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Dossier : 2004-4751(IT)G

ENTRE :

KEVIN NEILSON,

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

____________________________________________________________________

Appels entendus le 10 août 2007, à Edmonton (Alberta).

 

Devant : L’honorable juge Campbell J. Miller

 

Comparutions :

 

Avocat de l’appelant :

Me James Yaskowich

Avocate de l’intimée :

Me Margaret McCabe

____________________________________________________________________

 

JUGEMENT

Les appels des nouvelles cotisations établies en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu pour les années d’imposition 1999 et 2000 sont rejetés, et les dépens sont adjugés à l’intimée.

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 29e jour d’août 2007.

 

 

« Campbell J. Miller »

Juge Miller

 

Traduction certifiée conforme

ce 27e jour de septembre 2007.

 

Johanne Brassard, trad. a.


 

 

 

 

Référence : 2007CCI512

Date : 20070829

Dossier : 2004-4751(IT)G

ENTRE :

KEVIN NEILSON,

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

Le juge Miller

 

[1]     Le Dr Kevin Neilson vit à 100 à l’heure, littéralement. Pendant les années frappées d’appel, il était urgentiste à temps plein au University of Alberta Hospital (l’« hôpital ») et directeur médical de STARS (un service d’ambulance aérienne du Nord de l’Alberta). Il conduisait en outre une voiture de course de la série Trans‑Am pour K2 Motor Sport Ltd., une société dont il détenait la moitié des actions. Le Dr Neilson a engagé des dépenses considérables pour la voiture de course en 1999 et en 2000. Dans le cadre d’une entente circulaire, ces dépenses étaient déduites des sommes qu’il devait à nNovation Learning Group (« NLG ») relativement à des travaux qu’il avait commandés, lesquels portaient sur l’élaboration de cours d’enseignement en ligne en matière de médecine d’urgence. Toutes les personnes qui participaient à cet arrangement étaient liées à la famille Neilson. Le ministre du Revenu national (le « ministre ») a refusé les déductions de 173 889 $ en 1999 et de 109 541,89 $ en 2000 au motif que ces montants n’avaient pas été dépensés en vue de tirer un revenu de l’exercice de la médecine. Toutes ces dépenses, à l’exception d’un montant de 4 000 $, étaient liées à la voiture de course.

 


FAITS

 

Exercice de la médecine

 

[2]     Le Dr Neilson travaille comme urgentiste depuis 20 ans à l’hôpital. Il a décrit son rôle comme un rôle [traduction] « à trois volets » : recherche, enseignement et soins aux patients. De concert avec ses collègues urgentistes, il a élaboré, à l’hôpital, un programme systématique de formation des médecins travaillant aux urgences. Le Dr Neilson a reconnu qu’il n’était pas l’un des principaux concepteurs de ce programme. Deux programmes en fait ont été établis : le premier s’adressait aux médecins de famille qui souhaitaient ajouter une expertise en matière d’urgence à l’exercice de leur profession, tandis que le deuxième était strictement réservé aux urgentistes. Le participant qui suivait le premier programme pouvait obtenir une accréditation, le [traduction] « certificat de compétence en médecine d’urgence du Collège des médecins de famille ». Le participant qui suivait le deuxième programme, d’une durée de quatre ans, pouvait obtenir le titre de FRCPC (Associé du Collège royal des médecins et chirurgiens du Canada). Le Dr Neilson se considérait lui‑même comme un [traduction] « dinosaure » parce qu’il n’avait aucune de ces accréditations, même s’il avait participé à la création de ces programmes. Pour cette raison, il a indiqué qu’il occupait un poste quelque peu fragile à l’hôpital en 1999 et en 2000.

 

[3]     En 1999 et en 2000, le Dr Neilson était également le directeur médical de STARS, le programme d’ambulance aérienne du Nord de l’Alberta. Il croyait qu’il devait faire ce genre de choses afin de continuer à enrichir son travail d’urgentiste à l’hôpital.

 

[4]     Le Dr Neilson a indiqué que le volet d’enseignement de son poste n’était pas optimal. J’ai l’impression, d’après le témoignage du Dr Neilson, que cette situation était plus attribuable au stress engendré par le travail au service des urgences qu’à la capacité d’enseigner réelle. L’enseignement était surtout du type formation clinique à l’hôpital, l’étudiant se tenant aux côtés du médecin qui soignait les patients au service des urgences. Comme l’a expliqué le Dr Neilson, le médecin n’avait pas toujours le temps de penser à l’enseignement; il devait accorder son attention au patient.

 

[5]     La mère du Dr Neilson était éducatrice. Le DNeilson avait discuté avec elle de la façon d’améliorer l’enseignement donné aux urgentistes. Il en était venu à la conclusion que la création d’un programme informatique constituerait peut‑être la solution. Il croyait que l’élaboration d’un tel programme lui permettrait d’accomplir trois choses :

 

i)        D’abord et avant tout, protéger son poste d’urgentiste à l’hôpital, malgré l’absence d’accréditation.

 

ii)                 Améliorer en général l’enseignement donné aux urgentistes.

 

iii)               Créer un potentiel de revenu pour l’avenir si le programme était commercialisé avec succès.

 

nNovation Learning Group

 

[6]     La mère du Dr Neilson, Alpha Neilson, et son frère, Kent Neilson, étaient les propriétaires indirects des deux tiers de NLG, laquelle était propriétaire à cent pour cent de NLG (US). Je désignerai les sociétés canadienne et américaine collectivement sous le nom de NLG. NLG a été établie par Altha Neilson. Celle‑ci avait été directrice de l’éducation à Red Deer, en Alberta, et avait travaillé comme éducatrice pendant de nombreuses années. Elle souscrivait pleinement à l’idée de l’apprentissage en ligne à l’intention des éducateurs et avait établi NLG à cette fin, avec son fils Kent. Elle croyait avoir conclu un contrat avec un groupe dénommé Oz News Media, mais ce contrat lucratif était tombé à l’eau. Il lui fallait se constituer une plus vaste clientèle qui, croyait-elle, ne devait pas venir exclusivement du domaine de l’enseignement. En discutant avec le DNeilson, elle s’était rendu compte que faire davantage de publicité auprès de sociétés ou d’entreprises, par exemple dans l’industrie ou dans le domaine médical, était une solution viable. Ses discussions avec le DNeilson l’avaient convaincue qu’elle pourrait trouver des investisseurs si elle plaçait de la publicité sur une voiture de course. Selon le plan d’entreprise de 2000 de NLG, voici en quoi consistaient les activités de commercialisation :

 

[traduction]

- appels directs, publicité imprimée, publipostage, bouche à oreille, participation à des activités communautaires à des fins de réseautage, participation à des conférences et à des conventions et présentation d’exposés à ces occasions, publicité par courriel fondée sur des permissions, publicité en ligne, bouche à oreille fondé sur le Web, publicité croisée.

 

[7]     Après ses discussions avec le Dr Neilson, Alpha Neilson avait également décidé que NLG pourrait élaborer un logiciel pour le Dr Neilson et que celui-ci utiliserait la voiture de course pour faire de la publicité pour elle. NLG n’a conclu, avec K2 Motor Sport, aucun accord écrit en vue d’agir à titre de promoteur de K2 Motor Sport.

 

[8]     En mai 1999, NLG a envoyé au Dr Neilson une proposition intitulée [traduction] « Étude de faisabilité », dans laquelle NLG proposait d’effectuer une étude sur l’élaboration d’un système d’enseignement médical sur Internet (le « SEMI »). La proposition définissait la liste des produits et des services que NLG fournirait au DNeilson au coût de 425 000 $ :

 

[traduction]

*    Coordination et gestion de l’élaboration

 

*    Compilation et édition du contenu des cours

 

*    Graphisme

 

*    Conception de l’interface Web et de la base de données

 

*    Définition du concept

 

*    Programmation

 

*    Navigation

 

*    Création et mise en page des éléments : symboles graphiques, images

 

*    Conception interactive

 

*    Illustrations et textes animés

 

*    Intégration de médias

 

*    Élaboration de l’interface graphique utilisateur

 

*    Conception et élaboration de la base de données évolutive

 

*    Compilation des outils Web d’apprentissage en ligne

 

*    Conception et élaboration de cours de perfectionnement professionnel

 

*    Élaboration d’un logiciel d’analyse

 

*    Capacités de communication.

 

[9]     Le DNeilson n’a pas indiqué qu’il cherchait à concrétiser le SEMI avec l’aide de ses collègues de la University of Alberta. Le SEMI devait être et a été, semble‑t‑il, le projet du Dr Neilson. Il a déclaré que sa participation à l’élaboration du SEMI consistait à s’assurer que le produit final correspondait bien au produit auquel il s’attendait. Ses explications à cet égard étaient quelque peu sommaires.

 

[10]    Selon le Dr Neilson, le projet du SEMI a été élaboré jusqu’à l’étape [traduction] « frontale ». Ce que cette étape comprenait n’est pas très clair. Ce qui est clair, cependant, c’est qu’aucun module médical ou clinique concret n’a été créé. La proposition que NLG avait formulée précisait que le DNeilson demeurerait propriétaire du code source. Exception faite de la proposition, aucun document ne décrit l’entente.

 

[11]    NLG remettait au DNeilson des factures mensuelles régulières, préparées par Kent Neilson, de 10 000 $ ou de 6 000 $. Le DNeilson ne payait pas les factures de NLG par chèque ou en espèces; il payait plutôt les dépenses que K2 Motor Sport engageait pour assurer le fonctionnement d’une voiture de course. NLG commanditait la voiture de course, selon le DNeilson, et avait accepté que le Dr Neilson paie les dépenses liées à la voiture de course en compensation de l’argent qu’il devait à NLG. Cet arrangement avait été établi par le DNeilson.

 

[12]    Les travaux que NLG a exécutés dans le cadre du projet du SEMI étaient, selon Mme Neilson, rudimentaires; il aurait fallu beaucoup plus d’efforts pour élaborer le SEMI. Comme Mme Neilson l’a dit, il fallait perfectionner le SEMI. Elle n’avait pas travaillé elle-même au projet et n’avait donc qu’une idée générale de ce qui avait été accompli. Elle n’a pas pu expliquer en détail dans quelle mesure les travaux énumérés dans la proposition avaient été réellement accomplis. Elle a indiqué que les travaux du côté [traduction] « frontal » étaient plus coûteux, et que ces travaux devaient servir au SEMI et à d’autres programmes.

 

Voiture de course

 

[13]    Le DNeilson et son frère se sont intéressés aux voitures de course à un point tel que, vers la fin des années 90, ils ont tenté de passer du rang des amateurs au rang des professionnels. Ils ont d’abord constitué K2 Motor Sport en société à parts égales. Ils avaient quelques occasions de faire courir leur voiture.  Ils ont décidé de s’inscrire dans la série Trans-Am. Le DNeilson a expliqué que, compte tenu des coûts beaucoup plus élevés du niveau professionnel, ils souhaitaient s’inscrire dans une série qui assurerait une visibilité suffisante pour attirer les commanditaires. La série Trans-Am faisait parler d’elle à la télévision, y compris dans des émissions de la CBS, qui attiraient un nombre considérable de téléspectateurs. Il fallait apposer des décalcomanies publicitaires à des endroits appropriés sur les voitures de la série Trans-Am. Par exemple, le nom de BF Goodrich devait paraître sur le pare-brise de chaque voiture qui participait à une course que l’entreprise commanditait.

 

[14]    Après des discussions entre le Dr Neilson et sa mère, il a été convenu que K2 Motor Sport afficherait le logo de NLG sur sa voiture. Aucun élément de preuve n’indique que cette commandite ait pu entraîner un avantage concret pour NLG. Le DNeilson a affirmé qu’il pouvait en coûter de 40 000 $ à 100 000 $ par course pour commanditer une voiture. Aucun contrat écrit ne définissait les modalités de cette entente de commandite et de publicité.

 

[15]    K2 Motor Sport, NLG et le Dr Neilson avaient conclu une entente, qui prévoyait que le montant prévu au budget pour l’élaboration du SEMI correspondrait au montant nécessaire pour commanditer la voiture de course, et que le DNeilson paierait directement les dépenses liées à la voiture en consignant au fur et à mesure de quelle façon ces coûts compensaient le montant des factures que NLG envoyait au DNeilson. Un registre, faisant état de chaque paiement, a été fourni. Certaines dépenses liées à la voiture n’étaient pas couvertes par cette méthode de paiement. Le Dr Neilson a témoigné qu’il réglait personnellement ces dépenses excédentaires.

 

[16]    La voiture de course de K2 Motor Sport a participé à plusieurs courses en 1999 et en 2000. Dans une de ces courses, il y a eu un accident et la voiture a été démolie, ce qui a mis fin à l’entente tripartite. Le DNeilson a témoigné que l’entente avait également été résiliée parce que la déductibilité des dépenses avait été remise en question. Il a cessé de financer le projet du SEMI.

 

ANALYSE

 

[17]    L’intimée déclare que la question en litige est la suivante : pour les années 1999 et 2000, le DNeilson devrait-il être autorisé à déduire, de son revenu professionnel tiré de l’exercice de la médecine, les dépenses engagées pour faire courir une voiture à des fins sportives? Je ne poserais pas la question ainsi. La question que je propose devrait porter sur la nature des dépenses. Les faits permettent-ils de conclure que les montants qui ont été directement dépensés pour la voiture de course étaient, en réalité, des dépenses engagées pour l’élaboration d’un programme médical, par suite de l’entente tripartite établie par le Dr Neilson? Si les faits appuient une telle conclusion, la question qui est alors soulevée est celle de savoir si ces dépenses constituaient des dépenses courantes, des dépenses en capital ou de simples dépenses personnelles.

 

[18]    L’appelant a dépeint un triangle formé de trois entités ayant chacune un besoin à combler et quelque chose à offrir. Le Dr Neilson avait besoin de protéger son poste, et il avait de l’argent. L’entreprise de sa mère, NLG, avait besoin d’attirer les investisseurs, et elle possédait de l’expertise en élaboration de cours en ligne. K2 Motor Sport avait besoin d’argent, et elle avait la capacité d’offrir de la visibilité aux investisseurs éventuels. Par conséquent, deux ententes ont été conclues : le DNeilson a embauché NLG pour élaborer un programme médical, le SEMI, et NLG a consenti à commanditer K2 Motor Sport. Il n’y avait aucun contrat écrit entre le DNeilson et K2 Motor Sport. Le DNeilson payait simplement les dépenses de K2 Motor Sport, en échange de quoi K2 Motor Sport acceptait de fournir de la publicité à NLG, qui, en retour, effectuait des travaux d’élaboration de logiciel pour le DNeilson. De l’avis de l’appelant, selon cette entente, le Dr Neilson payait les services que lui rendait NLG en assumant l’obligation financière de NLG à l’égard de la commandite de K2 Motor Sport. Certaines raisons m’incitent à avoir des réserves sur ce point de vue :

 

i)        D’abord, aucun contrat écrit n’atteste l’entente conclue entre K2 Motor Sport et NLG. Oui, le DNeilson a mis beaucoup d’argent dans K2 Motor Sport, et oui, K2 Motor Sport a mis des décalcomanies de NLG sur sa voiture; cela dénote certainement un arrangement quelconque. Néanmoins, quelque 300 000 $ étaient en jeu dans cette entente, et rien ne définissait les responsabilités et les engagements respectifs des parties, par exemple la durée de l’entente, le caractère limitatif ou non du financement, les modalités de résiliation du contrat, le nombre de courses dans lesquelles K2 devait faire de la publicité pour NLG, et la liste pourrait s’allonger encore et encore. L’absence de détails et de certitude dans ce contrat donne l’impression qu’il s’agissait simplement d’un entente conclue par commodité.

 

ii)       Deuxièmement, cette impression est renforcée si l’entente est examinée sous l’angle de NLG. Alpha Neilson a témoigné que les activités de NLG s’orientaient principalement vers le secteur de l’éducation. Elle a indiqué qu’elle souhaitait étendre ses activités au domaine médical et même à l’immobilier, mais le seul client du domaine médical qu’elle avait était son fils. Aucun élément de preuve ne permet de croire qu’Alpha Neilson avait des clients dans le domaine de l’immobilier. Elle envisageait peut-être une application plus vaste de son programme d’enseignement en ligne, mais je n’ai pas été convaincu qu’elle concentrait ses efforts afin de percer dans ces secteurs en 1999 et en 2000. Dans le plan d’entreprise de 2000 de NLG, l’accent est clairement mis sur le secteur de l’éducation. Le plan d’entreprise, qui comprenait pourtant une liste exhaustive des activités de commercialisation, ne mentionne pas la publicité faite à l’intention des investisseurs au moyen d’une voiture de course. Mme Neilson a indiqué qu’elle croyait utile de faire de la publicité au moyen de la voiture de course, mais elle n’a produit aucun élément de preuve relatif à des investissements qui auraient pu découler de cette publicité, ni, à plus forte raison, à l’expression d’un quelconque intérêt. La participation de NLG m’apparaît davantage comme une aide que Mme Neilson apportait à son fils, plutôt que comme une obligation qui contraignait NLG à investir des centaines de milliers de dollars dans une voiture de course à des fins de commercialisation.

 

iii)      Troisièmement, en ce qui concerne l’entente conclue entre NLG et le DNeilson, il n’y a pas non plus de contrat signé, en dépit de la proposition formulée par NLG. NLG a certainement fait des factures, et il y avait un registre dans lequel était consigné le montant de ces factures compensé par les dépenses liées à la voiture, ce qui révèle l’existence d’une certaine entente. Néanmoins, aucune directive écrite donnée par NGL n’indiquait au Dr Neilson de régler ses factures en payant K2 Motor Sport. Si la proposition est acceptée comme preuve du contrat, les modalités prévoyaient le paiement 15 jours après la facturation.

 

iv)               Quatrièmement, je n’ai pas été convaincu de l’ampleur des travaux que NLG avait réellement entrepris, le cas échéant, dans le cadre du projet du SEMI. Mme Neilson n’y participait pas elle‑même. Aucune personne ayant pris part aux travaux n’a témoigné. Il n’y a eu aucun rapport d’étape. Je ne dispose que du témoignage de Mme Neilson, selon lequel certains travaux, quoique rudimentaires, avaient été accomplis. Si j’ai bien compris, ces travaux de type [traduction] « frontal » pouvaient s’appliquer de manière générale et n’étaient pas propres au SEMI. On peut donc se demander sérieusement si les paiements que faisait le DNeilson pour l’auto étaient bien en réalité des paiements pour le SEMI.

 

v)                 Finalement, j’ai obtenu la confirmation de la réponse à la question de savoir ce que le DNeilson payait vraiment lorsqu’il engageait des dépenses pour la voiture de course quand le DNeilson a témoigné que l’entente tripartite avait été résiliée pour deux raisons : la destruction de la voiture et la remise en question de l’entente qui permettait la déduction de ces dépenses. Manifestement, le DNeilson n’était pas prêt à investir de l’argent dans le SEMI si cet argent n’était pas affecté à la voiture de course. Sans la voiture de course, le DNeilson n’était pas disposé à continuer de retenir les services de NLG. C’est très révélateur; cela m’a convaincu que le DNeilson ne dépensait pas l’argent pour l’élaboration du SEMI, mais qu’il le faisait plutôt pour sa passion, la course.

 

[19]    L’intimée n’a pas soutenu que cet arrangement était un leurre. La preuve est suffisante pour permettre de conclure qu’il y avait une sorte d’entente entre le DNeilson et NLG et entre NLG et K2 Motor Sport, malgré l’absence d’entente écrite. L’intimée ne semble pas vouloir le nier. Alors, puis-je donc conclure que le Dr Neilson a payé les dépenses à titre d’investisseur dans K2 Motor Sport plutôt que en contrepartie de l’élaboration du SEMI sans devoir me fonder sur la notion du leurre? Je crois que oui, compte tenu d’une des modalités de l’entente conclue entre le DNeilson et NLG, selon laquelle le Dr Neilson exigeait le paiement des dépenses liées à la voiture de course; en fait, selon l’entente elle‑même, NLG devait affecter l’argent à K2 Motor Sport. Il n’y avait pas de leurre; tel était le marché. NLG devait effectivement faire quelque chose relativement au SEMI, mais à mon avis, la preuve permet de conclure que le programme était élaboré à d’autres fins. Le montant que le DNeilson a dépensé ne constituait pas la contrepartie de l’élaboration du programme.

 

[20]    Une fois qu’il a été décidé que les paiements du DNeilson ne s’appliquaient pas au SEMI mais bien à la voiture de course, il s’ensuit que ces dépenses ne sont pas déductibles. L’argumentation de l’intimée portait principalement sur la non‑déductibilité des dépenses liées à la voiture de course de la source de revenu, soit l’exercice de la médecine. Il s’agit là d’une évidence, que l’appelant ne conteste pas. Il n’y a tout bonnement pas de lien entre les dépenses liées à la voiture de course et l’exercice de la médecine. Il n’est pas nécessaire de procéder à une analyse du genre de celle qui a été effectuée dans l’arrêt Stewart[1] pour parvenir à cette conclusion.

 

[21]    Si je fais fausse route dans ma façon de voir l’entente, et si j’en étais arrivé à la conclusion que les efforts que le Dr Neilson avait déployés pour financer ainsi sa passion de façon détournée avaient réussi à créer l’obligation juridique d’affecter le montant en cause au SEMI, le Dr Neilson devrait tout de même surmonter l’obstacle que constitue la nature des dépenses. En passant un marché avec NLG, le Dr Neilson engageait-il une dépense courante déductible? Je conclus que non. L’alinéa 18(1)a) limite la déductibilité des dépenses comme suit :

18(1)    Dans le calcul du revenu du contribuable tiré d'une entreprise ou d'un bien, les éléments suivants ne sont pas déductibles :

 a) les dépenses, sauf dans la mesure où elles ont été engagées ou effectuées par le contribuable en vue de tirer un revenu de l'entreprise ou du bien;

 

[22]    Le DNeilson ne visait pas à tirer un revenu de l’exercice de la médecine en élaborant un programme d’enseignement médical en ligne à l’intention des urgentistes. Son objectif, comme il l’a souligné, était d’abord et avant tout de fournir à l’hôpital quelque chose de plus de façon à ne pas perdre son poste en raison des accréditations qui lui manquaient. Me Yaskowich a soutenu que l’amélioration de l’enseignement de la médecine d’urgence à l’hôpital aurait permis au DNeilson de consacrer plus de temps à des activités qui généraient des revenus. Le Dr Neilson n’a pas indiqué dans son témoignage qu’il visait cet objectif. Je ne crois pas que la proposition de Me Yaskowich découle de la preuve. Je conclus que la mise en œuvre de ce programme en ligne n’aurait eu aucune incidence sur le revenu fondé sur le paiement à l’acte que le Dr Neilson tirait de l’exercice de la médecine.

 

[23]    Le DNeilson a affirmé catégoriquement que les dépenses avaient été engagées en vue d’améliorer ses chances de garder son poste à l’hôpital. Personne de l’hôpital n’est venu témoigner que le poste du DNeilson était menacé. Aucun élément de preuve n’indique que le programme du SEMI ait même déjà été présenté à des responsables de l’hôpital, et encore moins que le résultat de cette présentation ait pu consolider le poste du DNeilson à l’hôpital. Tout cela jette un sérieux doute sur l’objectif énoncé du Dr Neilson, à savoir qu’il ne s’agissait pas d’une affaire personnelle. Toutefois, si j’accepte son témoignage, je considère que l’objectif correspond davantage à une dépense en capital, c’est-à-dire une somme que le Dr Neilson a dépensée en vue de garder son poste à l’hôpital, de maintenir un avantage à long terme durable. Il ne s’agit pas d’une dépense courante engagée en vue de tirer un revenu; il s’agit d’une dépense en capital.

 

[24]    Me Yaskowich s’est appuyé sur les commentaires incidents formulés dans la décision Consumers Software Inc. v. Canada[2] pour avancer que le coût de l’élaboration de produits logiciels, y compris l’acquisition d’un code source, peut être considéré comme une dépense courante. J’en conviens. Dans certaines situations, de telles dépenses peuvent être engagées en vue de tirer un revenu. Ce n’est toutefois pas le cas en l’espèce. Il n’a pas été avancé que le DNeilson essayait de tirer un profit de la vente du SEMI. Tout espoir de commercialisation éventuelle du SEMI était au mieux une illusion : il n’y avait certainement pas de projet d’affaires en ce sens. L’exercice de la médecine constituait la seule source de revenu de laquelle des dépenses pouvaient être déduites. L’appelant n’exploitait aucune autre entreprise qui aurait pu lui permettre de déduire ce type de dépenses.

 

[25]    Finalement, le troisième objectif énoncé par le DNeilson, c’est-à-dire améliorer l’enseignement de la médecine d’urgence, était louable, mais il ne permet pas la déduction de dépenses courantes, selon les exigences énoncées à l’alinéa 18(1)a).

 

[26]    Puisque j’ai conclu que les dépenses du DNeilson n’étaient pas des dépenses courantes, il ne sera pas nécessaire de traiter du caractère raisonnable des dépenses, sauf pour souligner ce que j’ai déjà déclaré dans les présents motifs : le lien de dépendance entre le DNeilson et NLG, l’absence d’éléments de preuve concernant la portée des travaux accomplis dans le cadre du SEMI, l’absence de contrat écrit et de rapport d’étape, l’affectation obligatoire des fonds à la voiture de course et la résiliation de l’entente touchant l’élaboration du SEMI après la destruction de la voiture de course nous permettent de douter sérieusement que la valeur des services rendus par NLG fût égale au montant avancé par le DNeilson.

 

[27]    Pour ces raisons, même si j’avais conclu que les dépenses liées à la voiture de course avaient été engagées aux fins de l’élaboration du SEMI, l’objectif du DNeilson faisait en sorte que ces dépenses étaient des dépenses en capital ou des dépenses personnelles, non déductibles au titre des dépenses courantes.

 

[28]    Pour ce qui est des quelque 4 000 $ de dépenses qui ne se rapportaient pas à la voiture de course, rien dans la preuve ne m’a convaincu qu’il s’agissait de dépenses d’entreprise, plutôt que de dépenses personnelles.

 

[29]    Pour ces motifs, les appels sont rejetés, et les dépens sont adjugés à l’intimée.

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 29e jour d’août 2007.

 

 

« Campbell J. Miller »

Juge Miller

 

Traduction certifiée conforme

ce 27e jour de septembre 2007.

 

Johanne Brassard, trad. a.


RÉFÉRENCE :                                  2007CCI512

 

No DU DOSSIER DE LA COUR :      2004-4751(IT)G

 

INTITULÉ :                                       Kevin Neilson c. La Reine

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                   Edmonton (Alberta)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                 Le 10 août 2007

 

MOTIFS DU JUGEMENT :               L’honorable juge Campbell J. Miller

 

DATE DU JUGEMENT :                   Le 29 août 2007 

 

COMPARUTIONS :

 

Avocat de l’appelant :

Me James Yaskowich

Avocate de l’intimée :

Me Margaret McCabe

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

       Pour l’appelant :

 

                          Nom :                      Me James Yaskowich

 

                          Cabinet :                  Felesky Flynn LLP

 

       Pour l’intimée :                            John H. Sims, c.r.

                                                          Sous-procureur général du Canada

                                                          Ottawa, Canada



[1]               Stewart c. La Reine, [2002] 2 R.C.S. 645.

[2]               [1995] D.T.C. 518.

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