A, la BPD visait un poste de formation et les boursiers seraient considérés comme des stagiaires et non comme des employés. L’avocate a invoqué cinq décisions, y compris la décision Bekhor, précitée, dans lesquelles les faits sont analogues à ceux des appels dont je suis saisi. Elle a signalé que, dans chaque cas, les tribunaux avaient conclu que les boursiers n’étaient pas des employés. Elle a soutenu que le raisonnement suivi dans la décision Bekhor – notamment en ce qui touche l’intention évidente manifestée d’entrée de jeu par les deux parties – et la jurisprudence antérieure étayaient l’opinion voulant qu’il n’y ait pas eu de relation employeur‑employé entre l’appelant et l’U of A.

 

[29]    Les observations écrites du représentant de l’intervenante portent uniquement sur la question de savoir si les présents appels doivent être tranchés conformément à la décision Bekhor. L’intervenante a affirmé que la décision avait été rendue à la lumière d’arguments semblables à ceux que l’appelant a soulevés en l’espèce dans ses actes de procédure ainsi que dans ses observations et que le Dr Naghash avait communiqué avec l’appelant, le Dr Bekhor, lequel lui avait donné des conseils. L’U of A agissait comme intervenante dans l’affaire Bekhor et son représentant a avancé que les mêmes arguments avaient été formulés par le Dr Bekhor, à savoir qu’il était un employé de l’U of A. Le représentant de l’intervenante a soutenu que la preuve produite dans les présents appels ne différait pas de façon appréciable ou importante de la situation dans laquelle se trouvait l’appelant dans l’affaire Bekhor et que cette décision devrait être suivie, notamment en raison de l’examen de la question de l’intention des parties qui y est fait.

 

[30]    Le Dr Naghash a présenté des arguments écrits qui portent en grande partie sur une variété de documents et d’éléments matériels qu’il a produits en vue d’établir que la majorité des universités canadiennes considéraient comme des employés les boursiers qui travaillaient dans le cadre d’une BPD. Il semblait penser qu’il pouvait déposer en preuve à ce stade‑ci de l’instance des documents qui n’avaient pas été produits lors de l’audition des appels et qu’il pouvait s’appuyer sur ces éléments de preuve pour étayer une quelconque assertion. Je n’ai pas tenu compte de ces éléments, sous réserve des renseignements qu’il a obtenus sur les sites Web de certaines universités et qui, dans le contexte technologique d’aujourd’hui, font partie des faits dont la Cour a une connaissance d’office, puisqu’ils sont facilement accessibles et, selon la source et l’objectif de l’affichage, vraisemblablement dignes de foi. L’appelant a signalé qu’il était tenu de participer à des réunions avec le Dr Chuang et le Dr Luo afin de rendre compte des progrès réalisés et de recevoir des instructions quant aux tâches précises à accomplir et aux techniques à utiliser pour la recherche. Selon l’appelant, la preuve montre que le travail n’était pas dirigé d’un commun accord, mais plutôt suivant les priorités de recherche fixées par les deux professeurs superviseurs. L’appelant a avancé de longs arguments au sujet des critères qui permettent de déterminer si un travailleur est un employé ou un entrepreneur indépendant. Il semblait également laisser entendre qu’il était un apprenti au sens de la LAE et donc un employé de l’U of A. Il a prétendu que la question de l’intention ne permettait pas de se prononcer sur la nature des relations qui existaient entre les parties et que la présence d’une certaine forme d’enseignement ne faisait pas obstacle à l’existence d’une relation employeur‑employé entre le travailleur et le payeur, puisque la presque totalité des emplois comportent un certain degré de formation. Il a reconnu qu’il ne connaissait pas l’existence des programmes d’a.‑e. et du RPC lorsqu’il avait accepté la BPD à l’U of A, mais il a allégué que cela ne signifiait pas qu’il était d’une façon ou d’une autre soustrait à l’application de la législation en la matière. L’appelant a affirmé que l’U of A marchait à contre‑courant par rapport à la majorité des universités canadiennes, lesquelles traitaient comme des employés les boursiers payés au moyen d’une BPD sous forme de subvention. Il a ajouté qu’un bulletin d’interprétation (IT‑75R4) énonce à l’article 30, au sujet de l’enseignement et de la formation, que « […] si ce travail est effectué par l’étudiant/adjoint sous la direction particulière d’un chercheur ou d’un co‑chercheur et principalement pour réaliser un gain financier, on estime qu’il existe une relation d’employé à employeur. »

 

[31]    L’alinéa 5(1)a) de la LAE dispose :

 

a) l’emploi exercé au Canada pour un ou plusieurs employeurs, aux termes d’un contrat de louage de services ou d’apprentissage exprès ou tacite, écrit ou verbal, que l’employé reçoive sa rémunération de l’employeur ou d’une autre personne et que la rémunération soit calculée soit au temps ou aux pièces, soit en partie au temps et en partie aux pièces, soit de toute autre manière.

 

[32]    La définition suivante du terme « emploi » figure à l’article 2 du RPC :

 

« emploi » L’accomplissement de services aux termes d’un contrat de louage de services ou d’apprentissage, exprès ou tacite, y compris la période d’occupation d’une fonction.

 

[33]    Je vais d’abord me pencher sur l’assertion de l’appelant voulant que sa BPD équivaille, d’une manière ou d’une autre, à celle accordée à un apprenti qui suit un apprentissage. À mon avis, ces termes s’appliquent de façon précise aux gens de métier ou aux techniciens et/ou aux technologues. Le Canadian Oxford Paperback Dictionary, Oxford University Press, définit ainsi le terme « apprentice » (« apprenti ») :

 

[TRADUCTION]

 

1. une personne qui apprend un métier en étant embauchée pour le pratiquer pendant une période convenue, hab. (habituellement) pour une rémunération moindre que celle normalement payée pour ce métier; 2 – débutant, un novice;

 

[34]    Voici la définition pertinente du terme « trade » (« métier ») donnée dans cet ouvrage :

 

[TRADUCTION]

 

2. occupation manuelle spécialisée, not. (notamment) qui nécessite un apprentissage.

 

Dans les deux définitions, les italiques sont de moi.

 

[35]    Les faits en l’espèce sont les suivants. L’appelant a demandé et obtenu une BPD en vue de se joindre à un groupe de recherche dirigé par le Dr Chuang et le Dr Luo. Il était déjà titulaire d’un doctorat et il ne se proposait pas d’obtenir un titre supplémentaire précis ni de mettre en œuvre un plan d’action visant à perfectionner ses habiletés de plombier ou de soudeur. Manifestement, il ne tombe pas sous le coup de la définition d’apprenti ou d’apprentissage prévue par les dispositions législatives applicables. Cette situation a été examinée par le juge Teskey, C.C.I., dans la décision Ontario Cancer Institute c. Canada (ministre du Revenu national – M.R.N.), [1993] A.C.I. no 430. Après avoir renvoyé à plusieurs définitions tirées de dictionnaires, il a mentionné ce qui suit au paragraphe 41 de ses motifs :

 

[41]      Je ne vois pas dans le stage postdoctoral en cause un apprentissage, car ce serait élargir la définition de ce mot au‑delà de son sens normal. La durée indéterminée du stage n’est pas dictée par le degré de formation reçu par le stagiaire, mais par le marché de l’emploi. S’il n’y a aucun emploi disponible, le stagiaire poursuit tout simplement son stage postdoctoral jusqu’à ce qu’il en trouve un. C’est la raison pour laquelle le stage peut durer de deux à cinq ans.

 

[36]    Deuxièmement, la question de savoir si l’appelant était un entrepreneur indépendant par opposition à une personne offrant des services aux termes d’un contrat de louage de services n’est pas en litige. Il n’est donc pas justifié, pour statuer sur les présents appels, de procéder à une analyse des critères habituellement utilisés pour trancher cette question.

 

[37]    La Cour doit toutefois décider s’il existe des raisons suffisantes l’autorisant à ne pas appliquer la décision Bekhor, précitée, de la juge Lamarre Proulx, en particulier à la lumière de la jurisprudence pertinente. Plus haut dans les motifs qu’il a prononcés dans la décision Ontario Cancer Institute, le juge Teskey a affirmé ce qui suit au paragraphe 36 :

 

[36]      Je conclus des preuves et témoignages produits en l’espèce que l’IOC a payé la bourse grâce à la subvention du CRM. Je ne peux conclure que le CRM a expressément réservé cette subvention au paiement de la stagiaire, bien que l’IOC en ait mis de côté une fraction pour payer la bourse de la stagiaire. On ne saurait dire que l’IOC servait tout juste d’intermédiaire pour faire parvenir à Gauci des fonds réservés par le CRM au paiement de la stagiaire. Buick jouissait d’un pouvoir discrétionnaire trop considérable à cet égard.

 

[38]    Dans la décision Sunnybrook Hospital c. Canada (ministre du Revenu national – M.R.N.), [1994] A.C.I. no 1061, le juge O’Connor, C.C.I., a conclu qu’un médecin effectuant de la recherche dans un hôpital n’était pas un employé et que l’allocation versée visait à couvrir ses frais de subsistance. Dans ses motifs, le juge O’Connor s’est exprimé en ces termes aux paragraphes 13 à 15 :

 

[13]      Dans le contexte actuel, en ce qui a trait au marché du travail et aux besoins de formation, rares sont les scientifiques, sinon aucun, qui accèdent directement à un poste de professeur adjoint après avoir obtenu un doctorat. Il y a presque toujours une période post‑doctorale qui est consacrée à la recherche et à la formation.

 

[14]      Lorsque l’hôpital Sunnybrook reçoit une subvention, la partie qui est réservée à la rémunération des boursiers est mise de côté et désignée par le numéro de la subvention. Aucune retenue n’est faite, à moins d’une erreur administrative. La rémunération versée a pour but de couvrir les frais de subsistance.

 

[15]      Le Dr Yuan et le Dr Johnston traitaient de divers problèmes en tant que collègues. Le Dr Johnston discutait de la meilleure façon de résoudre un problème précis et, ensemble, ils mettaient au point des expériences et prenaient des décisions, en se fondant sur leurs capacités intellectuelles réciproques. Les boursiers diffèrent des techniciens, en ce sens que ces derniers ne participent pas intellectuellement aux décisions, mais reçoivent plutôt quotidiennement des instructions des boursiers et des préposés principaux.

 

[39]    Dans la décision Benabdallah c. Canada (ministre du Revenu national – M.R.N., [1997] A.C.I. no 1180, le juge Tardif, C.C.I., a conclu que l’appelante, titulaire d’un doctorat en sciences, n’exerçait pas un emploi assurable auprès de l’Université de Montréal alors qu’elle recevait des fonds qui lui étaient remis à l’aide d’une subvention. Au paragraphe 10 de ses motifs, le juge Tardif a déclaré :

 

[10]      Une bourse se distingue d’un salaire de plusieurs façons; tout d’abord, elle est en principe non négociable. Une bourse est généralement une sorte de stimulus à poursuivre des études. Il n’y a aucune correspondance entre le montant de la bourse et l’importance des études pour lesquelles elle est versée. Une bourse constitue généralement un soutien financier minimum dont l’octroi est assujetti à des conditions rigides; il y a très peu ou pas d’espace pour la négociation contrairement à un salaire qui peut faire l’objet d’ajustements.

 

[40]    L’appelant semble croire que son obligation de payer de l’impôt sur le revenu relativement à son allocation constitue une preuve concluante de sa situation d’employé. Ce n’est pas le cas; il a payé de l’impôt parce que l’alinéa 56(1)n) ou l’alinéa 56(1)o) de la LIR l’obligeait à le faire, vu que la rémunération consistait en une bourse ou, moins vraisemblablement, en une subvention de recherche. Le Dr Naghash rencontrait régulièrement le Dr Chuang et le Dr Luo au sujet du travail qu’il effectuait dans le cadre du projet de recherche. Je suis convaincu, à la lumière de la preuve, que le Dr Naghash était principalement engagé dans un processus d’apprentissage. Bien qu’il soit titulaire d’un doctorat, sa thèse portait sur le domaine des batteries au lithium‑ion et il possédait une expérience restreinte en matière de recherche sur les piles à combustible. De l’avis du Dr Chuang, l’appelant avait besoin d’expérience supplémentaire dans le domaine du génie chimique et il a eu l’occasion d’en acquérir en participant au projet de recherche sur la conversion du butane en butène. L’ensemble du projet faisait partie de ce que le Dr Chuang a qualifié de recherche suscitée par la curiosité; aucun profit ou gain prévisible ne découlerait de ces activités et il n’était pas nécessaire de rendre compte d’un progrès continu. Il peut paraître étrange à plusieurs d’entre nous qui avons obtenu un diplôme universitaire il y a quarante ans que des personnes ayant obtenu un doctorat après quelques sept années d’études soient maintenant obligées – ou peu s’en faut – de participer à diverses formes de programmes postdoctoraux pour être en mesure de trouver un emploi convenable offrant un salaire raisonnable. Cependant, il semble que ce soit une réalité de la vie universitaire actuelle et de nombreuses universités au Canada ont adopté l’approche voulant que les bénéficiaires de financement dans le cadre d’une BPD, habituellement une BPD sous forme de subvention, doivent être considérés comme des employés plutôt que comme de simples étudiants. Le poste actuellement occupé par l’appelant à l’U of A est celui d’attaché de recherche et il gagne 40 000 $ par année. Pour des raisons de cohérence, il serait avantageux qu’une politique pancanadienne relative aux BPD soit adoptée, mais cette question relève des établissements d’enseignement ou, éventuellement, du gouvernement fédéral s’il décide de modifier la législation existante en la matière afin d’ajouter les boursiers et les autres bénéficiaires de financement semblable dans les définitions d’emploi assurable et d’emploi ouvrant droit à pension. J’accepte le fait que plusieurs universités canadiennes réputées établissent, entre les bénéficiaires d’une BPD externe et les bénéficiaires d’une BPD sous forme de subvention, une distinction selon laquelle les premiers sont considérés comme des entrepreneurs indépendants et les seconds comme des employés.

 

[41]    Pendant son témoignage, l’appelant a affirmé qu’il ne connaissait pas l’existence des programmes d’a.‑e. et du RPC lorsqu’il a communiqué avec l’U of A et manifesté son intérêt pour la BPD. Toutefois, il aurait dû se rendre compte, au cours de ses recherches sur le site Web, que l’U of A considérait que les boursiers étaient en formation et qu’il s’agissait donc de stagiaires plutôt que d’employés. L’appelant a signalé qu’il était désigné comme un employé dans le formulaire de nomination et d’intervention de paye universitaire (pièce I‑2) et que la lettre (pièce A‑2), écrite à sa demande, précisait qu’il [TRADUCTION] « travaillait actuellement à titre de boursier postdoctoral à l’University of Alberta ». Selon le Dr Naghash, ces mentions confirment sa situation d’employé. Je ne suis pas d’accord. Comme l’a déclaré le Dr Goldberg dans son témoignage, il n’existe aucun formulaire distinct servant au paiement des boursiers; le formulaire utilisé comporte seulement un espace réservé aux renseignements relatifs au détenteur des fonds en fiducie, le Dr Luo dans le cas de l’appelant. Quant à la lettre adressée à qui de droit et signée par le professeur Fraser sur du papier à en‑tête de l’U of A, elle n’énonce que l’évidence, à savoir que le Dr Naghash travaillait comme boursier. La lettre datée du 14 mars 2001 (pièce A‑1), signée par le Dr Chuang et le Dr Luo était une invitation faite au Dr Naghash de se [TRADUCTION] « joindre [au] groupe de recherche à l’University of Alberta, à Edmonton, au Canada, à titre de boursier postdoctoral pour réaliser un projet de recherche d’une période d’un an, renouvelable pour une autre année, sous réserve du rendement satisfaisant de [sa] recherche et de la disponibilité des fonds de recherche. » La lettre ajoutait que la recherche intéressait le domaine des piles à combustible, comme les parties en avaient antérieurement discuté pendant leur échange de courriers électroniques. La lettre précisait en outre que l’U of A était [TRADUCTION] « disposé[e] à [lui] offrir une allocation de 28 000 $ par année (en monnaie canadienne) pour couvrir [ses] frais de subsistance pour la durée de [ses] travaux à l’University of Alberta. »

 

[42]    Le Canadian Oxford Paperback Dictionary définit en partie le terme « stipend » (« allocation ») de la façon suivante :

 

[TRADUCTION]

 

1. un salaire ou une somme courante déterminée payée en contrepartie des services rendus par un enseignant, un fonctionnaire ou un membre du clergé.

 

2. un paiement courant déterminé, comme une indemnité ou une bourse d’études.

 

[43]    Même si certains boursiers peuvent être appelés à enseigner et donc à faire partie du personnel universitaire, ce n’était pas le cas en l’espèce et il était évident que l’appelant allait participer, pour une période donnée, à un projet de recherche consacré aux découvertes plutôt qu’à la production d’un résultat précis.

 

[44]    Dans le cadre de la jurisprudence portant sur la tâche souvent difficile de décider si un travailleur est un entrepreneur indépendant ou un employé, le juge Stone, de la Cour d’appel fédérale, a formulé la mise en garde suivante dans l’arrêt Ministre du Revenu national c. Emily Standing, [1992] A.C.F. no 890 :

 

[...] Rien dans la jurisprudence ne permet d’avancer l’existence d’une telle relation du simple fait que les parties ont choisi de la définir ainsi sans égard aux circonstances entourantes appréciées en fonction du critère de l’arrêt Wiebe Door. [...]

 

[45]    Si on adapte cet énoncé au contexte des présents appels, on ne pourrait permettre aux parties conjointement, ni à une partie unilatéralement, de qualifier la relation d’éducateur‑stagiaire lorsque la preuve n’étayait pas cette qualification, surtout si les faits révélaient la présence de mauvaise foi ou de contrainte et si cette qualification de la relation tenait d’un motif caché. Aucun de ces facteurs ne s’applique en l’espèce. Une caractérisation qui est conforme à la façon dont on annonce la situation d’un boursier bénéficiaire d’un financement dans le cadre d’une BPD précise et qui est exprimée clairement par l’U of A, notamment sur son site Web, est raisonnable, en particulier lorsque l’ensemble des circonstances étayent cette caractérisation et que la conduite subséquente des parties est de nature à la confirmer.

 

[46]    La nature des décisions rendues dans le cadre d’affaires entendues sous le régime de la procédure informelle de la Cour canadienne de l’impôt donne lieu à une certaine confusion, laquelle découle du libellé de l’article 18.28 de la Loi sur la Cour canadienne de l’impôt, qui est libellé ainsi :

 

Les jugements rendus sur les appels visés à l’article 18 ne constituent pas des précédents jurisprudentiels.

 

[47]    Cependant, l’article 18 s’applique uniquement aux appels interjetés dans le cadre de la LIR, tandis que les présents appels fondés sur la LAE et le RPC sont régis par les dispositions de l’article 18.29 de la Loi sur la Cour canadienne de l’impôt. Selon cet article, les appels doivent être entendus suivant les règles régissant la procédure informelle. Par conséquent, les décisions mentionnées dans les présents motifs ont valeur de précédents. Je ne suis pas assujetti à l’article 18.28, lequel constituait déjà une curiosité législative au moment de son entrée en vigueur et peut maintenant être qualifié d’anachronisme dans le plein sens du mot. Je conviens que les juges de la Cour canadienne de l’impôt devraient s’efforcer, dans la mesure du possible, d’être cohérents, comme il est mentionné dans la décision Long v. The Queen, [1998] 1 C.T.C. 2835. À moins qu’il n’existe des raisons sérieuses pour agir autrement, il est souhaitable que les tribunaux rendent des décisions qui sont compatibles les unes avec les autres. La preuve présentée en l’espèce ne réussit pas à me dissuader d’adopter le raisonnement, de même que l’issue, de la décision rendue par la juge Lamarre Proulx dans l’affaire Bekhor, précitée. Outre l’importance de suivre le principe du stare decisis, même si j’avais été le premier à être saisi de cette question dans le contexte des présents appels, j’en serais arrivé la même conclusion.

 

[48]    L’appelant ne m’a pas convaincu que les décisions rendues par le ministre étaient incorrectes et elles sont donc confirmées. Les deux appels sont par les présentes rejetés.

 

[49]    L’avocate de l’intimé et le représentant de l’intervenante m’ont informé que la décision Bekhor faisait l’objet d’un appel. Cependant, plutôt que d’attendre la décision de la Cour d’appel fédérale, j’ai estimé préférable de publier les présents motifs afin que l’appelant puisse évaluer sa position à la lumière de l’appel interjeté par le Dr Bekhor.

 

Signé à Sidney (Colombie‑Britannique), ce 4e jour de novembre 2005.

 

 

« D.W. Rowe »

Juge suppléant Rowe

 

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 25e jour de septembre 2006.

 

Christian Laroche, LL.B.


RÉFÉRENCE :                                            2005CCI694

 

NO DES DOSSIERS DE LA COUR :                   2004‑4046(EI) et 2004‑4047(CPP)

 

INTITULÉ DE LA CAUSE :                        Alireza Naghash c. M.R.N. et

                                                                   University of Alberta

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                            Edmonton (Alberta)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                           Le 25 mai 2005

 

MOTIFS DU JUGEMENT PAR :                L’honorable D.W. Rowe, juge suppléant

 

DATE DU JUGEMENT :                             Le 4 novembre 2005

 

COMPARUTIONS :

 

Pour l’appelant :

L’appelant lui‑même

 

Avocate de l’intimé :

Me Galina Bining

 

Représentant de l’intervenante :           M. Gordon Beck

 

AVOCAT(E) INSCRIT(E) AU DOSSIER :

 

       Pour l’appelant :

 

                   Nom :                            

 

                   Cabinet :

 

       Pour l’intimé :                                       Me John H. Sims, c.r.

                                                                   Sous‑procureur général du Canada

                                                                   Ottawa (Ontario)

 

       Pour l’intervenante :

 

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