Jugements de la Cour canadienne de l'impôt

Informations sur la décision

Contenu de la décision

 

 

 

 

Dossier : 2007-755(IT)I

ENTRE :

YVON THIBAULT,

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

____________________________________________________________________

Appel entendu le 22 août 2007, à Montréal (Québec)

 

Devant : L'honorable juge Lucie Lamarre

 

Comparutions :

 

Pour l’appelant :

L’appelant lui-même

 

 

Avocate de l’intimée :

Me Chantal Roberge

____________________________________________________________________

 

JUGEMENT

 

          L'appel de la cotisation établie en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu pour l'année d'imposition 2003 est rejeté, selon les motifs de jugement ci-joints.

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 30e jour d’août 2007.

 

 

 

« Lucie Lamarre »

Juge Lamarre

 

 


 

 

 

 

Référence : 2007CCI515

Date : 20070830

Dossier : 2007-755(IT)1

ENTRE :

YVON THIBAULT,

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

La juge Lamarre

 

[1]     L’appelant conteste la cotisation établie par le ministre du Revenu national (« Ministre ») pour l’année d’imposition 2003 par laquelle le Ministre a refusé de considérer comme un gain en capital, le profit de 139 935 $ réalisé par l’appelant à l’égard de transactions boursières. Le Ministre a plutôt considéré ce profit comme un revenu d’entreprise. En conséquence, le report d’une perte en capital pour le même montant provenant d’une année antérieure (1995) a été refusé. Le Ministre a également imposé une pénalité aux termes du paragraphe 163(2) de la Loi de l’impôt sur le revenu (« Loi »), sur la portion du profit qui n’avait pas été inclus par l’appelant dans sa déclaration de revenu, étant donné que ce dernier avait considéré ce profit comme un gain en capital (soit sur 50% de 139 935 $).

 

[2]     Au niveau de l’opposition, l’appelant ne s’était objecté qu’à l’imposition de la pénalité (pièce I‑1, onglet 1). Devant cette Cour, l’appelant conteste également la qualification du profit comme un profit d'entreprise. Il soutient qu'il s'agit plutôt d'un gain en capital, contre lequel il réclame l’application de la perte en capital réalisée en 1995.

 

[3]     L’appelant est agronome et travaille chez Maple Leaf depuis 32 ans. Depuis 2000, il est vice-président d’une division de cette entreprise « Shur‑Gain Quebec ». Tous les directeurs de cette division dans la province de Québec se rapportent à lui pour tout ce qui touche l’administration, la production, les ventes et tout ce qui est relié au plan d’affaires de cette entreprise. Au cours des années 2002 et 2004, il a reçu une rémunération annuelle de cette entreprise variant de 210 000 $ à 240 000 $.

 

[4]     Depuis 1986, l’appelant investit personnellement dans les valeurs mobilières. Il dit être autodidacte dans ce domaine et y a pris goût au fil des années, au point d’y investir une grande partie de son temps. De 1987 à 1997, il a subi des pertes reliées à ces transactions boursières totalisant environ 738 550 $. Il a réclamé ces pertes comme des pertes autres qu’en capital à l’encontre de ses autres revenus. Il avait été recotisé une première fois en 1989 pour l’année d’imposition 1987 et il avait su convaincre le Ministre à ce moment qu’il s’agissait bien de pertes autres qu’en capital. Compte tenu des pertes à répétition, il fut recotisé en 1999 pour les années d’imposition 1995, 1996 et 1997. À ce moment, le Ministre considéra que l’appelant n’avait pas démontré qu’il avait un espoir raisonnable de profit et considéra les pertes réclamées comme des pertes en capital. L’appelant s’était opposé et le 25 mai 2000, une entente fut signée par laquelle l’appelant acceptait de considérer la perte subie en 1995 comme une perte en capital, et le Ministre acceptait de considérer les pertes pour les années 1996 et 1997 comme des pertes autres qu’en capital (pièce I‑1, onglet 7). Il semble que le Ministre se soit rallié à l'argument de l'appelant pour les années 1996 et 1997, à savoir que les pertes subies pour ces années étaient autres qu’en capital, puisque ce dernier avait réalisé un profit sur ses transactions boursières au cours des années 1998 et 1999, qu’il avait déclaré comme du revenu d’entreprise dans ses déclarations de revenu.

 

[5]     Paradoxalement, suite à l’entente du 25 mai 2000, l’appelant écrivait à l’Agence du Revenu du Canada (« ARC ») en date du 3 août 2000, et demandait à ce qu’on considère le profit qu’il avait déclaré comme un revenu d’entreprise en 1998 et 1999 comme un gain en capital afin qu’il puisse éponger la perte en capital de 1995.

 

[6]     Le 20 mars 2001, l’ARC répondait à l’appelant qu’on avait accepté de considérer les pertes de 1996 et 1997 comme des pertes autres qu’en capital précisément parce que l’appelant avait déclaré un profit d’entreprise en 1998 et 1999. Il était donc hors de question de considérer le profit réalisé en 1998 et 1999 autrement que du revenu d’entreprise.

 

[7]     Le profit était de 78 372 $ en 1998 et de 84 023 $ en 1999.

 

[8]     Au cours des années 2000, 2001 et 2002, l’appelant a, à nouveau, subi des pertes totalisant 495 833 $ qu’il a réclamées comme pertes autres qu’en capital à l’encontre de ses autres revenus. En 2003, l’appelant a réalisé un profit de 139 935 $ et a décidé de le déclarer comme un gain en capital afin d’éponger sa perte en capital de 1995. En 2004, l’appelant a, à nouveau, subi une perte de 152 534 $ qu’il a déduit comme perte autre qu’en capital.

 

[9]     C’est le profit de 139 135 $ réalisé en 2003 que le Ministre considère comme du revenu d’entreprise et qui est en litige devant moi. Compte tenu de l’historique du dossier, le Ministre soutient que l’appelant tente de tirer avantage en déclarant ce profit comme un gain en capital imposable à 50% alors qu'il a toujours réclamé les pertes comme des pertes autres qu’en capital déductibles à 100% contre tout autre revenu (une perte en capital n’étant déductible qu’à 50% à l’encontre d’un gain en capital seulement). Compte tenu de l’attitude adoptée par l’appelant, le Ministre a considéré qu’en 2003 l’appelant avait sciemment ou dans des circonstances équivalant à faute lourde, fait un faux énoncé dans sa déclaration de revenu en déclarant un gain en capital qu’il a annulé par le report de la perte en capital réalisée en 1995. Il a donc appliqué la pénalité imposée en vertu du paragraphe 163(2) de la Loi sur la portion non imposable du gain en capital reporté par l’appelant (soit sur 50% x 139 935 $).

 

[10]    À mon avis, le Ministre n’a pas erré en recotisant l’appelant comme il l’a fait. D’une part, l’appelant se considérait lui‑même comme exploitant une entreprise dans le domaine d’achats et de vente d’actions, et ce, depuis 1986, tel qu’il l’indique lui-même dans une lettre qu’il a joint à toutes ses déclarations de revenu à l’exception de l’année 2003. Il s’était d’ailleurs enregistré au bureau du protonotaire du district de Longueuil le 13 janvier 1989, comme faisant affaires dans le domaine de transactions mobilières à compter du 1er janvier 1989. La question à savoir si l’appelant exploitait réellement une entreprise à cet égard a été débattue à deux reprises avec le Ministre et à l’exception de l’année 1995, le Ministre a accepté la position de l’appelant qu’il exploitait une entreprise. Cette position fut finalement acceptée par le Ministre compte tenu du nombre important et de la valeur élevée des transactions boursières effectuées par l’appelant au cours des années. Également, l’appelant avait mis en preuve qu’il investissait sur marge, dans des titres hautement spéculatifs, et que la période de détention des titres était très courte (entre 2 à 37 jours environ). Puisque l’appelant avait démontré des profits en 1998 et 1999, le Ministre a accepté de considérer que l’appelant transigeait dans les valeurs mobilières avec l’espoir raisonnable d’en tirer un profit au cours des années 1996 et 1997. Le Ministre en a conclu qu'il exploitait une entreprise au cours de ces années.

 

[11]    Par la suite, l’appelant a subi à nouveau des pertes et le Ministre est resté constant avec sa décision antérieure en acceptant ces pertes comme des pertes autres qu’en capital.

 

[12]    On ne peut en dire de même de l’appelant qui aussitôt le règlement obtenu pour les années 1995 à 1997, s’est viré de bord et a demandé de reconsidérer le profit réalisé en 1998 et 1999 comme un gain en capital, alors qu’il avait argumenté quelques mois auparavant avec succès qu’il exploitait une entreprise au cours de ces années. En 2003, il a renouvelé le même scénario. Il a expliqué à la Cour que c’était ce qu’il avait compris du règlement antérieur, à savoir que dès qu’il réaliserait un profit, il pourrait le déclarer comme un gain en capital afin d'éponger sa perte en capital de 1995.

 

[13]    En 2004, l’appelant dit à nouveau exploiter une entreprise alors qu’il subit une perte.

 

[14]    L’appelant est trop intelligent pour savoir qu’il ne peut jouer ainsi sur deux tableaux. Il a fait son lit et a agi comme quelqu’un exploitant un commerce de transactions en valeurs mobilières. Cette position a finalement été acceptée par le Ministre. L’appelant ne m’a pas convaincu qu’il avait changé sa façon de faire en 2003. S’il y a eu un changement, c’est plutôt dans le sens où il a effectué un plus grand nombre de transactions en 2003. À mon avis, il est maintenant mal placé pour argumenter qu’il avait converti son commerce en simple investissement au cours de l'année 2003, pour ensuite invoquer à nouveau qu'il exploitait une entreprise en 2004.

 

[15]    Quant à la pénalité, à mon avis, elle est justifiée. L’appelant a pris avantage de ses pertes au cours des années pour réduire son fardeau fiscal sur ses autres revenus. Lorsqu’il réalise un profit, il invoque qu’il n’est pas en entreprise. L’appelant dit qu’il avait compris du règlement signé en 2000 qu’il pouvait considérer le profit d’une année ultérieure comme un gain en capital afin d’éponger sa perte en capital de 1995. Si c’est ce qu’il avait compris, il avait déjà fait la démarche pour tenter de modifier son profit d’entreprise en gain en capital pour les années 1998 et 1999. Le Ministre lui a clairement indiqué que ce n’était pas possible. L’appelant ne peut prétendre à nouveau en 2003 qu’il avait mal interprété le règlement signé en 2000. Il a clairement dit qu’il avait déclaré un gain en capital pour le réduire à néant en appliquant la perte en capital. Comme je l’ai dit plus haut, l’appelant ne peut jouer sur tous les tableaux. Il était conscient qu’il rencontrait la majorité des critères pour être considéré comme exploitant une entreprise, d’autant que s’il avait changé sa façon d’agir en 2003, ce n’était que pour augmenter le nombre de transactions, au cours des derniers mois de l'année.

 

[16]    L’appelant ne pouvait pas ne pas savoir que le profit réalisé était un profit d’entreprise.

 

[17]    Je suis d’avis que le Ministre a démontré que l’appelant a sciemment ou dans des circonstances équivalant à faute lourde fait un faux énoncé en déclarant le profit comme un gain en capital en 2003.

 

[18]    L’appel est rejeté.

 

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 30e jour d’août 2007.

 

 

 

« Lucie Lamarre »

Juge Lamarre

 

 


RÉFÉRENCE :                                  2007CCI515

 

Nº DU DOSSIER DE LA COUR :      2007-755 (IT)1

 

INTITULÉ DE LA CAUSE :              YVON THIBAULT ET SA MAJESTÉ LA REINE

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                   Montréal (Québec)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                 le 22 août 2007

 

MOTIFS DU JUGEMENT PAR :       L'honorable juge Lucie Lamarre

 

DATE DU JUGEMENT :                   le 30 août 2007

 

COMPARUTIONS :

 

Pour l’appelant :

L’appelant lui-même

 

 

Avocate de l’intimée :

Me Chantal Roberge

 

AVOCAT INSCRIT AU DOSSIER :

 

       Pour :

 

                     Nom :                           

 

                 Cabinet :

 

       Pour l’intimée :                            John H. Sims, c.r.

                                                          Sous-procureur général du Canada

                                                          Ottawa, Canada

 

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.