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Dossier : 2006-2657(IT)I

ENTRE :

FRANÇOIS VIGEANT,

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

____________________________________________________________________

Appels entendus le 26 juin 2007, à Montréal (Québec)

Devant : L'honorable juge Paul Bédard

Comparutions :

 

Pour l'appelant :

L'appelant lui-même

Représentante de l'intimée :

Nadia Golmier, stagiaire en droit

____________________________________________________________________

JUGEMENT

 

          La Cour rejette l'appel interjeté à l'encontre de la nouvelle détermination du 20 février 2006, par laquelle le ministre du Revenu national (le « ministre ») a révisé les prestations fiscales pour enfants de l’appelant, pour les périodes de septembre 2004 à février 2005 et de septembre 2005 à janvier 2006, et a déterminé que l’appelant n’avait pas droit au montant de 2 561,73 $ pour l’année de base 2003 et de 2 028,38 $ pour l’année de base 2004.

 

          La Cour rejette l’appel interjeté à l’encontre de la nouvelle détermination du 27 janvier 2006, par laquelle le ministre a révisé le crédit pour la taxe sur produits et les services de l’appelant, pour les périodes d'octobre 2004 à janvier 2005 et d'octobre 2005 à janvier 2006, et a déterminé que l’appelant n’avait pas droit au montant de 171 $ pour l’année d’imposition 2003 et de 173,50 $ pour l’année d’imposition 2004.

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 10e jour de septembre 2007.

 

« Paul Bédard »

Juge Bédard


 

 

 

Référence : 2007CCI492

Date : 20070910

Dossier : 2006-2657(IT)I

ENTRE :

 

FRANÇOIS VIGEANT,

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

 

 

Le juge Bédard

 

 

[1]     Le ministre du Revenu national (le « ministre ») a révisé, par avis de nouvelle détermination daté du 20 février 2006, les prestations fiscales pour enfant de l’appelant, pour les périodes de septembre 2004 à février 2005 et de septembre 2005 à janvier 2006, et a déterminé que l’appelant n’avait pas droit au montant de 2 561,73 $ pour l’année de base 2003 et de 2 028,38 $ pour l’année de base 2004.

 

[2]     Le ministre a aussi révisé, par avis de nouvelle détermination daté du 27 janvier 2006, le crédit pour la taxe sur les produits et services de l’appelant, pour les périodes d'octobre 2004 à janvier 2005 et d'octobre 2005 à janvier 2006, et a déterminé que l’appelant n’avait pas droit au montant de 171 $ pour l’année d’imposition 2003 et de 173,50 $ pour l’année d’imposition 2004.

 

[3]     L’appelant en appelle, selon la procédure informelle, de ces nouvelles déterminations.

 

[4]     Le 13 mars 2006 ou vers cette date, l’appelant a signifié au ministre un avis d’opposition à l’encontre de la nouvelle détermination du 20 février 2006 quant aux années de base 2003 et 2004.

 

[5]     Le 27 juin 2006, le ministre a ratifié la nouvelle détermination du 20 février 2006.

 

[6]     Je souligne immédiatement que l’appelant n’a pas signifié au ministre un avis d’opposition à l’encontre de la nouvelle détermination du 27 janvier 2006, pour les années d’imposition 2003 et 2004. Par conséquent, l’appelant ne pouvait en appeler de la nouvelle détermination du 27 janvier 2006 relativement au crédit pour la taxe sur les produits et services.

 

[7]     En l’espèce, la seule question en litige consistait à déterminer si l’appelant était le particulier admissible au sens de l’article 122.6 de la Loi de l’impôt sur le revenu (la « Loi ») pour les périodes de septembre 2004 à février 2005 et de septembre 2005 à janvier 2006.

 

 

Les faits

 

[8]     L’appelant et madame Nina Messier sont les parents de Sarah Vigeant née le 11 octobre 1996 et de Maude Vigeant née le 22 mars 1999. Depuis leur séparation, l’appelant et madame Messier ont la garde partagée des enfants. En fait, depuis septembre 2004, les enfants sont avec leur mère du lundi matin à 8 h 30 au vendredi matin à 8 h 30 et avec leur père (l’appelant) du vendredi matin à 8 h 30 au lundi matin à 8 h 30. Enfin, au cours des périodes en litige, l’appelant et madame Messier n’avaient pas d’entente sur le partage des prestations fiscales pour enfants.

 

 

Le droit

 

[9]     La définition de « particulier admissible » à l'article 122.6 de la Loi était, à l'époque, ainsi rédigée :

 

« particulier admissible »

 

S'agissant, à un moment donné, du particulier admissible à l'égard d'une personne à charge admissible, personne qui répond aux conditions suivantes à ce moment :

 

a)  elle réside avec la personne à charge;

 

b)  elle est la personne ‑ père ou mère de la personne à charge ‑ qui assume principalement la responsabilité pour le soin et l'éducation de cette dernière;

 

c)  elle réside au Canada ou, si elle est l’époux ou le conjoint de fait visé d'une personne qui est réputée, par le paragraphe 250(1), résider au Canada tout au long de l'année d'imposition qui comprend ce moment, y a résidé au cours d'une année d'imposition antérieure;

 

d)  elle n'est pas visée aux alinéas 149(1)a) ou b);

 

e)  elle est, ou son époux ou conjoint de fait visé est, soit citoyen canadien, soit :

 

(i)         résident permanent au sens du paragraphe 2(1) de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés,

 

(ii)        résident temporaire ou titulaire d’un permis de séjour temporaire visés par la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés ayant résidé au Canada durant la période de 18 mois précédant ce moment,

 

(iii)       personne protégée au titre de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés,

 

(iv)       quelqu’un qui fait partie d’une catégorie précisée dans le Règlement sur les catégories d’immigrants précisées pour des motifs d’ordre humanitaire pris en application de la Loi sur l’immigration.

 

Pour l'application de la présente définition :

 

f)  si la personne à charge réside avec sa mère, la personne qui assume principalement la responsabilité pour le soin et l'éducation de la personne à charge est présumée être la mère;

 

g)  la présomption visée à l'alinéa f) ne s'applique pas dans les circonstances prévues par règlement;

 

h)  les critères prévus par règlement serviront à déterminer en quoi consistent le soin et l'éducation d'une personne.

 

 

[10]    Pour l'application des alinéas g) et h) de la définition de « particulier admissible » à l'article 122.6 de la Loi, les articles 6301 et 6302 de la partie LXIII du Règlement de l'impôt sur le revenu (le « Règlement ») prévoient ce qui suit :

 

NON-APPLICATION DE LA PRÉSOMPTION

 

6301.   (1) Pour l'application de l'alinéa g) de la définition de « particulier admissible » à l'article 122.6 de la Loi, la présomption mentionnée à l'alinéa f) de cette définition ne s'applique pas dans les circonstances suivantes :

 

a)         la mère de la personne à charge admissible déclare par écrit au ministre qu'elle réside avec le père de cette personne et qu'il est celui qui assume principalement la responsabilité pour le soin et l'éducation de chacune des personnes à charge admissibles avec lesquelles les deux résident;

 

b)         la mère est une personne à charge admissible d'un particulier admissible et chacun d'eux présente un avis au ministre conformément au paragraphe 122.62(1) de la Loi à l'égard de la même personne à charge admissible;

 

c)         la personne à charge admissible a plus d'une mère avec qui elle réside et chacune des mères présente un avis au ministre conformément au paragraphe 122.62(1) de la Loi à l'égard de la personne à charge admissible;

 

d)         plus d'une personne présente un avis au ministre conformément au paragraphe 122.62(1) de la Loi à l'égard de la même personne à charge admissible qui réside avec chacune d'elles à des endroits différents.

 

            (2) Il demeure entendu qu'est assimilée à la personne qui présente un avis visé aux alinéas (1)b), c) ou d) la personne qui, en vertu du paragraphe 122.62(3) de la Loi, est soustraite à l'obligation de présenter un tel avis.

 

CRITÈRES

 

6302.   Pour l'application de l'alinéa h) de la définition de « particulier admissible » à l'article 122.6 de la Loi, les critères suivants servent à déterminer en quoi consistent le soin et l'éducation d'une personne à charge admissible :

 

a)         le fait de surveiller les activités quotidiennes de la personne à charge admissible et de voir à ses besoins quotidiens;

 

b)         le maintien d'un milieu sécuritaire là où elle réside;

 

c)         l'obtention de soins médicaux pour elle à intervalles réguliers et en cas de besoin, ainsi que son transport aux endroits où ces soins sont offerts;

 

d)         l'organisation pour elle d'activités éducatives, récréatives, athlétiques ou semblables, sa participation à de telles activités et son transport à cette fin;

 

e)         le fait de subvenir à ses besoins lorsqu'elle est malade ou a besoin de l'assistance d'une autre personne;

 

f)          le fait de veiller à son hygiène corporelle de façon régulière;

 

g)         de façon générale, le fait d'être présent auprès d'elle et de la guider;

 

h)         l'existence d'une ordonnance rendue à son égard par un tribunal qui est valide dans la juridiction où elle réside.

 

 

[11]    On doit ainsi comprendre de la formule de calcul du montant des prestations payables qui se trouve à l’article 122.61 de la Loi que la période minimale, aux fins du paiement de prestations, est d’un mois et que des prestations d'un montant correspondant à un mois doivent être versées à quiconque était le particulier admissible au début du mois, c’est‑à‑dire à la personne qui résidait avec la personne à charge au début du mois et qui assumait principalement à cette date la responsabilité pour le soin et l’éducation de cette dernière.

 

[12]    Bien que la Loi prévoie qu’un seul des deux parents est le « particulier admissible » au cours d’un mois donné, l’Agence des douanes et du revenu du Canada (l'« Agence ») a élaboré une politique d’admissibilité partagée qui reconnaît qu’il peut y avoir, en cas de garde partagée, deux particuliers admissibles pour le même enfant. Ainsi, l’Agence permet à chaque parent d'avoir droit à la prestation pendant six mois à tour de rôle, et ce, tant et aussi longtemps que les deux parents s’entendent pour partager la prestation sur une base semestrielle ou encore tant et aussi longtemps qu’un des parents n'en appelle pas, à la division des appels de l’Agence, de la première détermination de l’Agence que les deux parents étaient tous les deux des particuliers admissibles pour le même enfant. En pareil cas, il semblerait que la division des appels de l’Agence applique strictement la Loi et qu’elle détermine ainsi lequel des deux parents est le « particulier admissible ».

 

 

Analyse et conclusion

 

[13]    Il convient de souligner que seul l’appelant a témoigné à l’appui de sa position et qu’il n’a déposé aucune preuve documentaire en ce qui a trait à la condition énoncée au paragraphe b) de la définition de « particulier admissible », c’est‑à‑dire que le parent de la personne à charge admissible doit être celui qui assume principalement la responsabilité pour le soin et l’éducation de cette dernière, tout en tenant compte des critères établis à l’article 6302 du Règlement. Le témoignage de l’appelant fut tout aussi muet à cet égard. Dans la présente affaire, l'appelant avait le fardeau de démontrer que les soins et l'éducation des enfants n'étaient pas principalement assurés par la mère des enfants, mais plutôt par lui. Il ne l'a pas fait. Par conséquent, je suis d'avis que le ministre était en droit de réviser les prestations fiscales pour enfants pour les périodes pertinentes et de déterminer que l’appelant n’avait pas droit au montant de 2 561,73 $ pour l’année de base 2003 et de 2 028,38 $ pour l’année de base 2004.

 

[14]    En l’espèce, l’appelant était surtout intéressé à ce que je condamne et déclare illégale la politique administrative de l’Agence. À cet égard, l’appelant soutient que seul le législateur peut prévoir le partage proportionnel de la prestation fiscale pour enfants. L’appelant a expliqué que sa demande à la Cour de déclarer illégale la politique administrative de l’Agence visait surtout à forcer le législateur à apporter les changements législatifs qui s’imposent pour assurer un partage équitable de la prestation fiscale pour enfants, notamment lorsqu'il y a acrimonie entre les parents qui ont la garde partagée des enfants, acrimonie qui rend impossible le partage de la prestation sur une base semestrielle. En effet, l’appelant est convaincu que, si l’Agence ne pouvait plus satisfaire aux souhaits des parents qui s’entendent pour partager une telle prestation sur une base semestrielle, ces derniers se révolteraient et mettraient ainsi la pression nécessaire sur le législateur pour qu’il apporte les changements législatifs qui s'imposent pour que la prestation fiscale pour enfants puisse finalement être partagée de façon équitable par tous les parents qui ont la garde partagée de leurs enfants, qu'il y ait acrimonie ou non.

 

[15]    Je tiens d’abord à souligner que je n’ai pas la compétence pour demander à l’Agence de cesser de pratiquer une telle politique administrative qui, je l’accorde, va à l’encontre de la Loi. Essentiellement, la compétence de la Cour lorsqu’elle est saisie d’un appel visant la Loi consiste uniquement à statuer sur cet appel :

 

a) en le rejetant;

 

b) en l’admettant et en :

 

i)        annulant la cotisation;

ii)       modifiant la cotisation;

iii)     en déférant la cotisation au ministre pour nouvel examen et nouvelle cotisation.

 

 

[16]    J’hésite à condamner la pratique administrative de l'Agence parce qu’elle sert tout au moins les intérêts des deux parents qui s’entendent pour partager la prestation fiscale pour enfants sur une base semestrielle. Toutefois, il m’apparaît évident que certains changements législatifs s’imposent. Dans les cas où il y a garde partagée ou conjointe (ce qui n’a rien à voir avec les droits d’accès ou de visite raisonnables ou structurés d'autrefois), il ne serait pas difficile de prévoir le partage de la prestation fiscale pour enfants à certaines conditions. Le partage effectué par le ministre sur le fondement de la preuve présentée s’appliquerait jusqu’à ce qu’il soit modifié par un tribunal d’appel. Ces décisions prises après examen des faits fournis par les parties dans des questionnaires ou par d’autres moyens de communication donneraient probablement lieu à très peu de litiges.

 

[17]    Pour ces motifs, les appels sont rejetés.

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 10e jour de septembre 2007.

 

 

 

« Paul Bédard »

Juge Bédard


RÉFÉRENCE :                                  2007CCI492

 

Nº DU DOSSIER DE LA COUR :      2006-2657(IT)I

 

INTITULÉ DE LA CAUSE :              François Vigeant et Sa Majesté La Reine

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                   Montréal (Québec)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                 le 26 juin 2007

 

MOTIFS DU JUGEMENT PAR :       L'honorable juge Paul Bédard

 

DATE DU JUGEMENT :                   le 10 septembre 2007

 

COMPARUTIONS :

 

Pour l'appelant :

L'appelant lui-même

Représentante de l'intimée :

Nadia Golmier, stagiaire en droit

 

AVOCAT(E) INSCRIT(E) AU DOSSIER :

 

       Pour l'appelant:

 

       Pour l’intimée :                            John H. Sims, c.r.

                                                          Sous-procureur général du Canada

                                                          Ottawa, Canada

 

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