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Dossier : 2002-2561(EI)

ENTRE :

GASTON LELIÈVRE ET DIANE FALARDEAU,

appelants,

et

 

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL

intimé.

____________________________________________________________________

 

Appel entendu sur preuve commune avec les appels d'André Lelièvre (2002‑2562(EI)) et Nicole Côté (2002-2563(EI))

le 28 janvier 2003 à Québec (Québec)

 

Devant : L'honorable juge suppléant J.F. Somers

 

Comparutions :

 

Pour les appelants :

Les appelants eux-mêmes

 

Avocat de l'intimé :

Me Stéphanie Côté

____________________________________________________________________

 

JUGEMENT

 

          L'appel est rejeté et la décision rendue par le Ministre est confirmée selon les motifs du jugement ci-joints.

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 4e jour de mars 2003.

 

 

« J.F. Somers »

J.S.C.C.I.


 

 

Référence : 2003CCI55

Date : 20030304

Dossier : 2002-2561(EI)

ENTRE :

GASTON LELIÈVRE ET DIANE FALARDEAU,

appelants,

et

 

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL

intimé,

ET

Dossier : 2002-2562(EI)

ANDRÉ LELIÈVRE,

appelant,

et

 

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé,

et

 

GASTON LELIÈVRE ET DIANE FALARDEAU,

intervenants,

ET

Dossier : 2002-2563(EI)

NICOLE CÔTÉ,

appelante,

et

 

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé,

et

 

GASTON LELIÈVRE ET DIANE FALARDEAU,

intervenants.

 

 

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

Le juge suppléant Somers, C.C.I.

 

[1]     Ces appels ont été entendus, sur preuve commune, à Québec (Québec), le 28 janvier 2003.

 

[2]     Les appelants interjettent appel des décisions du ministre du Revenu national (le « Ministre ») selon lesquelles les emplois exercés par André Lelièvre, le travailleur, au cours des périodes en litige, soit du 28 août au 7 novembre 1997, du 27 juillet au 30 octobre 1998, du 5 juillet au 15 octobre 1999, du 3 juillet au 20 octobre 2000 et du 2 juillet au 19 octobre 2001 et par Nicole Côté, la travailleuse, au cours des périodes en litige, soit du 6 juillet au 27 novembre 1998, du 5 juillet au 15 octobre 1999, du 3 juillet au 20 octobre 2000 et du 2 juillet au 19 octobre 2001, auprès de Gaston Lelièvre et Diane Falardeau, les payeurs, sont exclus des emplois assurables au sens de la Loi sur l’assurance‑emploi au motif qu’il existait un lien de dépendance entre les travailleurs et les payeurs.

 

[3]     Le paragraphe 5(1) de la Loi sur l'assurance-emploi se lit en partie comme suit :

 

            5.(1) Sous réserve du paragraphe (2), est un emploi assurable :

 

a)    un emploi exercé au Canada pour un ou plusieurs employeurs, aux termes d'un contrat de louage de services ou d'apprentissage exprès ou tacite, écrit ou verbal, que l'employé reçoive sa rémunération de l'employeur ou d'une autre personne et que la rémunération soit calculée soit au temps ou aux pièces, soit en partie au temps et en partie aux pièces, soit de toute autre manière;

 

[…]

 

[4]     Les paragraphes 5(2) et 5(3) de la Loi sur l'assurance-emploi se lisent en partie comme suit :

 

(2)        N'est pas un emploi assurable :

 

[...]

 

i)          l'emploi dans le cadre duquel l'employeur et l'employé ont entre eux un lien de dépendance.

 

(3)        Pour l’application de l’alinéa (2)i):

 

a)         la question de savoir si des personnes ont entre elles un lien de dépendance est déterminée conformément à la Loi de l’impôt sur le revenu;

 

b)         l’employeur et l’employé, lorsqu’ils sont des personnes liées au sens de cette loi, sont réputés ne pas avoir de lien de dépendance si le ministre du Revenu national est convaincu qu’il est raisonnable de conclure, compte tenu de toutes les circonstances, notamment la rétribution versée, les modalités d’emploi ainsi que la durée, la nature et l’importance du travail accompli, qu’ils auraient conclu entre eux un contrat de travail à peu près semblable s’ils n’avaient pas eu de lien de dépendance.

 

[5]     L'article 251 de la Loi de l'impôt sur le revenu se lit en partie comme suit :

 

Article 251 : Lien de dépendance.

 

(1)        Pour l’application de la présente loi :

 

a)         des personnes liées sont réputées avoir entre elles un lien de dépendance;

 

[...]

 

(2) Définition de lien « personnes liées ». Pour l'application de la présente loi, sont des « personnes liées » ou des personnes liées entre elles :

 

a)         des particuliers unis par les liens du sang, du mariage ou de l'adoption;

 

[...]

 

[6]     Le fardeau de la preuve incombe aux appelants. Ces derniers se doivent d’établir, selon la prépondérance de la preuve, que les décisions du Ministre sont mal fondées en fait et en droit. Chaque cas est un cas d’espèce.

 

[7]     En rendant ses décisions, le Ministre s’est basé sur les présomptions de fait suivantes énoncées au paragraphe 14 de la Réponse à l'avis d'appel dans le dossier 2002-2561(EI), lesquelles ont été admises ou niées :

 

a)         Les appelants ont fait l'acquisition d'une ferme en 1996 à Saint‑Michel-de-Bellechasse; (admis)

 

b)         Dès 1996, les appelants ont débuté l'élevage des lapins et l'année suivante la production de légumes et de petits fruits; (admis)

 

c)         Les appelants faisaient affaires sous le nom et raison sociale de « Ferme de Fadi »; (admis)

 

d)         La production est écoulée sur la ferme et dans un marché public; (admis)

 

e)         Les seuls employés des appelants sont Mme Nicole Côté et son conjoint M. André Lelièvre; (admis)

 

f)          André Lelièvre est le fils des appelants; (admis)

 

g)         Pour les années en litige, le chiffe d'affaires déclaré de l'entreprise et les salaires versés par les appelants à leur fils et sa conjointe s'élevaient à : (nié)

 

            Chiffe d'affaires             Salaires

 

            1997    22 996 $           7 920 $ (André Leliève en totalité)

            1998    14 326 $          14 388 $

            1999    15 331 $          12 540 $

            2000    22 811 $          13 376 $

            2001    37 909 $          13 376 $

 

h)         Le travail de Nicole Côté consistait à cueillir les fruits et les légumes et à les vendre au kiosque de Montmagny; (admis)

 

i)          Le travail d'André Lelièvre consistait à effectuer les semences, les récoltes, les labours et l'arrosage; (nié)

 

j)          Nicole Côté travaille pour les appelants depuis 1996 mais a commencé à être inscrite au journal des salaires depuis 1998; (nié)

 

k)         Au cours des périodes en litige, Nicole Côté recevait une rémunération hebdomadaire brute de 328 $; (nié)

 

l)          Au cours des périodes en litige, André Lelièvre recevait une rémunération hebdomadaire brute de 508 $; (nié)

 

m)        Les heures de travail de Nicole Côté et d'André Lelièvre n'étaient pas comptabilisées par les appelants; (nié)

 

n)         Le 30 novembre 1998, les appelants émettaient un relevé d'emploi au nom de Nicole Côté, pour la période du 6 juillet 1998 au 27 novembre 1998, indiquant 924 heures assurables et une rémunération assurable totalisant 6 468 $; (nié)

 

o)         Le 30 novembre 1998, Nicole Côté avait besoin de 910 heures assurables pour se qualifier aux prestations d'assurance-emploi; (nié)

 

p)         Le 18 octobre 1999, les appelants émettaient un relevé d'emploi au nom de Nicole Côté, pour la période du 5 juillet 1999 au 15 octobre 1999, indiquant 660 heures assurables et une rémunération assurable totalisant 4 620 $; (nié)

 

q)         Le 18 octobre 1999, Nicole Côté avait besoin de 630 heures assurables pour se qualifier aux prestations d'assurance-emploi; (nié)

 

r)          Le 28 octobre 2000, les appelants émettaient un relevé d'emploi au nom de Nicole Côté, pour la période du 3 juillet 2000 au 20 octobre 2000, indiquant 704 heures assurables et une rémunération assurable totalisant 4 928 $; (nié)

 

s)         Le 28 octobre 2000, Nicole Côté avait besoin de 700 heures assurables pour se qualifier aux prestations d'assurance-emploi; (nié)

 

t)          Le 22 octobre 2001, les appelants émettaient un relevé d'emploi au nom de Nicole Côté, pour la période du 2 juillet 2001 au 29 octobre 2001, indiquant 672 heures assurables et une rémunération assurable totalisant 4 928 $; (nié)

 

u)         Le 22 octobre 2001, Nicole Côté avait besoin de 704 heures assurables pour se qualifier aux prestations d'assurance-emploi; (nié)

 

v)         Le 7 novembre 1997, les appelants émettaient un relevé d'emploi au nom d'André Lelièvre, pour la période du 28 juillet 1997 au 7 novembre 1997, indiquant 660 heures assurables et une rémunération assurable totalisant 7 920 $; (nié)

 

w)        Le 7 novembre 1997, André Lelièvre avait besoin de 630 heures assurables pour se qualifier aux prestations d'assurance-emploi; (nié)

 

x)         Le 6 novembre 1998, les appelants émettaient un relevé d'emploi au nom d'André Lelièvre, pour la période du 27 juillet 1998 au 30 octobre 1998, indiquant 616 heures assurables et une rémunération assurable totalisant 7 392 $; (nié)

 

y)         Le 6 novembre 1998, André Lelièvre avait besoin de 595 heures assurables pour se qualifier aux prestations d'assurance-emploi; (nié)

 

z)         Le 18 octobre 1999, les appelants émettaient un relevé d'emploi au nom d'André Lelièvre, pour la période du 5 juillet 1999 au 15 octobre 1999, indiquant 660 heures assurables et une rémunération assurable totalisant 7 920 $; (nié)

 

aa)       Le 18 octobre 1999, André Lelièvre avait besoin de 630 heures assurables pour se qualifier aux prestations d'assurance-emploi; (nié)

 

bb)       Le 28 octobre 2000, les appelants émettaient un relevé d'emploi au nom d'André Lelièvre, pour la période du 3 juillet 2000 au 20 octobre 2000, indiquant 704 heures assurables et une rémunération assurable totalisant 8 448 $; (nié)

 

cc)       Le 28 octobre 2000, André Lelièvre avait besoin de 700 heures assurables pour se qualifier aux prestations d'assurance-emploi; (nié)

 

dd)       Le 22 octobre 2001, les appelants émettaient un relevé d'emploi au nom d'André Lelièvre, pour la période du 2 juillet 2001 au 19 octobre 2001, indiquant 672 heures assurables et une rémunération assurable totalisant 8 448 $; (nié)

 

ee)       Le 22 octobre 2001, André Lelièvre avait besoin de 700 heures assurables pour se qualifier aux prestations d'assurance-emploi; (nié)

 

ff)         Le 5 novembre 2001, les appelants corrigeaient le relevé d'emploi du 22 octobre 2001 afin de porter à 704 le nombre d'heures assurables; (nié)

 

gg)       Les relevés d'emploi émis par les appelants à Nicole Côté et André Lelièvre ne reflètent pas les véritables périodes travaillées par ceux‑ci; (nié)

 

hh)       Nicole Côté et André Lelièvre rendaient des services aux appelants entre les périodes couvertes par les relevés d'emploi alors qu'ils recevaient des prestations d'assurance-emploi. (nié)

 

[8]     Les payeurs ont fait l'acquisition d'une ferme en 1996 à Saint‑Michel‑de‑Bellachasse (Québec).

 

[9]     Des 1996, les payeurs ont débuté l'élevage des lapins et l'année suivante la production de légumes et de petits fruits. La production est écoulée sur la ferme et dans un marché public.

 

[10]    Les deux seuls employés et les payeurs ont un lien de dépendance : Nicole Côté est la conjointe d'André Lelièvre qui est le fils de Gaston Lelièvre et de Diane Falardeau, les payeurs.

 

[11]    Le travail de Nicole Côté consistait à cueillir les fruits et les légumes et à les vendre au kiosque de Montmagny. Le travail d'André Lelièvre consistait, selon Gaston Lelièvre, à faire une seule semence de deux à trois jours au printemps, à faire les récoltes et en faire la distribution aux deux kiosques, les labours et l'arrosage.

 

[12]    Gaston Lelièvre affirme que Nicole Côté n'a pas travaillé pour les payeurs en 1996, qu'elle aurait commencé en 1998 alors que son épouse Diane Falardeau était malade et qu'elle recevait une rémunération hebdomadaire brute de 328 $ pour 44 heures de travail.

 

[13]    André Lelièvre recevait une rémunération hebdomadaire brute de 508 $ pour 44 heures de travail.

 

[14]    Selon Gaston Lelièvre, les heures de travail des employés ont été comptabilisées à partir de l'année 2001.

 

[15]    En contre-interrogatoire, Gaston Lelièvre affirme que les heures de travail non comptabilisées jusqu'en 2001 étaient de 44 heures mais qu'ils travaillaient plus de 44 heures.

 

[16]    André Lelièvre travaillait sept jours par semaine, alors que Nicole Côté travaillait six jours par semaine. Gaston Lelièvre affirme que les employés n'ont pas travaillé hors les périodes en litige, mais il admet qu'ils ont peut-être signé des factures.

 

[17]    Les semences sont faites au printemps par Gaston Lelièvre, son épouse et ses petits-enfants. Selon Gaston Lelièvre, la ferme a pris de l'expansion après 1997, mais l'entreprise est déficitaire depuis ce temps.

 

[18]    Diane Falardeau corrobore le témoignage de son époux Gaston Lelièvre. Elle affirme qu'elle faisait la semence pendant deux jours avec son époux et la famille dont André Lelièvre et Nicole Côté.

 

[19]    Les travailleurs, André Lelièvre et Nicole Côté, ont corroboré les témoignages précédents.

 

[20]    Monsieur Yvon Comtois, agent des appels auprès de l'Agence des douanes et du revenu du Canada, fut le seul témoin de l'intimé. Il a déposé en preuve son rapport sur un appel daté du 26 mars 2002 (pièce I-1).

 

[21]    Son enquête a consisté à rencontrer les payeurs et les travailleurs et à examiner les documents, états financiers, factures et relevés de paies.

 

[22]    D'après les déclarations de revenus de 1997 à 2000 des payeurs, Yvon Comtois, dans son rapport, dresse un tableau des revenus et dépenses comme suit :

 

Année

Revenus

Dépenses

Revenu (perte)

Salaire

 

 

 

net

 

 

 

 

 

 

31/12/2000

22 811 $

54 521 $

(31 710 $)

13 376 $

31/12/1999

15 332 $

56 483 $

(41 151 $)

14 406 $

31/12/1998

14 327 $

62 574 $

(46 974 $)

16 705 $

31/12/1997

22 996 $

50 069 $

(27 072 $)

 8 204 $

 

[23]    Un tableau préparé par M. Comtois déposé sous la cote I-2 démontre que la travailleuse Nicole Côté n'a reçu aucun salaire durant l'année 1997. Le travailleur André Lelièvre, selon ce même tableau, aurait reçu un salaire hebdomadaire de 528 $ de juillet à novembre 1997. Il est à noter que des ventes sont inscrites au tableau du 6 au 26 juillet 1997 alors qu'aucun montant d'argent n'apparaît dans la colonne « salaire ». De plus pour la période du 5 octobre au 8 novembre 1997, le travailleur aurait reçu un salaire sans qu'il n'y ait de ventes.

 

[24]    Des factures déposées sous la cote I-7 ont été signées par le travailleur André Lelièvre entre le 5 janvier et le 12 juillet 1997 alors qu'il n'était pas inscrit au livre de paie. La travailleuse Nicole Côté a signé occasionnellement des factures alors qu'elle n'était pas inscrite au livre de paie. Le même scénario, grosso‑modo, s'est produit pour les années 1998 à 2001.

 

[25]    Lors de son enquête, l'agent des appels a constaté qu'il n'y avait pas de document pour prouver le paiement des salaires car, selon les payeurs, les travailleurs étaient payés en argent comptant provenant des sommes perçues des ventes. Les salaires apparaissaient seulement au livre de paie.

 

[26]    Durant les périodes en litige, les travailleurs oeuvraient quelques heures de plus que le nombre d'heures requis pour se qualifier à recevoir des prestations d'assurance-emploi. Les travailleurs, selon les pièces I-1 à I-6, travaillaient des semaines pendant lesquelles il n'y avait pas de ventes.

 

[27]    Les payeurs ont déclaré aux enquêteurs que les travailleurs n'ont pas été payés pour certaines heures lorsqu'ils n'étaient pas au livre de paie. D'ailleurs les payeurs ont admis aux enquêteurs que les travailleurs faisaient parfois du bénévolat et qu'ils n'engageraient pas d'autres employés aux mêmes conditions de travail.

 

[28]    Les travailleurs ont demeuré gratuitement dans la résidence située sur la ferme des payeurs pendant les années 1996 et 1997. Les payeurs demeuraient ailleurs, à une distance d'environ 20 minutes en voiture de la ferme.

 

[29]    Ce n'est qu'en 1998 que les travailleurs payaient un loyer au montant de 600 $ par mois, chauffé et éclairé. Les travailleurs avaient le droit de consommé des produits de la ferme sans frais.

 

[30]    Les payeurs ont soumis à l'appréciation de la Cour la décision de la Cour d'appel fédérale dans Théberge c. Canada (ministre du Revenu national - M.R.N.), [2002] A.C.F. no 464, rendue par le juge Décary J.C.A. (motifs dissidents par le juge Noël) qui s'est exprimé ainsi au paragraphe 19 :

 

Ce que fait un prestataire en dehors de la période pendant laquelle il exerce un emploi que le ministre reconnaît être un emploi assurable peut être pertinent aux fins, par exemple, de vérifier son état de chômage, de calculer le montant de ses prestations ou d'établir sa période de chômage.  Aux fins, toutefois, de l'application de l'exclusion prévue à l'alinéa 3(2)c) de la Loi, ce que fait le prestataire en dehors de sa période d'emploi sera de peu de pertinence lorsqu'il n'est pas allégué, comme en l'espèce, que le salaire versé pendant la période d'emploi tenait compte du travail accompli en dehors de cette période, que le demandeur avait inclus dans les heures consacrées à son emploi assurable des heures de travail qu'il avait effectuées en dehors de la période ou encore que du travail accompli en dehors de sa période d'emploi avait été inclus dans le travail accompli pendant sa période d'emploi.  Il me paraît aller de soi, ce que confirme la preuve, que dans le cas d'entreprises familiales consacrées à du travail saisonnier, le peu de travail qu'il reste à faire en dehors de la période active est généralement fait, sans rémunération, par les membres de la famille.  Exclure un emploi saisonnier, dans une entreprise familiale agricole, au motif que la traite des vaches continue à l'année, c'est à toutes fins utiles priver d'assurance-chômage les membres de la famille qui se qualifient en travaillant pendant la période active et c'est ignorer les deux caractéristiques principales d'une telle entreprise, soit son caractère familial et son caractère saisonnier.

 

[31]    Cet arrêt de la Cour d'appel fédérale ne peut s'appliquer dans la cause sous étude. Chaque cas est un cas d'espèce.

 

[32]    La preuve a révélé que la travailleuse Nicole Côté a oeuvré pendant les années antérieures à 1998 sans être rémunérée. Le salaire de Nicole Côté était payé à même les ventes. Par contre, les livres de paies indiquent qu'elle a reçu un salaire pendant les périodes en cause, alors qu'il n'y avait plus de ventes. Les ventes représentaient 90 % du travail de Nicole Côté.

 

[33]    Il en est de même pour le travailleur André Lelièvre. Ce travailleur signait des factures alors qu'il était prestataire d'assurance‑emploi. Nicole Côté signait des factures occasionnellement.

 

[34]    Les payeurs ont admis que les travailleurs ont oeuvré plus d'heures que le nombre inscrit sur les relevés d'emploi. André Lelièvre et Nicole Côté travaillaient, pendant les périodes en cause, sept jours et six jours par semaine respectivement.

 

[35]    Il n'y a aucun document pour prouver le paiement des salaires ou aucun relevé bancaire pour les périodes en litige. Le fait que l'entreprise opérait à perte à chaque année est important. Pourquoi payer des salaires aux travailleurs lorsqu'il n'y a pas de ventes? Je ne crois pas que les payeurs auraient payé des salaires pendant plusieurs semaines alors qu'il n'y avait plus de ventes et surtout lorsque l'entreprise était déficitaire.

 

[36]    Il faut examiner l'ensemble de la preuve, la rétribution, les modalités de l'emploi ainsi que la durée de l'emploi. La preuve a plutôt démontré qu'il y a eu arrangement, afin de donner un supplément aux salaires payés.

 

[37]    Dans l'arrêt Théberge c. Canada précité, le juge Noël s'exprime ainsi au paragraphe 61 de cette décision :

 

D'autre part, une personne qui reçoit des prestations d'assurance-chômage et qui continue de travailler, sans rémunération, après sa cessation d'emploi, fait en sorte que l'employeur bénéficie d'une main-d'oeuvre non rémunérée par lui mais par l'État. Or, l'assurance-chômage n'est pas un programme de soutien à l'entreprise, il s'agit essentiellement d'une mesure sociale protégeant ceux et celles qui, ayant occupé un véritable emploi, l'ont perdu.

 

[38]    Les conditions de travail n'auraient pas été semblables si Nicole Côté, André Lelièvre et les payeurs n'avaient pas eu, entre eux, de lien de dépendance.

 

[39]    Compte tenu de toutes les circonstances de l'espèce, je suis convaincu que les appelants n'ont pas réussi à établir, selon la prépondérance de la preuve, que le Ministre a agi d'une façon capricieuse ou arbitraire.

 

[40]    En conséquence, les emplois exercés par les travailleurs-appelants pendant les périodes en litige, ne sont pas assurables au sens de l'alinéa 5(2)i) et du paragraphe 5(3) de la Loi sur l'assurance-emploi.

 

[41]    Les appels sont rejetés.

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 4e jour de mars 2003.

 

 

« J.F. Somers »

J.S.C.C.I.

 

Jurisprudence consultée

 

Théberge c. Canada (ministre du Revenu national - M.R.N.), [2002] A.C.F. no 464

Dubé c. Canada (ministre du Revenu national – M.R.N.), [2001] A.C.F. no 874

Gray c. Canada (ministre du Revenu national – M.R.N.), [2002] A.C.F. no 158

Canada (Procureur général) c. Jencan Ltd. (C.A.), [1998] 1 C.F. 187

Cantin c. Canada (ministre du Revenu national – M.R.N.), [2002] A.C.I. no 495

2759-4605 Québec Inc. c. Canada (ministre du Revenu national – M.R.N.), [2002] A.C.I. no 566

Bérubé c.Canada (Emploi et Immigration) (C.A.F.), [1990] A.C.F. No 137


RÉFÉRENCE :

2003CCI55

 

No DU DOSSIER DE LA COUR :

2002-2561(EI), 2002-2562(EI) et 2002‑2563(EI)

 

INTITULÉ DE LA CAUSE :

Gaston Lelièvre et Diane Falardeau et

M.R.N.

André Lelièvre et M.R.N. et Gaston Lelièvre et Diane Falardeau

Nicole Côté et M.R.N. et Gaston Lelièvre et Diane Falardeau

 

LIEU DE L'AUDIENCE :

Québec (Québec)

 

DATE DE L'AUDIENCE

Le 28 janvier 2003

 

MOTIFS DE JUGEMENT PAR :

L'honorable juge suppléant

J.F. Somers

 

DATE DU JUGEMENT :

le 4 mars 2003

 

COMPARUTIONS :

 

 

Pour les appelants :

Les appelants eux-mêmes

 

Pour l'intimé :

Me Stéphanie Côté

 

Pour les intervenants :

Les intervenants eux-mêmes

 

AVOCAT(E) INSCRIT(E) AU DOSSIER:

 

Pour les appelants :

 

 

Nom :

 

 

Étude :

 

 

Pour l'intimé :

Morris Rosenberg

Sous-procureur général du Canada

Ottawa, Canada

 

Pour les intervenants :

 

 

Nom :

 

 

Étude :

 

 

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